La Cité magique (Magic Town) – de William A. Wellman – 1947
Mr. Smith, joué par James Stewart, débarque dans une petite ville américaine, où un affrontement se déclare entre le cynisme de la modernité, et la quiétude de la vie en communauté… Eh non, ce n’est pas du Capra, mais on sent bien que c’est vers son cinéma que lorsque le film, que Stewart tourne quelques mois après La Vie est belle.
Ce n’est pas le premier film à s’inscrire dans la lignée du cinéma miraculeux de Capra. Et c’est d’autant moins surprenant, quand on sait que le scénario est signé Robert Riskin, qui a travaillé à de nombreuses reprises avec Capra (New York-Miami, L’Extravagant Mr. Deeds, L’Homme de la Rue…).
Ce qui surprend en revanche, c’est le nom du réalisateur : William Wellman, grand cinéaste, l’un de ces grands maîtres à peu près incapables de rater un film. Mais un cinéaste dont la filmographie est remarquablement pauvre en comédies, ou même en films légers.
Aussi attachant soit-il, le film révèle les limites de Wellman dans le genre. Attachant, et sans baisse de rythme, mais aussi trop marqué par un Capra dont Wellman ne parvient pas à reproduire la recette magique, cette capacité à provoquer des torrents d’émotion. Comparer la dernière scène de La Vie est belle et celle de La Cité magique est ainsi assez cruel pour le film Wellman, qui cherche en vain à reproduire le même sentiment d’euphorie.
La comparaison est rude, donc. D’autant plus rude qu’elle est incontournable. Mais Wellman s’en tire avec les honneurs, signant un film léger et profondément américain, dans cette veine très en vogue (et très séduisante) qui vise à mettre en valeur une communauté idéale, source éternelle de nostalgie qui irradiera le cinéma américain pendant des décennies (jusqu’à Retour vers le futur, et bien au-delà).
Une Amérique un peu figée, aussi. Mais le film de Wellman réjouit par son ironie, en faisant du personnage de Stewart un professionnel du sondage, qui a découvert que cette petite ville pense exactement comme l’Amérique, quel que soit le sujet. Un paradis pour un sondeur, qui peut ainsi gagner un temps et un fric fous. Il y débarque donc, s’immisçant incognito dans la population pour sonder mine de rien les habitants, devenant ainsi le plus rapide et le plus efficace des sondeurs.
Un cynique, donc, qui se fait une place de choix dans la communauté qu’il utilise. Mais bien sûr, l’amour rode, et il a les traits de Jane Wyman, irrésistible en journaliste désirant faire évoluer sa ville… ce qui pourrait mettre à mal la poule aux œufs d’or que représente cette communauté qui n’a pas changé depuis un demi-siècle, et qui continue à se réunir (très symboliquement) autour du vieux poêle centenaire.
Dommage, vraiment, que le film tente à ce point de copier Capra, et qu’il procure donc ce sentiment de découvrir un élève très imparfait. Parce que, du choix du sujet aux seconds rôles, de l’alchimie entre les deux stars à l’utilisation (rare) du basket, il y a des tas de très beaux moments dans cette Cité magique.