La Prisonnière de Bordeaux – de Patricia Mazuy – 2024
Un plan, incroyable, délivre le mystère qui règne autour du titre : Hafsia Herzi qui arrive tardivement dans la grande maison bourgeoise d’Isabelle Huppert, où elle rencontre les « amis » de cette dernière, grands bourgeois qui la rabaissent sans même le réaliser à son statut social, provoquant un malaise dont Huppert elle-même ne peut s’extraire.
La jeune femme les observe à distance, tous étant regroupés derrière un canapé, comme coupés de son monde à elle, de ce monde où des gens qui doivent lutter pour vivre existent. Et Isabelle Huppert au premier plan de ce petit microcosme coupé du monde, incapable de ne serait-ce que faire un pas pour s’en extraire.
Contre toute attente, c’est elle la « prisonnière », qu’une rencontre improbable va libérer d’une vie rangée, et étouffante. Etrange hasard, quand même, que La Prisonnière de Bordeaux arrive sur nos écrans quelques mois seulement après Les Gens d’à côté. Dans le beau film de Téchiné, Isabelle Huppert et Hafsia Herzi entretenaient déjà une relation très comparable, et c’est comme si les deux films se répondaient et complétaient, si proches et pourtant si loin, jusque dans la conclusion.
Sans rien dire de cette conclusion, il y a ici une vision plus symbolique, et plus émouvante encore. Une sorte de chant d’amour à la vie, souligné par la magnifique musique d’Amine Bouhafa, qui crée dès les premières images une atmosphère particulièrement envoûtante.
Patricia Mazuy signe un beau film humain et plein d’empathie, qui déjoue tous les clichés, racontant le cheminement de deux femmes aux destins presque inverses, mais partageant pourtant une même réalité dans cette prison où elles vont visiter leurs maris. La riche et la pauvre, la bourgeoise blanche et la travailleuse d’origine nord-africaine… Qui va libérer qui ? Réponse pas si simple, dans un film fort et beau.