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Archive pour la catégorie 'par personnages, thèmes…'

Le Goût de la Cerise (Ta’m e guilass) – d’Abbas Kiarostami – 1997

Posté : 29 juin, 2024 @ 8:00 dans 1990-1999, KIAROSTAMI Abbas, Palmes d'Or | Pas de commentaires »

Le Goût de la cerise

Un homme veut mourir. Il n’a besoin de personne pour ça. En revanche, il recherche quelqu’un pour recouvrir son corps… Ça se passe en Iran, sur les routes poussiéreuses qui entourent Téhéran, et même dans ce pays marqué par la guerre et par la mort, cette quête n’a rien de simple…

Palme d’Or en 1997 (ex-æquo avec L’Anguille d’Immamura), Le Goût de la Cerise frappe d’emblée par sa simplicité et son dépouillement. L’histoire elle-même ne dépasse pas ce cadre-là. Et pendant une grande partie du film, Kiarostami filme son anti-héros en gros plans fixes (ou est-ce une série de travellings ?), avec une caméra embarquée dans une voiture, qui capte le profil du conducteur, et son regard guettant celui qui l’accompagnera dans son suicide.

C’est simple, épuré, et fascinant. Ce voyage, dont on ne connaît pas les motivations, au cours duquel jamais l’homme ne se livre par des morts, est pourtant un voyage vers ce qu’il a de plus intime, de plus humain. En fait, plus il se tait, plus cet homme se révèle, et devient humain.

Il se révèle au fil de ses rencontres : ces hommes de tous horizons (un soldat, un séminariste, un taxidermiste…) qu’il embarque dans sa voiture, pour tenter de les convaincre. D’abord inquiétant, dérangeant, puis de plus en plus démuni, cédant de plus en plus la parole. Cette parole que chacun lance systématiquement face caméra, laissant planer le doute sur leur portée, et pourtant si pleine d’effets sur le spectateur pris à témoin.

Kiarostami filme au plus près des visages. Pourtant, les paysages sont omniprésents, vastes, désertiques, poussiéreux, mais fascinants. Parce que la lumière est belle. Parce qu’un arbre, au milieu des gravas, vient apporter une touche de beauté et de poésie. Parce qu’un virage harmonieux donne un charme inattendu à une piste poussiéreuse.

Dans le drame que filme Kiarostami, la vie éclate par petites touches, comme des éclats d’optimisme qui refusent de se soumettre. Et c’est beau. C’est même très beau, étrangement solaire malgré le sujet franchement désespéré.

Quant à la fin, inattendue et troublante, j’avoue qu’elle me laisse dubitatif. Non pas que l’idée de briser le quatrième mur me paraisse aberrant : son utilisation par Nuri Bilge Ceylan dans Les Herbes Sèches sera une trouvaille assez géniale. Mais là, Kiarostami donne simplement le sentiment de ne pas vouloir conclure et trancher, laissant au spectateur le soin de compléter le récit. Atténuant aussi in fine la puissance de son récit. C’est un peu dommage.

La Voix de la Terreur / Sherlock Holmes et la voix de la terreur (Sherlock Holmes and the voice of terror) – de John Rawlins – 1942

Posté : 25 juin, 2024 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, RAWLINS John, Sherlock Holmes | Pas de commentaires »

La Voix de la Terreur

En 1942, tout le monde participe à l’effort de guerre, y compris Sherlock Hommes et son comparse Watson. Après deux premiers films fidèles dans l’esprit et dans l’époque, voilà donc Basil Rathbone et Nigel Bruce appelés à revêtir leurs frusques conan-doyliennes dans une étonnante réinvention contemporaine.

Ces deux figures de l’ère victorienne se retrouvent donc confrontés… aux dangers du nazisme, qui menace de l’intérieur une Angleterre en guerre. Un changement de cap étonnant, justifié par un carton inaugural simple et bien pratique, et sur lequel le film ne joue que le temps d’une très courte scène, lorsque Holmes fait mine de renfiler son vieux couvre-chef à oreilles. « Non Holmes, vous avez promis ! » l’arrête Watson.

Le film joue à fond la carte du patriotisme de rigueur, n’évitant pas les grandes envolées lyriques de défenseur du monde libre, parfois grandiloquent, souvent maladroitement. Il y aurait à redire aussi sur les rebondissements attendus, sur la naïveté confondante des méchants (Thomas Gomez notamment, en nazi infiltré), et sur le simplisme du scénario.

