Play it again, Sam

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Archive pour novembre, 2024

La VRP de choc (The First Traveling Saleslady) – d’Arthur Lubin – 1956

Posté : 24 novembre, 2024 @ 8:00 dans 1950-1959, EASTWOOD Clint (acteur), LUBIN Arthur, WESTERNS | Pas de commentaires »

La VRP de choc

« Well, I’m a lady »« You sure are, mâme ». Ce jeune soldat au grand sourire innocent, troublé comme un gamin maladroit devant les avances de Carol Channing, c’est Clint Eastwood, dans ce qui est l’un de ses rôles les plus conséquents d’avant Rawhide.

Il n’a qu’un second rôle, mais son nom apparaît en sixième position au générique (un rang plus loin que Francis in the navy, l’année précédente), et ses apparitions tout en niaisitude assumée sont incontournables pour tout fan de Clint. C’est d’ailleurs à peu près la seule raison valable de voir cette comédie westernienne qui n’a ni le côté trépidant d’un western… ni le côté simplement drôle d’une comédie.

La VRP de chox Clint

Il y a Ginger Rogers, quand même, dans le rôle de la première femme voyageuse de commerce, une sorte de militante des droits des femmes dans un monde très machiste, et dans un film très maladroitement féministe qui tape constamment à côté de la cible. Certes, les femmes y ont le dernier mot, mais toujours dans le cadre bien établi d’une relation traditionnelle dépendant largement des hommes : le mariage.

Tout ça est, tout de même, vaguement sympathique, et mené sans génie mais avec un certain rythme par Arthur Lubin, réalisateur mineur, mais important pour les débuts au cinéma (et à la télévision) d’Eastwood. Ce dernier étant la principale raison de revoir certains films d’un réalisateur dont les films sont, à quelques exceptions près (Impact surtout, mais aussi Des pas dans le brouillard), très dispensables. Dont celui-ci.

Au boulot ! – de Gilles Perret et François Ruffin – 2024

Posté : 23 novembre, 2024 @ 8:00 dans 2020-2029, DOCUMENTAIRE, PERRET Gilles, RUFFIN François | Pas de commentaires »

Au boulot

Il est un peu le Michael Moore français, en plus drôle et moins manipulateur, mais avec la même sincérité, et la même croyance dans la force du cinéma pour dénoncer, et pour tenter de réparer les injustices. Il est aussi le député de mon petit coin picard. Et même si je n’ai pas l’habitude de faire de la politique sur ce blog, je dois reconnaître être sorti de la salle avec une vraie fierté, en plus d’un large sourire.

Parce qu’on sort avec le sourire de ce film malin et redoutablement efficace, qui nous plonge dans le quotidien de vrais gens d’ici et là, de ceux dont Ruffin ne cesse de rappeler l’existence et les difficultés : un livreur de colis, un agriculteur, un bénévole du Secours Populaire, les ouvriers d’une usine de poissons, ou encore une aide-soignante… Autant de travailleurs aux revenus modestes (oui, surtout le bénévole) dont le regard de Ruffin et la caméra de son complice Gilles Perret soulignent l’humanité.

Pas de misérabilisme, mais un regard sans concession sur cette France invisibilisée et méprisée au quotidien par des chroniqueurs forts en gueule dans des médias aussi écœurants que CNews, C8 ou d’autres. En l’occurrence, c’est sur le plateau des Grandes Gueules de RMC que Ruffin a eu l’idée de génie qui donne son relief à ce nouveau film. En débattant avec Sarah Saldmann, « juriste » (comme elle se présente) et chroniqueuse habituée des avis très tranchés. Et très tranchants.

Les Smicards devraient déjà être contents de gagner 1300 euros, a-t-elle lancé en substance. Ça et ses propos sur les « feignasses », les « glandus » qui profitent des arrêts maladies au premier coup de froid, il n’en fallait pas plus (mais c’est déjà pas mal, reconnaissons le) au député-réalisateur pour lancer une invitation à cette grande bourgeoise parisienne : et si elle venait vivre la vie de ces Smicards ?

Il faut reconnaître à Sarah Saldmann un certain courage, ou une profonde inconscience. Ou à François Ruffin une capacité de conviction qui repose sans doute sur l’humanité qu’il dégage : pas de colère dans ses rapports avec la jeune femme, qui représente pourtant à peu près tout ce qu’il combat, mais une profonde envie de convaincre, et surtout de lever le voile sur ces glandus trop souvent résumés à leur catégorie sociale.

