Play it again, Sam

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Archive pour septembre, 2024

Le Mystère de la Vallée blanche (The Valley of Silent Men) – de Frank Borzage – 1922

Posté : 30 septembre, 2024 @ 8:00 dans 1920-1929, BORZAGE Frank, FILMS MUETS, WESTERNS | Pas de commentaires »

The Valley of Silent Men

A cette époque de son parcours, The Valley of Silent Men semble étrangement anachronique pour un Frank Borzage qui avait déjà délaissé les westerns de ses débuts pour des thèmes plus personnels, en particulier avec Humoresque ou Back Pay.

Retour au western, donc, ou plutôt au « northern », variation glacée du genre, avec course poursuite dans les grandes étendues désertes, bandits et prisons, meurtres et mystère. Remarquez bien que ce n’est pas du côté de l’intrigue qu’il faut chercher l’intérêt du film. Adapté d’un roman de James Oliver Curwood (auteur alors très en vogue : au moins une dizaine de films adaptés dans les deux seules années précédentes), le scénario ne convainc pas franchement.

Le mystère profond (qui accouchera d’une souris) assure l’intérêt, sans éclat : qui est donc cette jeune femme qui vient en aide au traqueur de la police montée forcé de prendre à son tour la suite après avoir avoué un meurtre qu’il n’a pas commis, pour sauver un ami et parce qu’il pensait n’avoir plus que quelques jours à suivre (c’est clair ?).

Les parti-pris sont étonnants, avec des personnages qui ne cessent de se croiser par un hasard bien pratique, dans des paysages pourtant immenses. Mais même dans cette immensité, le film a des allures de petit théâtre, étonnamment intime, où les distances semblent ne rien vouloir dire.

Ces paysages sont sans doute la seule raison d’être du film. Borzage, qui a consacré de longs mois à ce tournage, s’en tire plutôt bien, en particulier lors du grand morceau de bravoure, sur le glacier : un moment de suspense qui n’a toutefois pas la portée émotionnelle des grands films de montagne allemands d’Arnold Fanck, dont la manière de filmer les massifs et la neige sera autrement plus puissante.

Le fait qu’il manque quelques scènes (reconstituées par des intertitres) dans la seconde moitié n’aide sans doute pas à apprécier pleinement le film. Mais on peut quand même se risquer à affirmer que Borzage, dans la montagne enneigée, sera nettement plus inspiré avec The Mortal Storm quelques années plus tard. Un authentique chef d’œuvre, lui.

Les films amateurs de Steven Spielberg (1959-1967)

Posté : 29 septembre, 2024 @ 8:00 dans 1950-1959, 1960-1969, COURTS MÉTRAGES, SPIELBERG Steven | Pas de commentaires »

Spielberg films amateurs

Spielberg a toujours pris le cinéma très au sérieux. Sa fiche imdb ne trompe pas : y a-t-il d’autres exemples de cinéastes dont la carrière commence officiellement à l’âge de 13 ans ? Pas sûr. En tout cas, les premiers films amateurs du petit Stevie font bel et bien partie de sa filmographie. Et s’il est difficile (et peut-être pas très pertinent) de les décortiquer dans tous les sens, ils n’en restent pas moins passionnants dans la trajectoire emballante et fascinante du gars.

En fouillant dans les méandres d’Internet, on peut découvrir quelques bribes de ces films de jeunesse, ces petites productions bricolées avec les moyens du bord qu’il a tournées avant Amblin’, son premier court « professionnel ». Découvrir ces bribes de films prend évidemment une autre dimension après avoir vu The Fabelmans, son magnifique dernier film en date, dans lequel il s’inspire très largement de ces années-là, allant jusqu’à recréer ses propres premiers films.

