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Le Visage derrière le masque (The Face behind the mask) – de Robert Florey – 1941

Posté : 5 juillet, 2023 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, FLOREY Robert | Pas de commentaires »

Le Visage derrière le masque

Il y a quand même du bon dans le cinéma hollywoodien de ces années-là : un savoir-faire incomparable, une beauté formelle, une authenticité jusque dans les plus grands excès, et une manière d’oser la concision. Oui, on peut rétorquer que cette concision peut être liée à l’existence de double-programmes. Mais qu’importe. Le fait est que, en 1h09 d’une extrême densité, Robert Florey nous offre un récit qui, aujourd’hui, donnerait lieu à un film fleuve de trois heures, à une franchise, à une mini-série… ou à rien du tout.

Bref : 1h09 d’un destin sombre, tragique, humain et très émouvant, sans une minute de flottement, sans rien à jeter. 1H09 d’un cinéma puissant et simple à la fois, direct et intense, et d’une grande force visuelle. Robert Florey est un cinéaste intéressant, à défaut d’avoir une signature immédiatement reconnaissable. Un cinéaste qui sait glisser son talent au service de son histoire.

Les audaces visuelles de ce film-ci n’ont jamais rien de gratuit : elles épousent le regard de son personnage principal, immigrant polonais dont le sourire de gamin est effacé brutalement par un incendie qui le laisse défiguré. La mise en scène de Florey évolue en même temps que l’état d’esprit du personnage : légère et pleine d’allant lors des premiers en Amérique, profondément sombre après l’accident, intense et inquiétante lorsque le bon immigré devient gangster…

L’immigré, c’est Peter Lorre, dans l’un de ses rôles les plus riches. Complexes, aussi, constamment tiraillé entre l’anti-héros tragique, le romantique plein d’espoir, et le cynique résigné et déterminé. Il apparaît le visage ouvert et bienveillant. Il se découvre défiguré et inregardable, dans un état que la caméra de Florey ne dévoile jamais frontalement, jouant avec l’obscurité et ses cadrages pour susciter l’imagination la plus macabre.

Ce qui commençait comme une chronique pleine d’optimisme sur le rêve américain tourne alors au film d’horreur. Mais d’autres genres sont abordés : le film policier, le suspense, et même la romance qui ouvre les portes d’un possible happy end, lorsque l’homme inregardable, malgré son masque de normalité, rencontre une femme qui ne peut voir… 1h09 d’un cinéma puissant et généreux, porté par un acteur qui a rarement eu l’occasion de dévoiler autant de facettes de son talent.

La Quatrième dimension (The Twilight Zone) – créée par Rod Serling – saison 1 – 1959/1960

Posté : 5 février, 2022 @ 8:00 dans 1950-1959, 1960-1969, BARE Richard L., BRAHM John, CLAXTON William F., COURTS MÉTRAGES, FANTASTIQUE/SF, FLOREY Robert, GANZER Alvin, HEYES Douglas, LEISEN Mitchell, PARRISH Robert, REISNER Allen, ROSENBERG Stuart, SERLING Rod, SMIGHT Jack, STEVENS Robert, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

[pilote et épisodes 1 à 20]

La Quatrième dimension 1 The Time Element

The Time Element (pilote)

* pilote : The Time Element (id.) – réalisé par Allen Reisner

Ce n’est pas encore tout à fait The Twilight Zone : le célèbre générique et la voix du créateur et scénariste Rod Serling sont encore absents. Mais The Time Element, diffusé dans le cadre du programme Westinghouse Desilu Playhouse, est considéré comme le pilote de la série. Ses qualités incontestables vont propulser le show, qui deviendra très vite l’une des plus éclatante réussites de l’histoire de la télévision.

Plus long qu’un épisode classique (près d’une heure ici), ce moyen métrage se base, comme beaucoup d’épisodes par la suite, sur un thème récurrent du cinéma fantastique, en l’occurrence le voyage dans le temps. Mais sur un mode inattendu : c’est lorsqu’il rêve que le personnage interprété par William Bendix est propulsé une quinzaine d’années en arrière, à la veille de l’attaque des Japonais sur Pearl Harbor, rêve récurrent qu’il raconte à un psychiatre, joué par Martin Balsam.

