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Archive pour octobre, 2021

OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire – de Nicolas Bedos – 2021

Posté : 31 octobre, 2021 @ 8:00 dans * Espionnage, 2020-2029, BEDOS Nicolas | Pas de commentaires »

OSS 117 Alerte rouge en Afrique noire

On le sent plein d’enthousiasme, Nicolas Bedos, à l’idée de redonner vie au personnage inventé par Michel Hazanavicus et Jean-François Halin. Et oui, je sais : OSS 117 a été imaginé par Jean Bruce il y a plus de soixante-dix ans. Mais sous les traits de Jean Dujardin, c’est quand même une vraie invention, et parmi les meilleures que la comédie française a engendré ces dernières années. Plein d’enthousiasme, et d’envie de poursuivre la saga sans tomber dans la redite.

Il y a du rythme, du décalage, cette volonté inchangée de retrouver les codes esthétiques de l’époque mise en image : la fin du septennat Giscard en l’occurrence, après la France de René Coty et celle du Général. C’est que le temps a passé depuis les missions au Caire et à Rio. Pour les fans de la série, en attente depuis douze ans. Et pour le personnage aussi, désormais dépassé par ce monde qu’il pensait immuable, et par une nouvelle génération plus en phase, plus séduisante, plus moderne, plus efficace aussi, y compris dans la méthode de drague et dans la pratique sexuelle. Eh oui, même ce bon vieux De la Bath peut avoir des pannes…

Bonne idée de confronter un OSS 117 si vieille France à la relève ? Sur le papier pourquoi pas. Mais cette idée, si elle offre une poignée de bons moments (la première rencontre entre Dujardin et Pierre Niney notamment), est aussi la plus grande limite du film. Parce que la réussite des deux premiers films reposait avant tout sur la superbe arrogance et l’immuable sentiment de supériorité d’OSS 117, figure de la France éternellement coloniale. Et la superbe en prend un sacré coup…

Les femmes ne se retournent plus sur lui, il se fait distancer au premier sprint et crache ses poumons… Et il prend cette nouvelle réalité en plein dans la tronche. Jean Dujardin n’affiche plus qu’à de rares occasions ce sourire carnassier irrésistible qui faisait tout le poids des premiers films, contrepoint magique aux horreurs qu’il débitait avec une franchise désarmante. Cette fois, il se rend compte de tout : de ses dérapages, du fait qu’il est largué, vieillissant.

C’est un parti-pris finalement assez audacieux qu’ose Bedos. Et même s’il fait bien attention de remplir le cahier des charges (avec le co-scénariste Halin, toujours au poste), et d’accumuler les clins d’œil aux deux films d’Hazanavicus (« comment vous parlez de votre mari » après « comment tu parles à ton père »!), la légèreté, si cynique était-elle, laisse la place à un sentiment de malaise : celui de Dujardin/117, parfaitement ressenti par le spectateur.

Bien sûr, il est bon d’être surpris, de recevoir autre chose que ce qu’on attend (et je ne me suis toujours pas remis de la saison 3 de Twin Peaks!). Encore faut-il que cet autre chose en vaille le coup. Pas convaincu, pour le coup. Ces retrouvailles avec le personnage comique le plus enthousiasmant depuis… pfff… longtemps, laissent un goût amer, d’un rendez-vous manqué.

Jenny, femme marquée (Shockproof) – de Douglas Sirk – 1949

Posté : 30 octobre, 2021 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, SIRK Douglas | Pas de commentaires »

Jenny femme marquée

Qu’il soit dans sa période allemande, dans sa première période américaine, ou dans son âge d’or hollywoodien, Douglas Sirk est un cinéaste enthousiasmant. C’est dit. Bien sûr, il y a les mélodrames, sublimes et indispensables. Il y a aussi une poignée de comédies, un western même, et quelques films noirs précieux. Jenny, femme marquée n’est pas un film parfait. La conclusion, sans rien en dévoiler, est quelque peu tirée par les cheveux. Mais quand même, résumons ça en une formule : c’est une merveille.

