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Archive pour la catégorie 'EPSTEIN Jean'

Les Berceaux – de Jean Epstein – 1931

Posté : 18 mars, 2016 @ 8:00 dans 1930-1939, COURTS MÉTRAGES, EPSTEIN Jean, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Les Berceaux

Jean Epstein a tourné des clips ? Si, si… En 1931, le cinéaste est engagé par la firme Synchro Ciné pour mettre en images une chanson, célèbre alors si l’on en croit le générique: Les Berceaux, un poème de Sully Prudhomme mis en musique par Gabriel Fauré, et interprété pour l’occasion par Louis Gaudin (« de l’Opéra Comique »).

Une curiosité, donc, mais pas si étrange que cela : Les Berceaux, chanson de marin joliment mélancolique, permet à Epstein de s’inscrire dans la lignée de ses « poèmes bretons », initiés avec Finis Terrae. Le petit film qu’il réalise porte clairement sa marque, avec quelques expérimentations visuelles, des plans très composés, et l’omniprésence de la nature.

Le film, ancêtre des clips que l’on connaît aujourd’hui, fait coller les images avec les paroles de la chanson. Un exercice de style intéressant et fort sympathique, à défaut d’être follement personnel.

Le film figure dans le coffret DVD consacré à Epstein chez Potemkine.

Finis Terrae – de Jean Epstein – 1928

Posté : 17 mars, 2016 @ 8:00 dans 1920-1929, EPSTEIN Jean, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Finis Terrae

On parle facilement de poème cinématographique à propos de ce film et des autres réalisations à venir de Jean Epstein. Mais le terme de « réalisme poétique » semble plus adapté, même si le style du cinéaste n’a rien à voir avec le genre que popularisera le tandem Carnet-Prévert quelques années plus tard. La poésie est bien là, mais au service de l’histoire. A moins que ce ne soit l’inverse.

Les expérimentations techniques d’Epstein, déjà au cœur de son cinéma depuis longtemps, sont toujours là : des jeux sur les surimpressions, les flous, la lumière… qui suggèrent l’état d’esprit des personnages. Mais Finis Terrae fait entrer le réalisateur dans son âge d’or. C’est avec ce film que son style trouve son apogée, cette manière de filmer le réel en évitant au maximum les fards habituels du cinéma, avec des plans qui soulignent constamment la beauté et la rugosité de la nature.

Pas un seul plan anodin dans ce chef d’œuvre que j’avais vu pour la première fois il y a plusieurs années, et dont des images ne m’avaient jamais quitté depuis : ces gros plans simples et dramatiques à la fois de ces pêcheurs de goémons qui, sur leur minuscule îlot rocheux, se disputent pour un couteau perdu. Montage extraordinaire qui annonce le drame qui se noue : une simple blessure à la main qui va s’infecter, et qui peut causer le pire sur ce bout de roche isolé où ces pêcheurs sont coupés du monde durant des semaines…

Des gros plans sur les gueules fascinantes de ces acteurs non professionnels, trouvés par Epstein parmi la population locale. De sublimes ralentis sur les vagues qui se brisent sur les rochers. Et ces plans hyper fabriqués où le moindre objet fait diagonale… Epstein croit en la force de ses images, et réussit à faire de son film une œuvre naturaliste au réalisme cru, autant qu’un poème visuel et une ode à la nature et à ces hommes et femmes de la mer dont on jurerait qu’il est l’un d’eux.

Pourtant, Epstein venait de découvrir cette région, dont il ne connaissait rien quelques semaines seulement avant le tournage. Il est en vacances en Bretagne, après avoir mis la dernière main à La Chute de la Maison Usher, lorsqu’il découvre la vie à Ouessant, sur cette île hors du temps. Ce sont ses habitants, leur rude mode de vie, la nature belle et inamicale, qui lui donneront l’âme de Finis Terrae, film tourné entièrement en décors naturels, dans des conditions qu’on devine compliquées.

Le résultat est l’un des très grands films muets français. Une expérience de cinéma absolument inoubliable, et unique.

• Le film figure dans le formidable coffret DVD édité chez Potemkine, regroupant de nombreux longs, courts et moyens métrages d’Epstein et beaucoup de bonus passionnants.

