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Archive pour juillet, 2025

Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? (What ever happened to Baby Jane?) – de Robert Aldrich – 1962

Posté : 29 juillet, 2025 @ 8:00 dans 1960-1969, ALDRICH Robert, POLARS/NOIRS | Pas de commentaires »

Qu'est-il arrivé à Baby Jane

« I don’t get it, Marty. What do they make monsters like this for ? – For Blanche Hudson » Ce dialogue entre deux cadres d’un studio hollywoodien tourne autour d’une belle décapotable. Mais la voiture est-elle vraiment le monstre dont les deux hommes parlent ? Ne s’agit-il pas plutôt de « Baby Jane », ce pur produit de l’usine à rêve, ex-enfant star dont toute la vie tourne autour de sa gloire passée.

Il y a évidemment quelque chose de Nora Desmond dans Baby Jane : le film d’Aldrich s’inscrit ouvertement dans la continuité de Sunset Boulevard, en faisant du personnage central une ancienne star qui ne vit que dans le souvenir de ce qu’elle fut. Sans l’ironie et l’élégance de Wilder, mais avec une cruauté assez radicale.

Habitué des films d’action très violents, Aldrich a même rarement été aussi cruel que dans ce film, qui se transforme rapidement en un étouffant huis-clos entre deux sœurs qui se détestent, condamnées à vivre l’une avec l’autre, l’une (Bette Davis) s’évertuant à torturer mentalement sa sœur coincée dans un fauteuil roulant (Joan Crawford).

Deux grands numéros d’actrices qui se détestaient effectivement, anciennes rivales, qui continuent à se tirer la bourre des années après leur âge d’or. Elles ne font d’ailleurs pas dans la demi-mesure, poussées par un Aldrich qui choisit constamment la carte du toujours-plus, ce que le maquillage outrancier de Bette Davis et les joues creusées de Joan Crawford incarnent parfaitement.

Il y a de la haine entre ces deux-là (cette fois, je parle bien des personnages). De la culpabilité aussi, et surtout, et un secret que l’on pressent vaguement. Pourquoi Baby Jane, l’ex enfant star des années 10, a-t-elle voulu écraser sa sœur Blanche, devenue star dans le Hollywood des années 30 ? Pourquoi continue-t-elle à la torturer vingt-cinq ans après, et pourquoi Blanche se laisse-t-elle faire ?

Le film, pourtant, ne s’articule pas autour du mystère, mais autour du puissant sentiment de gâchis qui entoure ces deux anciennes stars, comme aimantées l’une à l’autre, qui rongent leur vie dans des actes de cruauté de plus en plus insidieux. Non, ce n’est pas toujours d’une grande délicatesse, mais il y a dans la vision de ces deux stars vieillissantes (les personnages, et les actrices) quelque chose de vraiment troublant, et de profondément dérangeant.

Les Assassins du dimanche – d’Alex Joffé – 1956

Posté : 28 juillet, 2025 @ 8:00 dans 1950-1959, JOFFE Alex | Pas de commentaires »

Les Assassins du dimanche

Tout un film qui tourne autour d’un gros plan sur un écrou qui se dévisse lentement… Un très gros plan, sur un très gros écrou fixé sous une voiture lancée sur les routes sinueuses du sud de la France. Un plan récurrent qui ne correspond à aucune réalité, affirmerait n’importe quel garagiste (j’en suis à peu près sûr, mais pour ce que j’en sais…). C’est peu ? Oui, mais c’est bien suffisant pour ce faux film noir sans méchant, sans femme fatale, et qui mise au fond bien plus sur l’humanité de son personnage principal que sur le suspense lui-même. Qui n’est d’ailleurs guère efficace, tant on devine vite le dénouement.

Le personnage en question, c’est un brave garagiste un peu débordé, qui accepte un boulot bien payé de dernière minute (ah ! l’appât du gain…), et qui en oublie de resserrer l’écrou de direction de la voiture sur laquelle il travaillait, et que son couple de propriétaires vient récupérer plus vite que prévu. Direction l’Italie, sans aucun moyen d’être contacté (pour les plus jeunes : le téléphone portable n’existait pas à l’époque). Angoisse du garagiste quand il réalise son erreur : si l’écrou se dévisse entièrement, c’est l’accident assuré. Et sur ces routes escarpées, ça ne pardonne pas.