Le couple au cœur de l’histoire est assez original, mais pas totalement révolutionnaire sur le papier : une jeune femme qui sort de prison, et qui rencontre son officier probatoire. Lui est un homme droit aux principes immuables. Elle est une femme au passé difficile, fidèle à un amant pour qui elle s’est sacrifiée, mais qui l’a attendue pendant toutes ses années derrière les barreaux. Bref, tous les oppose, et forcément, ils vont tomber amoureux.

A se borner à raconter l’histoire, on ne trouverait rien, strictement rien, qui n’aurait déjà été filmé au cinéma. On retrouve ce thème de la chute sociale propre au film noir, l’impossibilité aussi d’avoir une seconde chance après avoir été « marqué » par la justice. De tour à Je suis un évadé, la filiation est aussi longue qu’exceptionnelle. Pourtant, Sirk signe un film aussi fort que singulier, et c’est dans les détails que ça se joue.

La première rencontre entre l’officier, joué par Cornel Wilde, et l’ex-prisonnière, Patricia Knight, est déjà d’une justesse magnifique. La raideur de la justice face au désespoir d’une jeune femme sortie trop brutalement de ses rêves d’enfants, qui réalise que son cauchemar n’a pas de fin, quel que soit le visage qu’il arbore. D’un beau scénario coécrit par Samuel Fueller (qui signe cette même année son premier film de réalisateur, J’ai tué Jesse James), Sirk tire un film d’une vérité rare, qui ne tombe jamais dans les sentiments faciles.

On sent bien que l’histoire d’amour va se développer, mais le chemin est long, et tortueux. Et Sirk évite consciencieusement l’habituel combat entre le bien et le mal, deux notions très hypothétiques et très surévaluées : c’est à mi-chemin que ces deux là vont se rencontrer, une fois qu’elle se sera débarrassée de son mauvais ange, et lui de ses principes désuets. Beau, puissant, et aussi très triste mine de rien, tant les idéaux ou les rêves de jeunesse tiennent la dragée haute à l’amour, même si on y glisse un grand A.

Sirk évoluera sur le sujet, mais sans rien renier de cette vision-là, d’une acuité et d’une beauté déjà renversantes. Et qu’importe la fin, tellement expédiée qu’elle laisse à peine une vague marque de persistante rétinienne. Pas de quoi gommer la force de ce film noir romantique et authentique, qui vous prend aux tripes, avec sincérité et une force que le désespoir lattant n’entame jamais vraiment. Même avant ses très grands films, Sirk signait de grands films. C’est beau.

Kaamelott : premier volet – d’Alexandre Astier – 2021

Posté : 29 octobre, 2021 @ 8:00 dans 2020-2029, ASTIER Alexandre | Pas de commentaires »

Kaamelott premier volet

Alexandre Astier a un univers qui lui est propre. Un style, même, qui repose essentiellement sur les dialogues et la manière de les dire. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il y a des acteurs qui font naturellement partie de sa famille, au-delà de sa vraie famille de sang, très présente devant sa caméra. Alain Chabat et le professeur Rollin en sont bien sûr, à qui on doit quelques-uns des meilleurs moments du film. Pour d’autres, comme Sting, Antoine de Caunes ou Guillaume Gallienne, c’est nettement moins évident. Et là apparaît la principale limite.

Aussi méritants soient-ils, l’intention ne suffit pas pour s’approprier les mots d’Astier, grand démiurge dont on imagine qu’il écrit tous les dialogues comme s’ils étaient fait pour lui-même. Quand il trouve de vrais alter-egos, c’est souvent franchement réjouissant, vif et drôle. Dans le cas contraire, l’écriture semble avoir quelque chose d’une mécanique trop bien huilée, qui ne surprend plus vraiment. C’est la limite du film, qui en amène une autre plus large : Alexandre Astier s’est offert un gros casting et de gros moyens pour le premier long métrage dérivé de sa série. Mais c’est quand il renoue avec les fondamentaux que son film est le plus réussi.