Les scènes dans lesquelles ce dernier apparaît ne sont pas les plus pertinentes : le film aurait sans doute gagné en intensité en se concentrant uniquement sur l’expérience de ce vétéran confronté à ce qu’il sait être une tragédie à venir. D’ailleurs, les allers-retours passé-présent sont de moins en moins nombreux, et l’intrigue se recentre de plus en plus sur la partie se déroulant en 1941. La plus passionnante, et la plus tendue.

* 1 : Solitude (Where is everybody ?) – réalisé par Robert Stevens

Le véritable « pilote » n’ayant pas été diffusé, c’est avec cet épisode que les spectateurs français ont découvert cette série mythique. Et d’emblée, tout ce qui fera le succès du show est déjà là : cette manière de faire naître l’angoisse de nulle part, de transformer le quotidien en cauchemar éveillé, sans grosses ficelles, sans gros moyens, juste avec des histoires intrigantes ou dérangeantes, et une mise en scène soignée.

Ce premier épisode se base sur un motif que l’on retrouvera au cours des saisons à venir : un homme, amnésique, se retrouve dans une ville dont tous les habitants semblent s’être évaporés. D’abord amusé, puis étonné, il réalise peu à peu l’horreur de sa situation. Le film doit d’ailleurs beaucoup à l’interprétation d’Earl Holloman, seul à l’écran la plupart du temps, et excellent.

La réussite repose aussi sur la manière dont le personnage est constamment contraint par les objets qui l’entourent, et qui l’enferment avec un sentiment grandissant de menace : un vélo qui le fait trébucher, une cabine téléphonique qui refuse de le faire sortir, une porte de prison qui semble vouloir le retenir, des présentoirs qui tournent sur eux-mêmes comme s’ils le dévoraient…

Avec sa conclusion trop explicative, Rod Serling, le créateur et scénariste du show, ne va pas au bout de la logique qui sera celle des épisodes et des saisons à venir, et fait un peu retomber la pression. Mais ce coup d’essai est pour le moins plein de promesses.

* 2 : Pour les anges (One for angels) – réalisé par Robert Parrish

Changement de ton avec cette variation tendre et gentiment cruelle sur le thème de la Mort qui vient chercher sa victime. La Grande Faucheuse est bien loin de l’intraitable incarnation du Septième Sceau, et a ici les traits avenants et compréhensifs et le costume impeccable de Murray Hamilton (qui sera le maire cynique des Dents de la mer). Quant à celui dont l’heure a sonné, c’est Ed Wynn, en vieux colporteur au grand cœur, qui pense avoir trouvé le truc infaillible pour sauver sa peau.

Sauf que tricher avec la Mort n’est pas sans conséquence. Et pour faire simple, il réalise bientôt que le sursis dont il dispose pourrait bien coûter la vie à une fillette. Au-delà de ses ressors plutôt rigolos (la Mort est transformée en acheteur compulsif par le bagout du vieil homme), le film parle du temps qui passe, de la trace que l’on laisse, et de l’acceptation de sa propre mort.

La Quatrième dimension 1 Souvenir d'enfance

Souvenir d’enfance (Walking distance)

* 3 : La Seconde chance (Mr. Denton on Doomsday) – réalisé par Allen Reisner

Excellente variation sur le thème westernien du tireur rattrapé par sa réputation. Dan Duryea y est formidable dans le rôle d’un alcoolique pathétique hanté les morts dont il a été responsable par le passé, et torturé par un Martin Landau parfaitement odieux, tout de noir vêtu.

Comme dans l’épisode précédent, le fantastique prend la forme d’une apparition mystérieuse : celle d’un colporteur au regard affûté et au verbe rare nommé « Faith » (destin). Plus qu’un film sur la chance ou le destin, cet épisode très réussi est aussi une réflexion bienveillante sur le libre arbitre.

