Play it again, Sam

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Archive pour novembre, 2014

Born reckless (id.) – de John Ford – 1930

Posté : 30 novembre, 2014 @ 5:00 dans * Films de gangsters, * Pre-code, 1930-1939, BOND Ward, FORD John | Pas de commentaires »

Born reckless

C’est l’un des premiers films parlants de Ford. Et comme beaucoup de ses films tournés à cette période, celui-ci est tombé dans un oubli quasi-total. La raison paraît évidente durant le premier quart d’heure : cette histoire de petits gangsters, d’amitié et de famille paraît bien mineure, au regard des grandes oeuvres passées ou à venir de Ford. Et puis techniquement, le film a les défauts de beaucoup des petites productions tournées à la va vite au début du parlant : un manque de rythme dans les dialogues qui sonne curieusement aujourd’hui, les personnages semblant constamment comprendre ce qui se passe avec un temps de retard…

Curieux mélange des genres, où le drame et la comédie ne sont jamais loin, comme dans beaucoup de Ford de cette époque d’entre-deux (entre ses sommets du muet et son âge d’or de la fin des années 30). Et puis il y a cette coupure brutale dans le film. Arrêté par la police pour un vol de bijoux, notre héros, joué par Edmund Lowe, échappe à la prison mais doit partir se battre sur le front de France à la place. Là, Ford semble plus à l’aise. Il fait des classes l’un de ces moments de camaraderie virile et presque burlesque que l’on retrouvera tout au long de sa carrière (avec des visages connus qui font de brèves apparitions : Ward Bond et Jack Pennick), et livre l’une des visions de la guerre les plus surprenantes de sa filmographie.

La guerre, dans Born reckless, se résume à deux plans qui se répondent : une colonne de cavaliers qui part vers le front, serpentant entre des épouses pleines d’espoirs dans une nuit brumeuse magnifiquement photographiée ; et cette même colonne que l’on voit traverser un champ de bataille, un chariot vide s’écrasant devant la caméra.

La guerre aura donc duré moins d’une minute à l’écran, mais le reste du film s’en ressentira profondément. Le petite film un peu maladroit révèle la profondeur de son sujet, tandis que notre voleur revient transformé par le champ de bataille. Il est question du poids de ses racines, et de la difficulté de rompre avec son passé. Edmund Lowe n’aspire qu’à être un homme bien, mais cette notion implique la fidélité avec ses anciens complices…

Pas d’issue propre possible, et pas de triomphalisme dans l’héroïsme. C’est à coups de feu que tout se règle, dans une série d’affrontements incroyablement secs et intenses. L’ombre d’Edmund Lowe se dessinant sur la porte derrière laquelle l’attend son ami d’enfance, tous deux conscients de ce qui ne peut être évité : une image du niveau de la porte qui se referme sur la silhouette de Wayne à la fin de La Prisonnière du désert.

Abyss (The Abyss) – de James Cameron – 1989

Posté : 30 novembre, 2014 @ 4:56 dans 1980-1989, CAMERON James, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Abyss

Il n’a rien perdu de sa beauté, ni de sa puissance narrative, le chef d’oeuvre de Cameron. Ce quatrième film du réalisateur est sans aucun doute son plus intime, son plus étonnant, son plus personnel. C’est en tout cas celui où se retrouvent absolument tous les aspects récurrents de son cinéma. Son goût pour les profondeurs et pour les épaves, une décennie avant Titanic ; son approche intime et spectaculaire à la fois du fantastique  qui a donné Terminator ; sa manière de filmer des opérations militaires très viriles (Aliens, le retour) ; sa capacité à mettre en scène un couple en crise dans un environnement très hostile (True Lies) ; son penchant pour une écologie new age qui donnera Avatar… et même son obsession de la fin du monde (Terminator 2), que la version longue du film vient mettre en valeur.

C’est le principal apport de cette version plus longue de 25 minutes : la longue séquence de tsunami purificatrice. C’est aussi le principal reproche que l’on peut faire à « l’édition spéciale » du film : car le film n’avait pas besoin de ce préchi-précha un peu lourdingue qui, pour un temps en tout cas, transforme le lyrisme sublime du film en un gros machin culpabilisateur et pas très fin. C’est d’ailleurs la seule fois où les 25 ans du film frappent les esprits : l’unique passage de ces 2h50 de projection qui paraît visuellement daté et démodé.

