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Archive pour novembre, 2011

M’Liss (id.) – de Marshall Neilan – 1918

Posté : 28 novembre, 2011 @ 11:32 dans 1895-1919, FILMS MUETS, NEILAN Marshall, PICKFORD Mary, WESTERNS | Pas de commentaires »

MLiss

Un mélange de comédie et de mélodrame avec un fond de suspense ; un personnage de gamine aux allures de sauvageonne qui dissimule un cœur grand comme ça et une vocation cachée à mener une vraie vie de famille… Pas de doute, M’Liss était taillé sur mesure pour Mary Pickford, l’éternelle jeune fille américaine qui, du haut de ses 25 ans, interprète l’une de ces héroïnes à peine sorties de l’enfance qu’elle jouera encore pendant dix ans. Avec ce film, on est clairement en terrain connu, mais on ne s’en plaindra pas : il y a dans M’Liss absolument tout ce qui a fait la gloire de « la petite fiancée de l’Amérique » et qui fait toujours d’elle, près d’un siècle après, l’une des plus grandes stars du cinéma.

Il faut dire qu’il y a derrière la caméra un cinéaste qui la connaît par cœur : Marshall Neilan, l’un de ces grands oubliés de l’Histoire, qui fut pourtant l’un des réalisateurs les plus populaires de son époque, l’équivalent (au début des années 20) d’un Spielberg. Neilan avait commencé au bas de l’échelle à Hollywood, avant d’être repéré par Griffith et de devenir devant sa caméra le partenaire fétiche de la jeune Mary Pickford, dans des dizaines de courts métrages. Passé de l’autre côté de la caméra, il deviendra à son tour le réalisateur favori de l’actrice, signant avec elles quelques classiques (un peu démodés) du muet, comme Papa longues jambes.

M’Liss, il faut bien le reconnaître, a pris un sacré coup de vieux. La comparaison avec Sparrows, formidable film avec Mary Pickford que j’ai revu récemment, n’est pas flatteuse pour le film de Neilan, dont la mise en scène est la plupart du temps assez statique. Quelques passages, pourtant, étonnent par leur modernité : celle du délire alcoolisé du père de Mélissa (M’Liss), filmé avec des gros plans avec des contrastes agressifs en avance de 40 ans…. Ou encore une série de plans utilisant à merveille les décors naturels et des soleils couchants très cinégéniques.

L’histoire en elle-même est plutôt convenue, et repose sur des ficelles énormes. Dans une petite ville de pionniers, la fille un peu fofolle d’un poivrot tombe sous le charme du nouvel instituteur. Le film aurait pu se contenter de cette rencontre politiquement incorrect de deux mondes (l’attirance de l’instit pour cette jeune fille est clairement sous-entendu), mais s’y ajoute une obscure intrigue policière : le père de la jeune fille est le frère d’un riche homme d’affaires qui, en mourant, lui lègue une fortune. Mais le père est assassiné par un homme qui cherche à lui voler l’héritage. L’instit est accusé du meurtre, et seule M’Liss reste convaincue de son innocence. Elle finira par démasquer le coupable à l’issue d’une scène tendue et assez virtuose, qui tranche nettement avec l’essentiel du métrage, parfois un peu lent, souvent très daté. Mais toujours franchement charmant.

Charlot veut se marier (A jitney elopement) – de Charles Chaplin – 1915

Posté : 25 novembre, 2011 @ 11:25 dans 1895-1919, CHAPLIN Charles, COURTS MÉTRAGES, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Charlot veut se marier

• Titres alternatifs (VO) : Married in haste, Charlie’s Elopement

• Titres alternatifs (VF) : Charlot fiancé, Charlot enlève sa fiancée

Le personnage de Charlot est déjà bien dessiné depuis quelques films, déjà. Mais ce court métrage permet à Chaplin de faire un net pas en avant en tant que cinéaste. Même si le traditionnel plan fixe, avec les personnages face caméra reste le plus souvent de rigueur (sur une table ronde, les trois protagonistes sont tous serrés pour ne pas tourner le dos aux spectateurs), Chaplin opte pour une construction plus complexe qu’à l’accoutumée : on compte pas moins de trois lieux différents dans le film (la maison, le parc, et la route), ce qui était encore rare pour Chaplin à l’époque.