* 4 : Du succès au déclin (The Sixteen-millimeter Shrine) – réalisé par Mitchell Leisen

Une actrice, star déchue, vit recluse dans sa villa où elle passe ses journées à revoir ses vieux films. La parenté avec Sunset Boulevard est évidente, et parfaitement assumée. Ida Lupino, dans le rôle principal, est une sorte de double bouleversante de Norma Desmond, qui finirait par réaliser le fantasme du personnage imaginé par Billy Wilder.

Un plan, magnifique, résume bien la réussite de cet épisode : dans le salon obscur transformé en salle de projection, l’actrice surgit de derrière l’écran, comme si elle en sortait… La frontière entre le passé et le présent, la difficulté d’accepter le temps qui passe : tout est dans ce plan. Une nouvelle réussite, avec aussi Martin Balsam et Ted De Corsia.

* 5 : Souvenir d’enfance (Walking Distance) – réalisé par Robert Stevens

Voilà l’un des classiques qui ont fait la grandeur de Twilight Zone (et qui ont marqué mon enfance) : l’histoire d’un homme (Gig Young) qui fuit une vie qu’il trouve insupportable et se retrouve dans la petite ville où il a grandi et où il n’a plus mis les pieds depuis 20 ans… avant de réaliser qu’il est aussi revenu 20 ans en arrière, à l’époque de son enfance.

Délicieusement nostalgique, cet épisode est une merveille, qui illustre le désir de beaucoup de retrouver ses souvenirs d’enfance. Très émouvant, par moments franchement bouleversant (le dialogue final avec son père, le milk-shake à trois boules…), mais pas passéiste pour autant, Souvenir d’enfance fait partie des chefs d’œuvre de la série.

La Quatrième dimension 1 Question de temps

Question de temps (Time enough at last)

* 6 : Immortel, moi jamais ! (Escape Clause) – réalisé par Mitchell Leisen

Première petite déception pour cette série jusqu’ici impeccable. Pas que cette variation sur le thème de l’âme vendue au diable soit un ratage : son parti-pris est même plutôt rigolo, avec ce type odieux pour qui le monde entier tourne autour de sa petite personne. Mais le personnage (interprété par David Wayne) est totalement monolithique, sans l’once d’une fêlure dans la carapace. Difficile dans ces conditions de s’identifier, ou même de ressentir une quelconque émotion.

Mais l’histoire de cet homme qui acquiert l’immortalité sans trop savoir quoi en faire s’achève par l’un de ces twists dont Rod Serling a le secret. Et le diable a l’apparence bonhomme de l’excellent Thomas Gomez. Rien que pour ça…

* 7 : Le Solitaire (The Lonely) – réalisé par Jack Smight

Un homme condamné pour meurtre vit seul en exil sur un astéroïde à des milliers de kilomètres de la Terre. Un jour, l’officier qui le ravitaille lui apporte un robot qui ressemble trait pour trait à une femme de chair et d’os, avec des sensations et des émotions…

Fidèle à ses habitudes, la série rejette toute idée de spectaculaire : le décor est celui, banal, d’une région désertique, avec ses grands espaces, une petite cahute un peu minable, et même un vieux tacot qui ne roule pas. Au milieu, Jack Warden, excellent dans le rôle d’un homme rongé par la solitude, qui réapprend à vivre au contact de ce robot si humain.

Ce joli épisode très émouvant est une belle réflexion sur la nécessité de vivre en société, et sur la nature des sentiments. Très juste, et porté par la belle musique de Bernard Herrmann.

* 8 : Question de temps (Time enough at last) – réalisé par John Brahm

Voilà peut-être l’épisode qui m’a le plus marqué dans ma jeunesse. Et même sans la surprise du terrible rebondissement final, il faut reconnaître que ce petit bijou garde toute sa force. Et quelle interprétation de la part de Burgess Meredith, formidable en petit homme à lunettes amoureux fou des livres, contraint de lire en cachette pour éviter les remontrances de son patron et de sa femme (à ce propos, j’étais persuadé qu’on le voyait lire les étiquettes des bouteilles à table, alors qu’il ne fait que le mentionner).

