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Archive pour janvier, 2023

La Femme vêtue de noir (Damen i svart) – d’Arne Mattson – 1958

Posté : 16 janvier, 2023 @ 8:00 dans * Polars européens, 1950-1959, MATTSON Arne | Pas de commentaires »

La Femme vêtue de noir

Arne Mattson a le sens du cadre, c’est un fait. Arne Mattson n’est pas un grand directeur d’acteur, c’est un autre fait. Il n’a pas non plus le sens du rythme, et met en images un scénario assez médiocre et bourré de grosses ficelles. D’où une question qui me vient à l’esprit : de belles images peuvent-elles sauver un film par ailleurs pas terrible ? Question simple, réponse à la carte…

Parce que franchement, il y a plein de moments où on se dit que Mattson nous prend pour des crétins, que sa manière de semer le trouble sur la possible culpabilité de chacun des personnages a un côté déjà très éculé en 1958. Parce que la plupart des personnages sont caricaturaux ou à peine dessinés, en tout cas peu crédibles (le comparse des détectives, avec ses faux airs de Buster Keaton qui surjoue la comparaison… bof). Mais aussi parce que oui, par moments, le film séduit.

Il séduit par ses cadrages donc, avant toute chose : belles compositions qui jouent à la fois avec la profondeur de champs et avec les ombres, en bon élève de Jacques Tourneur, mais aussi des récents succès de la Hammer, sources d’inspiration flagrantes pour le réalisateur. Il séduit aussi par son couple de héros, détectives confrontés à une affaire flirtant avec le surnaturel.

L’intrigue elle-même n’a strictement aucun intérêt, mais c’est à ce couple évoluant dans un microcosme qui lui est étranger que l’on doit tout le plaisir : la belle Annalisa Ericson surtout, indépendante, perspicace et moderne (elle porte des pantalons, c’est dire), qui surpasse sans se la raconter son mari gentiment macho (joué par Karl-Arne Holmsten). Pas étonnant que le couple soit devenu si populaire : on les retrouvera dans quatre autres films.

Boulevard – de Julien Duvivier – 1960

Posté : 15 janvier, 2023 @ 8:00 dans 1960-1969, DUVIVIER Julien | Pas de commentaires »

Boulevard

Duvivier est un cinéaste curieux et ouvert, on ne peut pas lui retirer ça. Avec Boulevard, film méconnu qui inaugure sa dernière période (pas la plus glorieuse, certes), le vétéran qui a commencé durant le muet semble vouloir se coller à cette Nouvelle Vague qui dynamite tout depuis quelques mois, en étant le premier à diriger le nouveau Jean-Pierre Léaud après Les 400 coups, dans un rôle qui présente bien des points communs avec Antoine Doinel.

Léaud, cette fois encore, est un ado mal dans sa vie, qui a fui le domicile familial pour ne pas vivre sous le même toit qu’une belle-mère sans amour, et qui tente, avec la maladresse d’un désespoir qui ne dit pas son nom, de trouver sa place dans le petit monde qui l’entoure. Pigalle en l’occurrence, dont Boulevard dresse une sorte de peinture pleine de vie mais un peu carton pâte, où le sexe, la violence et la sueur restent toujours bon enfant.

Le côté cosmopolite du quartier est aussi, pour le moins, atténué, se limitant grosso-modo à une famille italienne très intégrée. Duvivier, qui co-signe l’adaptation du roman avec Barjavel, flirte même souvent avec la caricature, mettant en scène l’homosexualité d’une manière un peu gênante, et les femmes qui vivent de leurs charmes avec une gourmandise et une naïveté confondantes. Et pour rester sur le sujet, il y aurait à redire de la vision que le film donne des hommes qui enfin s’assument : en donnant une paire de gifles à leurs femmes.

