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Archive pour mai, 2014

Duel au soleil (Duel in the sun) – de King Vidor (et William Dieterle, Otto Brower, B. Reeves Eason, Chester Franklin, Josef Von Sternberg, Hal Kern et William Cameron Menzies) – 1946

Posté : 22 mai, 2014 @ 2:07 dans 1940-1949, BROWER Otto, DIETERLE William, EASON B. Reeves, FRANKLIN Chester M., KERN Hal, MENZIES William Cameron, VIDOR King, VON STERNBERG Josef, WESTERNS | Pas de commentaires »

Duel au soleil

Signé King Vidor, ce monument du western est sans doute, avant tout, l’œuvre du producteur David O. Selznick, comme Autant en emporte le vent quelques années plus tôt. Duel au soleil est en tout cas un exemple extrême mais passionnant de ce qu’était la paternité d’un film durant la grande époque des studios hollywoodiens. Vidor, qui a fini par quitter le tournage (au très long cours) suite à ses innombrables désaccords avec Selznick, a certes réalisé la plus grande partie du film. Mais il n’est pas le seul réalisateur à y avoir travaillé : William Dieterle en a probablement réalisé une partie non négligeable, tout comme Otto Bower. Et d’autres ont réalisés quelques scènes, ou quelques plans : William Cameron Menzies, Chester Franklin, Hal Kern, B. Reeves Eason, et même Josef Von Sternberg.

Mais les décisions, c’était bien Selznick qui les prenait, transformant peu à peu ce qui devait être un petit western tragique et romanesque en une immense fresque démesurée, que le producteur voyait comme le pendant westernien de Gone with the wind. Une œuvre marquée par la fascination que le producteur avait pour son actrice – et fiancée – Jennifer Jones, magnifiée et d’une sensualité torride tout au long d’un film gorgé de soleil, de désir et de sang.

C’est la quintessence du grand spectacle. Avec ce film, Selznik et Vidor (même s’il ne peut être considéré comme l’auteur du film, le réalisateur a donné une forme aux visions du producteur) ont pris le parti de ne pas tourner le dos aux poncifs hollywoodiens, mais au contraire de les prendre à bras le corps et de les élever au rang de grand art. On a ainsi droit à des couchers de soleil d’un rouge éclatant, à une musique tonitruante et romantique (partition impressionnante de Dimitri Tiomkin), à des histoires d’amour à mort…

A la vraisemblance, producteur et réalisateurs préfèrent le spectaculaire, transformant la moindre scène en ce qui pourrait être l’apothéose du film. Une séquence aussi anodine que l’arrivée de Pearl (Jennifer Jones) dans le ranch devient un passage grandiose à la Rebecca (une autre production Selznick). Un simple gros plan de Joseph Cotten et sa fiancée (Joan Tetzel) devient un grand moment de cinéma : la caméra ne bouge pas, mais le train sur lequel ils se trouvent se met en route et s’éloigne, transformant le gros plan en un beau plan large…

Tout est exagéré dans le film : chaque éclairage, chaque plan, les vastes mouvements de caméras qui soulignent l’ampleur de l’entreprise (la scène du saloon au début du film, l’arrivée du chemin de fer, la grande fête dans le domaine…), la présence de centaines de figurants dans certaines scènes, les émotions, les situations, les sentiments, et même ce final mythique qui flirte constamment avec le ridicule.

Sauf que rien n’est ridicule bien sûr, et tout est sublime, déchirant. Bouleversante, l’histoire de cette métisse, Pearl, tiraillée entre sa volonté de mener une vie honnête auprès du gentil frère (Cotten) et son désir presque animal pour cet autre frère rustre et brutal (Gregory Peck), luttant entre le modèle de ce père droit et aimant mort pour sauver son honneur (Herbert Marshall) et l’héritage de cette mère aux mœurs légères qui couchait avec le premier venu.