En moins de trente minutes, John Brahm raconte le triste et banal quotidien de ce doux rêveur, et le confronte à l’apocalypse, faisant de lui le dernier homme sur terre. Son errance est alors déchirante, puis enthousiasmante, puis pathétique. Beau, émouvant, et d’une grande justesse : un petit chef d’œuvre.

La Quatrième Dimension 1 La Nuit du jugement

La Nuit du jugement (Judgment Night)

* 9 : La Poursuite du rêve (Perchance to dream) – réalisé par Robert Florey

Un homme arrive chez un psychiatre et lui explique qu’il est éveillé depuis près de quatre jours : s’il s’endort, il meurt… Un point de départ très intriguant pour cet épisode qui ne tient pas totalement ses promesses. Le propos est un peu confus, et part vers plusieurs directions différentes avant de se focaliser sur les mystères des rêves.

Cela dit, cet épisode illustre parfaitement l’économie de moyen propre à la série, qui sait créer une atmosphère d’angoisse à partir d’éléments du quotidien. Il offre aussi un beau rôle à l’excellent Richard Conte, face à un John Larch plus en retrait. Quant aux scènes de rêve, qui occupent une grande partie de la seconde moitié, elles sont à la fois sobres et joliment stylisées.

* 10 : La Nuit du jugement (Judgment Night) – réalisé par John Brahm

Un homme se réveille sur un bateau naviguant sans escorte en 1942, dans une mer infestée de sous-marins allemands… Qui est-il ? Comment est-il arrivé là ? Lui-même ne s’en souvient pas. Mais il a bientôt la certitude, de plus en plus précise, d’une catastrophe qui approche.

On retrouve le John Brahm de The Lodger dans cet épisode passionnant et particulièrement angoissant, avec ces images nocturnes baignés de brume. Comme dans ses films noirs des années 40, Brahm fait du brouillard le décor cinématographiquement idéal pour faire naître la peur : quoi de plus effrayant que ce qu’on ne peut pas voir ?

Une grande réussite, portée par l’interprétation habitée de Nehemiah Persoff. A noter l’apparition, dans un petit rôle, du futur John Steed de Chapeau melon, Patrick McNee.

* 11 : Les trois fantômes (And when the sky was opened) – réalisé par Douglas Heyes

Richard Matheson a imaginé une histoire particulièrement flippante pour cet épisode, réalisée très efficacement : trois astronautes survivent miraculeusement au crash de leur appareil. Peu après, l’un d’eux disparaît subitement, et c’est comme s’il n’avait jamais existé : seul l’un de ses camarades se souvient de lui.

C’est du pur Twilight Zone, un cauchemar éveillé dérangeant et réjouissant à la fois. Dans le rôle principal, Rod Taylor, futur adversaire des Oiseaux devant la caméra de Hitchcock, affronte ici une menace aussi angoissante, aussi mystérieuse, et nettement moins palpable.

La Quatrième Dimension 1 Quatre d'entre nous sont mourants

Quatre d’entre nous sont mourants (The four of us are dying)

* 12 : Je sais ce qu’il vous faut (What you need) – réalisé par Alvin Ganzer

Un vieux marchand ambulant a le don de voir l’avenir de ses clients, et sait d’avance ce dont ils ont vraiment besoin. Une jolie idée, qui donne lieu à une belle séquence d’introduction, pleine d’une bienveillance à la Capra : un ancien joueur de base-ball et une jeune femme solitaire se voient offrir grâce au vieil homme une seconde chance.

Mais le personnage principal est un sale type, qui voit rapidement le bénéfice qu’il peut tirer de ce don. La bienveillance disparaît alors pour laisser la place à un petit suspense, et surtout à un face-à-face ironique, et plus du tout bienveillant pour le coup. Une réussite, modeste et surprenante à la fois.

* 13 : Quatre d’entre nous sont mourants (The four of us are dying) – réalisé par John Brahm

Il suffit d’un plan pour se rendre compte que cet épisode-là est mis en scène par un grand cinéaste. Plan désaxé, néons omniprésents qui soulignent le poids de la grande ville… John Brahm, qui avait définitivement abandonné le cinéma pour la télévision, s’empare d’un scénario malin mais un peu bancal pour signer un petit film stylisé et fascinant.