Que faire ? Siffloter ? Personne ne lui reprocherait rien si l’accident survenait. Personne, sauf sa conscience, alors… Alors le personnage est définitivement un brave gars, et tout le film repose sur son angoisse, son sentiment de culpabilité. Dans le rôle, un inattendu Jean-Marc Thibault (qui, petite anecdote amusante pour tous ceux qui ont regardé la télévision dans les années 1980, partage une scène avec Rosy Varte, trente ans avant Maguy), plus habitué aux comédies, et qui s’avère un excellent choix ici.

Le côté « monsieur tout le monde » de l’acteur colle parfaitement avec ce personnage qui n’a rien d’héroïque, rien de spectaculaire : juste un brave type, qu’un simple oubli, une absence de quelques minutes, pourrait bien transformer en criminel malgré lui. Et c’est cette simplicité qui fait la réussite du film, malgré une mise en scène sans relief et un noir et blanc particulièrement terne. Voir un film ne s’intéressant qu’à un sentiment de culpabilité (et tenir près de deux heures), ce n’est pas si commun.

Les Noces Rouges – de Claude Chabrol – 1973

Posté : 27 juillet, 2025 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1970-1979, CHABROL Claude | Pas de commentaires »

Les Noces rouges

De La femme infidèle aux Noces Rouges en passant par Que la bête meure ou Le Boucher, la France pompidolienne a particulièrement réussi à Chabrol. L’a particulièrement inspiré, même, tant on sent dans ces films l’air du temps, avec cette petite bourgeoisie de province et ses fêlures pas bien cachées. C’est souvent le même constat, le même esprit derrière les films de cette période, auxquels on réduit trop vite le réalisateur.

Mais c’est vrai que ces cinq années sont extraordinaires pour Chabrol, qui enchaîne (au moins) une demi-douzaine de classiques, parmi ses meilleurs films. Les Noces rouges marque en quelque sorte la fin d’un cycle. Et il va loin dans le cynisme et la critique de cette bourgeoisie de province, avec cette histoire inspirée d’un fait divers qui n’avait alors pas encore été jugé. D’où le petit scandale qui a entouré la sortie du film.

On peut d’ailleurs rappeler ce que fut ce fait divers, qui dévoile évidemment les ressors du film, événements que l’on pressent très vite. Cela étant dit, le meilleur moyen d’éviter le divulgachage est de ne pas aller plus loin dans la lecture de cette chronique. Je laisse donc soigneusement le temps au lecteur de s’éloigner avant de continuer. Voilà ? Bien. Donc : deux amants, arrêtés pour avoir tué leurs conjoints respectifs, devenus gênants.

Voilà pour la trame. Mais pour Chabrol, l’essentiel repose sur la peinture de cette petite ville, où se cacher du regard des autres est si compliqué. En témoigne la maison du personnage joué par Michel Piccoli, située en plein dans un carrefour, avec une rue commerçante qui fait face aux grandes fenêtres. Ou le château si impersonnel dans lequel vit Stéphane Audran avec son adolescente de fille, et son mari : le député-maire joué par Claude Piéplu.

Presque des caricatures, ces trois là. L’amant : un petit bourgeois transparent qui vit avec une femme une existence sans joie. La maîtresse : une épouse qui a renoncé aux plaisirs et à la liberté sans même s’en rendre compte. Le mari, avant tout un homme politique, toujours en représentation, toujours dans la maîtrise de lui-même. Des êtres enfermés dans leurs fonctions, pour lesquels tout bascule lorsque l’ordre établi est rompu par une réaction inattendue.

Chabrol choisit de faire de son couple maudit deux êtres que seule la passion inspire (la scène du coup de foudre est à propos très belle), tellement tout entier à la beauté de leur amour qu’ils ne voient pas la monstruosité de leurs actes, ni même les autres possibilités qui s’offraient à eux. Cette fois je ne divulgacherai pas, mais la dernière image est en cela édifiante.