La comédie n’a plus grand-chose de rudimentaire, et Chaplin développe son sujet avec beaucoup d’inspiration, utilisant chacun de ses décors avec beaucoup d’imagination. Il offre aussi à Edna Purviance un rôle particulièrement développé, pour la première fois. La belle est de toutes les scènes : elle interprète une fille de bonne famille que son père veut marier avec un comte, alors qu’elle aime un pauvre vagabond. Ce dernier se fait alors passer passer pour l’aristocrate, et son « beau-père » le reçoit avec chaleur. Jusqu’à ce que le vrai comte fasse son entrée…

Il y a dans A Jitney Elopment quelques gags absolument formidables, et tout particulièrement lors du repas entre Edna, son père et Charlot : le steak hyper dur, le café trop chaud, et surtout ce pain que Charlot coupe en spirale, sans s’en rendre compte, le transformant en accordéon. Un gag aussi merveilleux qu’irrésistible, qui préfigure les grands chef d’œuvre à venir de Chaplin, et cette façon qui n’appartient qu’à lui de jouer avec les objets les plus banaux (la chaussure de La Ruée vers l’Or, le globe terrestre du Dictateur…).

Le film se termine par une course-poursuite aussi spectaculaire qu’inattendue dans l’œuvre de Chaplin : des voitures lancées à vive allure dans de longues rues (avec caméra embarquée), et qui terminent par une espèce de valse, qui évoque avec près de neuf décennies d’avance une scène de Mission : Impossible 2. Cette longue séquence spectaculaire est d’un dynamisme étonnant, et préfigure les prouesses à venir d’un Buster Keaton.

Brève rencontre (Brief Encounter) – de David Lean – 1945

Posté : 24 novembre, 2011 @ 11:08 dans 1940-1949, LEAN David, Palmes d'Or | Pas de commentaires »

Brève rencontre

C’est la quatrième et dernière collaboration entre le jeune David Lean et le dramaturge Noel Coward, qui lui avait donné ses premières chances en lui demandant de co-réaliser avec lui Ceux qui servent en mer, puis en lui confiant les adaptations de deux de ses pièces : Heureux mortels et L’Esprit s’amuse. Brève rencontre est aussi le sommet de cette riche collaboration, et l’un des plus grands classiques du cinéma anglais d’après-guerre. Des quatre films, c’est aussi celui que Lean a su le mieux faire sien, faisant d’une pièce qui se déroulait exclusivement dans un café de gare une œuvre intime, mais lyrique, l’une des plus belles (et déchirantes) histoires d’amour que l’on ait pu voir.

D’une délicatesse infinie, le film raconte la brève passion d’une jeune femme bien mariée avec un médecin qu’elle rencontre par hasard sur un quai de gare, et qu’elle revoit semaine après semaine. Lorsqu’ils se déclarent enfin leur amour, c’est déjà le début de la fin : l’un comme l’autre sont rongés par la culpabilité, et par les mensonges qu’ils doivent faire à leurs conjoints respectifs, pour la première fois de leur vie.

Le film ne laisse pas planer le suspense : on sait dès le début que leur histoire se termine par une rupture, grâce à une scène d’adieu déchirante où l’émotion redouble avec l’intrusion d’une commère intarissable qui vole aux deux amants leurs ultimes minutes ensemble. Une main délicate posée sur une épaule, et les grands yeux bouleversants de Celia Johnson… il n’en faut pas plus à Lean pour réussir l’une des plus belles scènes d’adieux de l’histoire du cinéma, tout simplement.

Les yeux de Celia Johnson… Il faudrait écrire un livre sur ce regard immense et triste, qui passe de la gêne au rire, de la résolution aux pleurs, en un clin d’œil… merveille d’actrice à qui Lean a été l’un des seuls à savoir mettre en valeur, dans Heureux mortels et surtout dans ce Brève rencontre, évidemment le rôle de sa vie. Loin des canons de beauté habituels, Celia Johnson incarne mieux que quiconque l’Anglaise moyenne, avec son visage sans attrait particulier, mais qui en devient beau tant il est émouvant. Dommage qu’elle n’ait pas fait une plus grande carrière par la suite…

Face à elle, Trevor Howard trouve son premier grand rôle au cinéma. Lui qui avait jusqu’à présent privilégié le théâtre (depuis une vingtaine d’années) est absolument formidable, avec un jeu d’un naturel assez sidérant. La réussite de ces deux personnages fait évidemment beaucoup pour la force du film, qui peut se résumer platement : c’est l’histoire on ne peut plus banale de deux êtres on ne peut plus banaux. C’est simple, et c’est sublime.