Bref : elle a accepté. Le film aurait sans doute existé sans elle, mais il n’aurait pas cette force comique et émotionnelle. Parce que le contraste entre la vie de l’avocate-chroniqueuse et celles qu’elle découvre dans son voyage à travers la France est saisissant, et qu’il est souvent source de sourires, et même de rires francs. C’est le regard de Ruffin qui veut ça, cette capacité qu’il a dans ses films de transformer la réalité sociale en comédie (ou le contraire) pour mieux pointer du doigt les réalités qui font mal.

Et c’est bouleversant, parce que les gens que filment Ruffin et Perret sont beaux. Derrière leurs visages parfois marqués, derrière leur élocution parfois hésitante, derrière les sourires pas dupes ou une dentition cachée qu’on n’a pas les moyens de refaire, c’est l’humanité dépouillée que dévoile le film. Il faut reconnaître que Ruffin a le sens du casting : ses « vrais gens » sont bouleversants de sincérité, de fragilité, d’humilité, et même de fierté, à l’image de cette magnifique aide-soignante qui, consciente de la dureté de son métier, le brandit comme un étendard, comme « le plus beau métier du monde ».

Sarah Saldmann elle-même est un personnage passionnant. Tellement décomplexée, tellement coupée des réalités dans son monde fait de brunchs et de défilés de mode, que sa découverte de ce qu’est réellement le quotidien de ceux qu’elle critique à longueur de chroniques sans avoir la moindre idée de ce qu’ils vivent est brutal, et même émouvant. Subrepticement arrachée à cette indécence médiatique dans laquelle est se vautre habituellement.

Elle en devient même étonnamment sympathique. C’est sans doute la magie du cinéma que de nous faire croire que tout est possible, que le vilain crapaud tout blond peut se transformer en altermondialiste enflammé. Bon… La réalité finit par se rappeler à notre bon souvenir, et Sarah Saldmann est virée avant la fin du tournage pour avoir refusé de critiquer les attaques d’Israël sur Gaza.

La fin du film n’est donc pas le « happy end » espéré par Ruffin et Perret, qui nous offrent toutefois une conclusion euphorisante et profondément émouvante sur la plage de Fort-Mahon (c’est sur la côte picarde), avec tapis rouge, champagne, et un sourire à la dentition parfaite qui nous file un shoot de joie et d’émotion comme on n’a rarement l’occasion d’en vivre au cinéma.

Lettres d’Iwo Jima (Letters from Iwo Jima / Iōjima kara no tegami) – de Clint Eastwood – 2006

Posté : 22 novembre, 2024 @ 8:00 dans 2000-2009, EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

Lettres d'Iwo Jima

Ne serait-ce que parce qu’il existe, Lettres d’Iwo Jima est un film exemplaire, et important. Y a-t-il, dans l’histoire du cinéma, une expérience comparable à celle que propose Clint Eastwood avec son diptyque sur la bataille d’Iwo Jima ? C’est fort possible, mais rien ne me vient à l’esprit. Pas, en tout cas, avec cette volonté d’adopter aussi radicalement des points de vue opposés.

C’était il y a pas loin de vingt ans, et la nouvelle en avait surpris plus d’un : après avoir officiellement lancé Mémoires de nos pères, Eastwood annonçait qu’il réaliserait un second film sur la guerre du Pacifique, et sur la même bataille, mais du point de vue des Japonais. Mieux : un film en Japonais, dont tous les personnages sont joués par des acteurs japonais, et où les Américains se contenteraient d’apparitions.

Ce choix pouvait laisser dubitatif, et laisser craindre une opération bonne conscience. Mais Lettres d’Iwo Jima vaut bien mieux que ça. Il n’a rien d’un simple complément au point de vue américain de son précédent film. A vrai dire, les deux films sont assez radicalement différents au niveau de la structure, et même de l’esprit. Mémoires de nos pères était une réflexion passionnante sur la figure du héros, avec une construction complexe qu’Eastwood reprendrait dans Sully. Lettres d’Iwo Jima, à l’opposée, adopte une narration très linéaire.

