X-Files, aux frontières du réel (The X-Files) – saison 11 – créée par Chris Carter – 2018
Episode 1 : La vérité est ailleurs, 3e partie (My struggle III)
Il ne faut que quelques secondes pour avoir la confirmation de ce qu’on pensait depuis deux ans, et le fameux cliffhanger qui concluait le dernier épisode de la saison 10, le pire de toute la série : oui, Chris Carter nous prenait bien pour des cons.
On ne voyait pas où il allait ? Eh bien lui non plus. Mais la bonne nouvelle, c’est qu’il se tire plutôt habilement de l’impasse dans laquelle il se trouvait, avec un retournement de situation tiré par les cheveux et tellement énorme qu’on n’y aurait jamais pensé, mais aussi, finalement, assez brillamment retors.
Avec ce premier épisode, le troisième volet de La Vérité (long arc mythologique qui ouvre et referme les deux saisons de ce revival), Chris Carter recentre le fil rouge sur William, le fils disparu de Scully et Mulder, et redonne du souffle à ses personnages. Il était temps. En plus, le tandem Einstein/Miller, copie rajeunie et fadasse de Scully/Mulder est réduit à de quasi-figuration. On ne s’en plaindra pas.
Tout n’est pas parfait : l’écriture est parfois discutable, à commencer par les dialogues. Et Carter confirme qu’il est devenu un metteur en scène pénible, avec une tendance maladroite de « faire moderne », avec des scènes d’action pleines de ralentis et au montage syncopé.
Quant à la voix off de Mulder, façon Philip Marlowe, elle laisse dubitatif, tout comme ses plans énamourés sur la Jaguar conduite par Duchovny (Carter en aurait-il eu une en cadeau pour service rendu?).
Un premier épisode imparfait, donc. Mais en tournant le dos à la démesure grotesque ébauchée dans la saison 10, la série retrouve un peu de son ADN. De quoi donner furieusement envie de voir la suite…
Episode 2 : Une vie après la mort (This)
Plein de suspense, ce premier loner, qui flirte avec la mythologie et avec quelques figures des saisons passées. A commencer par Langly bien sûr, l’un des Lone Gunmen, mort depuis la saison 9, mais qui apparaît au-delà de la mort sur le portable de Mulder… Une apparition qui, pour le coup, respecte l’esprit de la série, et le personnage lui-même. Bien plus en tout cas que la calamiteuse « apparition » sous acide de la saison 10.
Surtout, cet épisode annonce ce qui sera une constante de cette saison 11 : la relation entre Scully et Mulder est centrale. L’épisode s’ouvre d’ailleurs sur une image toute simple qui en dit beaucoup sur cette relation : les deux agents sont assis côte à côte devant la télé, alors que la soirée semble bien avancée. Ajoutez mystère, parano, action (avec une poignée de scènes franchement explosives)… On n’en demande pas plus à la série !
Episode 3 : Les jumeaux diaboliques (Plus one)
Depuis combien de temps n’avions-nous pas eu droit à un vrai loner à l’ancienne, avec ses morts mystérieuses dans une petite ville paumée ? Et celui-ci est très réussi, en particulier parce qu’il n’essaye pas d’être autre chose qu’un simple suspense, sans incidence sur la direction que prendra la série par la suite.
Voilà donc Scully et Mulder dans une ville où plusieurs personnes se sont suicidées après avoir affirmé être harcelées par leur double. Un parfait mélange d’humour et de suspense, la relation Scully/Mulder une nouvelle fois centrale… Chris Carter, au scénario, prouve qu’il a gardé la main quand il lâche ses ambitions trop grandes pour lui.
L’épisode permet aussi de retrouver une actrice qui accompagne la série quasiment depuis ses débuts : Karin Konoval, que l’on avait vue en voyante dans Voyance par procuration (saison 3), puis en mère monstrueuse dans La Meute (saison 4), deux chefs d’œuvre. Elle est une nouvelle fois excellente dans un double rôle effrayant.
Episode 4 : L’effet Reggie (The lost art of forehead sweat)
L’épisode décalé de la saison, presque une tradition, que l’on doit à Darin Morgan, l’un des scénaristes qui ont su le mieux insuffler de l’humour dans la série. Cet épisode-ci est assez brillant, au moins sur le papier, réinventant à sa manière le passé de la série.
Un homme affirme être le partenaire de Mulder et Scully, que ces derniers auraient oublié à cause d’un mystérieux « they » qui joue avec la mémoire des gens.