Quant au couple formé par Stéphane Audran et Michel Piccoli, il détonne dans le paysage cinématographique d’alors par son hyper-sexualisation : leur désir est avant tout charnel, ce qui contribue à la réussite du film, qui décrit parfaitement la naissance d’une passion qui tourne à l’obsession.

Un flic à la maternelle (Kindergarten Cop) – d’Ivan Reitman – 1990

Posté : 26 juillet, 2025 @ 8:00 dans 1990-1999, ACTION US (1980-…), REITMAN Ivan | Pas de commentaires »

Un flic à la maternelle

Nouvelle (petite) madeleine de cette année 1990 si fondatrice pour ma cinéphilie. Cette année-là, il y a eu Danse Avec Les Loups, Le Parrain 3, Les Affranchis, A la poursuite d’Octobre Rouge, et beaucoup d’autres plus ou moins mémorables. Alors pourquoi pas Un flic à la maternelle, deuxième incartade d’un Schwarzenegger au sommet (il allait enchaîner avec Terminator 2) dans la comédie, avec son réalisateur attitré du genre, Ivan Reitman (les deux hommes ont déjà tourné ensemble Jumeaux, et se retrouveront pour Junior).

Reitman n’est pas le plus emballant des réalisateurs, mais c’est un malin qui sait dénicher les concepts forts. Dans les trois films qu’ils ont fait ensemble, il utilise le physique hors normes de Schwarzie pour faire naître l’humour. Dans Un flic à la maternelle, tout est dans le titre, et il n’y a effectivement rien d’autre à chercher : tout repose sur le contraste entre les petits monstres de 6 ans et celui que le (trop long) prologue a permis de cataloguer comme un super flic aux méthodes très brutales.

Qui se transformera très, très vite en un enseignant très clean, fantasme immédiat de toutes les mères célibataires de l’école. Le pourquoi de cette transformation importe peu, mais en quelques mots : pour démasquer l’ex-compagne d’un criminel, le flic doit infiltrer l’école dans laquelle il sait que leur fils est scolarisé. Hautement improbable, mais qu’importe : le film n’est pas très à cheval sur la plausibilité, et ce n’est pas le sujet.

On pourrait tiquer aussi sur la morale ébauchée par la métamorphose que l’on devine durable du héros : une vague apologie de la discipline et de l’effort physique, qui magnifie la violence libératrice et s’amuse de remarques un rien homophobes. Tiquer aussi devant les regards énamourés at first sight de Penelope Ann Miller, actrice qui a eu des rôles nettement plus gratifiants (L’Impasse de De Palma)…

Ou on peut prendre ça au troisième degré et tenter de retrouver son âme de tout jeune ado, et s’amuser de voir Schwarzenegger malmené comme rarement par une classe de maternelle. Et se dire que c’est une petite chose plutôt sympathique, qui garde un certain charme, trente-cinq ans après. Au moins en tant que madeleine.

Ad Vitam – de Rodolphe Lauga – 2025

Posté : 25 juillet, 2025 @ 8:00 dans 2020-2029, LAUGA Rodolphe, POLARS/NOIRS | Pas de commentaires »

Ad Vitam

Tiens… il est tard, envie d’un truc un peu dégénéré, j’aime bien Guillaume Canet, et il y a bien longtemps que je ne me suis pas tapé un pur film d’action. Allez… go to Netflix, pour vérifier si Ad Vitam ne vaut pas mieux que sa piètre réputation. Alors ? Eh bien les premières minutes donnent très envie d’appuyer sur le bouton de la télécommande qu’on n’a pas encore lâchée.

