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Archive pour la catégorie 'WESTERNS'

Les Ecumeurs (The Spoilers) – de Ray Enright – 1942

Posté : 22 avril, 2023 @ 8:00 dans 1940-1949, DIETRICH Marlene, ENRIGHT Ray, WAYNE John, WESTERNS | Pas de commentaires »

Les Ecumeurs

Marlene Dietrich, John Wayne, Randolph Scott (sans oublier le vétéran Harry Carey)… Quelle affiche, quand même, que celle des Ecumeurs. La même d’ailleurs que celle de Pittsburgh, qui sera tourné quelques mois plus tard par Lewis Seiler. Mais cette affiche spectaculaire est quand même à nuancer…

D’abord, Marlene semble la quasi-caricature d’elle-même, jouant une énième fois la reine du saloon, et l’objet de toutes les convoitises. Ensuite, Wayne est encore un peu jeunot, manquant de cette présence inouïe qu’il aura dans tous ses films, y compris les moins bons, quelques années plus tard. Enfin, Scott n’est pas encore la grande figure westernienne qu’il deviendra dans sa maturité. Il reste l’acteur de comédie de ses débuts, le sourire constamment aux lèvres quelle que soit la situation.

Ce sourire pose rapidement problème, parce qu’il ne colle pas à son personnage pour le moins trouble, ni même à une histoire qui aurait mérité plus de noirceur, plus de gravité. Le sujet est sombre : la spoliation des terres dont on été victimes des prospecteurs en Alaska vers 1900, sous le couvert d’une pseudo-loi face à laquelle les individus se heurtaient à un dénis de leurs droits. L’histoire est passionnante, et édifiante, le rythme est impeccable… mais pourquoi diriger les acteurs avec tant de légèreté, quand le sujet est si sombre ?

Cette approche, presque de comédie, fait passer Enright à côté d’un film qui s’annonçait pourtant spectaculaire. Il est impressionnant, ce premier plan, montrant un train traversant la ville boueuse et bondée de monde de prospecteurs. Comme sont impressionnants toutes les scènes d’ensemble, cette manière de filmer la vie dans ce coin du monde, avec des moyens qui semblent importants : des décors magnifiques, des dizaines de figurants, de la boue partout, de la vie, du mouvement…

Impressionnante aussi, la grande scène de bagarre, d’une grande brutalité, et mettant en scène dans de nombreux plans très percutants les acteurs eux-mêmes, qui donnent beaucoup de leur personne. Alors oui, on prend un certain plaisir à voir ces trois grands noms se livrer à un dangereux triangle amoureux, mais avec le sentiment constant de passer à côté de quelque chose autrement plus grand.

Un peu comme cette scène courte et étonnante où le personnage de Marlene Dietrich croise dans son saloon un homme qui lui explique être en train d’écrire une histoire, qui sera celle de The Shooting of Dan McGrew, un fameux poème narratif évoquant la vie des pionniers en Alaska (et dont Tex Avery tirera son Shooting of Dan McGoo), étrange clin d’œil furtif et sans conséquence, qui ouvre des perspectives sans rien en faire.

Dix hommes à abattre (Ten wanted men) – de H. Bruce Humberstone – 1955

Posté : 3 avril, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, HUMBERSTONE Bruce, WESTERNS | Pas de commentaires »

Dix hommes à abattre

Randolph Scott décidé à se venger après la mort d’un proche… Voilà une phrase qui peut résumer une belle quantité de westerns. De là à dire que celui-ci tombe dans la facilité, il y a un pas que je ne franchirais pas. Il y a bien des raccourcis dans ce film : une romance qui se noue en un quart de seconde, un prétexte de querelle auquel on a bien du mal à croire, des rebondissements téléphonés (on sait d’emblée qui va se faire tuer et qui va s’en sortir). Mais il y a aussi des choses assez enthousiasmantes.

