Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour la catégorie 'DARRIEUX Danielle'

LIVRE : Henri ou Henry – de Didier Decoin – 2006

Posté : 1 avril, 2023 @ 8:00 dans DARRIEUX Danielle, DECOIN Henri, LIVRES | Pas de commentaires »

LIVRE Henri ou Henry

Une petite frustration : le peu de place que Didier Decoin accorde au cinéma de son père. Il est question de Danielle Darrieux bien sûr, avec qui Decoin père a formé l’un des plus beaux couples du cinéma français. Mais Si Didier parle de Danielle, c’est avant tout pour évoquer son père en tant qu’éternel amoureux.

Homme à femmes, Henri ? L’homme a enchaîné les conquêtes, mais son fils souligne surtout le fait que pour lui, chaque femme a été le grand amour d’une vie. Un amoureux total, qui envisageait chaque relation comme celle qui l’accompagnerait jusqu’à son dernier souffle.

Un homme entier, passionné, multiple… Decoin fils évoque le parcours de Decoin père (avant qu’il devienne père, et avant qu’il devienne cinéaste). Tanneur de fourrures quand il était minot, grand nageur sélectionné aux Jeux Olympiques de 1912, militaire durant la Grande Guerre, journaliste sportif… le livre de Didier Decoin évoque l’incroyable parcours d’un homme qui semble avoir eu mille vies avant de devenir celui que la postérité a retenu.

Parcours fascinant, livre passionnant, dans lequel l’actuel président de l’Académie Goncourt signe une déclaration d’amour enthousiasmant à ce père disparu depuis si longtemps, livrant l’image d’un homme bien, d’un passionné, d’un père aimant. Parmi les surprises, notons le film mort-né que Henri et Didier ont failli faire ensemble. Un épisode de leur vie commune que l’on découvre avec beaucoup d’émotions…

Retour à l’aube – d’Henri Decoin – 1938

Posté : 12 mars, 2023 @ 8:00 dans 1930-1939, DARRIEUX Danielle, DECOIN Henri | Pas de commentaires »

Retour à l'aube

Elle est simple, cette histoire : la jeune et jolie femme du chef d’une petite gare découvre la ville et ses tentations, au risque de se perdre. Simple, et semblable à tant d’autres films qui opposent l’innocence des jeunes filles de la campagne au cynisme des citadins.

Le fond du film n’est guère différent. Mais pour ce qui est de la forme… Decoin signe une petite merveille, à la fois légère et grave, anodine et d’une intensité folle. La jeune fille, c’est Danielle Darrieux forcément, la muse incontournable du réalisateur à cette époque (à moins que ce ne soit le contraire). Le couple représente alors une sorte d’idéal de cinéma, et Retour à l’aube est l’un de leurs chefs d’œuvre.

Elle est merveilleuse, Darrieux, dans le rôle de cette jeune innocente confrontée aux tentations, aux doutes, aux drames, en une seule soirée qui vaut une vie, tout ça à cause d’un train raté pour deux minutes. « Deux minutes m’ont perdue… On croit que ce n’est rien, deux minutes… » Le regard de Darrieux, ses lèvres en suspension, ses cris paniqués… Le genre de rôle qui suffit à faire la réputation d’une actrice. Elle en aura d’autres, des rôles marquants, mais celui-ci est magnifique.

Decoin, grand cinéaste et grand amoureux, ne la quitte pas un instant. Il la filme avec passion. Il filme aussi l’effet qu’elle fait sur les autres et c’est aussi beau : les regrets des employés d’un hôtel qui la regardent partie les menottes aux poignets, les réflexions pleines de désirs de riches peu reluisants, le trouble de policiers pas si inflexibles, celui d’un grand voleur et grand séducteur, et la vulnérabilité tardive d’un mari pas si froid…

Il est beau ce film, parce que Darrieux est grande, et parce que Decoin, cinéaste décidément précieux et trop peu reconnu, filme chaque situation, si anodine soit-elle, comme s’il s’agissait du sommet du film. C’est la marque de ses plus belles réussites. C’est de cette passion totale que naît les torrents d’émotion que suscite Retour à l’aube. Une merveille. Point.