C’est tellement maladroit, chaque action est tellement surappuyée, la musique est tellement lourdingue, et les dialogues tellement clichés qu’on se dit que, non, on ne va pas être capable de tenir ça jusqu’au bout. Puis finalement on s’accroche. Puis on se dit que, en fait, l’histoire n’est pas si mal (même si ce satané flash-back qui dure une bonne moitié du film fait que l’histoire, en fait, commence 30 minutes avant la fin), que la trame est assez prenante, qu’il y a une vraie efficacité dans les scènes d’action, et qu’au fond on passe un bien meilleur moment que ce que les premières minutes laissaient craindre.

Certes, il faut accepter les méchants bien caricaturaux. Le grand méchant, surtout, réduit à ses rictus sadiques, qui ne laissent aucune chance à la dimension « scandale d’état » d’exister. Certes, le réalisateur Rodolphe Lauga, complice de longue date de Guillaume Canet, n’est ni Scorsese, ni Michael Mann. Mais on s’attache malgré tout aux personnages, et on se laisse prendre par le rythme qui, en dépit de toutes les maladresses, est plutôt bien tenu.

Certes aussi, on sent que le film n’existe au fond que pour permettre à Guillaume Canet (co-scénariste, à l’origine du proche) d’interpréter un membre du GIGN. Et à Netflix de produire un pur film d’action qui ne voit pas plus loin que l’influence Taken. Bon, alors, c’est bien, Ad Vitam ? Ben pas vraiment, mais c’est quand même assez sympathique. Peux pas mieux dire…

Manon – de Henri-Georges Clouzot – 1948

Posté : 24 juillet, 2025 @ 8:00 dans 1940-1949, CLOUZOT Henri-Georges | Pas de commentaires »

Manon

Manon, c’est Manon Lescault. Et non, le roman de l’abbé Prévost, publié en 1731, ne se situe évidemment pas au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Ne l’ayant pas lu, je ne jurerai pas que l’adaptation qu’en tire Clouzot est fidèle dans l’esprit. Mais elle en respecte au moins la trame, remise au goût du jour : Manon est une jeune femme désinvolte dont le comportement choque la société dans laquelle elle vit, et dont un homme au destin tout tracé tombe passionnément amoureux.

Ici, c’est la société française de la libération, qui juge sérieusement les sourires qu’a pu avoir la jeune femme pour des soldats allemands, et que la foule en colère aurait bien rasée si elle n’avait été placée sous la surveillance d’un résistant droit et intègre, qui décide de s’enfuir avec elle. C’est la force implacable du destin que filme Clouzot, brassant dans le même mouvement le poids de l’époque, et celui de sa propre personnalité.

La manière dont le couple est malmené par l’époque est particulièrement troublante : difficile de ne pas penser au sort réservé à Clouzot lui-même par le comité d’épuration, qui lui reprocha d’avoir travaillé pour la Continental, et d’y avoir réalisé un film évoquant une France de délation (Le Corbeau, pourtant dénonciation féroce de la délation). Alors, Clouzot a-t-il voulu régler ses comptes, lui qui était revenu en grâce avec son premier film de l’après-guerre, Quai des Orfèvres ?

Son film raconte en tout cas l’impossibilité pour le jeune couple de vivre pleinement et librement son amour, dans un monde en pleine mutation, et tenté par le communautarisme. Tourner le dos à un monde en ruines, pour se projeter dans un avenir tout aussi incertain, vers la naissance de l’état d’Israël… Le film condense quelques-uns des enjeux les plus brûlants du monde d’alors. Dont certains sont, en 2025, d’une incroyable pertinence.

Le film aurait pu se terminer sur le bateau qui conduit le couple vers la Palestine, et laisser l’imagination faire la suite. La dernière partie peut paraître plus empesé, plus tragiquement lyrique, pleine d’emphase, rompant assez radicalement avec l’esprit du film jusqu’alors. Mais c’est cette dernière partie qui reste en mémoire : la marche de Cécile Aubry et Michel Auclair dans le désert, et la manière dont le monde se referme inexorablement autour de leurs deux visages, comme si l’amour n’avait plus sa place dans ce monde, ou comme si, au contraire, il était l’ultime refuge.

