La Justice des hommes (The Talk of the Town) – de George Stevens – 1942
Comédie, thriller, triangle amoureux, et même film de procès… George Stevens jongle avec pas mal de genres très différents dans ce film. Quitte à laisser tomber quelques quilles en cours de route d’ailleurs : à changer de ton si souvent, il finit par accoucher d’un film un peu bancal. Bancal, mais pourtant assez réjouissant à de nombreuses occasions.
La séquence d’ouverture, d’abord, est remarquable. Sans un mot ou presque, avec un montage très dynamique utilisant coupures de presse et fausses images d’archives, Stevens plante le décor, et résume ce qui aurait pu être une longue partie d’introduction en quelques instants d’une clarté et d’une concision impressionnantes.
On a donc Cary Grant (un peu en retrait, mais joyeusement cabotin), accusé d’avoir mis le feu à l’usine où il travaillait, causant ainsi la mort d’un homme. Jugé, sur le point d’être condamné à mort, il s’évade et se réfugie au domicile d’une vague amie d’enfance (Jean Arthur, piquante et irrésistible). Mais quelques minutes après débarque un juriste éminent et raide comme la justice qui a loué la maison (Ronald Coleman, merveilleusement suave). Grant n’a que le temps de se cacher dans le grenier.
Commence alors un étrange huis-clos, plein de suspense et d’humour, avec cette cohabitation dissimulée particulièrement originale. Et ce n’est que la première partie d’un film qui ne cesse de prendre de nouveaux départs, quitte à changer de direction, passant de la comédie de mœurs la plus légère au drame judiciaire le plus intense. Et même s’il manque une ligne réellement cohérente, Stevens se révèle également à l’aise dans tous les tons.
On retiendra une course poursuite en pantoufles entre le juriste et une meute de chien, un repas enthousiaste autour d’un borscht (avec un œuf), une déclaration d’amour finale à grandes enjambées, ou encore un face-à-face tendu entre Cary Grant et une foule déchaînée… Beaucoup de moments mémorables pour un film très imparfait, et foncièrement attachant.