Et ça commence par une scène inattendue : un braquage de diligence (oui, oh, rien de bien original), qui s’avère être une blague, que vient dévoiler le grand rire d’un Randolph Scott inhabituellement jovial en grand propriétaire tout à son bonheur de retrouver son frère et son neveu, qu’il n’a pas vus depuis dix-huit ans. Sauf que le neveu tombe raide amoureux (au premier regard) d’une jeune femme qu’un autre grand propriétaire veut garder pour lui. C’est Richard Boone, alors on sait qu’il sera le grand méchant de l’histoire. Pas manqué.

C’est le grand méchant, mais il est assez étonnant. Parce qu’il n’est visiblement motivé que par l’amour (un amour très possessif, mais un amour quand même), et pas par l’argent ou le pouvoir. Parce qu’il ne tarde pas à se faire dépasser par les tueurs qu’il a engagés. Et parce qu’il est franchement assez pathétique, jusqu’au duel (presque) final attendu.

Ce western détonne par la place qu’il réserve aux femmes et aux romances, centrales à plusieurs titres. Le scénario n’est certes pas d’une très grande finesse, mais Humberstone, cinéaste nettement moins réputé que Boetticher ou De Toth dans le genre (pour citer les deux cinéastes fétiches de Randolph Scott au cours de cette décennie), mais il signe un western passionnant, avec quelques très beaux moments, à l’image de cette scène d’attente dans la maison assiégée, avec une série furtive de gros plans magnifiques.

Belle aussi, la relation de Scott avec la veuve jouée par Jocelyne Brando (la sœur de), romance qui ne dit pas son nom. Humberstone met joliment en scène la tendresse qui unit cet homme jovial et très entouré et pourtant solitaire, et cette femme plus si jeune. Les autres rôles féminins ne sont sans doute pas aussi intéressants, aussi développés. Mais ne serait-ce que pour la place qui est réservée aux femmes, Dix hommes à abattre mérite d’être découvert.

Le Shérif aux mains rouges (The Gunfight at Dodge City) – de Joseph M. Newman – 1959

Posté : 22 mars, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, NEWMAN Joseph M., WESTERNS | Pas de commentaires »

Le Shérif aux mains rouges

The Gunflight at Dodge City : voilà un titre qui claque, plus en tout cas que l’étonnante « traduction » française. Un règlement de compte dans l’une des villes les plus mythiques de l’Ouest, point d’orgue annoncé d’un western qui coche scrupuleusement toutes les cases incontournables du genre. Sans le transcender, sans surprendre, sans même entraîner un enthousiasme démesuré.

Le film est de ces westerns qui se veulent biographiques, mais qui prennent d’énormes libertés avec la réalité. Le héros en l’occurrence, c’est Bat Masterson, le genre de noms que l’on connaît sans trop savoir ce qu’ils nous évoquent. Une figure (authentique) de l’Ouest, donc, un nom dont on sait parfaitement qu’on l’a déjà croisée dans plus d’un western. Mais où ?… réponse : dans beaucoup de films évoquant la figure de Wyatt Earp, dont Masterson fut l’un des adjoints.

De Wyatt Earp, on n’entendra parler ici qu’au détour d’un bref dialogue. Le film revient, en 1h20 et avec beaucoup de libertés, sur les épisodes les plus marquants du parcours de Masterson, ancien chasseur de bison, ancien éclaireur, reconverti en propriétaire de saloon et en homme de loi par le hasard des rencontres et de la vie. C’est Joel McCrea, toujours très bien, même avec deux décennies de trop au compteur pour le rôle.

L’acteur retrouve là son réalisateur de l’excellent Fort Massacre, pour un western radicalement différent, faux biopic assez paradoxal. Parce que, d’une part, il s’autorise absolument toutes les libertés par rapport au vrai destin de son personnage. Et parce que, malgré cette liberté, le film semble engoncé par les limites de la réalité historique. Il y a bien un vague fil rouge, mais le film est pour l’essentiel une succession de moments, sans énorme enjeu suivi.