Bonnes à tuer – d’Henri Decoin – 1954

Posté : 26 février, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, DARRIEUX Danielle, DECOIN Henri | Pas de commentaires »

Bonnes à tuer

Henri Decoin, homme à femmes, aurait-il projeté ses propres fantasmes dans ce film ? Il y met en scène un homme qui réunit lors d’une soirée dans un bel appartement dominant la ville, toutes les femmes qui ont compté dans sa vie (dont Danielle Darrieux, ex-compagne du cinéaste). Une soirée à l’atmosphère étrange, un peu malsaine, où l’hôte se met en scène en démiurge s’amusant des réactions de sa cour…

Le personnage que joue Michel Auclair est aux antipodes du cinéaste, éternel amoureux. Lui est un jeune ambitieux et arrogant dont on sait dès le début qu’il a prévu de tuer l’une des femmes, et que l’issue du film sera effectivement fatale. Mais quelle est sa cible ? Laquelle de ses quatre conquêtes, qu’il invite ensemble malgré tout ce qui les oppose, pour ce qu’il dit être la pendaison de crémaillère du luxueux appartement avec terrasse surplombant Paris, qu’il s’est offert comme le symbole de son ascension fulgurante.

L’essentiel du film se concentre dans cet appartement, et sur cette terrasse, sur cette soirée étrangement tendue. Mais ce qui fascine, c’est moins cette tension (avec sa conclusion attendue), ou le fait de faire d’un personnage antipathique le pivot du film (Auclair est très bien, d’ailleurs), que les personnalités si dissemblables des quatre femmes. Quatre femmes radicalement différentes, presque limitées à un type, au bord de la caricature : la douce (Danielle Darrieux, merveilleuse), l’hyper-sexuée (Corinne Calvet), la vamp mystérieuse (Miriam di San servolo), et la jeune ingénue délurée (Lyla Rocco).

La construction du film est étonnante. Essentiellement linéaire, il est parsemé de plusieurs flash-backs, adoptant chacun le point de vue de l’une des femmes. L’un d’eux est remarquable, et rompt avec l’habituel classicisme tout en élégance et en efficacité qui domine par ailleurs : celui où la jeune ingénue raconte une soirée telle que son esprit embrumé d’alcool l’a vécu. Là, Decoin dévoile une autre facette de son talent, passionnante, qui aurait mérité d’être développée.

L’Affaire des poisons – de Henri Decoin – 1955

Posté : 3 février, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, DARRIEUX Danielle, DECOIN Henri | Pas de commentaires »

L'Affaire des poisons

Decoin s’empare de la fameuse affaire des poisons qui a bousculé la cour de Louis XIV. Des faits réels reconstitués à partir d’archives retrouvées tardivement, affirme un carton avant le générique de début, à la manière des dossiers secrets du FBI qui étaient alors en vogue à Hollywood.

Le film est en tout cas l’occasion de constater que la reconstitution d’époque n’est sans doute pas le domaine dans lequel Decoin est le plus à l’aise. Le film n’est pas inintéressant, loin de là. Il y a même quelques images très fortes, particulièrement liées au travail de la police : un bonnet de bébé que l’on déterre d’une sépulture improvisée, une planque face à la boutique de suspects… Il y a là une manière étonnamment moderne de présenter la routine de l’enquêteur, interprété par Pierre Mondy.

Le contraste entre ses méthodes d’investigation et l’usage de la torture est particulièrement saisissante, comme le sont les deux séquences d’exécution qui ouvrent et referment le film, se répondant avec une grande cruauté et avec une ironie mordante, dans sa manière de présenter le bon peuple de Paris.

Mais cette reconstitution a ses limites, parce qu’elle souffre de décors trop théâtraux, de couleurs trop vives, et de l’impression globale d’être dans un sorte de vision schématisée de ce Paris de Louis XIV. Cela dit, cette limite ressemble de plus en plus à un parti-pris, avec une certaine radicalité pas totalement convaincante, mais intrigante.

