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Archive pour juillet, 2011

Agent Secret (Sabotage) – d’Alfred Hitchcock – 1936

Posté : 26 juillet, 2011 @ 10:11 dans * Polars européens, 1930-1939, HITCHCOCK Alfred, SIDNEY Sylvia | Pas de commentaires »

Agent Secret (Sabotage) - d'Alfred Hitchcock - 1936 dans * Polars européens agent-secret

Formellement, ce film méconnu d’Hitchcock, adaptation d’un roman de Joseph Conrad, est une splendeur. Toute la première partie, d’ailleurs, est à placer dans le panthéon hitchcockien. Malgré une absence d’humour plutôt rare dans l’œuvre du cinéaste, cette plongée au cœur des quartiers populaires de Londres (pas ceux, moite et inquiétant, de Frenzy, plutôt un quartier modeste mais chaleureux, un village dans la ville ; les temps ne sont pas les mêmes) est passionnante et fascinante. En quelques plans étonnants, Hitch plante le décor : la capitale anglaise vit sous la menace de mystérieux terroristes.

Une menace que les Londoniens prennent plutôt à la légère (étonnante scène d’un métro plongé dans le noir, dont les passagers sortent un large sourire aux lèvres), mais dont on pressent que les conséquences vont être terribles : parce qu’on connaît le roman, mais surtout parce qu’un ton aussi sombre chez Hitchcock ne peut pas être anodin. Et de fait, le point d’orgue du film est une tragédie, sans doute la séquence la plus insoutenable de toute l’œuvre hitchcockienne. Et mieux vaut ne pas lire plus loin si on n’a jamais vu le film…

Cette séquence est marquée du sceau de l’horreur, parce qu’elle tourne autour de l’image même de l’innocence : un jeune garçon, qui trimballe sans le savoir une bombe dans les rues bondées de Londres. Cette bombe, le spectateur sait très exactement à quelle heure elle doit exploser. Et Hitchcock fait monter la tension en filmant ces images d’insouciances, et des plans de plus en plus rapprochés sur les horloges de la ville. Jusqu’à l’explosion, qui coûte la vie au garçon, et à plusieurs passagers d’un bus. Terrible.

Le principal défaut du film repose sur les conséquences de cette tragédie, trop facilement évacués. Après cette séquence, inoubliable, qui est sans doute la raison d’être du film, Hitchcock tombe un peu dans la facilité. Des rebondissements trop téléphonés, un semblant de happy-end, laissent un arrière-goût étrange, d’inachevé.

C’est dommage, parce que toute la première moitié du film est exceptionnelle. Les personnages, notamment, sont formidablement bien dessinés : il y a ce flic infiltré, qui soupçonne Verloc, le patron d’un cinéma (étonnant Oscar Homolka), d’être l’auteur des sabotages qui se multiplient. Il y a la femme de ce dernier, jeune beauté émouvante (Sylvia Sidney, craquante et bouleversante). Il y a un étonnant artificier clandestin, qui dissimule ses bombes dans la cuisine où travaille sa fille et où joue sa petite-fille… Hitchcock filme ce petit monde avec une ironie plus mordante qu’à l’accoutumée, qui crée un malaise persistant.

La dernière partie du film ne manque pas d’intérêt, cela dit. Plusieurs séquences sont même exceptionnelles. Celle, bouleversante, où Mme Verloc, qui vient d’apprendre la mort de son jeune frère, se met à rire devant un dessin animé… ; ce rire fait ressentir violemment l’horreur de cette innocence sacrifiée. Celle, aussi, de la mort de Verloc, tué de la main de sa femme ; s’est-il volontairement dirigé vers cette mort, rongé par la culpabilité ? Hitchcock le laisse penser, tout en faisant planer le doute.

Méconnu, mal aimé, Sabotage n’a pas connu un très gros succès en salles : les spectateurs n’y ont pas retrouvé la patte habituelle du cinéaste. Ils feront par contre un triomphe à ses deux réalisations suivantes : Jeune et innocent et Une femme disparaît.