Et on le voit au côté du duo dans quelques scènes extraites d’épisodes célèbres d’autrefois, joyeux exercice de style entre nostalgie et jeu de massacre.
Les dialogues sont excellents, et même si le principe sonne parfois comme un passage obligé, cette parenthèse trouve sa place au côté d’épisodes devenus mythiques comme Le Seigneur du Magma ou Voyance par procuration (saison 3), tous deux écrits par un certain Darin Morgan.
Episode 5 : Ghouli (id.)
Voilà un épisode qu’on attendait depuis… 16 ans ! Enfin, William, le fils perdu, évoqué en creux depuis le revival de la série, est au cœur de l’histoire. Pas dans un épisode ouvertement mythologique, encore que la vraie mythologie de cette saison 11, plutôt que la nouvelle conspiration qu’on oublie dès qu’on en a parlé, concerne peut-être bien le destin de William.
L’épisode n’est pas toujours convaincante. Le montage syncopé rend le truc un peu pénible par moments. Mais James Wong réussit tous les passages importants. Ce qui est la moindre des choses, certes.
Le personnage de William, inattendu forcément, est très excitant. Et la scène où Scully, qui le croit mort, se livre devant son corps inanimé, est bouleversante : une nouvelle occasion pour Gillian Anderson de rappeler qu’elle est une actrice magnifique.
Quant à la dernière scèe, pirouette belle et émouvante, elle est pleine de promesses pour la suite.
Episode 6 : Le retour du monstre (Kitten)
Franchement éclipsé dans la saison 10 (sans même parler du deuxième film à, Skinner retrouve enfin la place qui était la sienne à la fin de la série originale. Ce dont on se réjouit, même s’il y a d’emblée un problème dans l’écriture du scénario.
Visiblement anxieux de retrouver la clé du succès, Chris Carter ne fait pas que des bons choix, reconnaissons-le. Franchement, comment peut-on croire que Mulder doute encore de la loyauté de Skinner, comme il le faisait « à la belle époque » de la série ? Et pourtant…
Cela dit, cet épisode remet un peu les choses à leur place, et s’inscrit dans une lignée d’épisodes dont Skinner et son passé au Vietnam occupent la place centrale. Le résultat est étonnamment simple et modeste, retour au thème basique de la paranoïa, avec une économie de moyens et d’effets qui, au final, fait plutôt mouche.
Le personnage, central, interprété par Haley Joel Osment (le gamin de Sixième Sens et A.I. a bien changé) est à la fois intriguant, et pas totalement crédible. Mais les seconds rôles sont excellents, à commencer par le shérif débonnaire.
Quant à nos héros, ils paraissent un peu las, mais c’est dans les détails que se trouve le vrai plaisir : les regards entendus que se lancent Mulder et Scully, l’excitation de Mulder à l’évocation d’un monstre, et la mine réjouie de Scully devant le plaisir de son compagnon. Mignon…
Episode 7 : Rm9sbG93ZXJz (id.)
La réussite d’X-Files vient aussi de sa capacité à surprendre en cassant régulièrement ses propres codes. C’est le cas de cet épisode au titre pour le moins intriguant, qui commence par une longue séquence quasi-muette dans un restaurant japonais hi-tech où Scully et Mulder sont attablés. Seuls.
Seuls, ils le restent d’ailleurs jusqu’à la toute dernière minute, dans cette critique amusée et gentiment effrayante du monde hyper-connecté. Si l’épisode est quasiment muet, c’est qu’il n’y a plus besoin de parler dans cet univers-là, où les plats sont cuisinés et servis par des robots, où les taxis n’ont plus de chauffeurs, où les livraisons se font par drones…
La charge n’est pas neuve, mais la manière dont Glen Morgan traite le sujet et inscrit la série dans son époque, est réjouissante. A travers Scully et Mulder, c’est la propension de l’humain à se replier sur lui-même et à se couper du monde qui apparaît. Nos deux héros eux-mêmes s’oublient presque l’un l’autre, obnubilés qu’ils sont par leurs écrans.
Même leur sexualité respective est abordée. Et là encore, c’est la solitude qui s’impose, avec le joli masseur vibrant de Scully, et ce coup de fil d’une mystérieuse Wendy que reçoit Mulder…
Morgan s’amuse avec ses jouets, et cite au passage quelques grandes figures de robots du cinéma, de Planète interdite à Terminator 2. Typiquement le genre de réussite qui prouve qu’X-Files a encore sa raison d’être…
Episode 8 : Les forces du mal (Familiar)
Une petite ville pleine de petits secrets, des enfants victimes de meurtres apparemment sataniques, des sous-bois inquiétants… Pas de doute, X-Files renoue avec ses racines les plus profondes, et il le fait plutôt bien, avec une modestie et une sincérité qui font mouche.