Linéaire, mais d’une grande richesse, et d’une extrême sensibilité, ce qui ne saurait désormais surprendre de la part du cinéaste. Ce qui peut un peu plus surprendre, c’est à quel point son film dénonce les horreurs et l’absurdité de la guerre, et de tout sentiment de patriotisme. De quoi balayer définitivement les caricatures encore souvent faites d’Eastwood. Américains ? Japonais ? Quelle différence, au fond…

Bien sûr, le film n’est pas si simpliste. Il n’élude pas, loin s’en faut, la fierté jusqu’au-boutiste d’un peuple qui avait élevé au rang de devoir national la nécessité de vaincre ou mourir au combat. Cet aspect mortifère est omniprésent, il est même le cœur battant de ce film bouleversant, qui concentre habilement le gâchis de cette guerre sur deux personnages principaux, très différents mais également tiraillés.

D’un côté, un jeune soldat sans expérience et sans envergure, Saigo (Kazunari Ninomiya), pour lequel la guerre se résume à creuser : creuser des tranchées inutiles sur une plage d’un noir d’encre, puis creuser d’interminables galeries dans lesquelles son destin va se jouer, comme s’il creuser sa propre tombe. Un gamin, presque, hanté par la promesse qu’il a faite à sa jeune épouse de rentrer vivant.

De l’autre, le général Kuribayashi (la star Ken Watanabe), propulsé à la tête de ces troupes chargées de défendre l’île si inamicale et stérile d’Iwo Jima. Très vite conscient qu’il n’y a pas d’autre issue que la mort, l’officier est pourtant hanté par ses années d’études passées aux États-Unis, par les amitiés qu’il s’y est faites, par l’absurdité de devoir tuer des hommes qui sont les ennemis de son pays, mais qu’il considère comme des frères.

Ces deux portraits qui ne cessent de se croiser sont l’armature de ce film déchirant, où la guerre n’est d’abord qu’une rumeur lointaine, dont on ne voit rien d’autre que les préparatifs des hommes pour une bataille que l’on sait être terrible (parce qu’elle est dans les livres d’histoire, et parce qu’on a en tête les images de Mémoires de nos pères). Eastwood prend son temps. L’irruption de la violence, soudaine et radicale, n’en est que plus saisissante.

Visuellement, le film est très proche de Mémoires de nos pères dans son absence presque totale de couleurs vives. Une tendance lourde alors, dans le cinéma d’Eastwood, qui tendait de plus en plus vers ce qui ressemble à du noir et blanc. Dans les tunnels sans fin d’Iwo Jima, l’effet est particulièrement saisissant, et souligne les visages fantomatiques de ces morts en marche, et la force de ce grand film de guerre humaniste.

Brisants humains (Away all boats) – de Joseph Pevney – 1956

Posté : 21 novembre, 2024 @ 8:00 dans 1950-1959, EASTWOOD Clint (acteur), PEVNEY Joseph | Pas de commentaires »

Brisants humains

Vie et déclin d’un navire de guerre… Ce pourrait être le titre de ce film de guerre presque naturaliste de la Universal, studio alors spécialiste des productions bon marché, qui a pour une fois cassé la tirelire pour ce qui est un relativement gros budget.

Relativement, parce que ce film sur la guerre du Pacifique, tourné une dizaine d’années après la fin du conflit, donne finalement peu de place aux scènes de combats. Il y a bien quelques échauffourées, et surtout une grande séquence assez spectaculaire d’attaque kamikaze, mais l’essentiel est ailleurs.

Dans les creux, en fait. En tout cas dans tout ce qui fait la vie à bord d’un tel navire, chargé de transporter les troupes vers les lieux des combats. Les premiers pas maladroits d’un équipage encore novice, l’attente, les amitiés et les inimitiés, et surtout la solitude du commandant, joué par la star maison Jeff Chandler.

Ce n’est certes pas le film le plus trépidant du genre. Joseph Pevney, d’ailleurs, n’a pas une réputation immense. Mais il se révèle un réalisateur habile et efficace, sans grande personnalité sans doute, mais capable de donner une vraie intensité quand il le faut. Il met en tout cas très « proprement » en images un scénario qui fait la part belle aux personnages.

La narration est parfaite, soulignant chaque individualité par ce qu’il accomplit (ou pas) plutôt que par des mots. C’est parfois sombre (le personnage de Chandler), mais souvent teinté d’humour (cet officier qui attend désespérément des nouvelles de sa femme enceinte), voire très léger (le marin chargé d’évacuer les déchets), mais toujours convaincant et pertinent.