La fatigue d’Arthur (Astier lui-même), la tendresse vacharde de ses relations avec Guenièvre, et surtout l’hilarante idiotie de Karadoc et Perceval… Astier retrouve et prolonge les meilleurs aspects de Kaamelott la série, et c’est ce qui donne les moments les plus forts et les plus drôles de Kaamelott le film. Astier affirmait depuis des années que son film serait très différent de la série, et qu’il ne se plierait pas aux attentes des fans. Certes il y a une ambition plus grande, une narration plus maîtrisée, une autre dimension. Mais si on prend, finalement, tant de plaisir à voir Kaamelott, c’est parce qu’il réussit à tenir sur près de deux heures l’esprit décalé que la série offrait en quelques minutes.

Timecop (id.) – de Peter Hyams – 1994

Posté : 28 octobre, 2021 @ 8:00 dans 1990-1999, ACTION US (1980-…), FANTASTIQUE/SF, HYAMS Peter | Pas de commentaires »

Timecop

Réalisé par un vétéran auréolé d’un certain prestige (on lui doit Capricorn One ou Outland), doté d’un budget conséquent, Timecop représente une sorte de sommet dans l’ascension hollywoodienne de Jean-Claude Van Damme : le film qui donnait l’impression que, peut-être, la star belge pourrait concurrencer Stallone ou Schwarzenegger sur leur terrain. Ce ne sera pas tout à fait le cas, mais certains producteurs y croyaient, Timecop en est la preuve.

Cela étant dit, le film de Peter Hyams ne réussit jamais vraiment à tenir les (petites) promesses de son pitch : Van Damme, flic d’une brigade spéciale luttant contre ceux qui tentent de profiter des possibilités offertes par le voyage dans le temps, qui vient d’être inventé. Une idée qui reste constamment au stade embryonnaire. Et s’il est question de seconde chance et de la tentation de réparer ses propres erreurs, le film ne décolle jamais de la série B bas du front, loin de ce que réussira Looper par exemple.

Un rendez-vous en grande partie manqué, où toutes les ambitions semblent reposer sur les moyens plutôt que sur les idées. Et où l’héritage des films d’action un peu cheap des années 80 ressurgit régulièrement à travers la psychologie zéro des personnages, les méchants caricaturaux, et quelques scènes grotesques. Ce pied arrêté en l’air à quelques centimètres d’un pickpocket à roller, franchement… Difficile de prendre vraiment le film au sérieux après une telle première scène !

Face au châtiment (The Doolins of Oklahoma) – de Gordon Douglas – 1949

Posté : 27 octobre, 2021 @ 8:00 dans 1940-1949, DOUGLAS Gordon, WESTERNS | Pas de commentaires »

Face au châtiment

Le principal défaut de Gordon Douglas, réalisateur touche-à-tout et souvent très enthousiasmant, c’est bien souvent d’avoir des scénarios pas tout à fait à la hauteur de son talent. D’un autre côté, on peut aussi se dire qu’un scénario approximatif est ce qui peut arriver de mieux pour mettre en valeur le talent d’un cinéaste. C’est le cas avec ce western très classique sur le papier, et qui n’évite pas les clichés et les rebondissements faciles, et qui est au final une grande réussite.

Une réussite collective, qui doit aussi aux interprètes, collectivement et individuellement formidables. Randolph Scott, impérial comme toujours, apporte sa droiture à un personnage trouble cette fois : Bill Doolin, compagnon de route des Dalton, qui monte sa propre bande après la mort des célèbres frangins, devenant un peu malgré lui le plus célèbre des fuyards. Un peu seulement, parce que, si sympathique soit-il, le type est quand même un braqueur. Héroïsé par le prisme hollywoodien bien sûr, presque chevaleresque. Mais un hors-la-loi tout de même, qui réalise bien vite que tomber amoureux d’une belle jeune femme n’est pas la chose la plus maligne qu’il ait faite.

Et puis Charles Kemper, Noah Beery Jr et John Ireland en fidèles compagnons de bande, ou George Macready en marshall tenace, ça a quand même de la tenue dans un western. Toute la distribution est de ce niveau, tirant constamment vers le haut des personnages qui, sur le papier, manquent tout de même d’un rien de nuances, voire de profondeur.