De ce western à l’histoire finalement assez classique, Selznick & co tirent une sorte de tragédie shakespearienne bouleversante qui est aussi un condensé magnifié de ce que sait faire l’usine à rêve hollywoodienne. Ce n’est pas un hasard si le casting réunit à la fois de jeunes stars en vogue des années 40 (Jennifer Jones, Gregory Peck, Joseph Cotten), et des mythes des premières années d’Hollywood (Lillian Gish, Harry Carey, Lionel Barrymore). Une somme, et un chef d’œuvre…

Il était un père (Chichi ariki) – de Yasujiro Ozu – 1942

Posté : 22 mai, 2014 @ 2:00 dans 1940-1949, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

Il était un père

Ozu signe une œuvre magnifique sur les liens entre un fils et son père. Un film d’une douceur extrême dominé par un sentiment d’amour filial éperdu d’une pureté et d’une beauté qui déchirent le cœur.
Après la mort de l’un de ses élèves lors d’un voyage scolaire, un professeur démissionne et se retire dans sa province natale. Il envoie son jeune fils, âgé d’une dizaine d’années, étudier dans la grande ville, tandis que lui retrouve un travail qui lui permet d’assumer l’éducation de son fils. Les années passent, et le fils n’a qu’un rêve : vivre avec son père.

Ozu a sans doute mis beaucoup de lui-même dans ce film, s’inspirant visiblement de sa propre expérience : son père l’avait envoyé étudier à Kyoto lorsqu’il avait 10 ans, et le jeune Yasujiro est resté en pension pendant dix années, ne retrouvant le cercle familial que lorsqu’il a eu 21 ans. Cet éloignement a-t-il eu une influence sur l’univers de Ozu, le cinéaste de la famille ? Il en a en tout cas eu un pour ce film, entièrement basé sur cette relation filiale à distance, qui est aussi l’histoire d’un passage : celui de l’enfance à l’âge adulte.

Cette relation père-fils est bouleversante, alors même que Ozu semble tout faire pour éviter l’émotion trop facile, et les rebondissements romanesques. La mort même de l’étudiant, pourtant tragique et à l’origine de cet éloignement, est ainsi filmé avec une pudeur et une économie de moyens étonnants : une série de plans quasi muets, qui se clôt par une vue de l’embarcation retournée sur le lac.

De la même manière, le père et son fils sont filmés avec une sublime simplicité, qui souligne constamment la pureté de leur amour. Lorsque ces deux-là son ensemble, le temps semble s’arrêter autour d’eux : les scènes de pêche à la ligne le montrent bien, symboles même de l’innocence perdue de l’enfance pour ce fils qui grandit loin de son père.

A grand coup d’ellipses audacieuses, Ozu filme le poids du temps qui passe, cruel lorsqu’il se met entre le père et son fils. Avec toujours ces plans sur des objets quotidiens qui soulignent la fugacité de ce qui se passe, et l’inéluctabilité de la fin.

Le film raconte une vie de sacrifice, celle d’un père qui cherche constamment à s’effacer pour laisser son fils trouver sa place dans la société, alors que ce fils ne vit que dans le souvenir de son enfance insouciante auprès de ce père qu’il chérit et idéalise sans doute, comme il idéalise ces parties de pêche éphémères. L’amour et la douleur ne sont jamais très loin, dans ce qui est sans doute l’une des œuvres les plus personnelles et les touchantes d’Ozu.

• Beaucoup de bonus passionnants pour ce film qui fait partie du coffret de 14 films d’Ozu édité chez Carlotta : des présentations et analyses par la traductrice Catherine Cadou, le critique Jean-Michel Frodon et le spécialiste Jean Douchet. A voir aussi, un beau portrait de Chisu Ryu, l’acteur fétiche d’Ozu, le père d’Il était un père.

La Danse du Lion (Kagamijishi) – de Yasujiro Ozu – 1935

Posté : 22 mai, 2014 @ 1:57 dans 1930-1939, COURTS MÉTRAGES, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

La Danse du Lion

Influencé par le cinéma américain à ses débuts, Ozu n’en est pas moins un cinéaste purement japonais qui a toujours inscrit ses films dans la culture de son pays. En 1935, il a déjà une solide carrière derrière lui, mais reste toujours fidèle au muet, contrairement à la plupart de ses compatriotes.

Ce court métrage semble être sa première incursion dans le cinéma « parlant » (il faudra attendre l’année suivante et Le Fils unique pour qu’il signe son premier long parlant). Musical, plutôt, puisqu’il s’agit de la « captation », comme on ne disait pas encore, de la « Danse du Lion » interprétée par Kikugorô Onoe VI, présenté comme l’acteur de kabuki le plus talentueux de sa génération.