Bref. Duvivier a fait plus convainquant, et plus fin. Reste une belle atmosphère, pour le coup assez loin des aspirations de la Nouvelle Vague, et quelques jolis moments. Lorsqu’il capte la détresse encore enfantine derrière les bravades de Léaud, ou lorsqu’il filme la naissance des sentiments amoureux sur un toit parisien. Là, dans toute la simplicité de ces moments, le cœur du film bat vraiment.

Comme les grands (No greater glory) – de Frank Borzage – 1934

Posté : 14 janvier, 2023 @ 8:00 dans 1930-1939, BORZAGE Frank | Pas de commentaires »

No greater glory

De L’Heure suprême à L’Adieu aux armes, le pacifisme de Borzage ne fait guère de doute. No greater glory, film nettement plus obscur dans son abondante (et passionnante) filmographie, s’inscrit dans cette veine, mais avec un parti-pris beaucoup plus surprenant. Pour mettre en valeur l’absurdité de la guerre, Borzage filme l’affrontement de deux bandes de gamins se battant pour un terrain vague dans la ville.

Le procédé en soi n’est pas le plus fin du monde. Ce parallèle entre la Grande Guerre encore si proche et des batailles d’enfants peut sembler bien péremptoire, surtout que le scénario va très loin dans l’analogie et le pathos, jusqu’à un final tragique dont on peut souligner l’audace et la sincérité, ou mettre en doute le bon goût. Ou reconnaître que ces deux propositions se valent également.

Mais plusieurs aspects font clairement basculer le film du côté de la fable cruelle mais humaine. D’un côté, l’humanité, justement, qui domine encore chez ces enfants qui, bien que prêts à tout pour défendre leur terrain sans charme, ont gardé leurs cœurs grand ouverts et regardent leurs adversaires avec une étrange affection… variation enfantine et presque naïve d’un thème cher à Renoir.

Borzage capte l’innocence toujours présente dans ces regards déterminés. L’amour, aussi. Il capte aussi, et c’est l’autre belle réussite de ce film, les regards des adultes, vétérans des tranchées. Avec une piquante ironie d’abord : le film commence sur le front de 1918, avec un soldat hurlant sa haine de la guerre et du patriotisme… le plan suivant montrant le même soldat, redevenu professeur après la guerre, assurer à ses élèves que rien ne vaut le patriotisme, et que la guerre est le meilleur moyen de l’exprimer.

Un autre moment, moins ironique et plus anodin en apparence, est remarquable. Alors que les enfants n’ont plus que le mot « guerre » sur les lèvres, le gardien du terrain, un vétéran à qui manque un bras, souffle ce simple mot, « guerre », comme abattu par l’obstination des plus jeunes de répéter les erreurs/horreurs de leurs aînés. Un simple mot, et peut-être le plus beau moment du film, le plus borzagien, le plus déchirant.

La Forêt pétrifiée (The Petrified Forest) – d’Archie Mayo – 1936

Posté : 13 janvier, 2023 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1930-1939, BOGART Humphrey, MAYO Archie L. | Pas de commentaires »

La Forêt pétrifiée

Née une quinzaine d’années après ce film, la fille d’Humphrey Bogart et Lauren Bacall s’appelle Leslie Howard Bogart. C’est dire l’importance qu’a, dans la vie de Bogart, l’acteur Leslie Howard, dont on se dit pourtant qu’ils n’ont strictement rien en commun : d’un côté, un charme désuet et british ; de l’autre, un charisme brut et dangereux. Il y a une raison à cela : en 1936, lorsque la Warner a décidé d’adapter la pièce de théâtre dans laquelle jouaient les deux acteurs, c’est Howard qui a imposé la présence de Bogart à l’écran, les producteurs préférant à cet obscur second rôle une valeur nettement plus sûre comme Edward G. Robinson.

Cette fidélité de Howard, qui a conditionné sa participation au film à celle de son camarade de scène, a radicalement changé la vie de Bogart : c’est sa prestation du gangster Duke Mantee, tueur que l’on sent tiraillé par des sentiments plus profonds, qui a révélé la star, lui ouvrant la voie vers le Roy Earle de High Sierra, puis vers ses rôles les plus iconiques des années 40. Et il se trouve qu’au delà de cet aspect forcément historique, La Forêt pétrifiée est un film formidable.