L’idée est très originale : un homme a le don de changer de visage comme il le souhaite, et en profite pour prendre l’identité d’hommes décédés récemment. Mais les épisodes s’enchaînent sans qu’on y croit réellement. Brahm semble nettement plus intéressé par l’atmosphère que par l’histoire, et se montre particulièrement inspiré.

Les scènes en extérieurs, surtout, sont formidables, avec ces décors à la limite de l’expressionnisme, qui tranchent avec des intérieurs nettement plus sages et donnent au film un rythme et un esprit étonnants et séduisants.

* 14 : Troisième à partir du soleil (Third from the sun) – réalisé par Richard L. Bare

C’est sans doute le thème qui caractérise le mieux le show : la paranoïa autour de la bombe H, la peur de l’apocalypse… Dans cet épisode, ce thème est traité avec une simplicité de moyen et une efficacité brute qui forcent le respect. Soit : deux familles qui savent que le monde est sur le point d’être anéanti par l’arme nucléaire, et qui décident de partir vers une autre planète à bord d’un engin top secret…

La majeure partie du métrage se déroule à huis-clos dans un intérieur tout ce qu’il y a de plus classique : une simple maison de banlieue où la tension devient de plus en plus forte. Gros plans, contre-plongées, montage au cordeau… Richard Bare filme ses six personnages au plus près en mettant particulièrement en valeur les lourds silences, les non-dits inquiétants. Et quand il prend la route, c’est avec une série de plans hallucinés et désaxés sur une voiture en mouvement, irréels et pesants.

On en oublierait presque le twist final, aussi simple que réjouissant. Cet épisode est une leçon de mise en scène, ou comment réaliser un grand film d’angoissant avec zéro moyen.

La Quatrième Dimension 1 La Flèche dans le ciel

La Flèche dans le ciel (I shot an arrow into the air)

* 15 : La Flèche dans le ciel (I shot an arrow into the air) – réalisé par Stuart Rosenberg

Une fusée disparaît des radars quelques minutes après son lancement. Les survivants ignorent tout du lieu particulièrement hostile où ils se sont crashés, et tentent de s’organiser pour leur survie…

Il y a une idée particulièrement forte au cœur de cet épisode. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on la voit venir à des kilomètres, cette idée qui constitue le twist final et dont on ne dira donc rien ici. Le plus gênant, c’est que la manière n’est pas non plus à la hauteur. En tout cas pas vue par des yeux d’aujourd’hui : l’équipage et ses rites paraissent bien vieillots.

Reste quand même une dernière scène qui frappe par sa tension, alors que, justement, on a compris depuis longtemps la surprise finale qu’elle nous réserve.

* 16 : L’Auto-stoppeur (The Hitch-hiker) – réalisé par Alvin Ganzer

Une jeune automobiliste qui traverse les Etats-Unis échappe à un accident après qu’un de ses pneus a explosé. En reprenant la route, elle ne cesse de voir un mystérieux auto-stoppeur qui semble la suivre, voire la précéder…

Inger Stevens est formidable dans le rôle de cette jeune femme qui sombre dans une sorte de cauchemar éveillé, au bord de la folie. Un excellent épisode dont les premières minutes sont absolument glaçantes, et qui n’est gâché par moments que par une inutile voix off, qui sonne comme un aveu d’impuissance de la part d’un réalisateur pas sûr de la force de sa seule mise en scène.

Il a tort : L’Auto-stoppeur est un road-movie inquiétant dont les parti-pris (la simplicité, la forme, le décor) annoncent le Duel de Spielberg, grand fan de Twilight Zone (il co-réalisera l’adaptation cinéma, bien des années plus tard). Pas sûr que ce soit un simple hasard.