La profondeur, c’est la mise en scène de Gordon Douglas qui l’apporte, son sens du rythme, et de la composition. Et la photographie de Charles Lawton Jr, superbe noir et blanc qui privilégie constamment l’obscurité et les ombres, ce qui n’est quand même pas si courant dans un western. Ce noir et blanc profond est parfaitement raccord avec le ton que donne Douglas au film : tendu, et dramatique, d’une crudité rare à l’image de la mort brutale du dernier Dalton, au début du film. Même dans les rares moments plus légers, comme ce formidable face-à-face muet entre Randolph Scott et le gamin qui le dévisage à l’église, le film est d’une intensité rare.

Qui donc a vu ma belle ? (Has anybody seen my gal ?) – de Douglas Sirk – 1952

Posté : 26 octobre, 2021 @ 8:00 dans 1950-1959, SIRK Douglas | Pas de commentaires »

Qui donc a vu ma belle

Dix ans après ses débuts hollywoodiens, Sirk peaufine ce style inimitable qui fera la beauté des grands mélos qu’il n’allait pas tarder à enchaîner avec bonheur. Une petite ville de province, des couleurs automnales, une manière si chaude et élégante d’utiliser les saisons… Le ton est encore très différent, mais une image, surtout, annonce presque à l’identique l’un des plus beaux plans de Tout ce que le ciel permet : la jeune héroïne, qui voit ses rêves s’envoler, observe avec mélancolie la neige qui se met à tomber derrière une large baie vitrée.

C’est beau. Triste et beau. Et ce court moment romantique mais chargé d’amertume porte la marque du grand cinéaste qu’est, déjà, Sirk. A partir de All I desire, l’année suivante, la comédie n’aura plus beaucoup de place dans son œuvre. Voire même plus du tout à vrai dire. Il s’y montre pourtant très à l’aise, avec un style qui lui est propre. On aurait un peu vite tendance à le comparer à Frank Capra ici, pour certains thèmes et motifs au cœur du film : cette petite ville qui évoque le Bedford Falls de La Vie est belle, le vieux grippe-sous qui se découvre un grand cœur, le pouvoir de l’argentMais non. Sirk le romantique filme certes une histoire pleine de bons sentiments, mais avec une bonne dose d’acidité franchement réjouissante.

Le vieux grippe-sou, donc, c’est l’excellent Charles Coburn, réjouissant dans le rôle (presque omniprésent) d’un homme richissime qui a l’intention de léguer sa fortune à la famille qu’a eu celle qu’il a aimé sans retour, bien des années plus tôt. Mais avant de signer son testament, il décide de mener incognito une sorte d’enquête de moralité auprès de cette famille qu’il ne connaît pas. Une famille parfaite, joyeuse, pleine de vie, de bonté, qu’un mystérieux chèque anonyme va bouleverser.

Le message n’est pas franchement léger. La manière dont cette famille si attachante est transformée par une soudaine fortune est mise en scène avec un excès assumé. Mais qu’importe : Sirk n’est pas là pour prendre son temps. Tout est mouvement dans son film. On ne cesse d’entrer ou de sortir du cadre, les groupes se font, se défont. On chante et on danse, même, comme dans une comédie musicale. Quand on gravit les échelons de la société, on le fait en gravissant une colline, et quand on touche le fond, c’est dans une cellule située au sous-sol…

En vieil ange gardien joyeusement indigne, Charles Coburn trouve l’un de ses très grands rôles. A ses côtés, Piper Laurie est une irrésistible bourrasque, que le pauvre Rock Hudson a bien du mal à retenir. Il est encore très en retrait, mais ce film contribuera à faire de lui une star. Il marque surtout le début d’une grande collaboration avec Sirk, qui le dirigera encore à six reprises (et pas dans n’importe quoi : du Secret magnifique à La Ronde de l’aube, que de chefs d’œuvre).