Escape to nowhere (1964) / Fighter Squad (1961)

Escape to nowhere, notamment, y occupe une place importante. Ce court métrage tourné en super 8 avec ses potes, dans les paysages désertiques d’une réserve indienne, est aussi (avec Fighter Squad, autre court tourné juste avant mais totalement disparu) l’un des premiers de ses films consacrés à la seconde guerre mondiale, période qu’il revisitera à plusieurs reprises. Les quelques minutes que l’on peut en découvrir témoignent déjà de l’ambition du jeune apprenti-cinéaste, pas encore 18 ans, qui multiplie déjà les trouvailles pour mettre le spectateur au cœur des combats et en faire ressentir l’extrême violence. Une sorte de brouillon d’Il faut sauver le soldat Ryan, avec plus de trente ans d’avance…

Firelight (1964)

Autre film fondateur : Firelight, premier long métrage d’un Spielberg encore adolescent, qui lui a aussi valu sa première projection dans un cinéma. C’était au Phoenix Little Theatre, le 24 mars 1964. Il y a soixante ans, donc. Et si le film est invisible dans sa version complète, les quelques minutes qui en subsistent ne laissent guère planer de doute : il y a dans ce film de science-fiction intriguant les germes de Rencontres du 3e type, y compris dans sa manière de filmer la famille et les phénomènes paranormaux.

Slipstream (1967)

Plus étonnant en revanche, le dernier film amateur de Spielberg, Slipstream, est consacré… au cyclisme. On ne peut pas en voir grand-chose, d’autant plus que le film n’a jamais été achevé, le jeune Spielberg (20 ans à l’époque) étant à court de budget. Ce qui ne lui arrivera plus jamais par la suite. Il faut dire qu’après quelques années à travailler pour la télévision, ses vrais débuts sur grand écran ne tarderont pas à lui valoir un succès mondial, lui donnant des moyens, disons, conséquents.

The last gun (1959)

Mais la cohérence de ses grandes réussites à venir et de ses débuts amateurs a quelque chose de très beau. Quelque chose que l’on ressent depuis toujours et qui s’est confirmé avec The Fabelmans, ou même dans sa manière d’évoquer en interview ses premiers films (notamment The Last Gun, son unique western, tourné à 12 ans) : Spielberg a beau être tout puissant, il a gardé sa passion d’enfant. Et ça, oui, c’est très beau.

Dracula (Bram’s Stoker Dracula) – de Francis Ford Coppola – 1992

Posté : 28 septembre, 2024 @ 8:00 dans 1990-1999, COPPOLA Francis Ford, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Dracula 1992

Quitte à choquer les puristes, le Dracula de Coppola me semble toujours bien être la meilleure adaptation du roman de Bram Stocker. Oui, meilleure que le Nosferatu de Murnau, c’est dire. Comme ce dernier, que Coppola cite régulièrement tout au long du film, ce Dracula version 1992 est extrêmement fidèle au récit original, et à sa construction épistolaire.

L’histoire se déroule d’ailleurs en 1897, l’année même où le roman est publié. L’occasion pour Coppola d’ajouter à cette grande histoire d’horreur baroque une déclaration d’amour au cinéma. Le comte Dracula, arrivé à Londres, assiste en effet à une projection de film. La manière dont Coppola filme les éléments fantastiques est aussi une manière de s’inscrire dans ce cinéma des origines.

Pas d’effets numériques, en effet, dans ce film visuellement éblouissant : tous les effets spéciaux sont réalisés directement sur le plateau, avec des trucages dont certains auraient pu être utilisés par Murnau lui-même. Et c’est, ne serait-ce que sur ce plan technique, une immense réussite, qui inscrit Dracula dans la lignée des grands films « expérimentaux » de Coppola, de Apocalypse Now à Coup de Cœur.

Dracula est un film de commande, qui lui a été proposé par Winona Ryder. Mais Coppola en fait un grand film personnel, et un grand film tout court, comme Le Parrain 3 qu’il a tourné juste avant, et qui lui a permis de renouer avec le succès. Et peut-être d’avoir ce casting assez incroyable : Winona Ryder donc, mais aussi Keanu Reeves, Anthony Hopkins et Gary Oldman, glaçant et bouleversant en compte Dracul (dit avec l’accent transylvanien).

De cette histoire horrifique, Coppola retient surtout l’aspect extraordinairement romantique, celui-là même qui a séduit la si romanesque Winona Ryder (qui a failli jouer dans Le Parrain 3, et se rattrape merveilleusement bien ici). Il signe un film génialement bricolo, et merveilleusement grandiloquent, jonché d’images d’une puissance picturale et émotionnelle assez radicale. Un film dont on (re)tombe amoureux à chaque vision. C’est beau.