Le film vaut pour son atmosphère, pour la mesquinerie de ses personnages, envieux et haineux, pour leur rapport au bien, au mal et à la religion. Paul Meurisse en prêtre adorateur du diable, Viviane Romance en diseuse de bonne aventure, et surtout Danielle Darrieux, pour la dernière fois devant la caméra de son ancien pygmalion, formidable dans la peau de la Montespan, cette ancienne favorite supplantée dans le cœur du roi par une jeune femme beaucoup plus jeune qu’elle.

Mine de rien, avec ce personnage, Decoin fait de son film une étude cruelle et cynique sur la place de la femme dans cette société, sur ce temps qui passe, impitoyable. Bancal, mais plutôt séduisant, au final.

Le Domino vert – de Herbert Selpin et Henri Decoin – 1935

Posté : 21 septembre, 2022 @ 8:00 dans 1930-1939, DARRIEUX Danielle, DECOIN Henri, SELPIN Herbert | Pas de commentaires »

Le Domino vert

Le Domino vert est un film important pour Danielle Darrieux comme pour Henri Decoin. Parce que c’est leur première collaboration, et que de cette collaboration naîtront une poignée de films formidables et deux carrières exemplaires du cinéma français. C’est aussi un film assez anecdotique en soi, l’adaptation d’une pièce de théâtre qui évite soigneusement les écueils du théâtre filmé, mais pas les lenteurs d’un cinéma d’avantage narratif que visuel.

Pour faire court : Decoin fera nettement mieux que ce drame sur deux époques, qui ressemble à beaucoup de films évoquant le destin brisé d’une mère martyr. Danielle Darrieux donc, toute jeune et dévorant l’écran, déjà, dans le double-rôle d’une jeune femme apprenant tardivement que son père est en prison pour un meurtre commis vingt ans plus tôt, et de la mère de celle-ci dans un long flash-back qui occupe la plus grande partie du film.

Decoin fera nettement mieux, donc. Mais il n’est que partiellement responsable des faiblesses de ce Domino vert. Le film de Decoin, produit par le futur patron de la Continental pendant l’Occupation Alfred Greven, est en fait la version française d’un film allemand signé Herbert Selpin. N’ayant pas vu la version allemande, difficile de savoir à quel point Decoin a pu imposer sa propre vision. Il n’est en tout cas pas crédité comme réalisateur, mais pour la « collaboration française », ça ne s’invente pas.

Le film manque de rythme, tire en longueur, et ne parvient pas à tirer l’émotion qui semble pourtant évidente sur le papier. Pas la plus grande réussite de Decoin, assurément. Mais en dépit de ses lenteurs, le film évite tous les pièces du théâtre filmé. Et puis il y a les acteurs, formidables : Charles Vanel dans un rôle très secondaire d’amoureux transi, Jany Holt en garce magnifique et crispante, et surtout Danielle Darrieux, déjà impériale dans ce double-rôle qu’elle incarne avec un naturel, une intensité et un charme qui n’appartiennent qu’à elle.

Le Diable et les dix commandements – de Julien Duvivier – 1962

Posté : 17 mai, 2022 @ 8:00 dans 1960-1969, DARRIEUX Danielle, DUVIVIER Julien | Pas de commentaires »

Le Diable et les dix commandements

Entre Duvivier et la religion, c’est une longue histoire d’amour et de défiance. D’amour d’abord, avec quelques films marqués par la foi. Puis de défiance, de plus en plus marquée, jusqu’à ce que son cinéma devienne l’un des symboles d’un athéisme joyeusement irrespectueux. Il y a eu Don Camillo bien sûr, mais aussi ce film à sketch, inégal par essence, mais traversé par une constante ironie.