Archie Mayo ne cherche pas à échapper au procédé théâtral : son film respecte quasi scrupuleusement les unités de temps et de lieu. Toute l’action se déroule dans ce bar-restaurant-station essence perdu au milieu du désert de l’Arizona, sorte d’oasis poussiéreux totalement coupé du monde. Pourtant, la mise en scène de Mayo est très cinématographique, dans sa manière de faire ressentir la présence de la nature : les vastes paysages omniprésents, le ciel immense et étoilé, le vent qui souffle sur une terrasse, la poussière qui colle aux vêtements…

D’un procédé narratif assez classique (une petite communauté prise en otage par des gangsters en cavale, comme dans Key Largo ou Desperate Hours, deux autres Bogart), Mayo tire une sorte de fable autour de la révélation d’une jeune femme qui s’ouvre à sa propre vie. C’est Bette Davis, craquante et pétillante, peut-être un peu trop pour ce personnage qui étouffe littéralement dans cette vie qui ne lui offre aucun horizon.

On pourrait aussi s’agacer du détachement toujours très british de Leslie Howard, qui semble un peu daté aujourd’hui. Mais le couple qu’il forme avec Bette Davis est touchant, et la relation qu’il noue avec Bogart est assez fascinante. Justement parce que les deux acteurs, comme les deux personnages, sont deux opposés, attirés par un même idéal.

Aliens, le retour (Aliens) – de James Cameron – 1986

Posté : 12 janvier, 2023 @ 8:00 dans 1980-1989, CAMERON James, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Aliens le retour

James Cameron a un univers bien à lui, pas de doute. Son troisième long métrage est autant une suite du chef d’œuvre de Ridley Scott que le premier volet d’un triptyque personnel qui se poursuivra avec Abyss et Avatar. Entre ses trois « films en A », la cohérence esthétique et thématique est assez frappante.

Dans chacun des trois films : le cinéma fantastique et les gros moyens du blockbuster illustrent des drames personnels et familiaux, où le thème de la maternité est central. Ajoutez ça l’opposition entre les éléments et des machines destructrices, et la présence de commandos militaires hyper-armés et hyper-entraînés…

C’est ce qu’on appelle le début d’une œuvre, donc. Et c’est aussi une belle manière de donner une suite à un (déjà) classique en en prenant le contre-pied. Scénariste, c’est aussi l’approche qu’il avait choisie pour écrire Rambo 2. Une véritable trahison. Ce n’est pas le cas avec Aliens, qui respecte l’esprit du premier film, mais avec des choix narratifs et visuels radicalement différents.

Le premier Alien se résumait assez vite finalement à l’affrontement de Ripley (Sigourney Weaver) et de la créature, avec le chat pour témoin, et dans un espace très confiné. Dans Aliens, Cameron expédie le chat, ouvre son décor, met en scène de nombreux personnages (tous parfaitement identifiés et marquants) et les confronte à d’innombrables monstres.

Ça mitraille, ça charcute, ça explose dans tous les sens. Mais c’est Cameron : l’action est toujours extrêmement lisible, et le gigantisme est au service d’une étonnante intimité. La scène explicitant la maternité de Ripley a été coupée au montage, mais cette vérité (sa fille est morte de vieillesse pendant qu’elle était dans sa capsule à travers l’espace) est bien perceptible : elle est au cœur du film, sorte de parcours intime déchirant avant même d’être une machine de guerre hyper efficace.

La relation que le personnage de Sigourney Weaver noue avec Newt, la fillette perdue sur cette planète de mort, est magnifique, annonçant la profondeur d’Abyss. Et c’est là que réside la grandeur de Cameron. Derrière ses blockbusters révolutionnaires, qui repoussent constamment les possibilités du cinéma d’action et des effets spéciaux, c’est un cinéaste sensible et intime qui se cache.