Le réalisateur tire le meilleur d’acteurs souvent maison, aux tempéraments forts (Richard Boone, Charles McGraw, John McIntire) ou plus consensuels (George Nader, Julie Adams, Lex Barker), mais qui tous imposent leur personnalité sans étouffer le collectif de cet équipage, et de ce casting foisonnant.

Brisants humains Clint

Au passage, on remarque la courte apparition (un plan, mais aussi un dialogue) de Clint Eastwood, tout jeune en encore sous contrat avec la Universal, en infirmier très impliqué au côté du commandant dans la dernière partie, durant le grand morceau de bravoure du film.

Il y a beaucoup de petites idées originales qui font mouche, dont beaucoup soulignent la solitude et le dévouement du grand chef. Quand il tente de nouer la conversation avec des hommes trop occupés à lire des courriers de leurs proches qu’ils attendaient depuis si longtemps. Quand il tente, avec la parole et les gestes, d’écarter l’avion japonais qui se dirige droit vers le bateau…

Pas un chef d’œuvre, non. Mais avec cette attention portée aux détails, Away all boats se révèle original, convaincant, et très recommandable.

Histoires fantastiques : Vanessa (Amazing Stories : Vanessa in the garden) – s.1 e.12 – de Clint Eastwood – 1985

Posté : 20 novembre, 2024 @ 8:00 dans 1980-1989, COURTS MÉTRAGES, EASTWOOD Clint (réal.), FANTASTIQUE/SF, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Histoires Fantastiques Vanessa

Depuis la fin de Rawhide, Clint Eastwood n’a plus jamais retravaillé pour la télévision, comme il l’avait fait à plusieurs reprises à ses débuts, enchaînant les rôles plus ou moins importants dans des séries plus ou moins mémorables. A une exception près : la réalisation d’un épisode d’Histoires fantastiques, la série anthologique produite (et souvent écrite) par Steven Spielberg.

Vanessa in the garden est donc l’unique réalisation du cinéaste pour la télé. C’est aussi son unique court métrage, et la toute dernière fois qu’il dirige Sondra Locke, près de dix ans et six longs métrages en commun après Josey Wales. Tant qu’on est aux premières et aux dernières, c’est aussi l’unique participation d’Harvey Keitel à un film d’Eastwood.

L’acteur, pas dans sa période la plus glorieuse (c’était bien après Taxi Driver et bien avant La Leçon de piano), incarne un peintre à la fin du XIXe siècle, qui ne vit et ne peint que pour son épouse, Vanessa, jouée par Sondra Locke. Qui meurt écrasée à la suite d’un accident causé par un coup de tonnerre soudain.

Et voilà l’artiste incapable ni de vivre, ni de peindre, qui est bientôt sujet à d’étranges apparitions : Vanessa, qui semble reprendre vie dans les postures dans lesquelles son mari l’a peinte. Est-ce une hallucination ? Le peintre sombrerait-il dans la folie ? Ou y a-t-il de la magie là dedans… Qu’importe : c’est surtout, de nouveau et plus que jamais, une source d’inspiration sans fin pour l’artiste amoureux.

C’est un joli court métrage que signe Eastwood, dans une atmosphère un peu cotonneuse, presque évanescente, qui rappelle certaines scènes de Sudden Impact, le dernier long métrage dans lequel il dirigeait sa compagne d’alors. Pourtant, l’émotion qu’il a su faire naître dans quelques-uns de ses plus beaux films, de Breezy à Sur la route de Madison, reste très contenue, comme si ces vingt minutes étaient trop courtes pour qu’il puisse s’exprimer pleinement.

La musique y est peut-être pour quelque chose. Elle est pourtant signée par son fidèle complice Lennie Niehaus (mais avec le thème de John Williams, fidèle complice, lui, de Spielberg), mais n’a pas la délicatesse de ses meilleurs scores, comme calibrée pour donner une cohérence sonore, très datée années 80, à la série. Ça n’en reste pas moins une jolie curiosité.

Grace is gone (id.) – de James C. Strouse – 2008

Posté : 19 novembre, 2024 @ 8:00 dans 2000-2009, STROUSE James C. | Pas de commentaires »

Grace is gone

Très joli film que ce Grace is gone (et quel beau titre), parfait pour terminer une journée un peu éprouvante émotionnellement ! John Cusack, pas encore cantonné aux nanars direct-to-video, incarne un père un peu austère (franchement chiant, même), qui apprend que sa femme, militaire, a été tuée en Irak.