Voilà pour le défaut d’Abyss, et pour le conseil : privilégiez la version cinéma, parfaite en soi. Cameron réussit une espèce de miracle. D’une fluidité absolue, d’une intelligence narrative extrême, Abyss est à la fois un film ancré dans un réalisme presque poisseux, et une fable poétique surréaliste. Il évoque à la fois une menace nucléaire planétaire, et un couple qui se reconstruit dans un quasi huis-clos. C’est un film d’action plein de testostérones, et un drame humain constamment centré sur ses personnages : les ouvriers d’une plate-forme expérimentale sous-marine mobilisés pour porter secours à un sous-marin nucléaire, et qui découvrent l’existence d’une vie sans doute extraterrestre.

Si le film est aussi beau, c’est parce que Cameron n’est jamais aussi passionnant que quand il associe le fantastique ou l’extraordinaire au quotidien le plus réaliste. Lorsque son imagination débridée se confronte aux réalités et aux contraintes d’un tournage traditionnel. Et il se révèle un directeur d’acteur absolument formidable. Michael Biehn, charismatique mais caricatural dans les deux précédents films du cinéaste, trouve le rôle de sa vie, tout comme Mary Elisabeth Mastrantonio. Quant à Ed Harris, on jurerait qu’il sent le cambouis…

Cameron est aussi convaincant dans le fantastique (deux ans avant T2, son film révolutionne déjà les effets spéciaux) que dans l’intime. J’ai beau avoir vu le film un paquet de fois, et connaître chaque rebondissement, faut avouer que la noyade et la réanimation de Mastrantonio continue à faire pleurer à chaudes larmes. Et que dire de ce splendide dialogue par clavier interposé alors que Harris plonge inexorablement dans les profondeurs des abysses…

Valdez (Valdez is coming) – de Edwin Sherin – 1971

Posté : 30 novembre, 2014 @ 4:51 dans 1970-1979, LANCASTER Burt, SHERIN Edwin, WESTERNS | Pas de commentaires »

Valdez

Il ne faut pas longtemps pour réaliser qu’on est dans un western définitivement à part dans l’histoire du genre. Dès les premières images, foule désordonnée dans un décor poussiéreux et sec, le ton paraît inédit. L’entrée en scène de Burt Lancaster en vieux métis américano-mexicain ne fait que renforcer cette sensation. Ancien tueur d’Indien devenu assistant occasionnel du shérif (mais seulement trois jours par semaine, et seulement dans le quartier mexicain), cet homme fatigué et marqué trimballe sa lassitude et son dégoût face au traitement réservé aux noirs, aux Indiens, et à lui-même…

Alors quand il est amené à tuer le noir qu’il tentait de sauver du lynchage, et quand le grand propriétaire cynique (méchant incontournable du genre) préfère l’humilier plutôt que de donner les 100 dollars qu’il lui demandait pour la veuve de sa victime, c’est le déclencheur d’années de rancoeurs, d’humiliations et d’injustices…

Burt Lancaster n’est pas à l’origine du film. Mais il a porté à bout de bras cette histoire signée Elmore Leonard, dans laquelle on retrouve ses thèmes de prédilection : l’injustice raciale, la vengeance… Un rôle taillé sur mesure pour l’interprète de Bronco Apache, dont les choix de films, souvent passionnants, se font aussi de plus en plus politiques au fil des ans.

Le rôle de Lancaster est primordial. Parce que son personnage, hors du commun, est quasiment omniprésent, et qu’il lui donne une intensité assez incroyable (malgré quelques petits passages où la lassitude, et l’accent mexicain, paraissent un peu too much). Et parce qu’il s’est entouré de collaborateurs qu’il connaît bien, à commencer par le scénariste Roland Kibbee (dont on ne sait pas vraiment ce qu’il a gardé de la première mouture signée David Rayfield), déjà auteur de Vera Cruz.