Pulp Fiction (id.) – de Quentin Tarantino – 1994

Posté : 27 septembre, 2024 @ 8:00 dans * Films de gangsters, 1990-1999, TARANTINO Quentin | Pas de commentaires »

Pulp Fiction

Je me souviens d’un critique, à la sortie du film (il y a trente ans, dis donc), qui estimait que Pulp Fiction était une succession de séquences brillantes que Tarantino ne savait pas comment enchaîner, terminant systématiquement ses scènes par un fondu au noir. Marrant comment une sentence peut à ce point rester en mémoire, et influer depuis sur mes re-visions du film.

Le revoir une énième fois, mais pour la première fois depuis bien longtemps (la preuve, il n’était pas encore sur ce blog qui va vers ses 15 ans) permet en tout cas de se rappeler pourquoi le deuxième film de Tarantino avait été une Palme d’Or enthousiasmante. Et un cri d’amour revigorant à la littérature « pulp » dont le jeune Tarantino s’abreuvait visiblement, et à toute la culture « bis » qui tourne autour.

Donc, oui : c’est un fait, Tarantino conclut toutes ses séquences par un fondu au noir. Mais en conclure qu’il ne sait pas faire autrement est évidemment à côté de la plaque, même sans tenir compte des films qu’il allait faire ensuite. Parce que le film est effectivement construit, non pas comme un roman dont on feuilletterait les chapitres les uns après les autres, mais comme un recueil de nouvelles plus ou moins indépendantes, dans lesquelles on retrouverait plus ou moins les mêmes personnages.

Ce qui justifie pleinement ces fameux fondus au noir, qui referme un épisode pour en ouvrir un autre. Ce qui justifie aussi la construction dans le désordre du film, qui participe au plaisir intense et à la surprise constante qu’il procure, même après quatre, cinq ou six visions. Parce que découvrir Samuel L. Jackson et John Travolta (qui redevenait alors une incarnation assez géniale de la coolitude) en sous-vêtements mal assortis, ça fait quand même son petit effet.

Pulp Fiction est, c’est vrai, une succession de grands moments de cinéma, dont l’intrigue générale n’a finalement pas beaucoup d’importance : qui s’intéresse vraiment à cette mallette qui semble tout droit sortir d’En quatrième vitesse d’Aldrich ? Un pur maggufin, qui n’existe que pour faire avancer l’action, pour justifier les séquences qui s’enchaînent, toutes mémorables.

Tarantino n’est pas le premier à assumer à ce point son envie de filmer des grands moments de cinéma, quitte à se détourner du fil conducteur. Hawks, notamment, en avait fait l’un de ses chefs d’œuvre, Le Grand Sommeil, un film dont on est à peu près incapable de se détourner une fois qu’on y a mis un œil, même si on est largué par l’intrigue. C’est à peu près le même sentiment qui règne avec Pulp Fiction.

Alors on se laisse emballer par tous les moments cultes… à peu près toutes les scènes, en fait. La discussion interminable autour de l’innocence d’un massage des pieds. Le dur à cuire Bruce Willis tout câlin avec Maria De Medeiros. Uma Thurman et Travolta se lançant sur la piste de danse. L’anecdote de la montre racontée par Christopher Walken. Ou l’emballante scène d’introduction avec Amanda Plummer et Tim Roth…

Il y a dans Pulp Fiction plus de grand cinéma que dans 90 % de tous les autres films américains sortis cette année-là. Ce qu’on pourrait dire de la plupart des films de Tarantino d’ailleurs, y compris ceux où sa logique semble tourner en rond. Ce qui n’est pas le cas ici : avec ce deuxième film, il atteint les sommets. Du pur plaisir de cinéma.

Un héros (Ghahreman) – d’Asghar Farhadi – 2021

Posté : 26 septembre, 2024 @ 8:00 dans 2020-2029, FAHRADI Asghar | Pas de commentaires »

Un héros

Dernier film en date d’Asghar Farhadi, Un héros confirme avec éclat, non seulement le talent du monsieur, mais aussi l’incroyable vitalité d’un cinéma iranien dont les auteurs doivent, c’est selon, tourner dans la clandestinité ou tenter de déjouer la censure et la répression. C’est le cas de Fahradi, qui réussit comme par miracle à tourner dans son pays un film particulièrement implacable sur la société iranienne.