Incapable de l’annoncer à leurs filles, il décide de les emmener sur la route pour une virée inédite vers un grand parc d’attractions, pour leur apporter la joie et l’attention dont, au fond, il n’a jamais été capable jusqu’à présent.

Un sujet primesautier, donc, pour un film très délicat et très tendre, qui trouve vite son rythme après des premières minutes qui laissent dubitatifs, le jeune cinéaste James C. Strouse, dont c’est le premier long métrage, appuyant un peu lourdement sur la dimension austère du padre, campé par un Cusack très dans le ton.

Une fois sur la route, la douce petite musique s’installe, mélancolique et légère, et l’émotion retenue avec elle. En parlant de musique, Grace is gone est aussi le seul film dont Clint Eastwood a composé la bande son sans être derrière ni devant la caméra. Oui, LE Clint Eastwood, qui s’impliquait alors de plus en plus dans la musique de ses propres films.

Celle de Grace is gone, pour laquelle il a été nommé aux Golden Globes, serait d’ailleurs une sorte de prolongement de celle de Million Dollar Baby : des chutes musicales composées pour son film oscarisé, non utilisées, et développées pour l’occasion, après que Clint a été séduit par le scénario.

Difficile de dire à quel point il s’est impliqué dans ce projet, mais il a aussi cosigné la chanson qui clôt le film (sur des torrents d’émotion), et son fils Kyle a arrangé la bande son. La musique, si eastwoodienne avec ses notes de piano tout en sobriété, donne d’ailleurs au film un rythme et un ton qui ne peuvent pas ne pas évoquer les films de Clint.

The Blues : Piano Blues (id.) – de Clint Eastwood – 2003

Posté : 18 novembre, 2024 @ 8:00 dans 2000-2009, DOCUMENTAIRE, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

Piano Blues

Le documentaire occupe une place importante dans la carrière de Martin Scorsese. Il faudra, un jour, que ce blog se penche sur ce pan méconnu de sa filmographie. Il a notamment produit une série consacrée aux racines du blues : sept films confiés à autant de cinéastes (dont lui-même) passionnés par le genre.

La série se clôt par ce Piano Blues, signé Clint Eastwood, qui s’y met en scène interrogeant de grands pianistes pour ce qui est un grand cri d’amour au genre musical très large qu’est le blues autant qu’à l’instrument et à ceux qui lui consacrent leur vie.

Le procédé, dans un premier temps, semble assez rudimentaire : dans un studio, Clint accueille et interroge quelques grands pianistes, qui évoquent leurs premières influences, et se mettent aux claviers pour une sorte de bœuf entre amis, de nombreuses images d’archives mettant en scène lesdites influences.

Très classique, et assez banal finalement. Mais Clint est là. Et en interrogeant des pointures comme Ray Charles, Dave Brubeck, et d’autres grands moins unanimement connus comme Jay McShann ou Dr. John, ce sont ses propres souvenirs qu’il invoque : ses coups de cœur fondateurs du tournant des années 1950.

Et plus le film avance, plus il donne le sentiment de nous confronter à une source d’influence majeure de son cinéma, sorte de complément précieux à Honkytonk Man ou Bird, mais aussi porte d’entrée pour toute sa filmographie. De son premier film (Un frisson dans la nuit) à son implication dans la bande son de ses films plus récents, la musique est au cœur de la filmo de Clint, jusque dans les scores très jazzy de ses polars urbains.

Piano Blues est un jalon essentiel pour appréhender la cohérence de toute son œuvre, comme une porte ouverte vers la jeunesse et les passions les plus intimes du cinéaste. Passionnant.

Ne dites jamais adieu (Never say goodbye) – de Jerry Hopper (et Douglas Sirk) – 1956

Posté : 17 novembre, 2024 @ 8:00 dans 1950-1959, EASTWOOD Clint (acteur), HOPPER Jerry, SIRK Douglas | Pas de commentaires »

Ne dites jamais adieu

Le décor bourgeois, l’histoire mélodramatique, Rock Hudson, et même les couleurs chaudes du film… Difficile de ne pas penser aux chefs d’œuvre de Douglas Sirk devant ce mélo méconnu signé Jerry Hopper. Le fait que ce soit une production Universal (comme les classiques de Sirk) n’explique pas tout : Sirk a effectivement travaillé sur ce film, cédant son fauteuil de réalisateur pour se consacrer à Écrit sur le vent. Il a toutefois signé lui-même quelques scènes.