Et tant qu’on en est aux presque débutants, on remarquera le temps d’une très courte scène l’apparition d’un tout jeune James Dean, qui a droit à une dizaine de secondes de présence à l’écran, mais dans un plan rien que pour lui et avec un monologue très enthousiaste.

Risque maximum (Maximum Risk) – de Ringo Lam – 1996

Posté : 25 octobre, 2021 @ 8:00 dans 1990-1999, ACTION US (1980-…), LAM Ringo | Pas de commentaires »

Risque maximum

Chez nous, il n’est pas le plus connu des grands cinéastes de l’âge d’or du cinéma de genre hong-kongais. Moins en tout cas que ses complices Tsui Hark ou Johnnie To (avec lesquels il signera l’étonnant Triangle en 2007). Mais Ringo Lam est, effectivement, un grand cinéaste de polars, moins maniéré que John Woo, plus terrien que Tsui Hark, plus instinctif que Johnnie To.

L’essentiel de sa carrière se déroule à Hong-Kong. Mais il a brièvement cédé aux sirènes d’Hollywood, appelé par Jean-Claude Van Damme… Qui d’autre, d’ailleurs : à l’époque, Van Damme est la vedette la plus à l’écoute du cinéma de l’ancienne colonie, et le passage obligé pour tous les cinéastes de là-bas faisant leurs débuts en Amériques : John Woo avec Chasse à l’homme, ou Tsui Hark (encore lui) avec Double Team.

Mais c’est avec Ringo Lam que Van Damme tournera ses meilleurs films. Les deux hommes collaboreront à trois reprises, pour trois films aussi différents que convaincants, dont la sortie coïncide pourtant avec le début du déclin pour The Mussles from Bruxelles. Oui, c’est injuste, voire même franchement désespérant.

C’est injuste, parce qu’il révèle une présence assez inattendue dans ce film, totalement dépouillé de ses mimiques et excès habituels. Le regard triste, la dégaine fatiguée, Van Damme trimballe sa carcasse athlétique en dégageant une puissance quasi-bestiale. Bref, il est très bon, sans jamais forcer le trait. Taiseux et taciturne… La filiation avec Alain Delon est souvent frappante, référence il est vrai incontournable pour les cinéastes hong-kongais de cette époque.

L’histoire n’a pas un intérêt démentiel, et se résume d’ailleurs à un prétexte sans grande envergure : une simple liste planquée dans un coffre à Nice, pour laquelle les cadavres s’accumulent. Si Natasha Henstridge est convaincante dans le rôle de la love-interest, les seconds rôles ne sont pas franchement excitants, avec un Jean-Hugues Anglade tout sourire et tous cheveux en flic niçois ravi d’être là, et même une courte apparition de Stéphane Audran (on se demande un peu ce qu’elle fait là d’ailleurs). Et au rayon des gros défauts, difficile de prendre au sérieux cette première partie française, où tous les personnages (français) se parlent dans un mauvais anglais…

Mais qu’importe. Ringo Lam est un cinéaste de l’action, qui pourrait aisément se passer de la parole. C’est d’ailleurs le cas dans de longues séquences assez brillantes, dans lesquelles le mouvement et le décor sont intimement liés. Une poursuite à pied sur les toits, un gunfight dans un bar bondé, une bagarre dans l’espace très exigu d’un ascenseur, un affrontement final dans la chambre froide d’un abattoir… Scène après scène, Lam relance la machine en variant les contraintes, en évitant constamment la facilité.

A cette époque, beaucoup de poursuites en voitures avaient des allures de déjà vu. Ce n’est pas le cas ici, même si elles portent clairement la patte de notre Rémy Julienne national. Lam en fait quelque chose de très personnel, en mettant en scène ses poursuites (comme ses gunfights) dans des rues noires de monde, où les piétons et les voitures sont omniprésentes, contrariant systématiquement les mouvements. Tellement grouillantes qu’elles donnent par moments le sentiment d’être à Hong-Kong.