Le procédé narratif très vague et la voix off du diable en personne (Claude Rich, tout en suavité) ne sont que prétextes à une suite de saynètes dévoilant ce que l’homme (et la femme) a de moins glorieux. Encore que, là aussi, les péchés ne sont pas tous traités de la même manière. Et celui qui commet un homicide est finalement filmé avec nettement plus de compréhension que celle qui se donne pour un bijou. Entre les tables de la loi et la morale qu’assume Duvivier, il y a parfois un monde…

Une dizaine d’histoires de suivent, donc, inégales mais marquées par des dialogues souvent réjouissants (signés tantôt Jeansson, tantôt Barjavel, tantôt Audiard) et une distribution exceptionnelle. Ce qui est inhérent au genre du film à sketchs. On ne va pas se lancer ici dans un name dropping qui n’en finirait pas. Mais un film où un tout jeune Delon rencontre sa mère naturelle interprétée par Danielle Darrieux ne peut pas être inintéressant.

Et ce face à face est l’un des plus grands moments du film : Delon, jeune étudiant fatigué des engueulades constantes de ses parents (Madeleine Robinson et Georges Wilson), qui apprend que sa vraie mère est une actrice (Darrieux, donc), qu’il s’empresse d’aller rencontrer, et qui se révèle un sommet d’égoïsme et d’inconséquence. Elle est formidable, Darrieux, tout en désinvolture glaçante. Et la scène où Delon retrouve ceux qui l’ont élevé est un très joli moment de tendresse filiale.

Dans les autres segments, Duvivier va un peu dans tous les sens. Il offre surtout des rôles taillés sur mesure pour ses acteurs. On retiendra notamment Michel Simon, truculent en homme à tout faire d’un couvent, jurant comme un charretier, qui réalise que l’évêque qui vient en visite est un copain d’enfance perdu de vue depuis si longtemps. Ou Louis De Funès en braqueur volé par sa victime (Brialy). Ou Aznavour en jeune prêtre défroqué jurant de venger sa sœur, prostituée par un sale type joué par Lino Ventura.

Entre le très léger et le très sombre, c’est un peu les montagnes russes que propose Duvivier. Avec quelques moments moins convaincants, comme ce « bon dieu » joué par Fernandel qui débarque dans une maison de montagne, comme un clin d’œil au moine de L’Auberge rouge. Mais cette suite d’histoires incarnées par une bonne partie de ce que le cinéma français compte de grands acteurs est assez réjouissant.

Napoléon – de Sacha Guitry – 1955

Posté : 26 décembre, 2020 @ 8:00 dans 1950-1959, DARRIEUX Danielle, GABIN Jean, GUITRY Sacha | Pas de commentaires »

Napoléon

Le grand œuvre de Guitry : trois heures d’une fresque ambitieuse consacrée à l’Empereur. Et rien ne manque, ou presque, de son parcours, de sa naissance en Corse à sa mort sur une autre île, celle de Sainte-Hélène.

Trois heures de déclaration d’amour, mais avec le cynisme rigolard de Guitry. Il oublie certains épisodes à dessein ? Il le reconnaît lui-même : « D’autres s’en souviendront ». Parce que Guitry, bien sûr, est omniprésent, s’accordant le rôle qui lui va le mieux : celui de raconteur. Talleyrand en l’occurrence, qui raconte à ses proches, à sa manière et en voix off, la vie d’un grand homme qui a mal fini.

Cette construction à la Guitry, avec cette voix qui donne le rythme et permet tous les raccourcis, permet aussi une pointe d’humour et d’audace, dans la manière parfois d’évoquer plus que de raconter, à l’image de ces batailles caricaturales, où le triomphe de Napoléon est symbolisé par les soldats qui avancent sans être même effleuré par le feu ennemi.

Le film est à la fois très ample et ambitieux, avec de nombreux décors et beaucoup de figurants, et très simples dans sa facture. Presque figé même, par moments. Avant d’être une grande fresque, Napoléon reste toujours un « Guitry », où le verbe est plus important que l’image. Le réalisateur, cela dit, est parfois très inspiré (la prise de Moscou en flammes, simple et belle). Lorsqu’il ne se contente pas d’une mise en scène purement fonctionnelle.