Six et demi, onze – de Jean Epstein – 1927

Posté : 5 novembre, 2014 @ 2:37 dans 1920-1929, EPSTEIN Jean, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Six et demi, onze

Titre mystérieux pour ce Epstein méconnu, retour au mélodrame contemporain pour le réalisateur de Cœur fidèle : ce titre fait référence au format d’une photo qui constitue le cœur de l’intrigue, l’objet d’une séquence de « suspense » extraordinaire dont l’aspect naturaliste annonce les grandes œuvres bretonne que le cinéaste tournera à partir de l’année suivante. Une scène simple : le développement d’une pellicule, dont la révélation bouleversera les rapports entre les personnages…

Cette séquence est sans doute le moment le plus fort du film. Pas que le reste soit inintéressant, loin de là. Mais c’est peut-être le passage où la forme et le fond se rejoignent le mieux, avec la plus grande efficacité, et la charge émotionnelle est la plus forte. Grand formaliste, Epstein a fait énormément pour le langage cinématographique, le coupant totalement de l’art théâtral pour en faire un art à part et à part entière. Mais le formaliste a parfois tendance à étouffer le raconteur d’histoire, et l’émotion se perd par moments sous les « impressions ».

C’est souvent le cas ici, où Epstein cherche constamment à nous plonger dans les affres de ses personnages en jouant avec les possibilités que lui offrent la caméra et la pellicule : des surimpressions surtout, dont il use énormément. Une mer déchaînée qui illustre la passion, un portrait mouvant qui semble redonner vie à un disparu, ou un appareil photo qui domine l’image comme s’il annonçait le rôle qu’il tiendrait… Avec ces trucages typiquement cinématographiques, Epstein impressionne dans tous les sens du terme. Un peu au détriment de l’émotion pure.

Comme souvent chez lui, on sent que l’intrigue n’est pas ce qui l’intéresse le plus. Une intrigue cette fois scénarisée par la sœur du cinéaste. L’histoire de deux frères, deux héritiers. L’aîné est un médecin réputé, sérieux et bosseur. Le cadet est un jeune homme légèrement inconsistant qui disparaît du jour au lendemain pour vivre le grand amour avec une actrice. Mais cette dernière le quitte pour un danseur. Le jeune frère ne le supporte pas et commet l’irréparable. La rencontre fortuite de la danseuse et du grand frère va sonner comme une nouvelle chance de bonheur pour ces deux-là. S’il n’y avait cette maudite photo, unique témoin du rôle qu’a joué la jeune femme dans le drame…

Passionnant mais un rien désincarné, le film fourmille de trouvailles visuelles qui justifient à elles seules sa découverte. C’est surtout l’œuvre d’un cinéaste que l’on sent à la croisée des chemins. Revenu de ses grosses productions pour l’Albatros, renouant avec un cinéma plus contemporain et plus réaliste, Epstein semble déjà attiré par ce naturalisme radical qu’il adoptera dans des films comme Finis Terrae. Les ultimes images, gros plans sur des handicapés marqués par la vie, apparaissent comme la promesse d’un autre cinéma…

• Le film figure dans le formidable coffret DVD édité chez Potemkine, regroupant de nombreux longs, courts et moyens métrages d’Epstein et beaucoup de bonus passionnants. Pour Six et demi, onze, le DVD comprend notamment la fin alternative, plus positive, qui avait été demandée à Epstein pour sa sortie en salles. Le film peut par ailleurs être vue avec deux musiques : l’une classique et au piano de Stephen Horne (très belle : c’est celle-ci que j’ai choisie), l’autre beaucoup plus moderne et surprenante de Krikor.

Le Lion des Mogols – de Jean Epstein – 1924

Posté : 6 août, 2014 @ 1:06 dans 1920-1929, EPSTEIN Jean, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Le Lion des Mogols

Collection La Cinémathèque française

Ce n’est ni le plus réussi, ni le plus personnel des films d’Epstein. Tourné pour le studio Albatros, Le Lion des Mogols en porte clairement la marque, avec un scénario très abracadabrant : un prince exotique forcé à l’exil qui se retrouve dans le Paris des années folles après une série de combats plus proche de la fantaisie du Voleur de Bagdad que du naturalisme des grands films bretons du cinéaste.

Pourtant, Epstein ne prend pas son film à la légère, même si Le Lion des Mogols n’est pas formellement le plus ambitieux de ses films. On a tout de même droit à quelques gros plans extraordinaires que Epstein place au cœur de son procédé : les gueules impossibles des premiers plans, la main ensanglantée du banquier qui tente d’agripper le téléphone… Il y a aussi une utilisation parfaitement maîtrisée du montage en tant que langage cinématographique.

Ivan Mosjoukine, grande star de l’époque, est assez formidable, son regard évoquant à la fois le trouble de cet exilé qui découvre un univers inconnu, et une certaine tristesse sans doute liée à la nostalgie de son pays.

