Millenium, les hommes qui n’aimaient pas les femmes (Millenium – The Girl with the Dragon Tatoo) – de David Fincher – 2011
D’un best seller plutôt surestimé (moins, quand même, que ses deux suites assez ennuyeuses), David Fincher tire un film étonnant, à la fois classique et décalé, constamment entre deux tons. D’un côté, Millenium est un film de serial killer passionnant, mais qui évoque tout à la fois Seven (pour le côté biblique des tueries) et Zodiac (pour la quête sans fin de la vérité). De l’autre, c’est une critique absolument effrayante d’une société (la Suède, mais pas que…) où la personne la plus équilibrée est une jeune femme asociale et mal dans sa peau, pupille de la nation considérée comme folle.
Fincher a eu raison de se focaliser sur le premier volume, plus linéaire, mais aussi plus riche que les deux suivants. Il y trouve tous les ingrédients du pur film de genre, qu’il met à sa sauce décapante. L’esprit n’est pas si loin de Zodiac, voir même de Fight Club.
Grand journaliste au fond du trou pour avoir osé s’attaquer à un puissant homme d’affaires, Mikael Blonkvist (Daniel Craig) trouve la rédemption en acceptant d’enquêter sur la disparition de la nièce d’un riche industriel, survenu quarante ans plus tôt. Il se rend dans une île où réside toute la famille de son nouvel « employeur », et c’est un condensé exagéré et grotesque de ce que la société fait de pire qu’il découvre sur place…
Société gangrenée par son passé, secrets de famille étouffants, innocence perdue… Fincher trouve dans ce best seller pas génial matière à explorer ses propres démons. Le double regard de Blonkvist, blanc chevalier pas si preux et pas si intègre, et de Lisbeth, rebelle incapable de se plier aux règles abjectes d’une société qui l’est tout autant, ne fait que renforcer le malaise que l’on ressent.
Malaise qui n’est pas tant dû aux crimes horribles du tueur en série (thème traité avec une nonchalance étonnante), qu’à l’hypocrisie ambiante de cette micro-société.
Une nouvelle fois, Fincher prouve que, débarrassé de ses tics d’ancien clippeur, il est devenu l’un des plus grands. Même avec Millenium qui n’atteint pas les sommets de Zodiac ou The Social Network, il signe un film fort, dérangeant, mais tout de même élégant. Ils ne sont pas si nombreux à réussir ce genre de prouesses…