* 17 : La Fièvre du jeu (The Fever) – réalisé par Robert Florey

Un homme très droit, qui place la morale au-dessus de tout. Jusqu’à ce que sa femme gagne un week-end tout frais payé dans la capitale du péché. Las Vegas, dont la fièvre se résume ici à une unique salle de jeux, et surtout à une machine à sous, qui serait banale et anodine si elle ne tapait à ce point dans l’oeil de cet homme si droit, si moralisateur, et finalement si faible.

C’est une critique finalement elle aussi très morale du monde du jeu que signe Robert Florey, sur un scénario du maître des lieux Rod Serling. Jouer pour de l’argent, c’est mal. C’est flagrant, et franchement radical. Trop radical, trop brutal, pour être totalement convaincant, mais Everett Sloane, filmé en très gros plans suintants, est formidable dans le rôle principal. C’est la vision de son visage, de plus en plus proche et fiévreux, qui crée le malaise et l’angoisse.

La Quatrième Dimension Infanterie Platon

Infanterie  »Platon » (The Purple Testament)

* 18 : Le Lâche (The Last Flight) – réalisé par William F. Claxton

The Last Flight ne tient que sur cinq minutes, les dernières : un paradoxe temporel assez vertigineux sur lequel on aurait bien du mal à mettre des mots. Essayons quand même : un pilote anglais de 1917, qui a atterri sur une base américaine en 1959, réalise qu’il doit repartir à son époque avant que n’atterrisse un officier qui fut son équipier 42 ans plus tôt, et que lui seul aurait pu sauver de la mort. S’il reste là à l’attendre, alors l’aura n’aura pas pu être sauvé.

Belle pirouette tardive, pour un épisode qui commence assez mollement, avec ce voyage dans le temps qui semble déjà bien éculé. Willam F. Claxton fait le job avec un métier indéniable, mais sans éclat, sans cette petite étincelle de mystère qui caractérise tant de moments de la série. Plaisant tout au plus jusqu’au final, qui nous laisse sur une impression nettement plus consistante. In fine.

* 19 : Infanterie « Platon » (The Purple Testament) – réalisé par Richard L. Bare

Un cauchemar comme on les aime dans Twilight Zone : simple et terrifiant à la fois, dépouillé et profondément humain. En l’occurrence le destin d’un officier américain en 1945, dans le Pacifique, qui sait juste en regardant les visages lesquels des soldats qui l’entourent vont mourir dans les batailles à venir. Idée formidable, traitement proche de l’épure, avec un simple halo de lumière qui éclaire les visages.

La force de ce bel épisode, puissant et marquant, réside dans le point de vue, qui ne quitte que rarement celui de l’officier en question. Si le rebondissement final est franchement attendu, tout ce qui précède est beau, car dénué d’effet facile : cet épisode est à hauteur d’homme, et c’est par le regard du personnage principal (William Reynolds) que tout passe : l’horreur, la peur, la fatalité… la résignation d’un homme qui côtoie la mort depuis trop longtemps.

* 20 : Requiem (Elegy) – réalisé par Douglas Heyes

Trois astronautes perdus dans l’espace, à cours de carburant, atterrissent sur une planète inconnue qui ressemble étrangement à la terre, mais où le temps semble s’être arrêté 200 ans plus tôt.

Episode assez banal et bancal. La série nous avait déjà fait le coup de l’ersatz de notre planète, en plus inspiré. Le scénario est plutôt mystérieux, et quelques plans tournant autour de la population figée sont assez beaux, l’apparition d’un Cecil Kellaway rigolard est réjouissante. Mais la réalisation de Douglas Heyes manque de folie, et la révélation finale a quelque chose d’approximatif, pas franchement convaincant.

Le Blanc et le noir – de Robert Florey et Marc Allégret – 1930

Posté : 3 mars, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, ALLEGRET Marc, FLOREY Robert | Pas de commentaires »

Le Blanc et le noir

Adaptée d’une pièce de Sacha Guitry, dont elle garde la structure en quatre actes et l’unité de lieu, cette comédie a cette particularité de moins faire rire que glacer le sang par la cruauté hallucinante des situations, et par un cynisme dont on a un peu de mal à définir s’il est assumé au troisième degrés ou s’il est le fruit d’une vision de blanc condescendant (pour rester soft). Peut-être un peu des deux…

Un couple de bourgeois s’engueule. Neuf mois plus tard, la femme accouche d’un bébé noir. L’homme décide de tout faire pour cacher la vérité à sa femme (qui n’a pas encore vu le bébé) et fait appel à l’assistance publique pour échanger l’enfant avec un bon petit blanc, bien rose, sous le regard approbateur de ses amis et du médecin de famille.