Le Manoir de la peur / L’Homme en noir – d’Alfred Machin et Henry Wulschleger – 1927

Posté : 24 octobre, 2021 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1920-1929, FILMS MUETS, MACHIN Alfred, WULSCHLEGER Henry | Pas de commentaires »

Le manoir de la peur

Machin ? C’est son nom, celui d’un réalisateur qui totalement méconnu et pourtant très prolifique entre 1910 et les derniers feux du cinéma muet. C’est en tout cas un cinéaste qui m’avait complètement échappé jusque là, et c’est bien dommage : son Manoir de la peur, coréalisé avec Henry Wulschleger, mérite qu’on s’y attarde.

Le titre et les premières séquences annoncent clairement une variation sur le thème de la maison hanté, très en vogue en cette année 1927 marquée par la sortie de La Volonté du mort, film ouvertement expressionniste dont l’influence va beaucoup compter sur un certain cinéma de genre à cette période. La quiétude d’un petit village est troublée par l’arrivée d’un mystérieux homme en noir qui décide de s’installer dans un manoir réputé hanté surplombant le cimetière. Les faits troublants qui suivent son arrivée ne peuvent qu’être l’œuvre du diable…

On frôle même la caricature, tant l’intrigue semble d’abord convenue. Il y a, quand même, quelques aspects qui frappent d’emblée la rétine. La manière dont Machin filme la vie quotidienne dans ce petit village de province, en privilégiant les décors réels et une lumière que l’on sent (ou imagine) largement naturelle. Pour le coup, on est loin de l’expressionnisme allemand, plutôt dans une sorte de naturalisme très stylisée : beaucoup de scènes nocturnes fort bien photographiées, une belle profondeur de champ. Ne serait-ce qu’esthétiquement, le film est une réussite.

Il l’est aussi dans la jubilation manifeste de Machin à déjouer les attentes, coupant court très vite aux tentations fantastiques, en dévoilant très tôt la vérité. Recentrant par la même occasion le récit sur un duo très inattendu : une espèce de détournement de l’assistant monstrueux du savant fou, associé à… un chimpanzé, qui vole bientôt la vedette à tous les autres personnages.

Là, il faut revenir sur la personnalité d’Alfred Machin, cinéaste animalier, dresseur à ses heures, qui a fait du chimpanzé qu’il a adopté le héros de ses films, après lui avoir appris pas mal de trucs très cinégéniques. A l’angoisse liée à un manoir pseudo-hanté dont on ne voit finalement pas grand-chose, il préfère largement l’étonnante prestation de son singe, effectivement étonnant, renvoyant le Clyde de Doux, dur et dingue à l’état d’aimable curiosité.

Reconnaissons-le, voir ce chimpanzé fouiller une maison de fond en comble procure une sorte de plaisir régressif assez intense. Un plaisir qui est d’ailleurs loin de se limiter à ces charmantes singeries. Rythme impeccable, suspense très efficace, personnages attachants, Le Manoir de la peur s’amuse du genre et séduit. Un vrai plaisir.

Peaky Blinders (id.) – saison 5 – créée par Steven Knight – 2019

Posté : 23 octobre, 2021 @ 8:00 dans * Films de gangsters, * Polars européens, 2010-2019, BYRNE Anthony, KNIGHT Steven, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Peaky Blinders saison 5

Un uppercut, encore, qui vous laisse sur le flan, hagard, après avoir déjoué dans un jubilatoire sommet de tension tout ce qu’on attendait, tout ce vers quoi cette cinquième saison se dirigeait, et annonçait. Ça, c’est pour le final de cette nouvelle livraison de six épisodes, qui conclut (vraiment ?) magistralement cet arc narratif qui, si passionnant soit-il, donnait par moments le sentiment de tirer un peu sur la corde.

Après tout, Peaky Blinders est une série qui dure désormais depuis cinq saisons (six, bientôt) : avec son univers si marqué, ses codes narratifs, sa violence brute est ses personnages plus tourmentés que jamais. C’est la même histoire qui continue, finalement, et l’arc narratif en question a quelque chose du prétexte. Le sujet de la série, ce sont évidemment les personnages, cette famille Shelby qui, plus elle devient puissante, plus ses membres révèlent leurs failles.