Ozu ne s’est pas contenté de poser sa caméra au fond du théâtre : il y a là un vrai travail de cadrage et de montage pour communiquer le rythme du spectacle. La beauté de la danse et le talent de kikugorô Onoe sont assez difficiles à saisir pour un regard occidental peu habitué à ce genre de spectacle. Mais l’étrangeté des images et le rythme de la musique fascinent.

La voix off qui présente l’acteur-danseur et évoque la richesse de son art contribuent aussi à la réussite en mettant joliment dans l’atmosphère, introduisant peu à peu le personnage principal par une longue série de plans sur le théâtre vide, suivi de l’artiste « en civil » sur le point de se maquiller, le visage grave et impénétrable. Un témoignage étonnant et précieux.

• Le court métrage figure en bonus dans le coffret de 14 films d’Ozu édité récemment chez Carlotta.

Où sont les rêves de jeunesse ? (Seishun no yume imaizuko) – de Yasujiro Ozu – 1932

Posté : 21 mai, 2014 @ 5:19 dans 1930-1939, FILMS MUETS, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

Où sont les rêves de jeunesse

Encore une merveille signée Ozu, mais cette fois sur un ton de comédie, plutôt rare dans la filmographie du grand cinéaste japonais. Les thèmes qu’il aborde à cette période de sa carrière sont bien là : la filiation, la difficulté de trouver sa place dans une société en crise, le Japon entre tradition et modernité inspirée de l’Occident…

Il y a bien un peu de cette amertume que rencontrent souvent ses personnages, obligés de confronter leurs rêves de jeunesse aux réalités de la société (voir le magnifique Le Fils unique, par exemple). Mais l’amertume est cette fois un passage obligé vers un avenir conforme à ce que les personnages attendent. Ozu, ici, se montre volontiers potache (les tricheries durant l’examen) et léger, à défaut d’être insouciant.

Optimisme, légèreté et humour… Un cocktail auquel Ozu apporte une belle vivacité, avec une mise en scène d’une précision, d’une fluidité et d’une intelligence hors du commun. Comme Une femme de Tokyo, l’édition du film que propose Carlotta est vierge de tout accompagnement musical, et ce silence total souligne l’extraordinaire dynamisme de cette mise en scène parfaitement maîtrisée.

On y retrouve aussi l’influence, très présente avant guerre chez Ozu, du cinéma américain, à travers des affiches de film, et surtout un mode de vie que les jeunes personnages s’approprient avec délectation : des bières bues dans une réplique d’un café hawaïen, des étudiants en tee-shirts… Visiblement fasciné par cette imagerie qui rompt avec les vieilles traditions, Ozu confronte cette jeunesse américanisée aux traditions que représente une vieille baronne, dans une scène inspirée par le burlesque, au cours de laquelle notre héros repousse sans ménagement les avances d’une jeune et belle héritière…

Ce nouveau mode de vie, c’est le symbole de l’insouciance de la vie estudiantine, que le jeune héros doit quitter pour reprendre les rênes de l’usine familiale à la mort de son père. Cette insouciance qu’il cherchera à retrouver, en embauchant ses anciens camarades, puis en retrouvant une jeune serveuse qu’il a connue au lycée. Mais peut-il retrouver ce qui n’existe plus ? Etudiants, ils étaient tous égaux : l’héritier sûr de lui et insouciant comme l’orphelin bosseur et conscient que son avenir dépend de son diplôme. Mais dans la vraie vie, l’un est patron, l’autre est employé.

Tous finiront par se retrouver (autour d’un autre symbole américain : le base ball). Mais entre-temps, Ozu aura retrouvé sa veine tragique et critique lors d’une séquence déchirante, montrant la colère et l’incompréhension du jeune patron face à son ami, totalement soumis et asservi, prêt à sacrifier celle qu’il aime pour ne pas perdre ce travail dont dépend sa vie. Une parenthèse bouleversante dans un film qui, tout de même, met du baume au cœur.

• Le film fait partie de l’indispensable coffret de 14 films que Carlotta vient de consacrer à Ozu, avec de nombreux bonus : des analyses de plusieurs films, des documentaires, et même deux courts métrages tournés par le cinéaste dans les années 30.