Ce regard est particulièrement important dans la séquence de la boîte de nuit, lorsqu’il se saoûle alors que tout le monde danse autour de lui et que l’orchestre joue avec frénésie. Une longue séquence qui se poursuit par une virée en voiture à travers un Paris d’une beauté rare (en décors réels, avec la rue de Rivoli ou les Champs Elysées quasiment déserts…).

A côté de ces scènes parisiennes, les séquences « hindoues » tranchent d’une manière étonnamment abrupte : aux décors réels, Epstein préfère alors une vision presque fantasmée, faite de décors en carton-pâtes.

Ce mélange détonnant donne un film réjouissant et constamment étonnant, où le cinéaste s’amuse à changer de registre, passant du comique au nostalgique, de l’aventure au drame…

• Le film fait partie du formidable coffret DVD que Potemkine vient de consacrer à Jean Epstein. Indispensable.

Mauprat – de Jean Epstein – 1926

Posté : 27 juin, 2014 @ 5:37 dans 1920-1929, EPSTEIN Jean, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Mauprat

Après une série de grands succès tournés pour les studios Albatros (dont l’épique Les Aventures de Robert Macaire), Jean Epstein gagne son indépendance et crée sa propre maison de production. Le premier film de cette « nouvelle carrière » est une adaptation d’un roman de George Sans, film épique en costume qui semble s’inscrire dans la continuité de sa période Albatros.

Il est vrai que le film est moins spectaculaire, formellement parlant, que des œuvres comme Cœur fidèle ou La Chute de la maison Usher, ou même Finis Terrae, autant de films marqués par les géniales expérimentations d’un cinéaste décidé à rompre avec la vieille tradition du « Film d’Art » pour entrer dans l’ère du « 7ème Art ».

Les toutes premières images, d’ailleurs, sont d’une banalité presque déconcertante venant d’Epstein, quand on n’a vu jusqu’à présent qu’une poignée de films majeurs du cinéaste (ceux déjà cités, donc). Dans ces quelques premiers plans, rien ne distingue vraiment Mauprat des autres films en costumes tournés à la même époque.

Mais très vite arrivent ces détails qui changent tout. La caméra cadrée sur les pieds d’un voyageur perdu, plutôt que sur le visage ; une série de surimpressions qui soulignent le mouvement ; un montage au dynamisme incroyable… Déjà, Epstein n’expérimente plus : il maîtrise totalement cet art auquel il apporte une nouvelle maturité.

Quelques scènes de transition sont plus banales, filmées visiblement sans grand intérêt. Mais toutes les séquences importantes sont d’une modernité impressionnante, parce qu’Epstein met totalement sa science du langage cinématographique au service de cette histoire d’amour impossible.

Le thème même du film ne souffre absolument pas des neuf décennies écoulées : Mauprat, du nom d’une famille que l’histoire a divisée entre riches bourgeois et odieux bandits. Entre ces deux branches, personnalisées par deux frères jumeaux (interprétés par le même comédien donc : Maurice Schutz, intense et nuancé), une histoire d’amour contrariée, éternelle variation sur le thème de Romeo et Juliette : la fille du bon frère est sauvée par son cousin orphelin élevé par le mauvais frère et qui se voit offrir une nouvelle chance de sortir de la fange.

Pas si simple, parce que le « beau monde » est filmé comme une prison étouffante gangrenée par des conventions qui condamnent d’avance les amoureux, alors que le monde des bandits, peuplé d’êtres détestables, est aussi synonyme de libertés et de grands espaces… C’est cette opposition des deux mondes, et la manière dont le jeune orphelin est tiraillé entre les deux versants de sa famille, qui intéressent vraiment Epstein dans ce beau film plein de vie.

Mauprat fait partie du magnifique coffret que Potemkine consacre à Jean Epstein à l’occasion de la rétrospective de la Cinémathèque Française. Au menu : quatorze films muets ou parlants, et un grand documentaire. Mauprat est accompagné d’une formidable musique de Neil Brand enregistrée en 2013. Le coffret est un rien cher, mais incontournable.