Panic sur Florida Beach (Matinee !) – de Joe Dante – 1993

Posté : 25 juillet, 2011 @ 9:44 dans 1990-1999, DANTE Joe | Pas de commentaires »

Panic sur Florida Beach

Il a fallu trois ans à Joe Dante pour réaliser ce film, l’un de ses plus personnels. Le triomphe du premier Gremlins avait fait de lui un réalisateur en vogue à Hollywood, à qui on a commencé à confié des gros budgets. Un statut qui, bien sûr, reposait sur un malentendu : Gremlins, avec son humour gentiment régressif, ses citations cinématographiques et son ton acide, était loin des productions grand public que les producteurs attendaient de lui. Autant dire que lorsqu’il a eu carte blanche pour Gremlins 2, le film était loin de leurs attentes, et que la suite a été bien plus difficile (jusqu’à aujourd’hui d’ailleurs) pour ce réalisateur passionnant, abreuvé de cinéma bis (Tarantino n’est pas le premier).

Trois ans pour monter ce film, pendant lesquels le projet initial a radicalement changé. Dans un premier temps, il devait réellement s’agir d’un film de monstres. Mais peu à peu, tout aspect fantastique a disparu, pour laisser place à un hommage vibrant (dans tous les sens du terme) au cinéma bis des années 50, celui-là qui a formé la cinéphilie du jeune Joe Dante.

Dante le reconnaît lui-même : son film est anachronique. Le genre de cinéma qu’il présente ici (des films de monstre ; et des expérimentations farfelues à l’image du cinéma dynamique, en odorama ou en 3D) était déjà passé de mode en 1962, époque où se passe l’histoire. C’est un anachronisme assumé, Dante mêlant cet hommage au cinoche des années 50, à un portrait satyrique de l’Amérique terrifiée par la bombe atomique durant la crise des missiles de Cuba.

Le film commence comme un teen-age movie sympathique mais assez classique : un ado, fils d’un militaire, change continuellement d’école pour suivre son père, de base en base ; ne pouvant se faire des amis, il se réfugie dans les films d’horreur. Mais le ton évolue rapidement, lorsqu’un producteur-réalisateur de films d’horreur (le génial John Goodman), inspiré par William Castle, arrive dans sa petite ville pour présenter son nouveau film, « Mant ! » (l’homme-fourmi, un jeu de mot pourri entre « man » et « ant »), pour lequel il a équipé le cinéma local d’un équipement décoiffant.

La projection, tant attendue, représente le gros morceau du film. L’objectif du producteur est de faire croire aux spectateurs que les monstres sortent de l’écran, que la menace gagne la salle, et il y parvient au-delà de ses espérances. Entre le figurant-monstre qui pète un plomb, le patron du cinéma qui se réfugie dans son abri anti-atomique dès que la salle se met à trembler, et l’audience entière qui finit par fuir pensant la fin de leur monde arrivée… C’est un joyeux bordel que filme Joe Dante, avec un génial sens de la dérision ; et une sincérité touchante pour ce cinéma d’un autre temps.

Damaged Lives (id.) – de Edgar G. Ulmer – 1933

Posté : 23 juillet, 2011 @ 10:41 dans 1930-1939, ULMER Edgar G. | Pas de commentaires »

Damaged Lives

Film de jeunesse pour Ulmer (il est tourné avant The Black Cat), Damaged Lives est une commande destinée à sensibiliser un public tenté par une vie dissolue sur le danger des maladies sexuellement transmissibles : on est dans l’avant Code-Hayes, et on peut encore aborder frontalement le sexe à l’écran, et filmer un homme clairement infidèle à sa femme. On est aussi dans l’avant-télévision, et le cinéma est encore le médium le plus efficace pour faire passer un message de santé publique.

Le film a un côté démonstratif et moralisateur (c’est même sa raison d’être), et on n’échappe pas à une visite édifiante d’un hôpital, où on découvre dans une série de plans cliniques et froids l’état de (vrais ?) malades, filmés dans des salles blanches aseptisées… Pourtant, il tient remarquablement bien la route, et se regarde avec un vrai plaisir.

Il révèle le savoir-faire évident d’Ulmer, son sens de la narration, son talent pour tirer le meilleur des pires contraintes (qu’elles soient budgétaires ou scénaristiques), et sa capacité à filmer des personnages en les débarrassant de tous les stéréotypes auxquels on est en droit de s’attendre. C’est d’ailleurs ce qui fera la force de ses films « de minorités » qu’il tournera durant toute la seconde moitié de la décennie (Moon over Harlem, par exemple) : ses personnages ont beau être des « types » d’individus, censés être représentatifs, il les fait vivre réellement, en leur donnant une personnalité propre.