Yellowstone (id.), saison 2 – série créée par Taylor Sheridan et John Linson – 2019

Posté : 23 juillet, 2025 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 2010-2019, ACTION US (1980-…), BIANCHI Ed, COSTNER Kevin, DAHL John, FERLAND Guy, KAY Stephen T., LINSON John, RICHARDSON Ben, SHERIDAN Taylor, TÉLÉVISION, WESTERNS | Pas de commentaires »

Yellowstone saison 2

Cette saison 2 confirme et renforce toutes les impressions laissées par la saison 1 : Yellowstone est une sorte de variation punchy et passionnante des intrigues (famille et business compris) de séries comme Dallas. Le côté « punchy et passionnant » ayant son importance. Sur le fond, rien de bien révolutionnaire, donc : au royaume des affaires, la corruption et la violence sont rois.

Sur la forme, on retrouve tout le savoir-faire « à l’ancienne » mis en place par Taylor Sheridan, avec un sens du rythme imparable, et une générosité dans l’action et les rebondissements qui frôlent le trop-plein. Les personnages principaux ont d’ailleurs une capacité étonnante à guérir très vite, que ce soit de coups potentiellement modernes, de blessures par balle, ou de cancers.

Ce pourrait être là une sérieuse réserve. Mais on a depuis longtemps déjà balayé la vraisemblance, au profit du principal intérêt de la série. Et il est de taille : le plaisir immense qu’elle procure, avec sa prolifération de rebondissements, de ressors dramatiques intenses et violents, et ses personnages hantés de l’intérieur, qui semblent gagner encore en charisme et en profondeur.

Au-delà du destin de la famille Dutton, qui se bat pour protéger ses acquis, Sheridan glisse mine de rien quelques belles scènes qui témoignent d’un vrai intérêt pour le sort réservé aux Indiens. Sans angélisme : le personnage de Thomas Rainwater, le chef de la réserve indienne, est un homme d’affaires au fond aussi impitoyable et manipulateur que les autres. Mais avec un regard finalement assez rare sur le sort des tribus indiennes condamnées à vivre aux portes de leurs terres ancestrales.

Le personnage de Monica, quelque peu en retrait dans la première saison, prend ici une ampleur nouvelle, et devient une sorte de symbole de la cause indienne, dans ce qu’elle raconte lors des cours qu’elle donne à l’université, ou dans ce qu’elle vit dans cette communauté de blancs (la scène d’humiliation dans le magasin est particulièrement frappante).

La prolifération de sous-intrigues donne souvent le sentiment que la série repose en partie sur le réflexe du zapping, quitte à évacuer trop vite certains enjeux. Mais tout revient toujours à l’essentiel : cette famille Dutton si dysfonctionnelle, et la manière dont chacun de ses membres, si haïssable, finit par dégager une troublante humanité.

L’un des nôtres (Let him go) – de Thomas Bezucha – 2020

Posté : 22 juillet, 2025 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 2020-2029, BEZUCHA Thomas, COSTNER Kevin, WESTERNS | Pas de commentaires »

L'un des nôtres

C’est souvent un détail qui donne envie de voir un film. En l’occurrence, c’est le couple de vedettes : Diane Lane et Kevin Costner, qui avaient déjà formé un couple dans Man of Steel (hélas), et qui malgré ça incarnent quelque chose d’assez exceptionnel pour un cinéphile qui a grandi dans les années 90. Diane Lane et Kevin Costner, en couple vieillissant, dans un film à suspense, ça ne se refuse pas, donc.

Premier bilan : Diane Lane et Kevin Costner en couple vieillissant, ça a quand même une sacrée allure, et ça trimballe quelque chose de profondément nostalgique pour un cinéphile qui a grandi dans les années 90, et que ce couple renvoie directement à une période fondatrice de sa cinéphilie. Les deux acteurs sont, donc, le principal atout de ce faux thriller, qui n’est au fond rien d’autre qu’un portrait de couple vieillissant.

Et s’il ne s’égarait pas in fine sur les chemins d’un vrai thriller, ce faux thriller aurait pu avoir une sacrée allure. Si le scénariste (d’après un roman de Larry Watson) et réalisateur n’avait choisi la voie de l’explosif et du spectaculaire pour conclure son récit, qui empruntait a priori des chemins nettement plus intimes.

