Enemy (id.) – de Dennis Villeneuve – 2013
Un professeur discret à la triste vie bien rangée découvre qu’il a un sosie, jeune acteur dont la vie fantasque le fascine. Il se met à l’observer, et décide bientôt de le rencontrer…
Une simple histoire de sosie et de fascination ? Dès les premières images, Denis Villeneuve nous fait ressentir que ce n’est pas si simple. Ressentir plus que comprendre, vraiment : le film multiplie les images dont on sait que ce sont des clés, mais sans jamais faciliter la compréhension de la chose.
Et ce dès les premières minutes, avec cette araignée qui sort d’une boîte mystérieuse, dans un lieu de débauche. On sent bien qu’elle signifie quelque chose, mais quoi ? Le trouble qui s’installe, et et monte en puissance sans qu’on puisse réellement dire pourquoi, est la grande réussite de Villeneuve avec ce film.
Avec cette histoire sans réel fil narratif tangible, Villeneuve flirte avec le grotesque. Mais en faisant ressentir cette inquiétude, cette angoisse que rien de précis ne justifie vraiment, le réalisateur réussit quelque chose d’assez fort. Quelque chose de presque lynchien (avec une pointe de Cronenberg), mais à sa manière propre.
Le problème, c’est qu’on ne peut pas dire grand-chose du film sans en dévoiler la nature et sans éventer le mystère. En vrac, soulignons donc simplement la belle (et opaque) double-performance de Jake Gyllenhaal, la force quasi-abstraite des décors (une qualité que l’on retrouvera dans le Blade Runner de Villeneuve) ou la simplicité dérangeante de la mise en scène.
On notera aussi qu’il est question de mal-être, de culpabilité et de peur de l’avenir. Mais aussi que la dernière image, traumatisante et insondable, n’a pas fini de hanter l’esprit du spectateur qui se raccrochait jusque là à une histoire basique de sosie.