Les seconds rôles sont également particulièrement réussis. Le mari de Celia Johnson pour commencer, un peu ennuyeux certes, mais profondément bon et sensible. Lean lui offre d’ailleurs quelques belles scènes, en particulier la toute dernière du film. On aimerait pouvoir détester ce mari trompé, histoire de se donner bonne conscience. Mais ce n’est bien sûr pas aussi simple. Et ce sentiment de culpabilité, Laura (Celia Johnson) le paiera au prix fort.

Même si le film se déroule la plupart du temps loin du café de la gare, le décor unique de la pièce originale reste le lieu autour duquel l’histoire s’articule. Sa « faune » donne également une caution non pas comique, mais plus légère au film, avec cette romance inattendue et enthousiasmante entre la très élégante tenancière au passé un peu mystérieux (Joyce Carey, figure de la scène londonienne), et le chef de gare bonhomme et jovial (le très sympathique Stanley Holloway, qui était lui aussi dans Heureux mortels, dans le rôle du voisin).

Quant à la mise en scène de Lean, elle est rien moins que brillante, tout comme la construction du film, Celia Johnson imaginant (en voix off) qu’elle raconte à son mari son histoire d’amour, dans une longue série de flash backs. Dans un noir et blanc somptueux, avec des allers et retours incessants des trains qui donnent au film un mouvement presque ininterrompu et le sentiment que cette passion ne pourra pas s’installer, le cinéaste signe une œuvre qui évoque la beauté du « réalisme poétique » du cinéma français des années 30.

Et comme les films de Carné ou Grémillon, ce réalisme poétique s’inscrit parfaitement dans son époque : celle de l’Angleterre de l’immédiat après-guerre. Cette toile de fond est discrète, mais elle ne fait que souligner l’aspect tristement anecdotique de cette romance sans lendemain, mais inoubliable. Comme ce chef d’œuvre absolu.

24 heures de la vie d’une femme – de Laurent Bouhnik – 2002

Posté : 21 novembre, 2011 @ 10:57 dans 2000-2009, BOUHNIK Laurent | Pas de commentaires »

24 heures de la vie d'une femme

Le (court) roman de Stefan Zweig était un petit bijou à la sensibilité extrême, d’un romantisme passionnel toujours contenu. Alors une adaptation « augmentée » réalisée par l’auteur très « mode » de Zonzon et Q pouvait sembler une fausse bonne idée. La surprise est donc très bonne. Même si le film laisse par moment à la surface des émotions pourtant très fortes qui sont montrées, on ne peut nier que Bouhnik et son co-scénariste Gilles Taurand sont des amoureux sincères de l’œuvre de Zweig, et que la période moderne qu’ils ont ajouté se marie plutôt joliment avec l’histoire imaginée par l’écrivain.

Le livre de Zweig se déroulait au début du siècle, dans une pension de famille de la Côte d’Azur : une femme d’âge mur prenait, seule, la défense d’une femme mariée qui venait de quitter son mari apparemment sur un coup de tête, avec un jeune homme qu’elle ne connaissait que depuis quelques heures. Elle racontait alors sa propre passion d’une journée, une vingtaine d’années plus tôt, pour un joueur invétéré qu’elle avait sauvé du suicide, et avec qui elle avait vécu une romance aussi inoubliable que brève… dont la triste issue n’avait en rien altéré la force de cette journée.

Le film de Bouhnik reste fidèle à cette histoire, mais ajoute une troisième époque : celle du narrateur du film, un vieillard solitaire qui revient dans la fameuse pension où alors qu’il était adolescent, sa mère avait quitté son père sur un coup de passion. Seule, une femme d’un certaine âge l’avait incité à ne pas juger sa mère trop durement, lui racontant à son tour ses propres souvenirs.

Bouhnik ne choisit pas la facilité, en entremêlant ces trois époques différentes. Mais le résultat est très réussi. La construction du film est assez brillante, soulignée par trois ambiances visuelles très différentes, mais également élégantes. Et puis il y a les acteurs, tous sobres et formidables. Dans le rôle de la narratrice de Zweig, Agnès Jaoui est magnifique, débarrassée comme par miracle de tous ses tics d’actrice habituels. Elle est particulièrement émouvante en jeune femme, lancée dans une passion altruiste et dévorante pour un jeune joueur fiévreux.