C’est particulièrement vrai ici, avec un couple bouleversant confronté tous deux à une « erreur de jeunesse » du jeune homme, tenté par une aventure sans lendemain avec une jeune femme, avec laquelle il a une relation sexuelle. Quelque temps plus tard, il apprend que sa maîtresse avait une « maladie honteuse », qu’il a lui-même attrapé et refilé à sa future femme. C’est moche…

Cette situation donne lieu à quelques très belles scènes : celle où la maîtresse (qui n’est pas fille de petite vertue sans scrupule qu’on pourrait imaginer) révèle son secret à son amant d’un soir ; où celle où la fiancé tente de mettre fin à ses jours et à ceux de son amoureux. C’est bien sûr énorme et un brin larmoyant, mais Ulmer filme ça avec beaucoup de sensibilité. Le résultat est une curiosité très, très recommandable.

De manière plus anecdotique, on découvre aussi dans un second rôle Jason Robards Sr, le père du futur acteur de Il était une fois dans l’Ouest, Les Hommes du Président ou Magnolia.

Jeune et innocent (Young and innocent / The Girl was young) – d’Alfred Hitchcock – 1937

Posté : 21 juillet, 2011 @ 10:57 dans * Polars européens, 1930-1939, HITCHCOCK Alfred | Pas de commentaires »

Jeune et innocent

Après un Agent Secret inhabituellement sombre, Hitchcock revient à un thème qu’il connaît bien depuis L’Homme qui en savait trop, première version : celui du faux coupable, traité avec un mélange de suspense et de légèreté. Et malgré des acteurs pas tout à fait à la hauteur (ah… ce regard en deux-temps lorsque Derrick De Marney découvre le corps sur la plage), Young and Innocent est l’un des meilleurs films anglais du maître, un exercice de style réjouissant qui commence et se termine par des clignements des yeux : c’est le tic nerveux du méchant du film, qui précède le meurtre, et révélera son identité à ceux qui le recherchent.

Lors de la dernière séquence, c’est d’ailleurs l’un des plans les plus célèbres et ambitieux de toute l’œuvre hitchcockienne qui révèle ce tic : un long travelling aérien qui surplombe une piste de danse, se dirige vers un orchestre, puis vers le batteur, grimé en noir, puis vers ses yeux, pour s’achever par un très gros plan révélateur.

Entre deux, ce sont deux être totalement jeunes et innocents (oui, comme le titre l’indique) que l’on va suivre : Robert, qui découvre le corps d’une femme qu’il a connue (a-t-il couché avec elle ? il affirme que non, mais Hitchcock nous laisse penser que oui), et dont il est accusé du meurtre (alors que c’est lui qui a prévenu la police) ; et Erica, la fille du chef de la police, qui s’amourache du jeune homme et l’accompagne dans sa quête de la vérité.

Le scénario du film est d’une naïveté assez confondante. Le fait que Robert soit accusé du meurtre est déjà incroyable. Mais l’enquête elle-même repose sur un postulat encore plus difficile à avaler : pour les deux jeunes gens, toute la clé de l’énigme consiste à retrouver… une ceinture d’imperméable. On se croirait dans un jeu de piste enfantin, et c’est bien ainsi que Hitchcock le filme, sans prendre au sérieux l’histoire, mais en prenant bien au sérieux ce film, brillant dans sa forme et sa construction.

Comme beaucoup de grands films hitchcockiens (Les 39 Marches, Une femme disparaît, La Mort aux trousses…), Young and Innocent est un long mouvement dirigé vers un seul but, et parsemé de multiples rebondissements, qui s’apparentent ici aux attractions d’un parc pour enfants : le vieux moulin abandonné aux allures de manoir hanté ; la surprise party avec jeux de colin-maillard et gâteaux à volonté ; la mine qui s’effondre ; les maquettes de train… et rien de tout cela ne fait vraiment sérieux.

Et pourtant, on prend un plaisir fou à suivre les aventures de ce couple improbable, d’autant plus que Nova Pilbeam (qui était une grande vedette à l’époque) est charmante. Le film est un exemple particulièrement frappant de la maîtrise absolue de la narration selon Hitchcock. D’un sujet dont n’importe qui aurait tiré un film tout au plus sympathique, il tire un petit bijou. Un pur moment de bonheur cinématographique.