La Chute de la Maison Usher – de Jean Epstein – 1928

Posté : 12 juin, 2014 @ 2:25 dans 1920-1929, EPSTEIN Jean, FANTASTIQUE/SF, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

La Chute de la maison Usher

De l’œuvre d’Edgar Allan Poe, Jean Epstein garde les motifs, ainsi que l’indique le générique de début : Sir Roderick Usher vit dans un manoir en reclus avec son épouse, dont il peint inlassablement le portrait. Un portrait si vivant qu’il semble peu à peu priver le modèle de sa propre vie. Alors que la jeune femme est au bord de la mer, le meilleur ami d’Usher arrive dans son recoin du monde…

Mais à la narration, le cinéaste préfère l’impression, le sentiment, le pur langage cinématographique. Plus conscient des possibilités de son art que la quasi-totalité de ses semblables (d’alors et depuis), Epstein utilise merveilleusement toutes les possibilités que lui offre le cinéma : des compositions de plan extraordinaires, une utilisation fascinante des décors, des effets de lumière ou des ralentis, qui créent l’ambiance si particulière du film.

Surtout, le cinéaste fait un usage d’une modernité incroyable du montage. Tantôt lent et presque évanescent, tantôt quasi-frénétique. Au début du film, il y a notamment cette scène où Sir Rodrick peint son modèle de femme, et chaque coup de pinceau sur le portrait, souligné par un montage au scalpel, donne l’impression qu’un fragment de vie est arraché à la jeune femme…

Cette mise en scène quasiment théorique souligne constamment l’obsession et la folie dévorante de Usher, et préfigure le génial Dracula de Coppola, avec 65 ans d’absence, autre grand film où les codes du film fantastique traditionnel (on pense au Nosferatu de Murnau lorsque le visiteur arrive aux abords du manoir, ou lorsqu’il découvre l’étrangeté angoissante de la situation) sont magnifiés par un langage cinématographique poussé à l’extrême de ses infinies possibilités.

Face à un tel laboratoire d’expériences filmiques, l’émotion pure reste un peu dans le placard, mais le résultat est une œuvre fascinante et hallucinogène. Une expérience que les autres adaptations de La Chute de la maison Usher (que signeront notamment Roger Corman en 1960 et Jess Franco en 1982) n’approcheront pas même de loin.

• Le film fait partie du formidable coffret de huit DVD consacré à Epstein et édité tout récemment chez Potemkine. Un peu cher, peut-être, mais indispensable pour découvrir l’extraordinaire richesse du cinéma de ce précurseur français.

Cœur fidèle – de Jean Epstein – 1923

Posté : 19 septembre, 2012 @ 10:31 dans 1920-1929, EPSTEIN Jean, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Cœur fidèle

C’est l’un des premiers films de Jean Epstein, immense formaliste du cinéma de la fin des années 20, et déjà on retrouve derrière cette histoire d’une grande simplicité une approche formelle et une richesse incomparables. Oscillant constamment entre le naturalisme, le réalisme poétique (bien avant Carné et Grémillon), le romantisme à l’américaine (on pense souvent aux grands films de Borzage, avec même un travelling vertical dans une cage d’escalier qui préfigure celui, célèbre et sublime, de L’Heure suprême), et même l’expressionnisme allemand, Epstein explore les infinies possibilités de l’outil cinématographique.

Parfois, le résultat est un peu brouillon, et peut laisser perplexe (ces visages déformés qui apparaissent en plein écran, les surimpressions qui se succèdent pour illustrer l’orage qui éclate dans l’esprit de la pauvre Gina Manès…). Mais le plus souvent, c’est d’une beauté et d’une force absolues.

Tout l’intérêt, d’ailleurs, réside dans la réalisation d’Epstein. L’histoire, elle, est classique et très simple : dans le vieux port de Marseille, une pauvre serveuse est promise au mariage avec un sale type, mais en aime un autre, qui se bat avec son rival, et est condamné à la prison. A sa sortie, il retrouve sa belle vivant dans la misère avec le salaud qui leur a fait un enfant…

On est à peu près dans ce que l’humanité fait de plus misérable : des rues sales, des appartements miteux, des enfants malades, des chômeurs sans avenir, des maris alcooliques, des amours sans joie…

Rien de bien réjouissant, et même l’espoir qui jaillit parfois n’enlève rien au poids de ce milieu dont les personnages sont prisonniers. Jamais les bateaux que l’on voit en arrière-plan dans ce port qui sert de décor réel ne sont vus comme des possibles moyens de s’évader de ce quotidien : ils se contentent de rappeler qu’il y a autre chose ailleurs, pour d’autres mieux nés. Sans illusion.

Les comédiens, que je ne connaissait pas avant de voir ce film, sont parfait : rien d’héroïque, ni de glamour chez ces personnages marqués par le destin, qui se raccrochent avec la force de leur désespoir à la seule belle chose qu’ils possèdent : leur amour à toute épreuve.

 

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