Dans le rôle du narrateur de Bouhnik, Michel Serrault trouve lui aussi l’un des meilleurs emplois de ses dernières années. Bouhnik est décidément un excellent directeur d’acteur : Serrault aussi est totalement débarrassé de ses tics habituels. Le duo improbable qu’il forme, le temps d’une soirée, parenthèse magique dans une vie apparemment entièrement tournée vers le passé, avec une très jeune femme, est peut-être la plus belle réussite du film, d’autant plus que la jeune femme est jouée par Bérénice Béjo qui, près de dix ans avant The Artist, était déjà une comédienne magnifique, sensible et émouvante.

Comédiennes (The Marriage Circles) – de Ernst Lubitsch – 1924

Posté : 20 novembre, 2011 @ 10:09 dans 1920-1929, FILMS MUETS, LUBITSCH Ernst | Pas de commentaires »

Comédiennes (The Marriage Circles) – de Ernst Lubitsch – 1924 dans 1920-1929 comediennes

Un an avant L’Eventail de Lady Windermere, son plus beau film muet (et peut-être son plus beau film tout court), son plus élégant aussi, Lubitsch signe l’une de ces « sex comedies » qui étaient à la mode à l’époque (et dont l’un des spécialistes était Cecil B. De Mille). Arrivé à Hollywood l’année précédente, le cinéaste allemand ne se contente toutefois pas de rentrer dans le moule des studios : après l’expérience en demi-teinte de Rosita, le film qu’il a tourné l’année précédente pour Mary Pickford (c’est la star qui l’avait fait venir en Amérique), Comédiennes est son premier film hollywoodien réellement personnel.

La fameuse « Lubitsch touch », son sens du rythme, l’élégance et l’intelligence de sa mise en scène, et sa manière toute personnelle d’utiliser le plus anodin des objets… tout est là déjà, formidablement maîtrisé, dès les premières images : un gros plan sur les pieds d’Adolphe Menjou au sortir du lit… Dans cette scène d’ouverture, une simple paire de chaussettes en dit plus sur le couple qu’il forme avec l’impossible Marie Prevost. Il faut voir le film, aussi, pour comprendre comment à quel point le plan fixe d’un œuf à la coque et d’une tasse de chocolat peut être évocateur.

L’Eventail… renforcera encore ce penchant à « faire parler » les objets, ou accessoires. Mais dans Comédiennes, Lubitsch fait déjà preuve d’une inventivité et d’une intelligence de chaque plan. C’est d’ailleurs cette Lubitsch touch qui fait tout le sel du film, basé sur une histoire assez conventionnelle : le bonheur d’un couple est menacé par l’intrusion de la meilleure amie de madame, qui a des vues sur monsieur. Ajoutez à cela le mari de la meilleure amie, qui n’a qu’une envie : se débarrasser de sa femme ; et le meilleur ami du premier mari, qui est secrètement amoureux de sa femme à lui (vous suivez ?)… et vous aurez les recettes d’un pur vaudeville riche en quiproquos, amants dans le placard et portes qui claquent.

La mise en scène tire continuellement ce scénario vers le haut : le film est une étourdissante fantaisie, où les portes ne cessent de s’ouvrir et se fermer (classique, chez Lubitsch), et d’où émergent un quinté d’acteurs aux personnalités particulièrement fortes, à commencer par Monte Blue (le mari heureux mais tenté par l’amie de sa femme), espèce de grand dadais continuellement dépassé par les événements. Le contraste entre les deux amies, jouées par la garce Marie Prevost et la douce et émouvante Florence Vidor, est également très fort. Creighton Hale, lui, dans le rôle de l’ami secrètement amoureux, est la caution humoristique du film, loin du cynisme de Menjou (voir la scène cruelle où il refuse la tendresse que lui réclame sa femme, désespérée), dans un rôle qui évoque celui qu’il tenait dans L’Opinion publique.