Mais cette série B d’à peine plus d’une heure, taillée pour les double-programmes, est constamment tirée vers le haut par une image très travaillée du chef-op’ Woody Bredell (qui travaillera avec Siodmak sur Les Mains qui tuent et Les Tueurs) et par les cadres dynamiques de John Rawlins (qui lui restera cantonné à la série B).

Pas transcendant sur le fond, ce troisième Holmes de la série est formellement une vraie réussite, particulièrement dans les scènes se déroulant dans les bas-quartiers et les bouges mal famés, où les ombres profondes et le beau contraste des images transforment cette petite production en un film racé qui a de la gueule.

Le Salaire de la peur – de Henri-Georges Clouzot – 1953

Posté : 8 juin, 2024 @ 8:00 dans 1950-1959, CLOUZOT Henri-Georges, Palmes d'Or, VANEL Charles | Pas de commentaires »

Le Salaire de la peur

Les remakes ont parfois du bon. Sans préjuger des qualités de celui du Salaire de la peur, sur lesquelles je reviendrai (ou pas), cette production Netflix a au moins l’intérêt de remettre à l’honneur le classique de Clouzot, que la plateforme a la bonne idée de proposer également, dans une version d’une qualité à peu près parfaite.

Belle occasion, donc, de revoir ce chef d’œuvre qui reste un sommet du genre. Mais de quel genre, au fait ? Le cinéma d’aventure ? C’est évidemment à ce genre que le film s’apparente le plus. Mais rien d’héroïque dans cette histoire d’une poignée d’Européens coincés dans une contrée pauvre et désertique d’Amérique du Sud, où ils rêvent tout haut de pouvoir se payer le billet du bateau qui les ramènerait au bercail.

Le Salaire de la peur, c’est en quelque sorte Le Trésor de la Sierra Madre baigné dans une douloureuse nostalgie. Comment sont-ils arrivés ici ? Cela importe peu. Mais le sort de cette poignée d’hommes a quelque chose de profondément et cyniquement grotesque, à l’image de l’arrivée du personnage de Charles Vanel, qui affiche encore une espèce de superbe dont quelques-uns font mine d’être dupes.

Comme le personnage d’Yves Montand, parce qu’il a besoin de se raccrocher au premier signe d’espoir qui se présente à lui, et que Vanel, avec son beau costume qui ne restera pas longtemps blanc, est ce qui y ressemble le plus, dans son quotidien fait d’ennui, de poussière, de chaleur écrasante et de triste séduction.

Du Salaire de la peur, on ne retient souvent que le suspense de ces camions chargés de nitroglycérine traversant des paysages abrupts et des pistes pleines de pièges. C’est vrai qu’elles sont exceptionnelles. Mais c’est oublier un peu vite toute la première partie, soit un bon tiers du film, qui n’est faite que de cette attente, des visages de ces Occidentaux peu aimables qui, en quelque sorte, expérimentent bien contre le gré le retour de bâton du colonialisme dont leurs pays sont tous des acteurs majeurs.

Politique, Le Salaire de la peur ? Clouzot ne l’est jamais frontalement, pas plus qu’il ne l’était dans Le Corbeau, son premier chef d’œuvre. Mais l’idée est bien là. Et cette première partie, pathétique et terriblement sombre, est tout aussi forte que la suite, plus spectaculaire, l’ensemble affichant une parfaite cohérence autour d’un sentiment qui domine, au-delà du suspense : l’absurdité.

Absurde, la présence de ces hommes dans cet endroit du monde. Absurdes, les rapports humains qui s’y nouent. Absurde, leur unique espoir qui repose sur une mission suicide. Absurde, le « sacrifice » que se permet Montand. Absurde, la conclusionLe Salaire de la peur, c’est du grand cinéma pour aborder une bien triste humanité…

Sherlock Holmes / Les Aventures de Sherlock Holmes (The Adventures of Sherlock Holmes) – de Alfred L. Werker – 1939

Posté : 12 mai, 2024 @ 8:00 dans 1930-1939, LUPINO Ida (actrice), POLARS/NOIRS, Sherlock Holmes, WERKER Alfred | Pas de commentaires »

Sherlock Holmes 1939

On ne change pas une équipe qui gagne… Il faut battre le fer tant qu’il est chaud… Bref : vous voyez ce que je veux dire. Le succès du Chien des Baskerville n’a pas tardé à enclencher le tournage d’une seconde enquête de Sherlock Holmes et de son complice Watson, toujours campés par l’excellent Basil Rathbone et le fendard Nigel Bruce.