Little Odessa (id.) – de James Gray – 1994

Posté : 21 mai, 2014 @ 5:16 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, GRAY James | Pas de commentaires »

Little Odessa

Il y a tout juste vingt ans, un jeune prodige de 25 ans signait son premier long métrage, et son premier chef d’œuvre. Un coup d’essai largement transformé depuis par un cinéaste devenu majeur, qui avait déjà un univers bien en place. James Gray n’est pas un rigolo. Ses films, en tout cas, plongent particulièrement profondément dans l’âme humaine. Ses décors sont des no man’s land sans avenir. Ses familles sont marquées par la vie, et par un destin implacable…

Dès les premières images, la maîtrise de Gray est sidérante. En une poignée de plans secs et avec une extraordinaire économie de moyens, le jeune cinéaste plante son décor : Tim Roth est un tueur à gages, qui doit retourner dans le quartier juif de Little Odessa, à Brooklyn, pour un nouveau contrat. Un quartier où il a ses racines, et où il est interdit de séjour…

Il y retrouve son jeune frère (Edward Furlong), apprend que sa mère (Vanessa Redgrave) est mourante, et doit faire face à l’hostilité de son père (Maximilian Schell), immigré parfois violent, mais surtout totalement démuni devant les choix de son fils assassin, et l’explosion de sa famille. Il y a chez tous ces personnages une sorte de désespoir contenu qui semble étouffer tous les autres sentiments. Colère, haine, douleur, amour… la moindre émotion disparaît sous cette terrible résignation qui baigne le film.

C’est une vraie tragédie que signe Gray. Chacun de ses personnages rêve d’une autre vie, mais pas de celle qu’ils pourraient avoir s’ils faisaient les bons choix : celle qu’ils auraient pu avoir mais qu’ils n’auront jamais. On le pressent dès les premières images : il n’y a pas d’issue pour ces êtres marqués et condamnés. C’est cette inéluctabilité est plus terrible, plus violente même que les exécutions qui émaillent le film, magnifiquement filmées mais complètement désincarnées.

Visuellement, le film semble sortir tout droit des années 70, période qui a toujours inspiré Gray. On sent l’influence de French Connection, mais aussi du Parrain notamment. Mais ces influences sont parfaitement digérées, et Little Odessa n’a rien d’un pastiche. Gray donne au film un ton nouveau, radical, créant un univers où la violence et l’émotion sont inséparables. Une pure tragédie…

L’Enquête (The International) – de Tom Tykwer – 2009

Posté : 21 mai, 2014 @ 5:12 dans * Thrillers US (1980-…), 2000-2009, ACTION US (1980-…), TYKWER Tom | Pas de commentaires »

L'Enquête

Réalisateur souvent agaçant (Cours Lola Cours, Le Parfum), Tom Tykwer se débarrasse de ses tics pour ce thriller sous influence des productions américaines des années 70. Il y a quelque chose des Trois jours du Condor, dans cette enquête qui met aux prises un homme de dossier avec un système basé sur le secret, le mensonge et la manipulation. A ceci près que la CIA a laissé la place aux grandes banques internationales, qui détiennent le pouvoir en ce début du troisième millénaire, et que le « terrain de jeu » ne se cantonne plus au territoire américain, mais se déroule à l’échelle de la planète.

Avec ce thriller international, Tykwer dénonce donc la toute-puissance du système bancaire, son cynisme, et la propension des puissants à jouer avec les peuples en crise pour consolider leurs positions. Bref, rien de neuf sous le soleil : le film creuse un sillon déjà bien tracé, sans apporter grand-chose de nouveau. Le brave et droit Clive Owen, agent d’Interpol lancé dans une véritable quête, est d’une pureté presque angélique, mais devra se résoudre à tourner le dos à ses illusions pour que justice soit faite. Sauf que la justice, bien sûr, est une notion bien illusoire.

Quand il se prend un peu trop au sérieux, Tykwer est assez emmerdant, et jamais très fin. Mais le film est avant tout un très bon thriller paranoïaque, admirablement tendu. En tant que pur film de genre, L’Enquête est une vraie réussite, qui prend le parti de nous emmener aux quatre coins du monde (Berlin, Paris, New York, Istanbul…), ce qui donne au réalisateur l’occasion de filmer de bien belles images.

Dans le rôle d’un procureur ricain, Naomi Watts ne force pas son talent, mais Clive Owen apporte ce mélange de force et de fragilité qui le caractérise si bien, faisant de son personnage un homme décidé et tourmenté, aussi convaincant dans les échanges verbaux que dans les scènes d’action, rares mais haletantes.