La Terre (Zemlya) – d’Aleksandr Dovzhenko – 1930

Posté : 11 janvier, 2023 @ 8:00 dans 1930-1939, DOVZHENKO Aleksandr, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

La Terre

Le cinéma russe muet lance ses derniers feux avec ce film, qui évoque cette période très précise de la révolution, lorsque les terres agricoles cessent d’être des propriétés privées. C’est ce tournant, contemporain au tournage, qui est au cœur de ce film, et qui attise les tensions entre les membres d’une petite communauté. Et mine de rien, c’est le temps qui passe et qui emporte tout que capte ce film, qui commence par une étonnante scène de mort pour se terminer par une naissance plein de tension et de vie…

Les générations qui passent, les aspirations qui changent… Quatre générations cohabitent plus ou moins harmonieusement dans cette communauté. Le patriarche d’abord, qui assiste dans la première séquence, fascinante et apaisée, à la mort de son vieil ami dans un paysage de campagne baigné de lumière. « Tu meurs, Petro ? - Je meurs, Semyon. » Un silence… « D’accord, meurs. » pas de drame, une sorte de communion absolue entre l’homme, la terre, les arbres, et ça fait jaillir des torrents d’émotion qu’on n’avait pas vu venir…

Omniprésent, le dernier né, qui observe son entourage avec l’innocence et les espoirs du premier âge. Et entre ces deux extrêmes, Vassil et son père : l’un est un jeune homme qui encourage le changement, le second un homme entre deux âges attaché à la propriété. Jusqu’au jour où Vassil, tout à sa joie de conduire un tracteur, arrache les bornes qui délimitent un champs. La nouvelle fait l’effet d’un drame. Peu après, le jeune homme est tué…

L’histoire est très simple, les personnages parfois contraints à la fonction qu’ils représentent… Mais le film a un force incroyable, parce qu’il est la quintessence du cinéma muet russe, merveille de rythme et de montage, et parce que toutes les images y font sens. Ode à la révolution russe ? Ce n’est pas si simple, tant le regard de Dojkenko est plein d’ironie (l’arrivée « triomphale » du tracteur par exemple).

Son film est en tout cas une ode magnifique à ce rapport si fort qui unit l’homme à la terre, au-delà de toutes les révolutions et de toutes les générations. Voir l’incroyable première scène, donc, mais aussi la manière dont le père se tient droit dans son champs, ou cette danse nocturne où chaque pas du jeune Vassil soulève des nuages de poussière. Moment magique et envoûtant, où la frontière entre la vie et la mort s’efface.

Une histoire d’eau – de François Truffaut et Jean-Luc Godard – 1958

Posté : 10 janvier, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, COURTS MÉTRAGES, GODARD Jean-Luc, TRUFFAUT François | Pas de commentaires »

Une histoire d'eau

« Toute l’originalité de Pétrarque consiste précisément dans l’art de la digression » aurait rétorqué Aragon à un étudiant de la Sorbonne qui lui aurait demandé d’aller droit au sujet. J’ignore si cette citation est exacte, mais elle illustre parfaitement ce court métrage forcément historique, ne serait-ce que pour une raison, que précise la voix off de Caroline Dim : « Sachez que ce film a été réalisé par François Truffaut et Jean-Luc Godard ».

Ce fait reste quand même largement méconnu eu égard à la place qu’occupent les deux hommes dans l’histoire du cinéma : Godard et Truffaut, que l’on savait amis (à une période de leur vie) avant de ne plus l’être, et collègues (aux Cahiers) avant de ne plus l’être qu’à distance, ont donc signé un film commun. Un court métrage, certes, mais pas n’importe lequel : une espèce de manifeste de La Nouvelle Vague, ultime étape avant leurs premiers longs respectifs (A bout de souffle et Les 400 coups, tournés quelques mois plus tard).