Quelques mois seulement séparent la sortie des deux films, ce qui paraît très peu, y compris vu de 2024, alors qu’on pense déjà aux quinze suites potentielles avant même que le premier ne soit tourné. Mais rappelons que personne n’a encore la télévision dans son salon en 1939, et que certaines séries B à suites ressemblent d’avantage à nos séries d’aujourd’hui qu’à de simples films.

C’est déjà le cas de Sherlock Holmes, et ça le sera encore plus à partir du troisième film, où la série prendra une nouvelle direction. Mais n’anticipons pas trop… Après le plus célèbre des romans de Conan Doyle, c’est un recueil de nouvelles qui est librement adapté ici, et qui est surtout l’occasion de rencontrer le principal antagoniste de Holmes : le professeur Moriarty, qu’interprète avec gourmandise le prince maléfique de la série B (et C, et D… et Z), George Zucco.

Et puisqu’on en est aux interprètes, il faut souligner la présence, dans un rôle important, d’Ida Lupino. L’actrice est alors au tournant de sa carrière. Si elle est loin d’être une débutante, elle n’occupera le premier plan qu’à partir de l’année suivante, en enchaînant deux films sous la direction de Walsh : Une femme dangereuse et High Sierra. Ce qui a de la gueule.

Pour l’heure, elle joue les faire-valoir dans un polar de série B dont, finalement, je n’ai pas dit grand-chose. Peut-être parce que le film a les mêmes qualités et les mêmes limites que Le Chien des Baskerville, dont on retrouve le rythme, le suspense et la drôlerie, et cette envie bien sympathique de créer des atmosphères angoissantes.

Après la lande brumeuse, l’intrigue se concentre davantage sur les ruelles de Londres, essentiellement de nuit. Parce que la nuit, c’est comme la brume : c’est très cinégénique, et ça permet de faire des économies de dingue sur les décors. Bref, c’est bien sympathique, plein de dialogues réjouissants. Un plaisir modeste qui ne se refuse pas…

Le Chien des Baskerville (The Hound of the Baskervilles) – de Sidney Lanfield – 1939

Posté : 15 avril, 2024 @ 8:00 dans 1930-1939, LANFIELD Sidney, POLARS/NOIRS, Sherlock Holmes | Pas de commentaires »

Le Chien des Baskerville 1939

Combien d’acteurs, depuis l’invention du cinéma, ont interprété Sherlock Holmes ? Rien que sur ce blog, on peut en retrouver une dizaine. Et ce n’est qu’une toute petite partie de la très abondante filmographie qui fait du détective imaginé par Conan Doyle l’un des personnages les plus prolifiques du 7e art (avec Dracula ?).

Tiens… Même question sur la plus célèbre de ses enquêtes : combien de fois Le Chien des Baskerville a-t-il été adapté ? Au moins huit au cinéma d’après wikipédia (c’est qu’on investigue sur ce blog), deux fois plus à la télévision. La plus célèbre est sans doute la version Hammer de 1959, avec Peter Cushing et Christopher Lee. Mais celle tournée vingt ans plus tôt est elle aussi très recommandable.

Cette version de 1939 est aussi la seule américaine, et le premier film à réunir le tandem formé par Basil Rathbone et Nigel Bruce, qui se retrouveront à quatorze reprises pour une série de films jusqu’en 1946. Rathbone qui, au risque de ne vraiment pas être original, reste le meilleur Holmes, en tout cas le plus conforme à l’image que l’on s’en fait… à moins que ce soit ses films et sa prestation qui aient infusé sur la vision du lecteur…

Ce n’est pas le cas de Nigel Bruce, que je continue à trouver profondément réjouissant dans le rôle de Watson, mais qui n’a pas grand-chose à voir avec le personnage tel qu’il a été imaginé par Conan Doyle. Bruce en fait un type attachant et courageux, mais un peu idiot et ridicule, beaucoup moins proche du Watson original que… de la plupart des rôles de Bruce.

Ce premier film du tandem est en tout cas une belle réussite, bien plus ambitieuse que la réputation de séries B fauchées et tournées à la va-vite que véhicule la longue série. Sans être une immense production, il y a en tout cas une vraie volonté de plonger le spectateur dans une atmosphère angoissante et mystérieuse, particulièrement convaincante.