Tout commence par une sortie de prison : celle d’un jeune homme condamné pour dettes, qui bénéficie d’une permission qu’il veut mettre à profit pour trouver l’argent qui convaincra son créancier de retirer sa plainte. Comme un miracle, sa fiancée a trouvé un sac rempli d’or, qu’il est tenté d’utiliser, mais qu’il décide de rendre en retrouvant sa propriétaire.

Un simple acte de bonté, ou de générosité, qui fait de lui une véritable personnalité, presque une vedette. Le retour de bâton sera rude… A travers le parcours de cet homme paumé, dont le sourire innocent laisse bientôt la place à un regard de chien battu, c’est toute la mesquinerie de la société qui cherche par tous les moyens à gagner une façade de légitimité que filme Fahradi.

Le parcours de Rahim évoque bientôt celui du K de Kafka, cynisme ambiant compris. Reste l’amour qui entoure le personnage : l’amour de sa famille, de sa compagne, de son fils, ou d’un chauffeur de taxi qui, tous, se démènent tant qu’ils peuvent, sans faire fléchir ceux qui ont les cartes en main.

Et c’est bien la société en tant que telle que dézingue Fahradi, qui fait du « méchant » désigné, le créancier, un homme lui aussi mis au ban. C’est rude, sans illusion, et révoltant. Il y a pourtant de l’espoir, dans l’humanité qui entoure le héros malgré tout, et dans cette porte de prison qui ne se referme pas…

Un très beau film, conscient, engagé, et qui garde en foi en l’avenir. C’est beau.

Rafles sur la ville – de Pierre Chenal – 1958

Posté : 25 septembre, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, CHENAL Pierre, VANEL Charles | Pas de commentaires »

Rafles sur la ville

De Pierre Chenal, l’histoire a surtout retenu Le Dernier Tournant, son excellente adaptation du Facteur sonne toujours deux fois. Tourné presque vingt ans plus tard, Rafles sur la ville donne une furieuse envie de plonger dans la filmographie de ce réalisateur largement méconnu.

Parce qu’il est assez incroyable, ce polar, tout à la fois film noir, film de gangster, suspense imparable, chronique hyper réaliste du quotidien de la police, et balade jazzy dans le Paris nocturne de l’époque. Tous ces aspects étant également passionnants.

On est immédiatement plongé dans le bain : le film commence par l’évasion (violente) d’un caïd de la pègre, que joue un Charles Vanel tantôt glaçant, tantôt pathétique. En quelques minutes, les principaux enjeux du film sont posés : Vanel est un salaud en fuite, poursuivi par un flic cynique et borderline.

C’est Michel Piccoli, tout jeune et tout chevelu, déjà formidable, avec une présence dingue. Un solitaire, revenu de tout, qui ne tarde pas à ajouter un autre enjeu au récit, en tombant amoureux de la femme de son nouveau coéquipier

C’est que les femmes, bien que condamnées par les hommes à des rôles de potiches, ou disons de simples présences apaisantes dans un quotidien rude et violent, tiennent en fait une place centrale dans l’histoire, et dans le destin de ces hommes.

Et si le film est si réussi, si passionnant, c’est aussi pour son extrême réalisme. Des décennies avant L627 de Tavernier (ce dernier évoque d’ailleurs Rafles sur la ville dans ses Voyages à travers le cinéma français), Chenal filme des policiers dénuée de moyens, travaillant dans des lieux exigus, obligés de mener les interrogatoires au vu de tout le monde, trop débordés pour pouvoir même perdre du temps à pleurer leurs morts.

C’est édifiant, tendu, passionnant. Et impossible de dire quoi que ce soit de la dernière séquence, hallucinante de violence, qui nous laisse le souffle coupé… Grand polar, oui.

Rien ne va plus – de Claude Chabrol – 1997

Posté : 24 septembre, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1990-1999, CHABROL Claude | Pas de commentaires »

Rien ne va plus

De la longue collaboration, entre Claude Chabrol et Isabelle Huppert, ce Rien ne va plus n’est clairement pas le plus ambitieux de la liste. Pas le plus convaincant non plus. Mais pas pour autant le moins attachant.

Il y a même quelque chose de profondément touchant (suranné, mais touchant) dans la relation qui unit Huppert à son aîné Serrault, que l’on devine alter ego du cinéaste. Comme si, au fond, ce film bancal ne parlait que des liens entre l’actrice et son réalisateur fétiche.