Une histoire d’eau narre la rencontre amoureuse ou sensuelle d’une jeune étudiante (Caroline Dim) qui tente de rejoindre Paris alors que sa banlieue est inondée, sous un mètre d’eau. Elle rencontre un jeune homme (Jean-Claude Brialy, qui a la voix off de Godard lui-même) qui l’embarque dans sa voiture et la séduit. Une histoire toute simple, prétexte donc à un bon millier de digressions pour les pensées de la jeune femme, dans lesquelles on croise Blondin, Wagner, Baudelaire, Degas ou Chandler…

Du beau monde donc, et surtout une liberté, des ruptures de ton, un rythme et une légèreté qui emportent tout, dans la réalisation elle-même que dans le montage et l’utilisation omniprésente de la voix off, qui transforme ces images comme volées à une calme inondation en un tourbillon de pensées intimes ou volatiles, assez irrésistibles.

Gloire soit rendue à Godard, donc, qui a exhumé ces images tournées pendant une inondation par Truffaut qui n’avait pas l’intention d’en faire grand-chose, pour en tirer le montage que l’on connaît. Il a bien fait.

Maria Marten, or the murder in the red barn (id.) – de Milton Rosmer – 1935

Posté : 9 janvier, 2023 @ 8:00 dans * Polars européens, 1930-1939, ROSMER Milton | Pas de commentaires »

Maria Marten or the murder in the red barn

Le film commence sur une scène de théâtre, où un « M. Loyal » présente au public les personnages et les acteurs qui vont interpréter le drame sur le point de se jouer. Puis le rideau se lève, et nous voilà plongé dans l’Angleterre rurale des années 1820…

Le procédé narratif n’est pas neuf, ni très original. Il donne ici le sentiment d’être utilisé pour excuser à l’avance le jeu très théâtral et exubérant des comédiens, à commencer par la « star » du film (son nom s’inscrit en lettres deux fois plus grandes que le titre) ; Tod Slaughter, vedette de l’époque spécialisée dans les films d’épouvante victoriens.

Il est ici un noble désargenté dont on sait dès le lever de rideau qu’il sera le grand méchant de l’histoire. Une histoire vrai à propos, ou à peu près : le film s’inspire d’un authentique fait divers de cette époque. Une jeune femme, Maria Marten, a été assassinée par celui qui était son amant, et qui a prétendu après avoir reçu des lettres de Maria, disparue mais bien en vie. Jusqu’à ce que le corps de la victime soit retrouvée dans une grande rouge.

C’est dans cette grange que se déroulent les deux séquences les plus réussies du film, celles où la tension atteint son apogée, où les grands gestes et les roulements d’yeux de Tod Slaughter épousent le mieux les jeux d’ombres et le style dramatique de Milton Rosmer. Là, le temps de ces deux séquences, le film évoque certains films de James Whale, voire de Tod Browning. En mode très mineur.

12 hommes en colère (Twelve angry men) – de Sidney Lumet – 1957

Posté : 8 janvier, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, LUMET Sidney | Pas de commentaires »

12 hommes en colère

Voilà le genre de classiques qu’on peut voir et revoir à tous les âges, sans jamais se lasser, et en découvrant à chaque nouveau visionnage de merveilleux détails encore jamais vus. 12 hommes en colère est un film formidable, et ce n’était pas gagné, tant le projet pouvait sembler piégeux : l’adaptation d’une pièce de théâtre à succès, dont le procédé même était éminemment théâtral, et absolument pas cinématographique.

Unité de lieu : la salle de délibération d’un jury de procès, dont on ne sort que dans les deux premières minutes et les trente dernières secondes. Unité de temps : celui de la délibération, filmé en temps réel et sans coupure. Un nombre de personnages limité : douze. On fait plus facile, particulièrement pour un premier film. Mais Lumet, cinéaste débutant, donc, signe un film d’une densité et d’une fluidité exceptionnelles.