Et comme le classique d’Aldrich, Valdez bénéficie d’un scénario exceptionnel qui, sous les allures d’un survival assez classique, aborde des thèmes rarement évoqués dans le western, et avec une volonté de réalisme et d’intransigeance encore plus rare. Mexicain opprimé, Valdez a lui-même été du côté des oppresseurs. L’homme de main du grand propriétaire est un être brutal et cruel, mais que le courage et le passé de sa proie finiront par ébranler. Et que dire du personnage féminin (Susan Clark), fiancée trop consciente des crimes de son fiancé ?

Dommage que Lancaster ne se soit pas attaché les services de Pollack, autre collaborateur habituel à cette époque, un temps évoqué pour la mise en scène. Car si Valdez n’atteint pas le statut d’un vrai chef d’oeuvre, c’est qu’il manque la patte d’un grand cinéaste, qui aurait apporté une cohésion au film. Il y a bien quelques authentiques moments de grace (le superbe travelling lors de l’arrivée du chariot au début du film, les scènes de poursuite lorsque la brume semble tout envelopper…). Mais il y a aussi beaucoup de plans plus maladroits, moins fluides, qui cassent un peu le rythme.

D’ailleurs, après une première demie-heure formidable, il y a un gros ventre creux lorsque le film se transforme en chasse à l’homme (selon une logique dont Stallone s’est sans doute inspirée en écrivant le premier Rambo). Jusqu’à un dénouement absolument génial, que n’aurait pas renié un certain Tarantino, qui a lui aussi été plus que probablement influencé par Valdez, dont le Django unchained serait une sorte de descendant enragé…

• Le film fait partie de la collection Western de Légendes chez Sidonis. Avec un portrait de Lancaster et des présentations par Bertrand Tavernier (très personnelle et très érudite, comme toujours), Patrick Brion et Yves Boisset.

Beau Geste (id.) – de William A. Wellman – 1939

Posté : 30 novembre, 2014 @ 4:46 dans 1930-1939, COOPER Gary, WELLMAN William A. | Pas de commentaires »

Beau Geste

Le film s’ouvre par une séquence fascinante et mystérieuse, qui hantera toute la suite : au beau milieu du désert africain, une colonne de la Légion étrangère arrive dans un fort français menacé par les Touaregs. A l’intérieur, pas un signe de vie, si ce n’est un coup de feu tiré on ne sait d’où. Sur les remparts, des cadavres en position de tir. L’un des légionnaires entre, puis disparaît. Plus tard, un incendie se déclare, ravageant le fort…

Difficile de faire plus excitant, d’autant que Wellman, réalisateur et producteur, laisse tout en plan pour revenir quinze ans en arrière. C’est l’histoire de trois frères, inséparables et soudés comme, disons trois doigts d’une main. Trois frères qui grandissent dans la grande demeure d’une grande dame qui les a recueillis enfants, et que la disparition d’un diamant poussera à partir à l’aventure… direction la Légion.

L’intrigue de départ, ce mélange de mystère, d’aventures et d’histoire de famille, évoque furieusement le fameux Quatre hommes et une prière, tourné par John Ford l’année précédente. Mais là où Ford osait un audacieux mélange des genres, passant de la comédie au drame avec un arrière plan politique très fort, Wellman préfère un pur drame familial, sombre et sublime.

Grand cinéaste de l’aventure, Wellman est aussi un merveilleux peintre des sentiments, et particulièrement des relations masculines. Si l’historiette d’amour (entre Ray Milland et Susan Hayward) n’a que peu d’importance, ce bel amour fraternel est, lui, absolument sublime. Ce que raconte le film, c’est le passage à l’âge adulte, mais chez trois frères qui refusent de perdre leurs idéaux de jeunesse. Impossible de dire ici ce qu’est cet incendie mystérieux de la scène d’ouverture, sans gâcher le plaisir immense que procure le film. Mais cette révélation est l’un des plus beaux moments de tout le cinéma de Wellman…

Confrontés à l’adversité et aux dangers de la « vraie » aventure, l’amour de ces trois frères ne faiblira jamais. Entre eux, l’alchimie est parfaite. Et même si le nom de Gary Cooper, dans le rôle du frère aîné, apparaît au générique beaucoup plus gros que celui de ses deux « petits frères » Robert Preston et Ray Milland, la star ne vole jamais la vedette, visiblement conscient qu’il n’est qu’un élément d’un magnifique triumvira.