Comment, sinon, expliquer l’existence même de ce film faussement nonchalant, qui ne fait même pas mine de tenir un vrai rythme. Plein de creux, de pauses, de faux départs (ou faux retours), il ne va au fond nulle part, se contentant de profiter des plaisirs qu’offre la complicité trouble de ces deux-là.

Huppert et Serrault, donc, drôle de couple dont la nature des liens reste évasive, mais qui mène une vie en marge, enchaînant les arnaques pas bien méchantes et pas bien ambitieuses, pour le plaisir d’être là et de pouvoir attendre le prochain coup. De là à faire un parallèle avec le cinéma d’alors de Chabrol, qui tend à ronronner tout en apportant sa dose de vrai plaisir…

On pardonne de bon cœur le manque manifeste de direction d’acteurs, sans conséquence pour les deux acteurs principaux, plus problématique pour des seconds rôles moins convaincants. Si Cluzet s’en tire avec les honneurs, Jean-François Balmer et Jean Benguigui cabotinent maladroitement. Et mal.

Il faut dire que leurs personnages sombrent dans la caricature la plus éhontée, et que leurs apparitions plombent un peu le film. Parce que Chabrol s’y laisse aller à une violence et une noirceur qui ne convainquent guère dans cette petite chose qui penche par ailleurs nettement du côté, si ce n’est de la comédie, en tout cas de la légèreté.

Le Mépris – de Jean-Luc Godard – 1963

Posté : 23 septembre, 2024 @ 8:00 dans 1960-1969, GODARD Jean-Luc, LANG Fritz | Pas de commentaires »

Le Mépris

Le soleil éclatant de Rome, les travellings magnifiques, la musique de Georges Delerue, le regard perdu de Brigitte Bardot, celui que refuse de voir Michel Piccoli, l’immensité de la mer, le haussement d’épaule résigné de Fritz Lang (oui, le vrai, ce qui est assez dingue), l’Alpha qui ne roule que par à-coups, les grands espaces qui renforcent le sentiment d’enfermement…

Plutôt que de longues phrases, on pourrait continuer comme ça très longtemps la liste des détails qui marquent si fort les esprits dans Le Mépris, chef d’œuvre intemporel dont le rythme faussement apaisé cache (mal) une extrême cruauté.

Il y a bien sûr la férocité de Godard à l’égard du cinéma, qu’il aime passionnément mais sans être dupe de la cruauté qui s’y cache. D’un côté, Lang, le grand Lang, cinéaste adoré de la Nouvelle Vague, symbole à lui seul de la grandeur de son art. Et soumis au diktat grotesque d’un producteur hollywoodien (Jack Palance, parfaitement odieux). Et au milieu : un écrivain avalé par le cinéma, tiraillé entre son admiration pour Lang et l’argent facile.

A travers ce personnage, formidable Piccoli, c’est toute l’ambivalence du monde du cinéma que synthétise Godard, en en faisant un homme sensible, mais capable de la pire des compromissions avec cette femme, Brigitte Bardot, dont il aime tout : ses bras, sa nuque, ses fesses. Bardot dans son plus grand rôle, bouleversante au-delà de l’icône qu’elle incarne.

Et c’est un moment presque anodin, mais d’une violence inouïe, qui fait tout basculer. Un regard libidineux, une voiture trop rouge, et une épouse trop belle que le mari livre à l’ogre, juste en tournant la tête… Peu importe ce qui suit : le mal est fait, l’homme aimé abandonne sa belle, tout est foutu.

Le Mépris est sans doute le plus beau film de Godard, le plus bouleversant, le plus fort, celui aussi où son art (encore populaire) est le plus abouti. C’est une merveille, d’une richesse infinie, qui soudain transforme le mythe BB en une très grande actrice, qui est le cœur et l’âme de ce chef d’œuvre.

La Peur / Vertige d’un soir – de Viktor Tourjanski – 1936

Posté : 15 septembre, 2024 @ 8:00 dans 1930-1939, TOURJANSKI Viktor, VANEL Charles | Pas de commentaires »

La Peur  Vertige d'un soir

Une femme mariée de la belle société viennoise trompe son ennui avec un amant, jusqu’à ce qu’une « escroqueuse » qui semble tout connaître d’elle vienne lui soutirer de l’argent, l’enfermant dans un mensonge dont elle ne parvient pas à se sortir…

C’est l’histoire, toute en simplicité et en tension, de La Peur, formidable longue nouvelle signée Stefan Zweig, qui dresse sous les aspects d’une histoire qui pourrait être celle d’un roman noir le portrait d’une jeune femme étouffée par les conventions, qui pourrait être une lointaine parente d’Emma Bovary.

