Crime et châtiment – de Georges Lampin – 1956
N’ayant pas lu le roman de Dostoïevski, je me garderai bien de lui comparer le film de Georges Lampin. Disons simplement que le scénario (contrairement à la précédente adaptation française, pour le film de Pierre Chenal) transpose l’action dans le Paris des années 50.
L’ambition est belle, et le film est assez irréprochable. Lampin met en images le Paris des laissés pour compte, des quartiers miséreux, des immeubles décrépis, et des personnages comme oubliés par la société. Robert Hossein, étudiant sans avenir qui tue une vieille usurière pour sa fortune présumée… ou pour autre chose ?
Autour de lui, une sœur, une mère, un ami, bons et plein d’empathie. Pauvres, prêts à accepter toutes les chances qui se présentent sans être trop regardants. Prête, pour la mère, à offrir sa fille à un vieux libidineux qui a pour lui d’avoir de l’argent.
Il y a dans ce Crime et Châtiment de belles intentions, une certaine intensité, quelques grands moments. La scène du crime tellement tendue qu’elle en est étouffante avec ce sang qui n’en finit pas de s’étendre. Un vieil alcoolique humilié devant ses enfants. Deux hommes qui se détestent mais se retrouvent autour d’un même secret, et d’un même dégoût de soi…
On vibre, on s’attache, on suffoque, on a envie, par moments, de crier avec ces personnages, de renverser cet ordre établi qui garantit aux riches comme aux pauvres de rester à leur place. Pourtant, cette révolte n’est jamais (ou si peu) vraiment incarnée.
Malgré toutes les qualités, la beauté plastique du film, l’intensité des interprétations, le film a quelque chose de trop lisse, trop glacé, trop sage, pas assez désespéré. La crasse elle-même paraît trop propre. Et comment croire à la misère sans issue d’une Marina Vlady à la jeunesse si pure ? Elle amène une dimension quasi-christique au film, transformant in fine la portée sociale déchirante en une sorte de prêchi-prêcha bien moins convaincant.
Une réussite en demi-teinte, portée quand même par une grande distribution. Carette, Gérard Blain, Hossein, Lino Ventura, Bernard Blier en gros dégueulasse, et Jean Gabin qui apparaît tardivement, en flic revenu de tout, taiseux et garant de l’ordre établi.
Pas le chef-d’œuvre qu’il aurait pu être, certes, mais cette adaptation ne manque pas d’ambition. C’est en tout cas une curiosité, ne serait-ce que dans la filmographie de Gabin.