Le film est ainsi parsemé de moments de bravoure (la première fusillade notamment, impromptue et radicale), mais manque de liants. L’interprétation d’un McCrea toujours parfait, et la présence d’un comparse campé par l’indispensable John McIntire, suffisent à assurer l’intérêt, et presque à faire oublier un ultime gunfight, qui gâche un peu la bonne impression qu’avait laissé la toute première scène du film, dialogue particulièrement fort sur les effets de la violence, qui laissait espérer un drame nettement plus nuancé.

  • Dans la collection Westerns de Légende de Sidonis/Calysta

Violence au Kansas (The Jayhawkers) – de Melvin Franck – 1959

Posté : 20 mars, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, FRANCK Melvin, WESTERNS | Pas de commentaires »

Violence au Kansas

Voilà un western qui renouvelle d’une manière assez passionnante l’éternel thème de la vengeance. Evadé de prison, un homme rentre chez lui et découvre que sa femme est morte, victime d’un puissant chef de gang. Une trame qui rappelle celle de bien des films, notamment des westerns de Boetticher avec Randolph Scott. Ici, c’est Melvin Franck qui s’y colle. Et non, le gars n’a pas la carrure de Boetticher.

Plus habitué à la comédie, Franck n’a pas le talent de l’épure qu’ont beaucoup de grands noms du genre. Certains plans sont étirés inutilement, et le rythme du film s’en ressent souvent. Il a aussi un handicap dont il ne sait visiblement pas trop que faire : plusieurs acteurs assez ternes, à commencer par le héros, Fess Parker (« y’avait un homme qui s’appelait Davy… » éternel Davy Crockett de mon enfance), monolithique en toutes circonstances.

Mais le scénario (auquel participe « Buzz » Bezzerides) est particulièrement original, osant une amitié profonde et sincère entre les deux adversaires : l’homme avide de vengeance, et celui qui a causé la perte de celle qu’il aimait. Dans ce rôle, Jeff Chandler est excellent, parfait mélange de sensibilité et de froideur meurtrière : un admirateur de Napoléon qui se rêve en maître du Kansas, dictateur en puissance aux aspirations humanistes. Un tueur impitoyable, doublé d’un homme sensible et séduisant.

Franck capte des moments inattendus de tendresse entre ces deux hommes amenés à se trahir et à s’entretuer. Des moments franchement rares dans un genre souvent marqué par une virilité à l’ancienne qui ne laisse guère de place à de telles relations entre hommes. Mais pas question de pousser trop loin l’éventuel sous-texte : une femme est là pour remettre nos couillus cow-boys dans le droit chemin (la Française Nicole Maurey, jolie et tout juste convaincante).

Mais ce qui frappe le plus dans ce western méconnu, c’est à la fois l’ampleur de la production, avec de beaux décors et beaucoup de figurants, et la beauté de la photo, chaude et profonde, que l’on doit à Loyal Griggs (oscarisé pour Shane). C’est grâce à lui si certaines scènes sont si marquantes, notamment les attaques nocturnes, spectaculaires et visuellement superbes.

  • Dans la collection Westerns de Légende de Sidonis/Calysta

Hitchin’ Posts (id.) – de John Ford – 1920

Posté : 9 mars, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, FORD John, WESTERNS | Pas de commentaires »

Hitchin' Posts

Je croyais ce Hitchin’ Posts totalement perdu, comme l’immense majorité des Ford de cette époque, voilà que je découvre qu’il n’en est rien… enfin pas totalement : de ce film qui devait durer quelque chose comme cinquante minutes, il en subsiste trois (minutes), précieusement conservées par la Library of Congress, et dans un état assez exceptionnel.

Trois minutes, c’est peu, et ça ne permet évidemment pas d’appréhender l’ensemble de l’histoire. Mais en l’état, ce fragment peut se suffire à lui-même. Le découvrir est en tout cas enthousiasmant… et très frustrant. Parce que ces trois minutes sont absolument magnifiques, laissant penser que Ford est déjà au sommet de son talent. Et que si tout le film était de ce niveau, alors Hitchin’ Posts avait tout du chef d’œuvre.