Un sommet dans le genre : l’extraordinaire fusillade dans le musée Gugenheim, durant laquelle Tykwer révèle un talent insoupçonné, utilisant les volumes du bâtiment et faisant virevolter la caméra d’une manière aussi élégante qu’impressionnante, pour signer une sorte de ballet virtuose et hyper violent. Rien que pour cette scène d’anthologie, L’Enquête est à voir.

Coups de feu sur Broadway (Bullets over Broadway) – de Woody Allen – 1994

Posté : 13 mai, 2014 @ 1:34 dans 1990-1999, ALLEN Woody | Pas de commentaires »

Coups de feu sur Broadway

La Prohibition réussit bien à Woody Allen, qui signe une comédie noire et grinçante sur les affres de la création, un thème qui lui est cher. Entièrement basé dans les coulisses de Broadway, le film part d’une idée assez géniale… qui cède bientôt le pas à une autre idée originale, plus passionnante encore.

La première, d’abord. Un jeune auteur de théâtre dont le talent est respecté, mais qui n’a jamais connu le succès (joué par John Cusack, alter ego rajeuni de Woody Allen), peine à monter sa dernière pièce. Son agent trouve un financeur miraculeux : un patron de la pègre qui n’accepte de payer qu’à condition que l’un des rôles reviennent à sa maîtresse, une danseuse de revue à la voix stridante et complètement con.

Cet point de départ pourrait suffire, mais Woody Allen va beaucoup plus loin qu’une simple comédie de situation. La nunuche est chaperonnée par un homme de main du mafieux, brute mal dégrossie (interprété par Chazz Palminteri, qu’on venait de découvrir grâce à Il était une fois le Bronx, l’adaptation de sa propre pièce) qui révèle bientôt des dons d’auteur inattendus, qui ne cessent d’améliorer la pièce…

Le film est drôle, très drôle même avec quelques dialogues aux petits oignons comme Woody sait les ciseler : « J’ai pas bu depuis le Nouvel An – Oui mais c’était le Nouvel An chinois » ou « Bien arrivé d’Angleterre ? – Il y a cinq ans, mais très bien. » Mais Allen en fait surtout une réflexion curieusement acerbe sur la création et les artistes autoproclamés, dont il se moque ouvertement : « Tu es un génie. La preuve, c’est que ton œuvre est incohérente pour tous. »

Le cinéaste filme des personnages attachants, mais ridicules. Diane Wiest, formidable en diva de la scène, prend constamment des poses inspirées et pseudo-poétiques, et passe son temps à couper l’auteur d’un « Ne dites rien ! Ne dites rien », lorsque la situation devient trop intime et implicante. Dans un petit rôle d’artiste maudit, Rob Reiner (le réalisateur), l’air sentencieux et inspiré, donne LE conseil définitif à un John Cusack en plein doute : « On doit faire… ce qu’on doit faire ».

Finalement, le seul qui semble trouver grâce aux yeux de Woody Allen, c’est Chazz Palminteri lui-même. Le seul artiste véritable serait un tueur sans état d’âme, dont on assiste aux tueries lors de séquences qui semblent sorties des grands films de gangsters que Woody cite volontiers. La reconstitution de l’époque, les costumes… L’aspect visuel est admirable, et le film mélange les genres avec bonheur. Une réussite.

L’Oiseau Bleu (The Blue Bird) – de Maurice Tourneur – 1918

Posté : 13 mai, 2014 @ 1:31 dans 1895-1919, FANTASTIQUE/SF, FILMS MUETS, TOURNEUR Maurice | Pas de commentaires »

L'Oiseau bleu

C’est le plus connu, et l’un des plus singuliers des films muets de Maurice Tourneur. Adaptant une pièce de Maurice Maetterlinck très connue au début du siècle, le cinéaste signe une sorte de fable pleine de bons sentiments visiblement destinée à un jeune public, ode aux plaisirs simples de la vie, à la bonté, à la générosité, et à la famille, dans ce qui ressemble à une variation sur le thème d’Alice au pays des merveilles.