Le rythme est impeccable, les décors très réussis, en particulier cette lande plongée dans la brume (toujours pratique pour limiter un budget, mais toujours très cinégénique), où se situe le cœur de l’action, et où se déroulent les séquences les plus mémorables. Le film a été un gros succès. Coup d’envoi d’une série qui devait prendre une direction inattendue. Mais ça, c’est une autre histoire…

On ne vit que deux fois (You only live twice) – de Lewis Gilbert – 1967

Posté : 12 novembre, 2023 @ 8:00 dans * Espionnage, 1960-1969, GILBERT Lewis, James Bond | Pas de commentaires »

On ne vit que deux fois

James Bond, épisode 5. Et pour la première fois, on sent que Sean Connery a le sentiment d’avoir fait le tour du personnage. Après quatre premiers films qui sont parmi les meilleurs de la saga, celui-ci marque un net recul, peut-être par son incapacité à vraiment se renouveler. D’ailleurs, Connery cédera son double-zéro à George Lazenby après ça… avant de s’y recoller pour une sixième et (presque) dernière mission.

Il y a quand même une particularité à ce film : la place qu’il réserve au Japon, avec un James Bond qui doit même tenter de se faire passer physiquement pour un Asiatique. Bon… Sans vouloir contrarier les efforts de Connery et des maquilleurs, le résultat n’est pas totalement convainquant. Pour rester courtois.

Mais c’est à la culture nippone que l’on doit les meilleurs moments d’On ne vit que deux fois, avec des images traditionnelles qu’on voit peu dans le cinéma d’action, comme ce combat de sumo ou ce défilé d’épouses dont la misogynie sied parfaitement au personnage, qui enchaîne évidemment les conquêtes avec une facilité déconcertante… surtout que, c’est bien connu, les Japonaises sont fascinées par les poils !

Oui, le cliché n’est jamais bien loin, dans cette vision très occidentale du Japon, avec de longues scènes fascinées consacrées au ninja, dont la popularité est alors en plein essor.

Très en deçà des précédents, On ne vit que deux fois reste pourtant un Bond plaisant, voire réjouissant par moments, mais uniquement pour ses fondamentaux : les apparitions de M, Q et Moneypenny, l’apparition de Blofeld (Donald Pleasance en roue libre), la base des méchants dans un volcan, et l’attaque finale totalement démesurée.

Anatomie d’une chute – de Justine Triet – 2023

Posté : 16 octobre, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, Palmes d'Or, TRIET Justine | Pas de commentaires »

Anatomie d'une chute

Même avec trois premiers films formidables, Justine Triet ne nous avait pas préparé à ce chef d’œuvre qui semble d’une profondeur infinie, et d’une précision implacable. Son grand œuvre en quelque sorte, dont l’ambition est affichée dès le titre, qui évoque bien sûr le chef d’œuvre d’Otto Preminger Autopsie d’un meurtre, autre film où l’enquête et le procès servent à décortiquer les méandres mentales et relationnelles d’un accusé.

Avec cette complexité supplémentaire qu’il ne s’agit plus d’un meurtre, mais d’une chute, celle d’un homme dans un chalet isolé des Alpes. Est-ce un accident ? Un suicide ? Ou sa femme l’a-t-elle poussé ? De ce doute naît le récit, qui s’éloigne bien vite de la simple enquête de police. Justine Triet nous y introduit par le point de vue du fils du couple, un enfant malvoyant qui n’est témoin de la scène que par des sons, des sensations, et des certitudes. Belle idée qui permet au spectateur de s’immerger dans cette atmosphère pleine d’incertitudes en se reconnaissant dans la douleur de ce garçon (Milo Machado-Graner, d’une justesse et d’une profondeur parfaites, qui évite toute la mièvrerie des enfants acteurs).

Parce qu’il est difficile de s’attacher au personnage de la mère, géniale Sandra Hüller, qui semble si froide, si détachée, si à côté de sa douleur. Elle est pourtant, dans tous les sens du terme, le cœur du film : c’est autour d’elle, de cette froideur apparente, mais aussi de sa dignité et de sa liberté revendiquée, que Justine Triet construit son film avec intelligence.

Le récit, et le procès, représentent une sorte de cheminement vers la vérité intime de cette femme, et du couple qu’elle formait avec la « victime ». Et toutes les velléité de résumer le film à un thriller finissent par s’effondrer, comme l’argumentation d’un procureur qui cherche constamment à enfermer le drame dans une notion de Bien ou de Mal.