The Manxman (id.) – d’Alfred Hitchcock – 1929

Posté : 20 juillet, 2011 @ 9:37 dans 1920-1929, FILMS MUETS, HITCHCOCK Alfred | 2 commentaires »

The Manxman

Dernier film muet d’Hitchcock, The Manxman est aussi le plus beau. Aussi important que The Lodger (qui marquait la naissance du style-Hictchcock), The Manxman est aussi bien plus atypique dans la filmographie du jeune maître, qui signe là son seul vrai mélo, un triangle amoureux sur le fond, mais d’une beauté tout bonnement sidérante. Tourné dans les décors naturels, et sublimes, de l’île de Man (comme le titre l’indique), le film est d’un dépouillement étonnant : le jeune Hitch évite soigneusement tout rebondissement spectaculaire, ou toute tentation grand-guignol, et reste constamment dans la note juste en se focalisant exclusivement sur son trio.

Malgré le sentiment de révolte qui plane chez les pêcheurs, tout commence dans une grande insouciance, avec deux amis d’enfance qui aiment à se retrouver malgré les chemins différents qu’ils ont pris : l’un est un simple pêcheur, l’autre un avocat promis à un grand avenir. Le premier séduit la jolie fille d’un aubergiste… dont le second est secrètement amoureux. Lorsque le premier part faire fortune en Afrique, la jeune femme promet de l’attendre. Mais elle aussi est amoureuse de l’avocat, et lorsque les deux jeunes gens apprennent que leur ami est mort, ils laissent éclater leur amour. Mais leur ami n’est pas mort, et revient bientôt sur l’île…

La jeune femme n’a rien d’une femme fatale. Rien, non plus, de l’innocence absolue de certaines héroïnes hitchcockienne à venir (Joan Fontaine, en particulier). C’est une femme un peu frivole et inconséquente, rattrapée par la complexité de l’amour. C’est Anny Ondra, première blonde hitchcockienne, et l’une des plus belles (allez, je me lance : « la » plus belle), qu’Hitchcock retrouvera pour Chantage. Mais l’accent de cette actrice tchécoslovaque était bien trop marqué pour faire carrière à Hollywood (dans Chantage, Joan Barry la double). Ses deux films hitchcockiens sont donc, hélas, à peu près tout ce qu’on connaît de sa carrière. Dommage : le seul plan dans lequel tombe l’innocence de la balle, après que le pêcheur lui ait déclaré sa flamme est magnifique (un plan fixe dépouillé d’Anny Ondra, face caméra, devant le cadre de sa fenêtre, la nuit étant balayée par le faisceau du phare)…

Quant aux deux amis du film, joués par Carl Brisson (le héros de The Ring, le précédent chef d’œuvre de Hitchcock) et Malcolm Keene, leur relation illustre bien le parti-pris de Hitchcock pour ce film : leur affrontement, tant attendu, n’aura jamais lieu. Les sentiments qui unissent ces trois personnages sont plus forts que tous les ressentiments. Il s’en dégage une profonde nostalgie, résumée (douloureusement) par un dernier plan sublime. Le destin était en marche dès les premières images, et personne n’y échappe.

La Grande Evasion (High Sierra) – de Raoul Walsh – 1941

Posté : 5 juillet, 2011 @ 10:15 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, BOGART Humphrey, LUPINO Ida (actrice), WALSH Raoul | Pas de commentaires »

La Grande Evasion (High Sierra) - de Raoul Walsh - 1941 dans * Films noirs (1935-1959) la-grande-evasion

C’est comme ça qu’un acteur habitué depuis dix ans aux seconds rôles et aux séries B entre dans la légende. Bogart avait déjà tourné avec de grands cinéastes auparavant (Ford, Curtiz, Walsh lui-même), mais sa carrière se bornait aux rôles de faire-valoir ou de méchant de service. Le rôle de Roy Earle, le gangster de High Sierra, ne lui était d’ailleurs pas destiné : c’est George Raft qui était pressenti, mais la star souhaitait changer de registre, et a refusé le rôle… comme il refusera celui de Sam Spade dans Le Faucon Maltais, et celui de Rick Baines dans Casablanca. Oui, on peut dire que Bogart doit beaucoup au manque de discernement de Raft.

Il doit aussi beaucoup à John Huston, qui réalisera Le Faucon Maltais (son premier film) la même année, et qui signe le scénario de ce High Sierra qui vaut, largement, tout le bien qui en a été dit depuis soixante-dix ans. Déjà spécialiste du film de gangster (il avait déjà signé l’un des premiers du genre, Regeneration, en 1915 ; ainsi que l’un des plus grands des années 30, Les Fantastiques années 20), Walsh s’amuse ici à casser les codes du genre.