Cooper est grand, Wellman est immense, et son film est un chef d’oeuvre.

Astérix : le domaine des dieux – de Alexandre Astier et Louis Clichy – 2014

Posté : 30 novembre, 2014 @ 4:41 dans 2010-2019, ASTIER Alexandre, CLICHY Louis, DESSINS ANIMÉS | Pas de commentaires »

Astérix le domaine des dieux

Alexandre Astier était fait pour adapter Astérix, forcément. Son Kaamelott reposait déjà sur des ressors strictement identiques à ceux imaginés par Goscinny et Uderzo pour leurs personnages : une reconstitution historique bourrée d’anachronismes, d’humour décalé et de références à la société moderne. Et pouvait-il choisir un autre album que Le Domaine des Dieux, le plus ouvertement politique de tous les Astérix ?

Verdict ? Ce Domaine des Dieux est aussi réussi qu’on pouvait l’espérer. Visuellement surtout, ce long métrage en 3D (mais vu en 2D avec mes enfants) rompt efficacement avec les antiques dessins animés de la saga, avec des lignes plus rondes et plus modernes. Mais Astier et Louis Clichy, réalisateur sorti des studios Pixar, se montrent très respectueux envers leurs prédécesseurs, citant notamment Astérix et Cléopâtre lors de la construction des immeubles. Surtout, ils confient la voix d’Obélix à un sosie vocal de Pierre Tornade, et celle d’Astérix à Roger Carel lui-même, voix officielle du petit Gaulois depuis des décennies.

Le film fourmille de belles idées visuelles, qui donne un beau rythme et pas mal de gags très efficaces (la chasse au sanglier, les discours de César…). Et les dialogues d’Astier font mouche, comme dans Kaamelott. Ses personnages secondaires sont joliement décalés : l’architecte tête-à-clé qui joue sur le débit de Lorent Deutsch qui lui prête sa voix, ou cet esclave intarissable qui ressemble à s’y méprendre (pas physiquement, non) au scribe joué par Edouard Baer dans le Astérix de Chabat.

Le problème, parce qu’il y en a un, quand même, c’est justement que tout est exactement comme on s’y attendait, et surtout les dialogues, qui sont quand même la principale particularité de cet Astérix-là. Alexandre Astier tourne un peu en rond, jusqu’à recycler le fameux « c’est pas faux » de sa série culte. Un clin d’oeil, bien sûr, mais quand même. L’univers d’Astier se résume à quelques trucs de dialoguiste dont on a assez vite fait le tour. On s’en rend compte au bout d’une bonne demi-heure de ce Astérix, en se réjouissant que le talent de Louis Clichy soit si rafraichissant, et si prometteur.

Celebrity (id.) – de Woody Allen – 1998

Posté : 21 novembre, 2014 @ 4:15 dans 1990-1999, ALLEN Woody | Pas de commentaires »

Celebrity

Ce n’est pas tout à fait la première fois que Woody Allen s’efface pour diriger un alter ego (John Cusack dans Coup de feu sur Broadway, déjà). Mais Celebrity ouvre une nouvelle ère pour le cinéaste. Pas la plus glorieuse, d’ailleurs : la décennie qui suit sera la plus décriée par ses fans (et me perdra en cours de route, à l’époque, mais la redécouverte arrive…). Celle, en tout cas, où il restera de plus en plus souvent derrière la caméra, pour filmer des acteurs dont il fera des ersatz de lui-même.

C’est particulièrement flagrant avec Kenneth Branagh, dont les caractéristiques et le jeu d’acteurs sont des copiés-collés de ceux de Woody acteur. En plus jeune, et plus séduisant, donc, mais pas différent pour autant. Ecrivain en panne d’inspiration, quadragénaire qui décide de rompre un mariage trop sage pour renouer avec la passion amoureuse et sexuelle… Un homme à la croisée des chemins que l’on a déjà rencontré dans bien d’autres films d’Allen.