Le casting est évidemment exceptionnel. Beaucoup de stars ne font que passer (ou trépasser) : quelques minutes à peine pour Jean Gabin (tout en perruque en maréchal Lannes), Erich Von Stroheim (à peine reconnaissable en Beethoven) ou Orson Welles (ogresque en Hudson Lowe), un peu plus pour Serge Reggiani (Lucien Bonaparte) ou Yves Montand (le maréchal Lefebvre)… Les femmes de Napoléon ont finalement le beau rôle : Danielle Darrieux totalement libérée, et surtout Michèle Morgan, très émouvante dans le rôle de Joséphine.

La meilleure idée du film, c’est peut-être d’avoir confié le rôle titre à deux acteurs : Daniel Gélin pour la jeunesse de Bonaparte, Raymond Pellegrin pour la maturité de l’Empereur. Ils ne se ressemblent pas vraiment, mais ce procédé évoque plus qu’il ne montre vraiment l’évolution, la bascule de l’homme… Du pur Guitry, qu’on a quand même le droit de préférer plus intime (modeste n’étant pas le mot le plus juste).

Mauvaise graine – de Billy Wilder (et Alexander Esway) – 1934

Posté : 5 mai, 2020 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1930-1939, DARRIEUX Danielle, ESWAY Alexander, WILDER Billy | Pas de commentaires »

Mauvaise graine

Comme Lang, Wilder est passé par la France en fuyant le nazisme. C’est même là qu’il réalise son premier film, avant de partir pour Hollywood, où ses talents de scénaristes ont déjà été remarqués. Il mettra en revanche huit ans avant de repasser derrière la caméra…

Ce coup d’essai est pourtant, déjà, l’œuvre d’un grand cinéaste, un film plein de vivacité, à la maîtrise formelle impressionnante. Qu’il utilise les surimpressions pour souligner le trouble de son héros marchants dans les rues de Paris, ou le montage alterné pour faire monter le suspense lors d’une belle séquence de poursuite automobile… Wilder maîtrise parfaitement son sujet.

On peut même déjà parler d’une vraie signature. Pas encore celle de ses grands chefs d’œuvre : l’influence de Lubitsch n’est pas encore passée par là. Mais dans sa manière d’utiliser le montage et les ellipses courtes, Wilder donne un ton singulier à son film, l’art de ne pas filmer cet instant précis où les décisions sont prises… Des choix de mise en scène qui rythment constamment l’action.

Beau scénario, aussi, qui flirte à la fois avec la comédie et le film d’action, avec cette histoire d’un jeune homme trop gâté que son père veut remettre dans le droit chemin, mais qui se perd avec une bande de voleurs de voitures. Il y rencontre une toute jeune femme, dont le visage accroche déjà la caméra : Danielle Darrieux, 16 ans à peine, le visage encore un peu poupin.

Wilder a donc commencé sa carrière de réalisateur en dirigeant Darrieux, en France. Et dire que ce film reste une curiosité largement oubliée…

Quelques jours avec moi – de Claude Sautet – 1988

Posté : 28 mars, 2020 @ 8:00 dans 1980-1989, DARRIEUX Danielle, SAUTET Claude | Pas de commentaires »

Quelques jours avec moi

Après l’échec de Garçon, Claude Sautet s’offre une sorte de nouveau départ avec son film suivant. Exit Jean-Lou Dabadie, le scénariste de ses plus grands succès. Sautet écrit Quelques jours avec moi avec Jacques Fieschi (et Jérôme Tonnerre), qui sera le scénariste de ses trois derniers films, sorte de triptyque informel et superbe, qui est aussi, de l’avis très éclairé de moi-même l’apothéose de sa carrière.

Avec Daniel Auteuil, qu’il retrouvera pour Un Cœur en hiverSautet trouve un nouveau double idéal, handicapé du sentiment très loin de ce qu’était Yves Montand. Auteuil chez Sautet, c’est un peu L’Etranger de Camus : un homme qui traverse sa vie comme un spectateur, étranger à lui-même et à ceux qui l’entourent. Profondément dépressif ? En manque total d’empathie ? Confronté à un ennui sidéral ? Tout ça, et rien de ça à la fois. Le personnage d’Auteuil est une énigme fascinante dont la passivité bouscule l’ordre bien étable, et qui révèle paradoxalement ce qu’il y a de meilleur chez les autres.