Never say goodbye n’atteint pas les sommets de ses chefs d’œuvre : il n’a pas la même puissance émotionnelle, ni la même emphase. Mais la parenté est indéniable, et le mélo se révèle aussi touchant que passionnant. A vrai dire, ce pourrait bien être le plus beau film de la primo-carrière de… Clint Eastwood.

Oui, le tout jeune Clint, encore totalement inconnu mais sous contrat pour la Universal, qui enchaîne les apparitions au cinéma ou à la télé sans vraiment retenir l’attention. Ici, on le voit une poignée de secondes dans les premières minutes du film, dans un rôle de laborantin qui rappelle curieusement sa toute première panouille, dans La Revanche de la créature. C’est surtout pour lui l’occasion de donner la réplique à Rock Hudson, ce qu’il fait avec un plaisir apparent et on le comprend : sur un CV, à cette époque, c’est assez classe…

Ne dites jamais au-revoir Clint

Cette apparition est toutefois très anecdotique. Et c’est bien Rock le héros du film. Un père aimant, vivant avec sa fille dans le souvenir de sa femme disparue depuis des années. Lors d’un voyage en Europe, ce médecin reconnu tombe par le plus grand des hasards… sur cette épouse qu’il croyait morte. Choc, mystère, flash-back… Tout commence en 1945 à Vienne, dans une ville divisée par le rideau de fer. C’est là que le jeune médecin américain rencontre la belle autrichienne qu’il épouse bientôt, jouée par l’Allemande Cornell Borchers.

Un enfant naît de leur amour. Mais le bel américain est aussi un mâle à l’ancienne, jaloux et peu attentif aux envies de sa jeune épouse. Pas vraiment sympathique, en fait, et même odieux lorsqu’il se persuade que sa belle le trompe avec son vieil ami artiste, très joli rôle pour George Sanders. Crise de jalousie et d’autorité, séparation… La jeune épouse se réfugie chez son père, de l’autre côté du rideau de fer, où elle se retrouve bientôt piégée, morte aux yeux de tous.

Le drame est déjà prenant, mais c’est dans la dernière partie que le mélodrame se révèle le plus intense : les retrouvailles de la disparue avec sa fille, persuadée que sa mère est morte, qui voit cette femme qui arrive avec son père comme une intruse, à qui elle refuse de donner son amour. On imagine bien comment tout ça finira, on ne peut pas dire qu’on soit transporté par l’émotion, mais l’histoire est jolie, les acteurs parfaits, et l’atmosphère particulièrement prenante. Beau mélo.

Bird (id.) – de Clint Eastwood – 1988

Posté : 16 novembre, 2024 @ 8:00 dans 1980-1989, EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

Bird

En 1988, quelques critiques ont eu une sorte de révélation. Quoi ? Clint Eastwood, cette star habituée aux rôles de gros bras, est aussi capable de réaliser une œuvre aussi sensible que Bird ? Le film a définitivement entériné aux yeux des derniers réfractaires qu’Eastwood était un cinéaste important. Il aura fallu du temps, et pas mal d’aveuglement : après tout, dès son troisième film derrière la caméra, le merveilleux Breezy, Clint dévoilait une immense sensibilité. Passons…

Avec Bird, Eastwood franchit, il est vrai, une nouvelle étape. Jusqu’alors, ses films tournaient autour de personnages qui lui ressemblaient, ou au moins dont ils pouvaient être l’interprète idéal. L’unique exception était justement Breezy, mais pour un rôle qu’il n’a cédé à William Holden que parce qu’il estimait être encore trop jeune lui-même. Ce n’est pas le cas de Bird, film dont la plupart des personnages sont des musiciens noirs. C’est pourtant l’un de ses films les plus personnels.

Celui, en tout cas, qui lui tenait le plus à cœur, acceptant même deux films d’action de commande (suivant sa logique de l’époque) pour pouvoir le réaliser : un cinquième Dirty Harry et le triste Pink Cadillac. Amoureux de jazz depuis toujours, Eastwood a souvent donné à ses polars notamment des airs jazzy. Pas étonnant, donc, que son premier biopic soit consacré à l’un de ses héros : Charlie Parker, saxophoniste à la trajectoire fulgurante et tragique, mort à 34 ans à l’époque, forcément fondatrice, où le jeune Clint faisait ses premiers pas à l’écran.