Evocation des affres de la création et du cynisme du show-buisiness, Celebrity offre une vision crue et sans détour du star system, avec une série de portraits bien gratinés : Melanie Griffith en ersatz de Marylin infantile et hyper sexuée, Leonardo Di Caprio en mégastar capricieuse et cocaïnomane, Charlize Theron en icône du sexe se déclenchant un orgasme au moindre contact physique… Des rencontres inoubliables pour le journaliste-écrivain Kenneth Branagh, qui n’a pourtant d’yeux que pour la si belle et si douce Winona Ryder.

Si douce, en apparrence en tout cas. Car cette fable cynique et cruelle révèle en fait autant de personnalités troubles que le star system maintient gentiment mais sûrement en dehors du vrai monde. Mais la critique se fait avec un regard étrangement bienveillant. Ces monstres d’égocentrisme, Woody Allen les aime, finalement. Lui-même, d’ailleurs, n’hésite pas à jouer l’autodérision, comme lorsque ses personnages évoquent la prétention de ces réalisateurs qui ne jurent que par le noir et blanc.

Les comédiens sont formidables dans cette galerie de monstres et de dingos. Et comme souvent chez Woody, la palme revient à Judy Davis, géniale en femme délaissée et trop peu sûre d’elle, qui se résoud à devenir une autre, plus ouverte sur le monde, plus sexuée (irrésistible leçon de fellation), plus apte au bonheur… Pas si facile dans l’univers névrosé de Woody Allen.

Celebrity commence par le tournage d’un film et s’achève par sa projection. Et malgré les rencontres, les aventures, les contretemps, Branagh est toujours là où il était : un spectateur un peu seul, ni plus heureux, ni plus malheureux qu’il n’était. Prêt pour une autre tranche de vie, comme Woody Allen est prêt pour un autre film.

Pauvre petite fille riche (Poor little rich girl) – de Maurice Tourneur – 1917

Posté : 21 novembre, 2014 @ 4:12 dans 1895-1919, FILMS MUETS, PICKFORD Mary, TOURNEUR Maurice | Pas de commentaires »

Pauvre petite fille riche

Après Pride of the Clan, Mary Pickford retrouve Maurice Tourneur, signe que cette première collaboration a apporté toute satisfaction à la jeune star, dont on sait qu’elle aimait avoir la décision finale sur le film… ce qui l’a sans doute privée de nombreuses grandes œuvres : rares sont les cinéastes de la trempe de Tourneur à avoir travaillé avec Pickford.

Et la présence derrière la caméra de Maurice Tourneur change absolument tout : le cinéaste parvient à tirer une oeuvre personnelle d’un scénario (de Frances Marion, « star » des scénaristes, dont la carrière est intimement liée à celle de Pickford) absolument taillé pour l’actrice, une histoire pleine de clichés et d’effets faciles qui ressemble à des tas d’autres films de la « petite fiancée de l’Amérique ».

L’actrice – 24 ans à l’époque – interprète une gamine de… 11 ans avec un naturel troublant. Une enfant élevée dans le luxe mais sans amour. Le genre de thème que Frances Marion adorait, et qui semble au mieux très désuet aujourd’hui. Un peu niais, même, pour être précis.

Et c’est vrai que pendant toute la première moitié, on peine à trouver la patte de Tourneur, qui semble étouffé par le duo Pickford/Marion. Sauf quand même quelques jeux sur les reflets dans les miroirs, ou les vitres qui coupent la jeune héroïne du vrai monde… Quelques images, comme ça, qui nous rappellent la présence d’un grand cinéaste derrière la caméra.

Mais c’est surtout dans la dernière partie que celui-ci s’exprime vraiment. En réservant une large part aux rêves et aux illusions, comme il l’avait fait dans L’Oiseau bleu, Tourneur sort Pauvre petite fille riche de l’anonymat, et signe une oeuvre forte, d’une grande richesse formelle.

Tirer un petit classique inventif et audacieux d’une histoire aussi facile et niaiseuse… Il fallait bien un cinéaste de la trempe de Tourneur père pour parvenir à cet exploit.

• Le film figure sur le coffret consacré à la période muette de Tourneur, édité il y a quelques mois par Bach Films. Avec des copies non restaurées, avec une qualité d’image très inégale, et globalement très médiocre.