Abyssales, les failles. Et sur ce point, cette saison gagne encore en intensité, grâce à Tommy et Arthur : Cillian Murphy et Paul Anderson, deux aspects d’une même douleur profonde, renfermée jusqu’à l’excès pour le premier, explosive et de plus en plus incontrôlable pour le second, hallucinant condensé de fureur et de souffrance. Comment un personnage peut être à ce point flippant et touchant tient du miracle.

Pouvoir, vengeance personnelle, guerre de clans, espionnage, trafics et politiques… L’ascension des Shelby épouse plus que jamais les affres de son époque. Aux conséquences de la Grande Guerre succède désormais les prémices d’un autre conflit qui se prépare, à travers la figure d’un méchant inattendu : un politicien, pilier d’un parti national-socialiste anglais, sur la route du pouvoir, et qui voit en Thomas Shelby un allié naturel.

La série joue constamment sur cette zone si inconfortable, si tangente, entre le mal et le bien. Un bien tout relatif, bien sûr, qui se fait à coup de meurtres et de domination. Cette frontière tend même à se troubler, jusqu’à créer un malaise constant qui ne fait que se renforcer, en même temps que les personnages semblent se perdre irrémédiablement.

Ce trouble se traduit aussi par le style, la grande marque de fabrique du show. Il y a une grande cohérence dans ce style depuis la première saison, mais aussi une vraie évolution. Les ralentis, les effets pyrotechniques, les clairs-obscurs sont toujours très marqués, mais dans un esprit moins purement spectaculaire, plus dramatique peut-être. La musique elle-même, qui fait toujours la part belle aux (superbes) reprises de chansons, se fait plus discrète, jusqu’à disparaître la plupart du temps du générique de début. Et ce n’est pas si anodin…

Peaky Blinders reste en tout cas une très grande série, addictive comme jamais. Surtout après cet ultime épisode, qui donne furieusement envie de renouer avec la fureur des Shelby. Pour une dernière saison, attendue avec une impatience folle, depuis deux ans…

Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain – de Jean-Pierre Jeunet – 2001

Posté : 22 octobre, 2021 @ 8:00 dans 2000-2009, JEUNET Jean-Pierre | Pas de commentaires »

Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain

Une idée à la minute. Non, une idée par plan. Jean-Pierre Jeunet a mis tout ce qu’il avait dans ce premier film français en solo, après son expérience hollywoodienne en demi-teinte avec Alien la résurrection. Résultat : plus qu’un énorme succès populaire lors de sa sortie en salles il y a vingt ans, un vrai phénomène, de ces films que le public s’approprie pour en faire un pan de leur vie.

A le revoir après tant d’années, il faut admettre que les ficelles sont grosses, surtout que Jeunet les a réutilisées depuis, et souvent avec moins de bonheur. Mais certaines sont joliment poétiques, comme le regard que lance le poisson rouge sous la pluie… Oui, c’est naïf. Mais la naïveté peut être très émouvante quand elle est bien filmée. Elle l’est la plupart du temps.

Et franchement, on continue à fondre devant le minois hors du temps d’Audrey Tautou, personnage lunaire mais pas si léger que ça : il y a une vraie gravité chez Amélie Poulain, jeune femme totalement déconnectée du monde réel, chez qui tout est bonté et générosité. La forme du film rattrape constamment le fond, la virtuosité de Jeunet épousant fidèlement le regard et l’état d’esprit de son héroïne.

On ne s’étonnera donc pas que le Paris qu’il filme soit si irréel, si idéalisé. Jeunet s’est toujours fait le porte-parole de personnages maltraités par la vie. Son Amélie Poulain en est plein, d’Audrey Tautou à Jamel Debbouze en passant par Isabelle Nanty, Mathieu Kassovitz ou Rufus. Et il les aime tous, Jeunet, au-delà du grotesque ou du ridicule, il en fait de beaux héros, que magnifie encore un peu plus la musique de Yann Tiersen, la BO d’une époque.

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