Héritier d’une grande chaîne de supermarchés, taciturne, sans plaisir ni déplaisir, là sans être vraiment là. A Sandrine Bonnaire, la femme de ménage vaguement délinquante, à qui il tend une sorte de guet-apens parce qu’il n’imagine pas simplement l’inviter, il fait ce début de confession : « Vous êtes la première personne à qui j’ai envie de parler depuis des années. »

Il est étranger, mais pourtant d’une disponibilité extrême, aussi naturel avec le très beauf Jean-Pierre Castaldi qu’avec le notable beau parleur Jean-Pierre Marielle. Attirant les extrêmes et la sympathie de tous comme par magie. Y compris celle de Vincent Lindon, qui s’étonne lui-même de ne pas être jaloux de celui qui passe pourtant ses journées et une partie de ses nuits avec celle qu’il aime.

Etrange électron libre, qui attire tout ce petit monde autour de lui, catalyseur des amitiés les plus improbables. Quelques jours avec moi est une œuvre à part dans la filmo de Sautet, qui laisse libre cours à un sens inattendu de la fantaisie. Au cœur du film, il y a notamment cette fête hallucinante, où se retrouvent petits délinquants et chef de police, patron et ouvriers, dans un immense appartement rempli de meubles de jardins. Hors du temps, hors des conventions.

C’est drôle, c’est envoûtant, c’est poignant aussi. Les acteurs sont géniaux. Marielle est immense, Auteuil gagne une dimension encore inédite. Bonnaire est d’une liberté insolente. Et en plus, il y a Danielle Darrieux, grande, même avec un rôle très secondaire. Quelques jours avec moi : un très grand Sautet, de ceux que l’on revoit avec un plaisir qui ne fait que croître.

Abus de confiance – de Henri Decoin – 1937

Posté : 12 janvier, 2020 @ 8:00 dans 1930-1939, DARRIEUX Danielle, DECOIN Henri | Pas de commentaires »

Abus de confiance

Il y a une vraie cohérence dans le parcours commun de Henri Decoin et de sa muse, Danielle Darrieux. Voici encore le portrait d’une toute jeune femme, à peine sortie d’une enfance abîmée, maltraitée par la vie.

Avec ce portrait mélodramatique, Decoin parle d’une époque rude et impitoyable, qui se dessine en creux. Si Lydia, le personnage que jouer Darrieux, est poussée à commettre un acte si détestable, c’est parce que tout, ou presque, lui est hostile.

Cet acte est un pur parti-pris mélodramatique. La découverte d’un journal intime… Une mère et son bébé morts depuis vingt ans sans que le père sache ce qu’ils sont devenus… Et Lydia qui décide de se faire passer pour l’enfant disparu auprès de ce dernier, grand avocat bien installé.

Et Decoin a un vrai talent pour filmer le chaos et la violence mentale. La scène de la fête foraine est ainsi magnifique, véritable tourbillon qui finit d’enfoncer les clous du désespoir, et virtuose utilisation du montage et de la surimpression.

Même force dans l’entretien d’embauche que subit Darrieux, pathétique défilé de proie pour un prédateur libidineux qui profite de sa position de supériorité… Ou comment, au fil de recherches désespérées de la jeune femme pour survivre, elle enchaîne les rencontres avec des hommes dégueulasses. 1937, et déjà, un manifeste virulent contre les violences faites aux femmes.

Et elle est, une nouvelle fois, extraordinaire, la Darrieux, déchirante en jeune victime d’une société bien malade. Charles Vanel aussi, forcément, est excellent. Malgré des dialogues parfois un peu trop littéraires, Decoin tire le meilleur de ses acteurs. Valentine Tessier est particulièrement marquante en épouse de Vanel. Rude, austère, péremptoire, mais pourtant compréhensive et avisée.

Un personnage complexe, qui évite toute facilité. C’est elle qui amène la dernière image, extraordinaire fin cynique et douce-amère…

12
 

Kiefer Sutherland Filmographie |
LE PIANO un film de Lévon ... |
Twilight, The vampire diari... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | CABINE OF THE DEAD
| film streaming
| inderalfr