Les Brigades du Tigre – de Jérôme Cornuau – 2006

Posté : 21 novembre, 2014 @ 4:08 dans * Polars/noirs France, 2000-2009, CORNUAU Jérôme | Pas de commentaires »

Les Brigades du tigre

C’était l’époque où le cinéma français se mettait, comme Hollywood, à adapter des séries télé : il y a eu Belphégor, Vidocq, Les Chevaliers du Ciel… Et il y a ces Brigades du Tigre, l’exception qui confirme la règle (selon laquelle on a sans doute bien fait de ne pas persévérer dans cette voie) : la seule vraie réussite de cette liste pour le moins imparfaite.

Et c’est vrai qu’il se passe une espèce de miracle avec cette adaptation du feuilleton très vieillôt des 70s, qui évoque la brigade de Clémenceau dans l’immédiat avant-guerre, chargée d’assurer la sûreté de la France dans un contexte international difficile. Car il n’y en a pas beaucoup, des films d’action français qui soutiennent aussi bien la comparaison avec Hollywood. C’est bien comme ça qu’il faut voir ces Brigades du Tigre : comme un pur film de genre, où Cornuau se révèle particulièrement à l’aise avec les nombreux moments de bravoure.

Côté scénario, le film est peut-être trop ambitieux, abordant trop de thèmes qui auraient mérité chacun un long métrage : Valentin et ses flics face à la bande à Bonnot, une magouille internationale autour des emprunts russes, la figure de Jean Jaurès, le poids des anarchistes… Cornuau ne fait pas de choix, et embrouille inutilement son récit. Mais quelle efficacité ! La fin de Bonnot, surtout, laisse absolument exsangue, surtout que cette séquence spectaculaire brouille durablement la frontière entre le bien et le mal.

Bonnot (Jacques Gamblin), terroriste entouré d’authentiques tueurs (en particulier un Thierry Frémont glaçant), révèle in fine sa nature d’amoureux poussé au crime par la société. Quant au commissaire Valentin (Clovis Cornillac, intense), il est un fonctionnaire aux ordres écoeuré par le cynisme de ceux qu’il doit protéger, et révolté par les méthodes de ceux à qui il doit obéir.

Le casting est assez formidable, avec aussi Edouard Baer en flic sanguin et violent, et Olivier Gourmet en ogre pur et naïf, ou encore Diane Kruger en princesse anarchistes, Léa Drucker en pute amoureuse, Gérard Jugnot en commissaire intègre, et Philippe Duquesne à contre-emploi en banquier pourri et promis à une fin peu réjouissante…

Quant à la reconstitution d’époque (celle de 1912), elle est particulièrement séduisante, bien plus efficace dans son classicisme aux effets grandiloquents grotesques de Vidocq par exemple. De quoi faire regretter que ce pendant français aux Incorruptibles (une référence revendiquée par Cornuau) n’ait jamais eu de suite…

Le Canardeur (Thunderbolt and Lightfoot) – de Michael Cimino – 1974

Posté : 21 novembre, 2014 @ 4:03 dans * Polars US (1960-1979), 1970-1979, CIMINO Michael, EASTWOOD Clint (acteur) | Pas de commentaires »

Le Canardeur

Clint Eastwood, acteur, s’est souvent laissé dirigé par des cinéastes assez médiocres. A l’exception de ses deux grands maîtres, Leone et Siegel, sa filmographie compte remarquablement peu de réalisateurs importants. Un manque, sans doute, lié à une autre caractéristique de la star : sa propension à donner sa chance à de jeunes réalisateurs inconnus, ou à ses fidèles collaborateurs (de Buddy Van Horn à Robert Lorenz, la liste est longue).

Le Canardeur est un film important, parce qu’en donnant sa chance à un jeune scénariste (à qui il confie également l’écriture de Magnum Force), Eastwood permet l’émergence d’un grand cinéaste promi à une carrière aussi cahotique que spectaculaire. On mentirait en disant que ce premier film de Cimino est déjà une oeuvre très personnelle, mais on y trouve déjà plusieurs éléments qui seront au centre de Voyage au bout de l’enfer et de La Porte du Paradis, ses deux monuments : les grands espaces américains, le poids du temps qui passe et pour la tradition qui se heurte à la modernité.