Justine Triet va bien au-delà. Elle dessine le portrait fascinant, émouvant et puissant d’un couple toxique au-delà de tous les clichés. Difficile d’en dire trop sans déflorer les surprises, belles et nombreuses. Mettons juste que Justine Triet plonge au plus profond de l’âme humaine pour en tirer la vérité la plus intime.

C’est aussi le portrait féministe d’une femme libre, celui d’une enfance bousculée, celui d’une justice défaillante, d’une police limitée, et d’un système médiatique qui s’emballe. C’est encore une histoire d’accomplissement, de déracinement. C’est enfin une grande leçon de cinéma, qui ne la ramène jamais avec des effets facile. C’est aussi la consécration d’une très grande directrice d’acteurs. C’est bien simple : même le chien est juste, et vrai.

Sous le soleil de Satan – de Maurice Pialat – 1987

Posté : 1 novembre, 2022 @ 8:00 dans 1980-1989, FANTASTIQUE/SF, Palmes d'Or, PIALAT Maurice | Pas de commentaires »

Sous le soleil de Satan

Austère et bouillonnant à la fois, voilà ce qu’est Sous le soleil de Satan, film que l’on sent très personnel pour Pialat, et pourtant si différent de son cinéma habituel. Le cinéaste adapte lui-même le roman de Bernanos, et signe un film extrêmement littéraire et rigoureux dans son rythme et dans son dialogue. Et c’est là que le miracle cinématographique se produit : cette rigueur toute littéraire des dialogues pourrait plomber le film s’il n’y avait un immense acteur pour les dire.

C’est Depardieu bien sûr, extraordinaire dans ce rôle de prêtre doutant de tout et surtout de lui, homme médiocre et effacé, confronté à ses questionnements sur le bien et le mal, sur le diable et sur la sainteté. Des thèmes qui pourraient être bien rebutants, entre d’autres mains. Parce que oui, Depardieu était le seul choix possible pour ce rôle : qui d’autre aurait pu donner autant de corps et de cœur à ces dialogues, autant de nuances et d’intensité, et autant de naturel, aussi ?

Et parce que Pialat emballe cette histoire, qui enchaîne en prenant son temps les longues séquences, avec une mise en scène d’une délicatesse folle. Un exemple : cette caméra qui semble enlacer une mère et un père confrontés à la mort de leur enfant, superbe mouvement d’appareil d’une discrétion et d’une tendresse qui n’ont pas de prix.

Au-delà de la présence de Depardieu, c’est cette intelligence et cette sensibilité de la mise en scène qui séduit dans Sous le soleil. La manière, par exemple, dont Pialat accompagne le prêtre vers une dimension surnaturelle : ces longs plans successifs qui le voient s’enfoncer dans la campagne, la lumière du jour baissant imperceptiblement, jusqu’à cette étrange obscurité grisâtre et la rencontre avec un vendeur ambulant, en qui le prêtre reconnaît le diable.

C’est dur, rêche, extrême et sans concession. Le film est pourtant d’une étonnante chaleur, jusque dans le drame qu’incarne Mouchette, cette menteuse perpétuelle au destin tragique jouée par Sandrine Bonnaire. Grâce aussi à la prestation toute en bienveillance de Pialat lui-même dans le rôle du prêtre protecteur de Depardieu, dont la présence semble donner une forme au regard plein de doute et de sincérité dépouillée du cinéaste. « Comme je me sens vieux, comme je me sens peu fait pour l’être. Jamais je ne vais savoir être vieux. » C’est bouleversant.

Dangereusement vôtre (A view to a kill) – de John Glen – 1985

Posté : 2 octobre, 2022 @ 8:00 dans * Espionnage, 1980-1989, ACTION US (1980-…), GLEN John, James Bond | Pas de commentaires »

Dangereusement vôtre

Roger Moore, 56 ans, l’air d’en avoir quinze de plus, semble s’observer lui-même avec le rictus de celui qui n’est pas dupe. Oui, il est temps de raccrocher. Ce Bond-là, son septième, sera son dernier. Sans regret, sans remord, la fin d’une époque, un humour qui paraît déjà anachronique. La suite réservera une place grandissante à la noirceur. Il était temps.