Le premier quart d’heure est très beau. Posant les bases de l’histoire (très simple), Tourneur invoque de nombreuses références. S’y côtoient les contes des frères Grimm (avec la pauvre cabane et l’apparition de la « sorcière » qui n’en est pas une), la culture russe, l’univers sombre de Dickens, mais aussi le théâtre d’ombres chinois auquel Tourneur rend un magnifique hommage, lorsque les enfants observent la fête qu’on devine luxueuse à travers les grandes fenêtres de la maison voisine (un procédé que Tourneur reprendra des années plus tard dans La Main du Diable).

Ces deux enfants ont tout de héros de contes : un frère et une sœur qui vivent avec leurs parents (leur père est bûcheron, bien sûr) dans une cabane isolée. Pauvres, mais heureux. Mais lorsqu’ils refusent de donner leur oiseau à la fille de la voisine, très malade, la culpabilité les ronge, et prend la forme d’une apparition nocturne : une fée qui les conduit dans un voyage merveilleux à la recherche de l’oiseau bleu qui redonnera la santé à la petite fille.

Visuellement, Tourneur est particulièrement inspiré. Les scènes « réalistes » sont exceptionnelles, utilisant merveilleusement les ombres et les contre-jours, ou les cadres dans le cadre. Pour le « voyage », il laisse libre court à son imagination. C’est parfois un peu indigeste (les âmes des objets qui prennent figure presque humaine), parfois émouvant (la visite chez les grands-parents morts où les enfants retrouvent leurs petits frères et petites sœurs qui n’ont pas survécu), parfois poétique (les enfants à naître, notamment ces deux-là qui s’aiment d’un amour total, sans savoir s’ils se trouveront l’un l’autre lorsqu’ils seront nés).

Le film est un peu donneur de leçon, naïf, et les multiples décors que découvrent les voyageurs finissent par lasser. Mais il y a une telle maîtrise dans la mise en scène de Tourneur, une telle manière d’utiliser tous les outils du cinéma (la lumière, le montage, les trucages) avec une inventivité de chaque plan, une telle vivacité, que L’Oiseau Bleu impressionne, même si le sujet ne nous touche pas vraiment.

• Le film fait partie du coffret « Hommage à Maurice Tourneur » consacré à la période muette hollywoodienne du cinéaste, et édité par Bach Films. Pour ce film, la qualité d’image est franchement discutable, les nombreux défauts cachant même les personnages par moments. En bonus : une présentation par Patrick Brion.

Le cinquième pouvoir (The Fifth Estate) – de Bill Condon – 2013

Posté : 13 mai, 2014 @ 1:26 dans 2010-2019, CONDON Bill | Pas de commentaires »

Le cinquième pouvoir

Le générique de début place bien l’ambition du film. Le générique « à la Seven » (une première référence à Fincher, il y en aura d’autres) inscrit l’aventure Wikileaks dans la longue évolution de l’information et du journalisme. Ce que Bill Condon veut filmer ici, c’est rien moins qu’une révolution mondiale. Passons sur le côté souvent beaucoup trop démonstratif (dès ce générique d’une prétention folle)… Le principal problème du film, c’est justement son ambition démesurée.

Et Bill Condon, auteur de grandes œuvres comme les deux derniers Twilight, n’a pas vraiment les moyens de ses ambitions, loin d’un Fincher, justement, qui avait fait de Social Network un chef d’œuvre, le portrait intime et sensible d’un jeune homme seul. Lui appuie trop là où il veut frapper. Et passe complètement à côté de sa cible.

La signature de Condon, c’est un style pseudo moderne avec caméra à l’épaule et plans subitement désaxés à coups de petits zooms modes et insupportables. Et des trucs tape à l’œil qui consistent à intégrer les personnages dans leur monde numérique, ce que faisait David Fincher avec plus de discrétion et surtout énormément plus d’élégance. Finalement, c’est lorsque le réalisateur se rapproche le plus du classicisme et délaisse ses trucs bidons, en particulier dans la dernière heure, qu’il est le plus convainquant.