Lubitsch, d’ailleurs, n’a jamais caché l’admiration qu’il avait pour le chef d’œuvre de Chaplin. Son inspiration se fait sentir à plusieurs reprises dans le film, notamment dans ce plan, a priori anodin, où Adolphe Menjou se rase en regardant la rue en contrebas par la fenêtre, « jumeau » d’un plan quasiment identique dans L’Opinion Publique.

Il est énormément question d’amour, bien sûr : de la difficulté de préserver l’amour, du manque d’amour, ou de l’amour secret… The Marriage Circles est-il pour autant un vrai film romantique ? Pas si sûr… Même si le couple aimant surmonte toutes les épreuves, il a laissé la suspicion et le doute s’insérer dans son quotidien. Quant au couple qui semble promis à se former, il n’a rien d’idyllique… Le seul qui sort réellement vainqueur de cette histoire, finalement, c’est celui qui a obtenu le divorce et peut jouir pleinement de sa liberté enfin regagnée. On fait mieux comme romantisme…

Deux rouquines dans la bagarre (Slightly Scarlet) – d’Allan Dwan – 1956

Posté : 19 novembre, 2011 @ 4:41 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, DWAN Allan | Pas de commentaires »

Deux rouquines dans la bagarre (Slightly Scarlet) – d’Allan Dwan – 1956 dans * Films noirs (1935-1959) deux-rouquines-dans-la-bagarre

C’est la fin du second âge d’or de Dwan (après celle de la fin des années 20), celle de son association avec le producteur Benedict Bogeaus. Ensemble, les deux hommes ont signé quelques séries B hautement recommandables comme Tennessee’s Partner (peut-être le meilleur rôle de Ronald Reagan) et surtout Quatre étranges cavaliers, son chef d’œuvre. Pour Slightly Scarlet, Dwan choisit d’ailleurs la même vedette que dans les deux précédents : John Payne, « star de second plan » qui manque un peu de charme et de mystère, mais pas d’une vraie présence.

Dwan, qui ne tournera plus que cinq films inégaux à l’issue d’une carrière riche de plus de 400 titres, s’attaque ici à un monument du polar noir : James M. Cain, l’auteur des fameux Facteur sonne toujours deux fois, Assurance sur la mort et Mildred Pierce, autant de classiques qui ont donné lieu à des chef d’œuvre du cinéma. Le film est à mille lieues de ces trois chef d’œuvre, bien sûr, et a des défauts aussi énormes que ses qualités. Il ne manque en tout cas pas d’originalité…

La séquence qui sert de générique surprend et séduit d’emblée. La couleur, déjà, vive et inattendue dans un film noir (les exemples de film noir en couleurs sont rares : Péché mortel en 1945, Sueurs froides en 1958…). Et puis surtout l’entrée en scène des trois acteurs principaux, avec des gros plans et des arrêts sur image qui semblent isoler chacun d’entre eux, et introduit une esthétique un peu kitsch de roman photo.

Les deux rouquines du grotesque titre français sont deux sœurs pulpeuses et diablement séduisantes : Arlene Dahl, qui sort de prison (faute de moyens, la prison est représentée par une grille et un panneau posé sur une simple façade de maison) après avoir été condamnée pour vol ; Rhonda Fleming, la secrétaire hyper-sexy du favori des prochaines élections municipales. Et il y a le troisième larron, John Payne donc, dont les motivations resteront troubles jusqu’au dernier moment. Détective ? truand ? ange-gardien ? Rien de tout ça, ou tout à la fois, au choix… on sent bien qu’il est tiraillé entre le fric du truand pour lequel il bosse, et la poitrine avantageuse de Rhonda.

Le truand en question, un stéréotype sur pattes, est l’âme damnée du maire en place, et cherche à décrédibiliser son adversaire, pourquoi pas en révélant le casier judiciaire de la sœur de sa secrétaire… Ouais, c’est un peu tiré par les cheveux, mais c’est Cain qui l’a écrit, semble-t-il (j’avoue ne pas avoir lu le livre). Pourquoi pas, d’ailleurs, mais on a droit à tous les poncifs du genre : des types qui font la tête (ce sont les méchants), des gens très avenants (ce sont les gentils). Et au milieu, deux personnages tout de même très intéressants : celui de la petite sœur cleptomane (mais Arlene Dahl n’est pas vraiment à la hauteur du rôle), et celui de John Payne.