Eastwood a connu l’ambiance de ces clubs de jazz, qu’il reconstitue si bien à l’écran. Mieux que des reconstitutions d’ailleurs : il nous y embarque, avec une mise en scène au plus près des musiciens, fiévreuse et passionnée. Il y a beaucoup de musique dans Bird, mais les nombreuses séquences ne donnent jamais le sentiment de se répéter, la virtuosité d’Eastwood épousant la liberté des musiciens et leurs improvisations magnifiques et enflammées.

Les grands connaisseurs du jazz ont un peu tiqué, paraît-il. N’étant pas de ceux-là, la vision de Bird est une expérience sensorielle assez fascinante et enthousiasmante. Et douloureuse, tant Eastwood nous plonge aussi dans les affres du génie Charlie Parker, musicien habité mais être humain hanté par ses démons : la drogue, l’alcool, et un mal-être qu’il trimballe jusque dans le couple qu’il forme avec son épouse (Diane Venora, magnifique, qu’Eastwood dirigera de nouveau dans Jugé coupable).

Forest Whitaker est lui aussi habité, incarnant parfaitement la fièvre créatrice de Bird et ses addictions mortifères. Ces addictions qui sont au cœur du film, dont l’intrigue se concentre sur les derniers mois de la vie de Charlie Parker. Mieux qu’un biopic traditionnel, Bird est un film sur un génie en bout de course, dont le parcours n’est évoqué que par de brefs flash-backs parfaitement distillés. Son enfance, par exemple, se résume à quelques images muettes dans les premières minutes du film. Pas besoin de plus pour comprendre le milieu d’où vient Charlie.

Passionnant, déchirant, douloureux et admirablement construit, filmé et interprété (Whitaker n’a pas volé son prix d’interprétation à Cannes, Eastwood aurait fait un bien beau prix de la mise en scène), Bird reste l’un des sommets de la carrière du grand Clint. Le plus beau, peut-être, des films dont il n’est pas lui-même l’interprète.

Les Sorcières (Le Streghe) – de Luchino Visconti, Mauro Bolognini, Pier Paolo Pasolini, Franco Rossi, Vittorio De Sica – 1966

Posté : 15 novembre, 2024 @ 8:00 dans 1960-1969, BOLOGNINI Mauro, DE SICA Vittorio, EASTWOOD Clint (acteur), PASOLINI Pier Paolo, ROSSI Franco, VISCONTI Luchino | Pas de commentaires »

Les Sorcières

Silvana Mangano en star de cinéma rêvant d’une vie de femme. Silvana Mangano en conductrice taiseuse. Sivana Mangano en apparition angélique. Silvana Mangano en vengeresse sicilienne. Silvana Mangano en épouse frustrée… La star semble être la raison d’être de ce film à sketchs produit par Dino de Laurentiis, qui était alors son mari.

C’est aussi l’une des affiches les plus excitantes de ce genre alors très en vogue en Italie : Visconti, Pasolini, De Sica, Rossi et Bologini derrière la caméra, Ennio Morricone à la partition, et quelques-unes des vedettes les plus en vue de ce côté là des Alpes devant la caméra, d’Annie Girardot à Toto en passant par… Clint Eastwood. Eh oui. Le résultat est, disons, inégal.

La sorcière brûlée vive (La strega bruciata viva) – de Luchino Visconti

Le premier sketch, le plus long, est d’une cruauté mordante. Une actrice célèbre passe la soirée dans une grande maison à la montagne, entourée « d’amis ». Les guillemets sont de rigueur, tant la star est ramenée à son statut déshumanisé, méprisée et jalousée par les femmes, convoitée par les hommes. Seule l’hôtesse jouée par Annie Girardot semble voir la femme derrière le fard.

C’est d’ailleurs lorsque la star est dépouillée de son maquillage qu’elle peut s’autoriser à laisser parler son humanité, sa volonté d’exister au-delà de ce statut figé auquel tout le monde la renvoie constamment. La cruauté de ces rapports est renforcée par l’apparente légèreté de cette soirée, où la musique et les rires sont omniprésents.