Le film commence par la mort accidentelle du fils de Lane et Costner, jeune homme qui laisse derrière lui une veule et leur bébé. Deux ans plus tard, on retrouve la veuve devant l’autel, épousant visiblement sans passion un jeune homme qui ne tarde pas à emmener femme et enfant loin des ex-beaux-parents. Ce que la grand-mère (Diane Lane donc, si vous suivez) n’accepte pas, convaincue d’avoir vu dans la rue le nouveau mari battre l’ex-belle-fille et le petit-fils.

Ce qui est suffisant pour que ladite grand-mère décide de partir à la recherche de l’enfant, convaincue qu’elle doit le sauver. Ce qui, à son tour, est suffisant pour convaincre le grand-père (Kevin Costner, suivez, bon sang!) de suivre son épouse, pas vraiment convaincu qu’elle a vraiment vu la scène de violence, mais convaincu que lui aime profondément celle qui partage sa vie.

Le film flirte donc avec le très beau portrait d’un couple vieillissant. Et on est à ça de dire de Diane Lane et Kevin Costner qu’ils sont aussi bouleversants ensemble que Renée Devillers et Louis Jouvet soixante-dix ans plus tôt dans Les Amoureux sont seuls au monde. A ça. En gros, s’il n’y avait ce besoin vaguement idiot de miser sur la surenchère.

Le film est tendu, et dramatique à souhait. Mais il y a quand même cette impression fâcheuse que Thomas Bezucha est passé à côté de quelque chose de plus grand. Parce que ce qui est vraiment fort et original dans le film, ce n’est pas la belle-fille et son enfant enfermés dans cette famille décérébrée et coupée du monde. Non : c’est le mari vieillissant et taiseux qui pose un regard si tendre sur sa femme, mère et grand-mère inconsolable, qu’il ne sait comment consoler.

Et ce sont potentiellement deux très grands rôles pour deux acteurs qui accompagnent depuis des décennies les cinéphiles qui ont grandi dans les années 90. Deux très grands rôles potentiels qui se révèlent au final deux beaux rôles. Ce qui est bien, mais un rien frustrant, quand même.

La Loi de la prairie (Tribute to a bad man) – de Robert Wise – 1956

Posté : 21 juillet, 2025 @ 8:00 dans 1950-1959, CAGNEY James, WESTERNS, WISE Robert | Pas de commentaires »

La Loi de la prairie

La loi de la prairie, c’est celle d’un Ouest américain où la Loi, justement, n’est pas encore arrivée, et où chacun doit faire régner sa propre justice. Particulièrement un grand propriétaire comme le personnage joué par James Cagney, qui face à l’adversité et aux menaces laisse éclater sa « fièvre de la pendaison »…

Avec un tel sujet, on peut s’attendre à un western plein de violence et de règlements de compte. Pourtant, Tribute to a bad man est remarquablement économe en séquences violentes. Il s’ouvre pourtant sur un guet-apens : c’est ainsi qu’on découvre Cagney mal en point face à deux tueurs qui le canardent, sauvé par l’arrivée d’un jeune apprenti cow-boy tout juste débarqué de l’Est joué par Don Dubbins.

Ce dernier est le véritable pivot du film, et son narrateur en voix off, dans la première et la dernière séquence. Et son sauvetage n’a rien d’héroïque : sa simple présence suffit à mettre en fuite les tueurs, et à mettre un terme à ce qui aurait pu être la première scène d’action du film. Mais non, rien : juste une fusillade avortée. D’ailleurs, le jeune homme ne tarde pas à le reconnaître : il n’est pas un vrai cow-boy (mais il apprend vite), et il n’a jamais tué quoi que ce soit.

La suite est dans cet esprit. Le film de Wise flirte constamment avec des thèmes convenus du western, pour mieux s’en démarquer. Cagney est un homme dont la puissance l’isole du monde, et qui craint de voir celle qu’il aime partir avec le jeune homme. Un homme obsédé par le contrôle de son domaine, et de sa propre vie. Et face à lui, la menace amoureuse d’un jeune homme encore plein d’illusion, et la menace physique d’un homme de main un peu trop ambitieux (Stephen McNally).