En quelques secondes seulement, Ford plante une atmosphère profondément nostalgique : celle du Sud de l’après-guerre civile, où les anciens riches propriétaires sont réduits à jouer leur avenir aux cartes. On découvre ainsi deux d’entre eux jouant une main fatidique. L’un gagne (beaucoup), l’autre perd (gros). Les deux hommes réagissent avec une même grandeur, une même humanité qui dit beaucoup de tout ce que la guerre leur a enlevés…

La scène se passe sur un bateau à vapeur avançant au rythme lent du fleuve, ce genre de bateaux et de rythmes que Ford retrouvera dans Steamboat Round the Bend quinze ans plus tard. Et le décor est tout sauf anodin. Après la défaite lourde de conséquence du propriétaire, un plan de coupe montre une jeune femme sur le bord du fleuve saluant le passage du bateau, geste léger qui contraste avec le drame qui se noue.

Quant au vainqueur, Ford le film à la porte de la cabine, les rives du fleuve défilant lentement en arrière-plan dans une image visuellement splendide, qui dit aussi beaucoup du rythme de la vie, du temps qui passe lentement mais inexorablement. C’est beau, simple, et ça prend aux tripes. Enthousiasmant et hyper-frustrant, donc : un fragment fordien de plus dont on sort en espérant qu’un jour, peut-être, un miracle permette de découvrir la suite de cette merveille.

La Poursuite des Tuniques bleues (A Time for killing) – de Phil Karlson – 1967

Posté : 6 janvier, 2023 @ 8:00 dans 1960-1969, FORD Harrison, KARLSON Phil, WESTERNS | Pas de commentaires »

La Poursuite des Tuniques Bleues

Grand cinéaste de films noirs, Phil Karlson a aussi signé une poignée de westerns dont l’un, au moins, est formidable : Le Salaire de la violence, tourné en 1958. Plus tardif, cette Poursuite des Tuniques bleues n’est pas du même niveau : on peut lui reprocher quelques faiblesses étonnantes, particulièrement du côté des personnages.

Celui de Glenn Ford pour commencer, censé être le héros du film, et qui traverse une grande partie de l’histoire dans une sorte d’apathie incompréhensible. Hormis la première et la dernière séquences, il se contente d’être là, comme emprunté dans un uniforme yankee trop lourd, ou trop étroit… Difficile aussi de comprendre l’importance laissée à deux duos de soldats quasi-comiques (deux Confédérés qui passent le film à se battre, deux Nordistes qui tentent d’échapper à l’action) dans un film aussi sombre…

Parce qu’il est sombre ce film. Malgré son apparente simplicité (des prisonniers sudistes s’évadent, des soldats nordistes les pourchassent), le film de Karlson, écrit par le scénariste de 3h10 pour Yuma (un rôle autrement plus mémorable pour Glenn Ford), s’avère un pamphlet pacifiste assez fort, et d’une amertume surprenante. Si l’apathie de Ford est si gênante, c’est que son personnage semble d’abord très prometteur : cet officier forcé de donner la mort pour obéir aux ordres d’un officier déshumanisé.

Dans cette première scène, véritable moment de torture morale, le regard de Ford émeut par la lassitude qu’il dégage : alors que la guerre de Sécession touche à sa fin, la mort qui continue à frapper paraît plus absurde et révoltante que jamais. Dans cette scène très forte, qui semble annoncer une filiation avec Le Bon, la brute et le truand (les prisonniers massés derrière un grillage), un autre Ford apparaît brièvement : Harrison, dix ans avant Star Wars, tout jeune et tout débutant.

