Ma nuit chez Maud – d’Eric Rohmer – 1969
Voilà bien longtemps que je n’avais plus mis les pieds dans une église. Grâce soit donc rendue à Rohmer, qui filme longuement quelques messes, comme il filme de longues discussions passionnées sur Pascal… Dit comme ça, Ma nuit chez Maud semble ne rien avoir de franchement sexy. Et c’est vrai qu’il y a une approche un peu austère, d’une certaine manière. A la manière, plus que jamais, d’un Bergman… Ils ne sont pas si nombreux à filmer la foi.
Avec son beau noir et blanc, ses paysages neigeux et arides à la fois, opposés à la chaleur des intérieurs, Rohmer signe un film très bergmanien, jusqu’à la manière de filmer le prêtre frontalement, des images qui semblent tirées des Communiants. Et comme chez le maître suédois, l’austérité ici n’est qu’un élément avec lequel le cinéaste flirte avec malice, mais aussi avec humour.
Ma nuit chez Maud n’est pas une comédie. Mais tout n’est pas à prendre au sérieux. Comment prendre trop au sérieux un personnage comme Vidal (Antoine Vitez), qui regarde tomber la neige en sortant cette réplique admirable : « J’aime pas tellement la neige, ça fait faux, ça fait gosse » ?
Ma nuit chez Maud, c’est l’histoire d’hommes et de femmes confrontés aux doutes et à la mauvaise conscience, plus ou moins assumée. L’ingénieur que jour Trintignant, tiraillé entre cette blonde (Marie-Christine Barrault) qu’il a croisée à l’église et dont il décide (brusquement et définitivement) d’en faire sa femme, et la brune libérée (Françoise Fabian), Maud… Deux femmes très opposées, dont on ne réalise que dans les dernières minutes à quel point elles sont les deux faces d’une même pièce.
Plus austère en apparence que d’autres Rohmer, celui-ci est surtout plus centré sur la vie, et le poids qu’on lui donne en choisissant son propre chemin. Rien de moral ni de plombant là-dedans, au contraire : plus Pascal est évoqué et malmené, plus le sentiment de liberté et de vie s’impose.