Dans tous les cas, on s’attend à une explosion de violence. Dans tous les cas, Wise opte pour une lutte intérieure. Le combat entre le bien et le mal a bien lieu, mais pas à l’écran, en tout cas pas de manière évidente : il se déroule dans l’esprit de Cagner, très grand dans le rôle de cet homme rongé par l’obsession, qui baisse maladroitement la garde devant la femme à qui il doit son équilibre : « Introducing Irene Papas », affirme le générique, oubliant toute la carrière européenne préalable de l’actrice grecque.

Qu’importe d’ailleurs, Irene Papas apporte à son personnage quelque chose de radicalement différent des personnages habituels de femmes dans les westerns : aimante, cultivée et libre, une femme qui refuse de se laisser dicter sa conduite, et qui au fond est le véritable moteur du film. Bien plus qu’un James Cagney qui dissimule (mal) ses doutes et sa fragilité derrière une autorité radicale qui ne fait illusion qu’un temps.

Au fond, La Loi de la prairie est un western introspectif qui bouscule les code. Un film d’action sans action qui interroge sur la violence, l’autorité et la justice. Tout ça derrière les aspects d’un pur film de genre. C’est gonflé, et passionnant.

Sherlock Holmes et l’arme secrète (Sherlock Holmes and the secret weapon) – de Roy William Neill – 1942

Posté : 20 juillet, 2025 @ 8:00 dans * Espionnage, * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, NEILL Roy William, Sherlock Holmes | Pas de commentaires »

Sherlock Holmes et l'arme secrète

«Cette forteresse, construite par la nature, cette parcelle bénie, cette terre, ce royaume, cette Angleterre… » Sans vouloir spoiler, cette par cette tirade patriotique énamourée que s’achève ce nouvel épisode de la série des Sherlock Holmes, reconvertie dans l’effort de guerre. Ceci pour rappeler que, après deux épisodes inauguraux plutôt fidèles à l’œuvre de Conan Doyle, la série s’est transformée en saga de propagande pour soutenir l’effort de guerre.

A l’époque, cela devait faire son petit effet, de la même manière que Basil Rathbone déclamant ses tirades holmesiennes avec une gravité profonde devait emporter immédiatement l’adhésion des spectateurs. 80 ans plus tard, les bombes ne tombent plus sur Londres, et la dimension patriotique de la chose n’ont clairement plus le même effet. D’où le sentiment très mitigé que procure ce nouvel épisode.

Sur le fond, le patriotisme héroïque du film renvoie clairement et durement à une époque révolue (et c’est une bonne chose), et sonne bien maladroitement quand on le voit avec un regard d’homme du XXIe siècle. Sur la forme, la série a beau avoir un petit côté routinier, elle réserve son lot de beaux moments, séquences très efficacement construites, et pleines de suspense.

On hésiterait presque à raconter l’histoire, tant la série s’enferme dans un modèle narratif sans grande surprise. Holmes, super agent british, réussit grâce à son génie à extrader un scientifique dont l’invention pourrait changer le court de la guerre. Oui, comme à peu près tous les épisodes de la série.

Mais formellement, le film est très réussi. Il s’ouvre même par une longue séquence remarquable dans laquelle Neill filme très efficacement les décors de Suisse, et les dangers qui s’y nichent. Mais le meilleur, c’est sans doute le retour à Londres, dont le réalisateur ne filme qu’une rue plongée dans l’obscurité et jonchée de débris des bombardements. La rue étant, bien sûr, Baker Street.

Malgré la gravité trop systématiquement affectée de Basil Rathbone, malgré la prestation très, très en retrait de Nigel Bruce en Watson, cet opus remplit sa mission, avec quelques belles surprises comme le retour de Moriarty, l’ennemi de toujours. La rencontre des deux icônes ne fait certes pas les étincelles attendues, mais quand même…

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