Boomerang ! (id.) – d’Elia Kazan – 1947
Le meurtre en pleine rue d’un prêtre réputé pour sa bonté, un coupable tout désigné, un procureur ambitieux, une opinion publique qui s’impatiente, une affaire qui devient politique… Elia Kazan s’empare du « film tiré des archives de… », ce sous-genre du polar des années 40 qui revenait sur des faits divers marquants pour mieux dire (souvent avec réussite) le rôle joué par les grandes institutions américaines.
Sauf qu’aucune institution ne sort vraiment grandi de ce film-enquête qui est surtout l’occasion pour Kazan de porter un regard d’une remarquable acuité, à la fois sur la presse tiraillée entre la déontologie journalistique et les intérêts de patrons peu scrupuleux, sur la population plus ou moins perméable aux infos, et sur le système judiciaire et ses interactions avec la sphère politique.
Avec ce film de genre, Kazan dénonce les affres de la société, mais aussi les tourments intérieurs de personnages jamais d’un seul bloc. Dana Andrews est impérial dans le rôle du procureur, doutant et s’interrogeant, tiraillé entre les difficultés de ce qu’il croit juste, et les facilités de tous les renoncements. Une nouvelle preuve éclatante de la grandeur de cet acteur trop souvent oublié parce qu’il semble ne rien faire.
Il est formidable, notamment dans ses face-à-face avec Lee J. Cobb, flic dont l’intégrité et les certitudes seront elles aussi ébranlées. Ces face-à-face sont fascinants, parce que les deux acteurs ont des styles qui paraissent irréconciliables : Andrews tout en intériorité, Cobb cabotinant avec une outrance toujours maîtrisée. Toujours formidable. Et entre eux deux se tisse une amitié contrariée, et une complémentarité, qui font beaucoup pour le film.
Ajoutons à ce beau casting Ed Begley en politicard pourri, Marl Malden dans un petit rôle de flic (non crédité), et Arthur Kennedy en coupable désigné. Film noir, film de procès, film social… Boomerang ! annonce les chefs d’œuvre à venir de Kazan.