Très joliment photographié, avec une lumière chaude et tamisée propice à l’intimité, mais aussi aux comportements les plus débridés, ce segment signé Visconti est une vraie réussite, et offre à Silvana Mangano un très beau rôle.

Sens civique (Senso civico) – de Mauro Bolognini

Le deuxième segment, signé Mauro Bologni, est nettement plus léger (et le plus court de tous), pas moins ironique, mais plus anodin. Silvana Mangano est ici une automobiliste coincée à cause d’un accident, qui propose d’emmener un chauffeur blessé à l’hôpital. Elle traverse alors Rome à toute allure (des scènes qui semblent avoir été tournées en condition réelle), passant les hôpitaux les uns après les autres…

Tout repose sur le petit twist final, et sur le verbiage incessant du blessé joué par Alberto Sordi, qui se plaint d’être mourant tout en laissant transparaître sa nature profonde lors d’un bref moment de lucidité : « Mais vous êtes une femme ! Ah, si je n’étais pas blessé… » Six minutes montre en main, suffisant pour livrer une vision pas glorieuse des rapports femmes/hommes.

La Terre vue de la lune (La Terra vista dalla luna) – de Pier Paolo Pasolini

C’est une vraie farce qu’écrit et réalise Pasolini, tout au service de Toto, la star comique incontournable du cinéma italien. Affreux, bêtes et méchants… Ce pourrait être le titre de ce segment régressif dont l’humour peine à convaincre, tout comme les parti-pris esthétiques d’une laideur assumée : décors périurbains sans charme, couleurs criardes, costumes et maquillages comme sortis d’un mauvais dessin animé.

Silvana Mangano, curieusement en retrait cette fois, incarne une sorte d’apparition angélique, sourde et muette qui semble répondre aux attentes de Toto et de son fils, en quête de la femme idéale depuis qu’ils ont enterré leur femme et mère lors de la scène inaugurale, joyeusement cynique. Difficile de prendre ça au sérieux, quand même.

La Sicilienne (La Siciliana) – de Franco Rossi

La rupture de ton est radicale : Rossi filme ce très court segment d’une manière particulièrement dramatique, avec gros plans, jeux d’ombres et montage serré. Le style est presque brutal, mais la musique très présente n’y trompe pas : l’ironie est encore au cœur de cette histoire de vengeance sicilienne.

Mangano, tout en excès dramatiques, joue avec les sentiments exacerbés de l’île jusqu’à une tuerie finale et de grands cris éplorés dont l’outrance tranche radicalement avec l’intensité visuelle du film. Plutôt percutant, mais comme une simple parenthèse avant l’ultime segment, nettement plus riche.

Une soirée comme les autres (Una sera come le altre) – de Vittorio De Sica

Le film se termine en beauté avec le segment le plus original. Peut-être pas le plus intense, ni même le plus profond, mais le plus original. Et accessoirement celui pour lequel Les Sorcières a trouvé une place dans quelques livres de cinéma : parce que c’est dans ce segment, sous la direction de Vittorio De Sica, que la très jeune star Clint Eastwood a trouvé son premier rôle à contre emploi.

Parce que non, sa carrière italienne ne se limite pas aux trois westerns de Sergio Leone : avant de tourner Le Bon, la brute et le truand, Clint a joué dans ce film à sketch, apparaissant dans le générique de début portant chapeau de cowboy et revolvers à la main, mais tout sourire. Une vision très ironique, tant son personnage est aux antipodes de l’homme sans nom.

Il incarne ici le mari particulièrement ennuyeux et casanier de Silvana Mangano, épouse qui rêve de retrouver la flamme de la jeunesse, contrainte de partager le quotidien d’un mari qui ne pense qu’à se reposer, manger et boire son verre de whisky avant d’aller se coucher pour être dispo le lendemain matin pour une nouvelle journée de travail.

Sa prestation de bonnet de nuit est assez réjouissante, face aux airs joliment désespérés de Mangano, touchante et passionnée. Mais ce segment séduit surtout par les scènes très cartoonesques mettant en scène les fantasmes de l’épouse, qui imagine son mari se faire rudoyer ou retrouver une virilité éteinte, ou qui se voit en grande séductrice avec tous les hommes à ses pieds.

Les Sorcières se termine en beauté avec ce segment, qui est aussi l’une des curiosités les plus oubliées de la filmographie de Clint Eastwood. Rien que pour ça…

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