C’est tout l’intérêt d’avoir une saison (un peu) rallongée, et tout le regret de se dire que c’est (sans doute) terminé : débarrassée de la nécessité d’aller vite, la série retrouve enfin son ADN. Cet épisode, pur loner bien flippant, et un dérangeant, fait partie des franches réussites de cette onzième mouture.
Scully et Mulder semblent retrouver leur soif d’autrefois. Chaque plan pourrait être d’une saison précédente, comme si tout était pensé pour rendre hommage au passé de la série. Mais le plaisir simple prime, jamais gâché par une quelconque tendance à l’hommage trop respectueux.
Incidemment, l’épisode parle aussi de la société d’aujourd’hui, et de l’impossibilité de l’oubli : ce personnage de prédateur sexuel condamné ad vitam pour un acte pour lequel il a purgé sa peine permet d’aborder le fameux droit à l’oubli que refuse la société hyper connextée.
X-Files à l’écoute de la société actuelle ? Ce n’est pas si courant, même dans les premières saisons de la série…
Episode 9 : Rien n’est éternel (Nothing lasts forever)
Un épisode banal… et indispensable !
Interdit aux moins de 16 ans, il nous rejoue le mythe de la jeunesse éternelle, à travers l’histoire d’une actrice d’il y a bien longtemps qui a trouvé un truc bien dégueu pour rester jeune. On a déjà vu ça ailleurs, et cette vengeuse qui dégomme tout ce petit monde au sabre bricolé avec du matériel religieux n’est pas crédible une seconde, malheureuse tentative de « faire dans le coup ». Bref, côté histoire, cet épisode est l’un des plus faibles de la série.
En revanche, la relation entre Scully et Mulder est une nouvelle fois formidable, émouvante et drôle à la fois dans sa manière d’évoquer le temps qui passe, à travers la presbytie (et le regard amusé) de Scully.
C’est la force de cet épisode : malgré les tentatives de renouer avec les recettes d’autrefois, la série tient compte du temps qui passe et de ses effets, et a bien conscience que rien n’est plus vraiment pareil.
En renouant avec la foi de Scully, le show se recentre sur l’essentiel. Et en abordant le temps passé, il se tourne vers un possible avenir, et propose ce qui aurait pu être une belle conclusion à l’ensemble de la série.
Episode 10 : La vérité est ailleurs, 4e partie (My struggle IV)
Du quatrième volet du « grand œuvre » de Chris Carter, que le revival de la série portait comme une croix depuis le tout premier épisode de la saison 10, on n’attendait pas grand-chose, si ce n’est une réponse à cette interrogation : ce probable ultime segment du show (ever) allait-il offrir une bonne conclusion ?
Pas franchement confiant, durant une grande partie de l’épisode. Malgré quelques bonnes choses, et une émotion assez présente, le style Carter est décidément agaçant, avec ses rebondissements tirés par les cheveux et sa visible appréhension des moments creux. Le montage trop serré, les dialogues approximatifs… Pas que du bon là dedans.
Pourtant, in fine, et en dépit des sorts indignes réservés à Skinner et à (la pauvre) Monica Reyes (grand ratage de ce revival), les dernières minutes sont belles. Bien sûr, confiant en une (très hypothétique) suite, Carter ne se ferme aucune porte. Mais vraiment aucune. Mais en resserrant l’intrigue sur Scully et Mulder plutôt que sur une nouvelle conspiration mondiale, il offre effectivement une conclusion belle, émouvante, inattendue et digne.
Et prouve définitivement que, quelles que soient les bonnes idées piochées ça et là dans cette saison 11 de bon niveau (et dans la précédente, nettement plus imparfaite), l’alchimie qui existe entre Scully et Mulder est la grande force de ce revival, et de toute la série, monument indétrônable dans mon cœur.
Ne me reste plus qu’à me refaire l’intégrale ! 218 épisodes et 2 films m’attendent…
* Voir aussi la saison 1, la saison 2, la saison 3, la saison 4, la saison 5, le premier film, la saison 6, la saison 7, la saison 8, la saison 9, le deuxième film et la saison 10.