La suite du film n’est pas tout à fait à la hauteur, mais réserve de belles surprises. Karlson réussit en tout cas à faire émerger des bribes d’humanité dans cette longue poursuite pleine de violence. Il filme des personnages fatigués, des hommes simples pour la plupart, qui ne demandent qu’à rentrer chez eux (jamais vu des soldats au cinéma réclamant à ce point de rentrer chez eux), mais contraints par des officiers aveuglés par leur devoir, ou leur rancœur : George Hamilton, pas mal en Sudiste que l’on sent tiraillé entre son envie de tuer et des restes d’humanité qui affleurent…

Et au milieu, une jeune femme, jouée par Inger Stevens, qui pourrait n’être qu’un argument charme comme il y en a tant dans l’histoire du western, mais qui s’avère beaucoup plus intéressante, beaucoup plus centrale. Sans dévoiler la fin du film, on peut quand même souligner ce dernier plan, lorsque la caméra se retrouve soudain au-dessus de la scène, cadrant Inger Stevens et Glenn Ford si proches, et si loin. Karlson est un cinéaste puissant.

El Texican (The Texican / El Tejano) – de Lesley Selander – 1966

Posté : 19 décembre, 2022 @ 8:00 dans 1960-1969, MURPHY Audie, SELANDER Lesley, WESTERNS | Pas de commentaires »

El Texican

Marrant ce western où Audie Murphy passe une grande partie de son temps à chevaucher dans des paysages très vallonnés, montant et descendant de petites collines, semblant tourner en rond pour bien mettre en valeur les décors naturels, censés être les rives du Rio Grande.

Le film a en fait été tourné en Espagne, ce qui n’a rien d’étonnant dans ce mitan des années 1960 : on est alors en pleine vogue du western italien, et on sent clairement son influence sur cette coproduction américano-européenne. Dans les duels surtout, où Audie Murphy se retrouve systématiquement face à plusieurs tueurs, comme Clint Eastwood chez Sergio Leone. Dans l’utilisation d’une musique tonitruante aussi, hélas pas signée Morricone, et très encombrantes.

Il y a d’ailleurs beaucoup de maladresses, voire de lourdeurs dans cette petite production pas désagréable, mais sans grande surprise. Lesley Selander a du mal à trouver ses marques, oscillant constamment entre cette influence européenne et une approche plus classique du western, genre qui, à Hollywood, est alors en bout de course.

Est-ce de là que vient l’étrange nostalgie qui plane sur tout le film, et ce rythme un peu lent, un peu fatigué. Audie Murphy lui-même (qui ne tournera plus que deux films avant de mourir prématurément) incarne un mauvais garçon qui semble revenu de tout, profondément las. Son face-à-face avec un chasseur de prime venu le capturer est particulièrement étonnant, et même assez beau, les deux hommes qui se connaissent depuis longtemps paraissant résignés, accablés par ce destin qu’ils n’ont pas la force de contourner…

Un beau moment aussi, étonnant : l’arrivée du héros dans un saloon et son « dialogue » musical avec un cowboy qui entonne des ballades à la guitare, commentant la tension montante en improvisant cette chanson dans son coin. Un intermède musical qui reste hélas sans suite, dont on se dit qu’il aurait pu être la base d’une sorte de chœur antique très séduisant.

Des qualités, donc, dans ce western imparfait. Et surtout la présence de Broderick Crawford. Avec sa masse et son incroyable voix profonde, impérial et parfaitement juste comme toujours, même dans un rôle caricatural comme celui-ci. Le genre d’acteurs capable de sortir n’importe quelle série B de l’anonymat.

L’Outrage (The Outrage) – de Martin Ritt – 1964

Posté : 24 octobre, 2022 @ 8:00 dans 1960-1969, NEWMAN Paul, RITT Martin, WESTERNS | Pas de commentaires »

L'Outrage

Le cinéma de Kurosawa a décidément nourri le western. Après Les 7 Mercenaires d’après Les 7 Samouraïs, et la même année que Pour une poignée de dollars d’après Yojimbo, c’est Rashomon que Martin Ritt refait à la sauce westernienne. Avec une dévotion flagrante pour le chef d’œuvre original, et avec fort peu de recul.

D’emblée, quelque chose de ce remake qui se contente de transposer l’histoire et les parti-pris de Rashomon dans un décor de western. Dès cette première scène, où trois personnes se rencontrent dans une gare abandonnée, sous une pluie battante. C’est exactement de la même manière que le film de Kurosawa commençait, mais dans un temple auquel cette gare miteuse fait furieusement penser. Comme ce décor désertique et montagneux que l’on devine derrière le rideau de pluie et l’obscurité.