Sa mise en scène paraît très classique, sans aucun effet facile, presque effacée. Elle est en fait d’une précision extrême, effaçant avec évidence les contraintes liées à un espace confiné, et à un scénario bâti sur des répétitions : les mêmes faits que l’on ressasse constamment, les efforts faits pour convaincre, et les votes qui reviennent tout au long du film, jamais filmés de la même manière, avec des détails qui, subrepticement, modifient le rapport de force et influent sur le ton.

Avec ces douze jurés qui refont entre eux le procès d’un jeune homme accusé d’avoir tué son père, Lumet semble mine de rien concentrer l’humanité dans ce qu’elle a de plus diverse. L’Amérique en tout cas, avec toute sa complexité. D’un côté, le juré n°8 : Henry Fonda, incarnation parfaite de l’individu prêt à affronter la masse pour faire triompher la justice, même si elle ne se base que sur le doute. De l’autre, le juré n°10 : Ed Begley, symbole de l’intolérance raciste et aveugle. Entre les deux, dix nuances d’Américains…

Chacun des jurés représente en effet un type de personnages. Mais loin d’être caricatural, ce choix donne un aspect universel à cette longue conversation souvent tendue, parfois borderline, toujours humaine. Lumet caractérise chacun de ces personnages avec une précision extrême, s’attachant à l’humanité de chacun d’entre eux dans toute sa complexité, et tirant le meilleur de chacun des acteurs : Jack Warden, E.G. Marshall, Martin Balsam… Coup de cœur particulier pour Lee J. Cobb, extraordinaire grande gueule gorgée de haine.

La réussite du film tient aux personnages bien sûr, mais aussi à la tension que Lumet réussit à insuffler, à son sens du cadrage, à sa manière de rapprocher ou d’éloigner les jurés par la caméra, de faire ressentir la chaleur étouffante de cette soirée d’été. Tout ça tient dans les détails donc, dans cette lumière qui baisse régulièrement tout au long du film, dans la sueur qui coule sur un front, dans la longueur des silences. La naissance, passionnante, d’un grand cinéaste.

Une histoire d’amour – de Guy Lefranc – 1951

Posté : 7 janvier, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, LEFRANC Guy | Pas de commentaires »

Une histoire d'amour

C’est le dernier film de Louis Jouvet, qui retrouve son réalisateur de Knock. C’est son dernier film, et c’est déjà très triste en soit : le voir ainsi, jeune encore et formidable dans un rôle de flic qu’il compose comme en opposition à celui de Quai des Orfèvres, est un crève-cœur quand on sait qu’il décédera quelques mois plus tard seulement. Et il se trouve que le film raconte une histoire également très triste…

Ça commence par la découverte d’un drame : un couple de jeunes gens (Dany Robin et Daniel Gélin, très jeunes, très beaux et très émouvants) s’est donné la mort dans un car abandonné dans un cimetière de véhicules. Pourquoi se sont-ils suicidés ? Dans quelle circonstance ? C’est ce que va s’évertuer à comprendre ce flic, qui n’a « jamais fait de zèle », mais qui cette fois refuse de classer le dossier sans comprendre.

Il est beau ce film, qui trouve l’équilibre parfait entre l’enquête du flic, fatigué par la mesquinerie des proches qu’il interroge, et les flah-backs, centrés sur ce couple qui se débat dans un monde où leur amour est impossible parce qu’il franchit les frontières de la bonne société : elle est une fille de grande famille, lui est le fils d’un pseudo artiste sans le sou. Leur point commun : avoir des parents toxiques, qui les conduiront à leur perte.

Il y a une étrange légèreté dans les flash-backs, qui nous poussent à espérer le meilleur, alors que le film s’ouvre sur le pire. C’est ce décalage entre ce que l’on sait et ce que l’on se surprend à espérer qui rend ce film si déchirant, et le regard de Jouvet si bouleversant. Derrière son apparente nonchalance, ce flic est d’une humanité magnifique. Cette humanité doit aussi quelque chose aux dialogues signés par un quasi-débutant nommé Michel Audiard, pas encore gâté par sa propre gloire, digne héritier de Jeanson.

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