Slightly Scarlet est-il un bon film parfois maladroit, ou un pur navet ? Je suis incapable de le dire, mais, à la deuxième vision, le plaisir (un peu coupable) reste intact. Pourtant, il y a souvent de quoi rire dans cette espèce de parodie de film hard-boiled, où Payne sert la mâchoire et se prend quatre balles dans le corps quasiment sans moufter. D’ailleurs, les balles ne tuent pas dans ce film. Elles picotent bien un peu, mais elles ne sont jamais fatales. Contrairement à la simple baffe qui envoie un directeur de journal ad patres. Déroutant, je vous dis…

L’Impératrice rouge (The Scarlett Empress) – de Josef Von Sternberg – 1934

Posté : 17 novembre, 2011 @ 10:25 dans 1930-1939, DIETRICH Marlene, VON STERNBERG Josef | 1 commentaire »

L'Impératrice rouge

Sixième des sept films tournés par Marlene Dietrich sous la direction de son pygmalion, cette adaptation des mémoires de Catherine II de Russie a connu un échec public et critique cinglant à sa sortie, avant d’être réhabilitée par la postérité. Mais la postérité a-t-elle vraiment raison ? Pas sûr : L’Impératrice rouge est, de tous les films tournés en commun par l’actrice et le cinéaste, le plus compassé et le moins vivant. Dépassé par l’ampleur de son sujet, Sternberg ne parvient pas à mener de front le double-but de son film : réaliser le portrait sensible d’une femme-enfant qui se transforme peu à peu en intrigante, femme de pouvoir ; et faire vibrer le souffle de l’Histoire avec un grand H.

Le film est parsemé de très belles scènes et d’images forcément magnifiques, qui subliment Marlene par la grâce d’un noir et blanc délicat, et de voiles qui donnent au visage de la star un aspect presque irréel. Une œuvre typique de Sternberg, donc, qui donne à sa muse un rôle en or, lui permettant de dévoiler une très large palette de ses talents d’actrices. Entre les grands yeux enfantins et innocents du début du film, et le sourire narquois et rageur de la fin, il y a un monde…

Mais le problème, c’est justement pour aller d’un monde à l’autre. Accumuler les (très) belles scènes ne suffit pas à faire un beau film : il manque à ce gros machin en costumes et aux mille acteurs ou figurants ce petit supplément d’âme, cette magie qui fait qu’on s’attache aux personnages, et qu’on vit en même temps qu’eux leurs évolutions. Il manque aussi un rythme à cette suite de séquences entrecoupées par d’innombrables cartons qui replacent constamment l’intrigue dans son contexte historique.

Le sujet était clairement fait pour Sternberg : ce portrait d’une jeune femme romantique confrontée à la dureté d’un monde auquel elle n’était pas préparée, est un pur thème sternergien. Mais son style intime se prête mal à l’ampleur des décors, de la distribution, et tout simplement de l’histoire qu’il veut raconter. Résultat : il manque au film ce charme vénéneux qui faisait le prix de Shanghai Express, la précédente collaboration de Marlene Dietrich et Josef Von Sternberg, autre portrait d’une romantique contrariée, avec en toile de fond l’Histoire en marche.

Par moments, le film semble même se transformer en une série de tableaux joliment composés, mais incapables de prendre vie, comme le montre cette incroyable scène de banquet, où la caméra commence par planer au-dessus de la table, avant de s’écarter et de dévoiler les convives attablés, comme privés de vie. Virtuose, curieux, et froid.

Dommage, parce qu’il y a de très beaux moments dans le film, comme cette (rare) scène d’extérieure, et de nuit, où la future impératrice perd définitivement ses inhibitions de jeune fille ; ou cette séquence en deux temps de l’escalier, où l’amante contrariée se venge de cet homme qu’elle aime peut-être en lui faisant vivre la frustration qu’elle avait elle-même connue par sa faute quelques mois plus tôt… Il y aussi la relation particulièrement cruelle entre la future Catherine II et sa mère, monstre de cruauté froide et calculatrice.