Roy Earle n’est pas un jeune gangster qui monte, mais un caïd vieillissant qui sort de prison. Il ne cherche pas à changer de vie, mais prépare un nouveau coup dès qu’il a recouvré la liberté. L’histoire ne se déroule pas dans les ruelles humides d’une grande ville américaine, mais dans de grands espaces naturels. Le coup lui-même a un côté branquignol inattendu (les complices du gangster n’ont pas l’étoffe de gros durs, et la cible n’est pas une banque, mais un hôtel)…

La personnalité de Roy Earle, et jeu très nuancé de Bogart, font beaucoup pour le film. Le gangster tue sans hésiter, mais il se prend d’affection pour un chien perdu. Il est attiré par une jeune femme qui traîne avec ses complices (Ida Lupino, émouvante comme le sont toutes les grandes héroïnes de film noir), mais tombe amoureux de la petite-fille handicapée d’un vieux couple de fermiers tout droit sortis des Raisins de la Colère.

High Sierra, c’est le parcours qu’on devine fatal d’un homme taillé pour vivre seul, mais qui s’entoure de tout ce que l’Amérique de l’après-grande dépression a fait de laissé-pour-compte : un gardien noir, un bâtard, une orpheline sans attache, une handicapée, de vieux chômeurs…. Comment ce parcours pourrait-il se terminer autrement qu’en drame ?

La dernière séquence est la plus connue : ce sont les derniers instants d’un homme épris de liberté, qui prolonge ces derniers instants de liberté sans rien attendre d’autre, dans le décor sauvage et abrupt de la « high sierra ». C’est immense, et c’est beau.

Le Démon de la Chair (The Strange Woman) – de Edgar G. Ulmer – 1946

Posté : 4 juillet, 2011 @ 8:34 dans 1940-1949, ULMER Edgar G. | Pas de commentaires »

Le Démon de la Chair

Si on s’arrête au seul budget, The Strange Woman représente le sommet de la carrière d’Ulmer, carrière largement dominée par les séries B, voire Z. Ce serait injuste pour des productions nettement plus modestes, mais formidables (Barbe-Bleue, Détour, ou même Strange Illusion et Damages lives), mais cette adaptation littéraire dont l’action se situe en Nouvelle Angleterre, entre les années 1820 et 1840, est une petite perle. C’était l’un des films que Ulmer préférait, et il faut bien reconnaître qu’il n’y a pas grand-chose à jeter dans ce film angoissant et émouvant, inquiétant et romantique, épique et tragique.

A première vue, on est en terrain connu : une petite ville américaine en pleine expansion, une communauté qui s’aime et se déchire, des hommes qui s’entretuent pour l’amour d’une femme… On a déjà vu ça mille fois, si ce n’est que le personnage principal, la jeune femme qui conduira tous les hommes du film à leur perte, est plus qu’une peste : une incarnation du Mal, cachée derrière un visage d’ange.

Le film commence alors qu’elle n’est qu’une enfant, élevée par un père aimant mais alcoolique, et qu’elle manque de tuer un garçon en le noyant. Mais au lieu d’être vue comme une apprentie meurtrière sans état d’âme, elle est considérée comme une héroïne au grand cœur. Les années passent, et rien n’a changé. L’enfant est devenue une jeune femme belle et plantureuse, qui séduit l’homme le plus riche de la ville, tout en faisant tourner la tête des hommes plus jeunes et plus beau, et même du fils de celui qu’elle finit par épouser.

Le Mal n’est jamais aussi puissant que lorsqu’il a un visage (et un corps) comme celui d’Hedy Lamarr, dans ce qui est peut-être le rôle le plus marquant de sa carrière. Totalement fermée aux conséquences de ses actes, elle manipule son entourage, causant la mort de son propre père, poussant son amant à tuer son père à lui… La pire des garces que le cinéma nous ait donné à voir…

Vraiment ? La plus grande force du film, ce n’est pas de faire d’une véritable salope irrattrapable, responsable des pires horreurs, le personnage central de l’histoire. Non, le film devient vraiment essentiel lorsque l’amour (pour le très mâle George Sanders) ouvre une brèche dans le cœur jusqu’alors fermé de la belle. La rédemption est donc possible pour n’importe qui ? Dans un sens, oui, selon Ulmer. Mais le prix à payer est élevé.

Dans le fond et dans la forme, The Strange Woman est un chef d’œuvre. Et pour une fois, Ulmer a les moyens de ses ambitions. En dépit de scènes d’émeutes un peu cheap (trois pelés qui picolent en faisant du bruit), la reconstitution du Maine du XIXème siècle est superbe.

 

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