Il y a de quoi nourrir des regrets, car le sujet du film ne manque pas d’intérêt, se concentrant sur les rapports complexes qui unissent Julian Assang, le créateur égotiste de Wikileaks, et son alter ego « raisonnable », Daniel. Et le film est plutôt réussi sur ce point, soulignant bien le mélange d’attirance et de défiance, de confiance et de mépris. Mais le personnage d’Assange, sa personnalité complexe et sa solitude, ne sont qu’effleurés (dommage : Benedict Cumberbatch est excellent). Les accusations de viol qui l’obligent aujourd’hui encore à vivre reclus dans une ambassade anglaise sont balayés d’un revers de main…

Au final, le film est bien plus marqué par ses manques que par ses aspects réussis. Il est plombé par des maladresses impardonnables, à l’image du dialogue final entre les personnages de Daniel Brühl et David Thewlis, hissant Assange au rang d’un héros malade, et martelant tout ce que le film a mis en valeur au cours des deux heures précédentes. Une belle manière de prendre le spectateur pour un idiot et de ruiner tous les efforts consentis jusque là.

• Le film est édité en DVD chez Metropolitan.

Sables mouvants (Quicksand) – d’Irving Pichel – 1950

Posté : 3 mai, 2014 @ 5:09 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, PICHEL Irving | Pas de commentaires »

Sables mouvants

Mickey Rooney, mort récemment à l’âge de 93 ans, était l’un des derniers acteurs encore vivant de l’âge d’or d’Hollywood. Il en reste peu : Olivia De Havilland, Lauren Bacall, Kirk Douglas… Petit hommage avec ce film noir méconnu dont il est le héros, un rôle plutôt à contre-emploi pour l’ancien enfant star, qui fut l’une des grandes vedettes d’Hollywood grâce aux comédies et aux musicals, quelques années plus tôt.

En 1950, la carrière de Mickey Rooney marque déjà un peu le pas, et l’acteur tente de se donner une image plus adulte avec ce rôle plutôt sombre d’un type banal dont les choix successifs le plongent dans une spirale infernale dont il ne parvient pas à s’extraire. Un pur anti-héros de film noir, donc.

Le principe n’est pas nouveau : un petit garagiste « emprunte » 20 dollars dans la caisse de son patron, et c’est le début d’une descente aux enfers. Comment une simple décision, en apparence si anodine, peut avoir des répercussions tragiques… De Détour au Facteur sonne toujours deux fois, le coup du destin qui frappe ainsi est une constante dans le film noir. Mais Sables mouvants apporte à sa manière sa pierre à l’édifice du genre, en répétant ce principe avec un systématisme presque ludique.

Pour rembourser les 20 dollars empruntés, Dany, le personnage joué par Mickey Rooney, achète à crédit une montre qu’il met aussitôt au clou. Illégal : c’est désormais 100 dollars qu’il doit rembourser. Il détrousse alors un riche poivrot, mais un maître-chanteur l’oblige à voler une voiture… Et l’engrenage tourne à plein, avec à chaque étape un prix plus élevé à payer, et une menace plus lourde sur ses épaules.

On a envie de le baffer le Mickey, parce qu’il passe son temps à prendre de mauvaises décisions, parce qu’il cherche à jouer les durs avec son visage encore poupin (face à un Peter Lorre sans surprise, mais forcément intense), et parce qu’il est assez con, comme tous les héros de films noirs semble-t-il, pour s’enticher de la blonde un rien vulgaire sur le front de laquelle est écrit en lettres fluorescentes « attention ennuis » (Jeanne Cagney, la sœur de James), tout en rejetant constamment la douce et discrète brune Barbara Bates pourtant follement amoureuse de lui.

On connaît par cœur les trucs du film, mais Irving Pichel (co-réalisateur des Chasses du Comte Zaroff) donne une belle intensité à cet engrenage infernal, dont l’inéluctabilité rappelle les grandes réussites du genre, et a par moments des aspects de pure tragédie. Avec quelques beaux moments de réalisation, parfois attendus (les barreaux de la grille qui évoquent la prison qui menace le personnage), parfois original et plein de vivacité. Il y a notamment de belles scènes de nuit particulièrement vivantes, dans ce film entièrement tourné en décors naturels. Pichel y confronte la solitude et l’angoisse grandissantes de Rooney à la foule qui l’entoure, déambulant en quête de plaisirs innocents…

Malgré la fin, qui atténue l’impact du film, Sables mouvants est une belle réussite, restée inédite en France jusqu’à ce que le DVD permette enfin de le découvrir il y a quelques années seulement.

• Le film est édité dans la collection Serial Polar de Bach Films. En bonus : une présentation du film par Stéphane Bourgoin, et des évocations d’Irving Pichel et de Peter Lorre par Jean-Pierre Deloux.

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