Le film est un véhicule parfait pour un Clint au sommet de sa gloire. Mais c’est aussi l’un des films les plus atypiques de sa filmographie. Pas sûr que beaucoup d’autres stars de sa trempe auraient accepté de laisser le beau rôle à un jeune acteur en plein essor (Jeff Bridges, aussi expensif et plein de vie que Clint est taciturne et taiseux). Pas sûr non plus que beaucoup auraient accepté ce scénario qui tient plus de la virée tragico-loufoque que du film de casse traditionnel…

Car entre Magnum Force et ce Canardeur, il y a un monde. Les deux films, tournés la même année et avec le même scénariste, représentent les deux versants les plus éloignés de la carrière de Clint acteur. D’un côté, une production bien calibrée destinée à satisfaire les studios. De l’autre, un film audacieux, loin des codes, malgré le matériel promo qui a accompagné le film (le titre français ridicule, l’affiche et la bande annonce qui mettent en valeur les rares scènes d’action et ce canon aussi spectaculaire qu’anecdotique).

Le rythme est imparfait, et on couperait bien de trop longs plans de certains séquences, comme celle du casse. Mais le film séduit parce qu’il surprend constamment, avec une intrigue constamment entrecoupée de moments inattendus : la rencontre avec un cinglé tirant les lapins à bout portant, une école que l’on déplace, ou encore cette incroyable séquence durant laquelle les deux méchants sont transformés en marchant de glaces. Un dio « comique » inattendu pour George Kennedy et Geoffrey Lewis, sorte de version létale de Laurel et Hardy.

Avec ce coup d’essai, Michael Cimino est loin de révéler tout ce qui fera la grandeur de ses deux films suivants. Mais il impose un ton d’une grande liberté, loin, très loin du traditionnel film de casse des seventies. Un cinéaste plein d’avenir, donc…

• Carlotta a édité un beau DVD avec quelques bonus intéressants, particulièrement une interview audio de Cimino qui évoque le tournage du film.

Les Choses de la Vie – de Claude Sautet – 1970

Posté : 21 novembre, 2014 @ 3:58 dans 1970-1979, SAUTET Claude | Pas de commentaires »

Les Choses de la Vie

Après une série de polars très influencés par le cinéma américain et très remarqués dans les années 60, Claude Sautet change de style et trouve son propre univers, qui sera celui de tous ses plus grands sucès : une peinture de la petite bourgeoisie avec ses petits drames, ses passions, ses blessures.

Les Choses de la Vie, c’est surtout une construction admirable, autour d’un banal et tragique accident de la route. Sur la route qui le conduit à Rennes, à mi-chemin de ses deux vies, le quadra Michel Piccoli pense aux grands moments de sa vie : son présent avec Romy Schneider, son passé avec Léa Massari et leur fils devenu grand. Incapable de tirer définitivement un trait sur les belles heures d’hier, incapable de se lancer pleinement dans la passion que lui promet Romy… Piccoli est alors dans un entre-deux dont il n’a pas même la volonté de sortir.

Il n’en sortira pas d’ailleurs, on le sait très vite. Car les images de l’accident sont martelées tout au long du film. Un gros plan sur son visage en sang, une roue qui rebondit absurdement sur la chaussée, un volant maculé de terre… Des images comme des réminiscences, ou comme le signal de la tragédie annoncée.

Sautet ne ménage pas Piccoli, le montrant comme un homme continuellement indécis, incapable de s’engager. Un homme capable de la plus grande froideur, plantant la pauvre Romy totalement éplorée sans même un regard. Ce n’est pas tant qu’il hésite entre ses deux femmes, si belles l’une et l’autre. C’est surtout qu’il voudrait tout : l’aventure et la passion avec Romy, le confort et les habitudes avec Léa. L’accident, finalement, sonne pour lui comme la chance de ne pas avoir à choisir.

Mais pour son entourage, pour ses femmes, son fils, son ami (Jean Bouise), il sonne comme un coup de massue, alors que tous espéraient tant de lui. Trop. C’est à eux que va toute la sympathie de Sautet dans ce faux mélodrame dérangeant, et au final bouleversant.

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