Le film ne manque pas d’attraits, mais c’est sans doute, des sept films du tandem, celui qui s’éloigne le plus d’un chef d’œuvre…

J’ai rencontré le Diable (Akmareul boatda) – de Kim Jee-won – 2010

Posté : 16 novembre, 2011 @ 9:50 dans * Polars asiatiques, 2010-2019, KIM Jee-won | Pas de commentaires »

J'ai rencontré le diable

Après avoir flirté avec le western spaghetti (Le bon, la brute et le cinglé), le Coréen Kim Jee-won flirte avec le thiller noirissime tendance Seven avec ce film de serial-killer violent jusqu’à la nausée. Point de mystère ici : l’identité du tueur nous est dévoilée dès la première séquence (scène de meurtre classique dans sa construction – une jeune femme en panne dans la campagne déserte, un véhicule inquiétant qui s’arrête – mais visuellement d’une beauté envoûtante), et le « gentil » lui-même résout l’enquête en moins d’une demi-heure.

Rapidement, le film de serial killer, plutôt classique au début, se transforme en un jeu de piste glauque et macabre entre le héros, un agent des services secrets qui s’avère être le fiancé de la première victime, et le méchant, un type à peu près normal à cela près qu’il est l’incarnation même du mal absolu. Or, la fiancée en a bavé avant de trépasser, longuement torturée par le tueur devant une caméra qui ne nous épargne rien. Alors l’agent secret, transformé en vigilante, jure de faire souffrir le tueur à son tour. Beaucoup, longtemps, avec un sadisme grandissant et une détermination sans faille qui fait froid dans le dos…

Pas de place pour la rigolade dans ce film noir, qui présente une Corée du Sud bien loin de l’image d’Epinal du sublime Chant de la Fidèle Chun-hyang. Ici, on est dans un pays habité par des esprits malades : le tueur en série est un être froid qui a grandi dans une famille de merde ; son seul ami est une épave qui se gave de chair humaine qu’il stocke dans des congélateurs pleins à dégueuler, et maqué avec une jeune femme totalement abrutie. Et quand le tueur est pris en stop après avoir pris une raclée par sa nouvelle nemesis, l’agent secret transformé en ange vengeur, c’est un duo de tueurs qui trimballent un cadavre dans leur coffre qui s’arrête… Probablement pas le film préféré des tour-operator…

La comparaison avec Seven n’est pas fortuite : le rôle de l’agent secret, interprété avec une sobriété dérangeante et bouleversante par Lee Byung-hun, fait férocement penser à celui de Brad Pitt dans le film de David Fincher. Flic intraitable lancé dans une quête qui dévore tout sur son passage, on le sait d’entrée condamné à une damnation forcément terrible. Entre-temps, il aura eu le temps de se transformer lui-même en un monstre froid, dans sa recherche de la vengeance ultime, apparaissant quand le tueur ne l’attend pas pour le torturer (lui brisant le poignet, lui sectionnant le tendon d’Achille ou lui fracassant le crâne… tout ça en gros plans sanguinolents) avant de le relâcher, pour mieux recommencer. Toujours plus violent, toujours plus implacable.

Et puis il y a le tueur lui-même, figure monstrueuse dont la seule étincelle d’humanité, dans les toutes dernières minutes du film, donne des frissons… La force du personnage (qui aurait facilement pu tomber dans la caricature) doit énormément à l’interprétation elle aussi monstrueuse et d’une force extraordinaire de Choi Min-sik, que l’on avait plus vu depuis sa prestation mémorable dans Old Boy. Son interprétation, fiévreuse et hallucinante (qui évoque un peu celle de Daniel Day Lewis dans Gangs of New York) est hypnotique et hante longtemps les esprits. Comme le regard froid de son adversaire, où la dernière étincelle d’humanité menace à tout moment de disparaître…

Les Anneaux d’or (Golden Earrings) – de Mitchell Leisen – 1947

Posté : 15 novembre, 2011 @ 2:09 dans 1940-1949, DIETRICH Marlene, LEISEN Mitchell | Pas de commentaires »

Les Anneaux d'or

Marlene Dietrich en gitane ? Il faut le voir pour le croire, et même en le voyant, on a un peu de mal à y croire tant l’image de la belle colle mal à l’extravagance de cette bohémienne, diseuse de bonne aventure… Surtout dans sa toute première apparition, étrange silhouette de sorcière dévorant goulûment un ragoût à la lumière d’un feu de camps. Alors là, on se pince un peu, et on se dit qu’elle en fait vraiment beaucoup, avec ce rôle de composition dans lequel on ne l’attendait pas. Et puis finalement, le charme agit.