Mais quelque chose cloche, donc. Peut-être est-ce la bande son, ces voix post-synchronisées trop claires, et le sentiment que Ritt ne sait pas quoi faire du bruit de la pluie lorsqu’il passe du présent des narrateurs aux différents flash-backs. Ou peut-être est-ce l’aspect quasi-caricatural, en tout cas désincarné, des personnages, réduits à leur type : un vieux prospecteur (Howard Da Silva, très bien), un escroc (Edward G. Robinson, truculent) et un pasteur (William Shatner, transparent). Sans vraie personnalité, en tout cas.

Le procédé narrative est le même que le film d’Akira Kurosawa : un enchevêtrement de flash-backs, et autant de points de vue qui racontent en se contredisant la rencontre fatale entre un couple de gringos (Claire Bloom et Laurence Harvey) et un bandit mexicain, joué par Paul Newman… Euh… Paul Newman en bandit mexicain ? Avec accent à couper au couteau et peau tannée soulignant ses yeux bleus ? V’là une idée qui sent le délire de fin de soirée arrosée… Il n’est pas mauvais d’ailleurs, dans ce rôle, mais difficile de croire à un personnage quand ce qu’on voit à l’écran, eh bien c’est un acteur trop grimé.

Bon. Dans Rashomon, chaque point de vue révélait quelque chose du narrateur, en plus d’apporter un nouvel éclairage sur le fait divers. Ici, c’est moins convaincant. Et comme Martin Ritt, réalisateur souvent inspiré, n’est quand même pas Kurowawa, son seul talent ne suffit pas à éviter le sentiment de redite, d’un point de vue à l’autre. Surtout que ces flash-backs subjectifs ont une tendance à tirer en longueur.

Bref. Pas convaincu par ce remake inutile, qui n’apporte rien et dont on se dit qu’il est à la fois un objet de dévotion, l’œuvre d’un cinéaste avide de se rapprocher de son modèle, et un film taillé pour un public américain pas prêt à se taper du Japonais sur grand écran.

First Cow (id.) – de Kelly Reichardt – 2019

Posté : 15 octobre, 2022 @ 8:00 dans 2010-2019, REICHARDT Kelly, WESTERNS | Pas de commentaires »

First Cow

La première scène de First Cow a l’air totalement anodine, voire inutile. De nos jours, une promeneuse découvre au bord d’une large rivière les ossements de deux personnes, gisant côte à côte à quelques centimètres de profondeur… Rien de plus, si ce n’est ce gros bateau qui descend lentement le long du cours d’eau. Elle n’a l’air de rien cette introduction, suivie aussitôt du « vrai » début du film, pas loin de deux siècles plus tôt dans l’Oregon des pionniers.

Elle n’a l’air de rien, mais elle pèse constamment sur ce beau film de Kelly Reichardt, nous glissant bien plus que la fin tragique promise aux personnages principaux : avec ce gros bateau lancé dans une course lente mais inarrêtable, et avec ce paysage dont on réalisera tardivement qu’il a beaucoup évolué en 200 ans, c’est comme si la cinéaste nous faisait toucher du doigt le temps lui-même et le côté inéluctable voire anecdotique des événements.

La cinéaste sait comme personne filmer le temps qui s’étire, et rendre perceptible le sentiment de toute puissance de la nature, ou de l’environnement. La rencontre des deux personnages principaux est toute auréolée de ces deux aspects. Elle se déroule dans une forêt sombre et humide, loin des décors habituels du western, genre dont la réalisatrice ne garde à peu près rien des codes. Et ce sont deux individus dont on ressent profondément l’immense solitude qui se trouvent. Littéralement.