L’adaptation que réalise Viktor Tourjanski (et que co-signe Joseph Kessel) ne reprend de cette nouvelle que la trame, pour la transposer dans un Paris contemporain, d’où les conventions semblent nettement moins prégnantes.

Pour tirer un long métrage de ces quelques dizaines de pages, un long prologue est ajouté, ne nous cachant rien de ce « vertige d’un soir » auquel a cédé la jeune héroïne (jouée par Gaby Morlay), comme une manière d’éradiquer toute la complexité de ce personnage qui, sur le papier, était mue par quelque chose qui ressemble à une envie de vivre sa vie librement.

A l’écran, elle est essentiellement une bonne épouse qui a cédé un unique soir et presque à son corps défendant à une simple pulsion qui eût été sans suite s’il n’y avait eu cette insistance de l’amant d’un soir, et le chantage dont elle est bientôt la victime.

Peu de mystère aussi autour de la figure du mari, que Charles Vanel incarne avec une grande justesse (est-il capable de ne pas être juste ?), mais aussi avec une extrême douceur, et une vraie douleur. Comme s’il était, lui, victime de la situation.

Sans déflorer son dialogue final, soulignons quand même que le mari est un avocat qui, contrairement à celui de la nouvelle, défend un homme qui a tué sa femme qui l’avait trompé, obtenant son acquittement à la suite d’un plaidoyer flamboyant… pour justifier un crime passionnel.

C’est sans doute ce qui dérange le plus dans cette adaptation, qui sonne presque comme une trahison, transformant une magnifique évocation du pardon et de la résilience en un geste un peu désincarné et franchement patriarcal. Et si vous relisiez Zweig, plutôt…

Rêves de femmes (Kvinnodröm) – d’Ingmar Bergman – 1955

Posté : 14 septembre, 2024 @ 8:00 dans 1950-1959, BERGMAN Ingmar | Pas de commentaires »

Rêves de femmes

Tourné entre La Nuit des forains et Le Septième Sceau, Rêves de femmes peut sembler bien mineur dans la filmographie de Bergman. Et il l’est, en quelque sorte : une sorte de bluette sans grande conséquence, qui ne raconte rien d’autre, au fond, que des rêves étouffés dans l’œuf…

Au cœur du film : deux femmes du monde de la mode, une jeune mannequin (Harriet Andersson) et sa patronne plus âgée (Eva Dehlbeck). La première vit une romance tumultueuse avec un jeune homme aussi immature qu’elle. La seconde se languit de l’amant avec qui elle a vécu une aventure passionnée quelques mois plus tôt.

Un court voyage à Göteborg va les confronter toutes les deux à leurs rêves d’une vie plus excitante, avant un retour aux réalités qui sera vécu bien différemment par la toute jeune femme et par son aînée, dont le regard résigné résume à lui seul l’esprit du film.

Derrière ces aspects très légers, proches de la comédie, Bergman offre en fait une vision qui ressemble fort à du cynisme. Ses deux héroïnes sont belles, fortes à leurs manières, et pleines de vie. Elles se montrent aussi étonnamment dépendantes, faisant reposer sur les hommes leurs rêves d’un avenir meilleur.

Cette vision d’un féminisme étouffé dit beaucoup d’une société encore très patriarcale, symbolisée par l’énorme et libidineux commanditaire des collections de mode, dont la seule présence dans la scène inaugurale fait ressentir le sentiment d’étouffement des personnages féminins.

Et cela prend la forme, pour la jeune Harriet Andersson d’un vieil homme fortuné joué par l’incontournable Gunnar Björnstrand, et pour la belle et mure Eva Dahlbeck d’un homme entre deux âges sans charme et sans caractère.

Les hommes n’ont clairement pas le beau rôle devant la caméra de Bergman, plus que jamais cinéaste féministe, captant par de gros plans magnifiques et des scènes d’une grande tension (la scène du train, qui donne la sensation d’une cocotte sur le point d’exploser), qui parsèment cette fausse comédie, finalement pas si mineure dans l’œuvre du cinéaste.

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