Il n’est pas désagréable, ce quatorzième 007 officiel. Plutôt plaisant même, lorsqu’il ne verse pas dans l’autocaricature comme lors de cette course poursuite où la voiture de Bond, coupée en deux, continue à rouler presque comme si de rien n’était. La plupart des scènes d’action sont même assez réussies, glissant un humour pas toujours finaud dans des cascades réellement spectaculaires.

C’est le cas de la traditionnelle séquence d’ouverture, énième version enneigée de l’exercice (on passera sur l’invraisemblance des montagnes suisses pour représenter la Sibérie). Ou de la course poursuite sur la Tour Eiffel. Du morceau de bravoure au fond de la mine. Ou même de l’affrontement final au sommet du Golden Gate Bridge.

Dit comme ça, on a le sentiment que le film nous emmène aux quatre coins du monde. Il a pourtant un côté franchement pépère, avec une intrigue qui prend le temps de nous installer dans des séquences aux enjeux très limités, réservant une large part aux écuries de Chantilly par exemple, où le suspense reste anecdotique. L’enjeu ne prendra de l’ampleur que dans la dernière partie, autour de San Francisco.

Côté Bond Girls, on oscille entre une pin-up qui se contente grosso modo d’être très belle (Tanya Roberts), et une femme de main émancipée et sculpturale qui rompt assez radicalement avec les stéréotypes habituels (Grace Jones). La saga donne même à quelques moments l’impression d’amorcer un virage moins machiste : Bond est mis à mal par un trio de femmes tueuses (parmi lesquelles Alison Doody, future Ilsa d’Indiana Jones et la dernière croisade).

Pour le reste : Patrick McNee dans un rôle attachant mais assez peu consistant, Christopher Walken en méchant en roue libre, une menace sur l’équilibre du monde, quelques gadgets plutôt plus discrets qu’à l’habitude… Le quotidien un peu routinier de 007 en quelque sorte, avec un Roger Moore qui semble nettement plus impliqué lorsqu’il s’agit d’adopter un regard séducteur que lorsqu’il s’agit de se jeter dans l’action. Décidément, c’est l’heure de la retraite.

Les Volets verts – de Jean Becker – 2022

Posté : 1 octobre, 2022 @ 8:00 dans 2020-2029, BECKER Jean, d'après Simenon | Pas de commentaires »

Les Volets verts

Deuxième adaptation de Simenon pour Depardieu cette année, et deuxième film en forme de bilan de santé. Qui ne s’est pas franchement amélioré depuis Maigret. Et plus encore que dans ce dernier, Les Volets verts semble mettre en scène Depardieu jouant Depardieu.

Le scénario (le dernier signé Jean Loup Dabadie) s’y prête évidemment : c’est l’histoire d’un acteur boulimique dans tous les sens du terme, enchaînant les tournages (et les pièces de théâtre) et les bouteilles de vodka. Et quand on ajoute un ancien amour qu’il ne parvient pas à se sortir de la tête et du cœur et que joue Fanny Ardant, l’ombre de La Femme d’à côté resurgit inévitablement. Celle du Dernier Métro aussi, dans le jeu de séduction entre les comédiens sur la scène d’un théâtre.

Ces ombres omniprésentes participent au charme du film. Ça ne va d’ailleurs pas beaucoup plus loin : Jean Becker filme cette histoire avec un regard qui oscille entre la sagesse et la mollesse. Et l’émotion ne pointe le bout de son nez que lorsque la balance penche du côté de la sagesse. Un long gros plan sur une très jeune femme avec qui l’acteur vieillissant a une relation platonique, au son de la chanson de Reggiani « Il suffirait de presque rien » (cliché sur le papier, joli et émouvant à l’écran). Ou la tendresse de Fanny Ardant dans ce qui ressemble à une scène d’adieu. Ou encore la belle complicité avec le meilleur ami joué par Benoît Poelvoorde (excellent).

Trop souvent hélas, on est plutôt du côté de la mollesse, et le film semble désincarné. Ce devrait être prenant et bouleversant. Ce pourrait être une sorte de variation sur le thème de La Fin du Jour de Duvivier, avec ces vieux comédiens incapables de raccrocher, et qui enchaînent des tournages qui paraissent de plus en plus miteux. L’émotion souvent ne fait qu’affleurer, mais il y a les acteurs. Même si les dialogues ne sont pas les plus fins de Dabadie, ils sont admirablement dits par l’impressionnante distribution. Depardieu en tête, intense et complexe, attachant et pathétique. Il est l’initiateur et la raison d’être de ce film.

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