Le métier de Mitchell Leisen, touche-à-tout honnête et souvent inspiré, n’y est pas pour rien : le cinéaste parvient à donner corps à la chaleur des gitans, avec des scènes de nuit joliment photographiées dans un très beau noir et blanc. Evidemment, on n’est jamais très loin de la caricature, mais Leisen parvient assez miraculeusement à rester continuellement sur le fil, évitant toujours de sombrer dans le grand-guignol. Puis on finit par se prendre au jeu, au charme hypnotique de ces images, et à celui de Marlene, immense même sous deux tonnes de fond de teint et avec un accent très discutable.

Face à la belle, il y a Ray Milland, immense acteur trop mésestimé, que l’on retrouve lui aussi grimé en gitan. Pour de faux, fort heureusement : on aurait mal imaginé ce pur Anglais pale et élégant incarner un véritable gitan. Lui incarne un agent britannique chargé d’une mission ultrasecrète dans l’Allemagne de début 1939. Parce que derrière ses aspects de film communautaire dédié au peuple gitan, Golden Earrings est un film d’espionnage. Mais l’intrigue n’est visiblement qu’un argument utilisé par les scénaristes (dont Abraham Polonsky, qui allait lui-même passer derrière la caméra quelques mois plus tard avec l’admirable L’Enfer de la Corruption) pour filmer ce peuple gitan, victime un peu oubliée de la barbarie nazie. Le chef des gitans, personnage lui aussi au bord de la caricature, mais attachant, n’est d’ailleurs pas dupe de l’avenir qui ai réservé à son peuple…

L’objet de la mission (récupérer la formule d’un gaz potentiellement mortel, mis au point par un savant allemand qui refuse de voir son invention servir la cause nazie) passe très vite au second plan. A vrai dire, dans la scène d’ouverture qui se déroule après la guerre (l’histoire est racontée en flash-back), le personnage de Ray Milland raconte son aventure en évoquant à peine sa mission officielle, la balayant d’un geste de la main. « Il y a une femme au cœur de cette histoire », lance-t-il, précisant ainsi que le film est avant tout une histoire d’amour.

Et une histoire d’amour particulièrement haute en couleurs, entre un officier britannique un peu rigide et sur la réserve, et une bohémienne impulsive et gouailleuse. Il fallait bien le savoir faire de Mitchell Leisen et des acteurs aussi formidables que Marlene Dietrich et Ray Milland pour faire passer la pilule…

Flight to Mars (id.) – de Lesley Selander – 1951

Posté : 14 novembre, 2011 @ 2:17 dans 1950-1959, FANTASTIQUE/SF, SELANDER Lesley | Pas de commentaires »

Flight to Mars

Si on reprenait le scénario de Rocketship X-M (petit film très rentable sorti l’année précédente), en changeant trois ou quatre trucs histoire qu’on ne nous accuse pas de plagiat, et en tournant en couleurs pour un peu mieux brouiller les pistes ? Oh, la bonne idée… On a donc une équipe de scientifiques (cinq, comme dans le film précédent) qui décolle pour le premier vol humain dans l’espace, à destination non pas de la Lune, mais de Mars, autant aller au but tout de suite. Bien sûr, dans l’équipe, il y a une femme de science (jolie, forcément), et un non-scientifique (journaliste, ici), pour mieux nous faire comprendre ce qui se passe…

Rien de nouveau, donc ? Ben non, rien de nouveau. Le film de Lesley Selander reprend une bonne partie du style visuel de celui de Kurt Neumann, une fusée qui ressemble trait pour trait, les mêmes rebondissements (y compris la pluie de météorites)… mais ça ne marche jamais vraiment. La faute à des acteurs peu sympathiques ? Sans doute, mais surtout à une mise en scène molle et sans inspiration, à des couleurs criardes et laides, et à un scénario qui pourrait être fendard s’il y avait la place pour un peu d’autodérision. Ce qui n’est pas le cas.

Bon, c’est vrai qu’on rit franchement (mais ce n’était visiblement pas le but initial) en voyant arriver comme si de rien n’était ces Martiens en costumes de plongée, qui parlent un anglais parfait, et qui comptent dans leurs rangs des Martiennes fort attrayantes. D’ailleurs, il y a sans doute moyen de voir le film avec un certain plaisir. Mais pas a jeun, et pas au premier degré.

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