Les Acteurs – de Bertrand Blier – 2000
Les Acteurs pourrait n’exister que pour sa première scène, superbe. Jean-Pierre Marielle (le vrai) y est dans un restaurant et réalise que le serveur ne l’entend pas lorsqu’il demande un pot d’eau chaude. Et c’est toute la truculence et la grandeur de ce type à la voix si forte, qui panique à l’idée de ne plus être entendu. Terrible angoisse, pour un acteur. Et grande interprétation pour Marielle, dont le drame sera le fil rouge de ce film construit sur le principe du fil que l’on tire, sans lien logique entre les scènes.
C’est aussi un hommage un peu vachard à cette drôle de profession que signe Bertrand Blier ici. Ses acteurs, hallucinante distribution qui réunit toute une famille du cinéma français, sont des hommes bourrés de névroses et de défauts, et très égocentrés. Pas de femmes ici, si ce n’est Balasko… dans le rôle d’André Dussollier, Dominique Blanc et Maria Schneider, dans les seuls rôles fictifs. Blier évoque un certain cinéma gouailleur qui semble pour lui exclusivement masculin.
Arditi, Brialy, Brasseur, Lonsdale, Serrault, Villeret, Yanne, Piccoli, Galabru, Frey, Dussollier, Rich… Les grands acteurs se succèdent, dans des saynètes tantôt drôles, tantôt lourdingues, tantôt loufoques, plus ou moins profondes, plus ou moins réussies. L’apparition de Depardieu se résume à sa tête de motard coincée dans un panneau d’affichage après un accident. Ni fin, ni intelligent. Celle de Belmondo laisse perplexe : Blier le filme en idiot souriant qui répète en boucle « j’me suis marré, qu’est-ce que j’me suis marré ».
On retiendra finalement plus la place laissée aux morts : Pierre Brasseur et Bernard Blier, que leurs fils respectifs (Claude et Bertrand) réussissent à joindre par téléphone. Un peu facile, mais plutôt émouvant. Surtout, l’hommage rendu à Gabin et Ventura, dont on ne voit que les chaises vides, jusqu’à l’apparition du dernier des Siciliens, Delon, superbe et magnétique : « Va falloir vous démerder avec ce qu’il reste, les gars ! »
Il est quand même immense, ce Delon-là. Avec lui, qui apparaît dans une nuit de cinéma, c’est toute une tradition du cinéma français qui revit l’espace de quelques secondes : celle de Gabin et Ventura donc, mais aussi celle du Melville du Samouraï. Les Acteurs est un film très inégal, mais après cette courte scène-là, j’ai envie de paraphraser Marielle : « Regardez bien mes yeux, je crois qu’ils sont humides. »