Scaramouche (id.) – de Rex Ingram – 1923
Le Scaramouche de George Sidney, tourné en 1952 avec Stewart Granger, est parfois présenté comme le plus grand film de cape et d’épée de l’histoire. C’est un bon film, c’est incontestable, mais il y a bien mieux, dans l’histoire du cinéma, et pas besoin de chercher loin : la première adaptation du roman de Rafael Sabatini, réalisée par Rex Ingram, lui est bien supérieur. Cette grosse production muette et ambitieuse est aussi bien plus fidèle à l’histoire de France (l’histoire se déroule sur plusieurs années pendant la Révolution française), et au roman de Sabatini.
Les duels à l’épée, certes, sont moins spectaculaires, mais la reconstitution est elle bien plus impressionnante, magnifiée par des décors somptueux et superbes qui font revivre les rues de Paris, de Rennes ou d’un petit village breton. Des décors mis en valeur par la caméra d’Ingram, l’un des cinéastes les plus importants du muet, dont le sens de la narration et de l’épopée est incontestable. Contrairement au film de Sidney, on sent le souffle de l’histoire sur ces images magnifiques.
L’histoire est celle d’André-Louis Moreau, jeune avocat fraîchement diplômé, qui revient dans son village natal pour découvrir le peuple tyrannisé par le seigneur local, qui tue froidement le meilleur ami de Moreau. Ce dernier jure de le venger, et fait appel à la justice, qui refuse de prendre partie contre le noble. Une injustice qui amène Moreau à devenir l’un des grands noms de la révolte des petites gens. Recherché, Moreau trouve refuge dans une petite troupe de théâtre qu’il amène à Paris. Il y retrouve celle qu’il aime, et qui est courtisée par son ennemi mortel. La Révolution, puis la Terreur éclateront, Moreau côtoiera Danton, croisera Bonaparte, découvrira la vérité sur ses parents, et connaîtra bien des aventures incroyables (dont la plupart ne figurent pas dans le film de 1952).
C’est à un feuilleton digne de Dumas que Rex Ingram s’attaque avec Scaramouche. Un feuilleton auquel le réalisateur apporte toutes les richesses du grand cinéma hollywoodien : un souffle lyrique, des mouvements de foule impressionnants (certaines scènes ont visiblement réuni des centaines de figurants), des décors plus beau que nature, des héros charismatiques (les hommes surtout, disons pour rester correct que les critères de beauté féminine ont peu évolué au fil des décennies…), et un ton étonnamment incorrect…
Les relations entre Moreau et son pire ennemi réservent ainsi bien des surprises. Quant à ce dernier, il est visiblement un queutard de première : de la noble la plus respectée à la villageoise la plus vulgaire, de la jeune femme sortant de l’adolescence à la quinquagénaire, pas une femme ne semble avoir échappé à son lit… On viendra dire, après, que le cinéma était prude, dans les années 20…