Cookie le cuisinier un peu paumé, et King-Lu le Chinois en quête de fortune, n’ont a priori rien en commun si ce n’est d’être livrés à eux-mêmes dans un environnement particulièrement hostiles. Ensemble, ils vont d’abord rompre leur solitude, et puis rêver d’un lendemain plus heureux, qu’ils pensent toucher du doigt lorsque le miracle se produit : l’arrivée d’une vache dans la propriété d’un homme riche et puissant. La première vache de l’État, que les deux hommes commencent à traire en cachette la nuit, pour confectionner des gâteaux que les colons s’arrachent bientôt.

La beauté du film, tiré d’un roman de l’éternel complice de Kelly Reichardt Jonathan Raymond, repose avant tout sur l’humanité que sait capter la cinéaste, et sur sa manière de donner corps à son décor, cet Oregon du début du XIXe siècle que l’on a le sentiment de découvrir tel qu’il était, grâce à un extraordinaire sens du détail. Ni héroïsme ni spectaculaire dans ce western, mais une tension constante, et surtout une manière de filmer l’amitié et l’espoir, la peur et la fatigue. Superbe.

Little Big Man (id.) – d’Arthur Penn – 1970

Posté : 16 juin, 2022 @ 8:00 dans 1970-1979, PENN Arthur, WESTERNS | Pas de commentaires »

Little Big Man

Avec ses trois westerns, Arthur Penn a imposé un ton très personnel, qu’il n’a cessé de radicaliser. Douze ans après Le Gaucher (son tout premier film) et six ans avant Missouri Breaks, Little Big Man est le plus ample des trois : une grande fresque mi-rigolarde, mi-tragique, qui offre un regard nouveau sur à peu près tout ce qui fait la légende de l’Ouest.

Le film commence de nos jours (en 1970, donc). Dans ce qui doit être une maison de retraite, un journaliste interroge un très vieux résident qui affirme avoir 121 ans, et être l’unique survivant blanc de la bataille de Little Big Horn. La caméra braquée sur son visage raviné par des rides profondes, il raconte… Début d’un long flash-back, fait d’épisodes successifs (et chronologiques) de la jeunesse de Jack Crabb.

A travers ces épisodes, ce sont autant d’aspects de la mythologie de l’Ouest qui sont évoqués. On découvre d’abord le héros âgé d’une dizaine d’années, seul survivant avec sa sœur d’une famille d’immigrés massacrée par des Indiens, et bientôt recueilli par d’autres Indiens plus amicaux. Dès cette première séquence, le ton adopté par Penn surprend : à la violence extrême de la situation, le cinéaste oppose une ironie et un humour décalé qui maintiennent constamment une certaine distance.

Il ne se départira jamais de cette distance, qui semble être celle du temps qui a poli les souvenirs du vieux Crabb. Dustin Hoffman en est un interprète idéal, parfaite incarnation d’un anti-héros qui traverse l’histoire en marche, toujours bien présent, mais toujours un peu à la marge, toujours d’avantage témoin qu’acteur, toujours étranger : blanc au regard des Indiens, Indien au regard des blancs…

Ni vraiment lâche, ni vraiment courageux, il renonce à son destin de fine gâchette en se comparant à un Wild Bill Hickock trop à l’aise avec la violence. Il assiste sans rien tenter au massacre d’un village indien. Il pousse incidemment un Custer imbu de lui-même vers ce qui sera le tombeau d’une certaine illusion américaine. Au fil de son incroyable vie, Crabb ne cesse d’être ballotté par l’histoire et les rencontres qui l’aident à perdre toutes ses illusions (Faye Dunaway, incroyable en épouse nymphomane d’un prêcheur puritain).

Little Big Man est un film monumental par ce qu’il raconte, et pourtant modeste dans l’esprit. Un peu à l’image de l’interprétation qu’en fait Dustin Hoffman d’ailleurs. Avec ce mélange d’humour et de gravité, avec cette histoire pleine de sangs et de cadavres racontée avec beaucoup de recul, Arthur Penn évite l’émotion facile, et regarde la mythologie américaine avec une honnêteté qui dit aussi beaucoup de l’Amérique de la fin des années 60 et du début des années 70, bousculée par les luttes sociales et les scandales politiques.

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