« Il serait bicéphale… ou hermaphrodite… il n’y aurait rien à dire… Mais un noir ! » Voilà tout ce que le médecin, vieillard priapique dur d’oreille, trouve à dire au père désabusé que joue Raimu (qui retrouve un rôle qu’il avait tenu sur scène quelques années plus tôt). Et cette réplique si énorme tendrait à faire pencher pour un humour très noir pas dupe. La dernière réplique lancée par Aimos dans le rôle de l’ami fidèle va aussi dans ce sens : « Tout compte fait, ce n’est pas tellement déshonorant », d’un cynisme sans borne.

Le film bouscule, en tout cas, dérange, et laisse un goût amer. Il aborde avec une légèreté troublante la vision qu’a la bonne bourgeoisie blanche d’alors des « nègres ». C’est d’ailleurs tout ce qui peut jurer dans une société si uniformisée qui est tourné en dérision, à l’image de cet obèse obligé de prendre deux chaises pour s’asseoir. Quant au père biologique de l’enfant, le fait qu’il soit un chanteur reconnu fait de lui un noir acceptable… mais quand même, un nègre.

Reste qu’il y a là une cruauté réellement assumée, qui trouve son apogée dans la visite de l’assistance publique, où Raimu va « faire son marché », découvrant des alignements d’enfants parfaitement blancs et sages. Le ton est constamment exagéré, le jeu lui-même des acteurs est volontiers outré (à l’exception de celui de Raimu, dont c’est pourtant le premier film parlant, intense et posé), quelques épisodes font sourire (les apparitions d’un tout jeune Fernandel, dans son tout premier rôle). Mais drôle de comédie quand même, qui bouscule et évite consciencieusement toute zone de confort.

Ex-lady (id.) – de Robert Florey – 1933

Posté : 3 mars, 2018 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, FLOREY Robert | Pas de commentaires »

Ex-lady

Bette Davis en jeune femme qui refuse de se laisser enfermer dans le mariage et qui affiche une liberté presque insolente. Voilà de quoi enthousiasmer tout cinéphile, et rappeler l’esprit que la belle a fait planer sur Hollywood, ce regard incroyable où se lisait un nombre incroyable de pensées à peine voilées.

Dans Ex-Lady, Bette Davis est une femme qui respire l’amour par tous ses pores, et Florey la filme admirablement, soulignant avec élégance les regards à peine appuyés, les gestes suggestifs… Avec un sommet : cette scène où, d’un simple mouvement de la tête, elle invite l’homme qu’elle aime (Gene Raymond, très bien) à la suivre dans un jardin, s’allongeant devant ses yeux incrédules sur un banc à la vue de tous…

On est en pleine période pre-code bien sûr : une telle scène aurait été impensable quelques mois plus tard. Comme il aurait été inimaginable de voir le mari flirter avec une femme (elle aussi mariée), ou la femme se laisser embrasser par un bellâtre trop entreprenant. Même si une voix quasi-off, sans doute ajoutée après le tournage, vient à la dernière seconde remettre un peu de bienséance dans cette ode à la liberté, Florey va quand même très loin dans la déconstruction du mythe absolu du mariage.

Il signe en même temps une critique assez forte de la société patriarcale, avec cette très belle scène où le père très « digne » reproche à sa fille d’avoir couché avec un homme en dehors du mariage, lui-même se promenant avec une femme… qui n’est pas sa légitime.

Pourtant, c’est une très belle histoire d’amour qu’il filme, avec sa délicatesse habituelle et ce sens du détail qui caractérise ses films. Une enseigne lumineuse qui s’allume de l’autre côté d’une fenêtre, et c’est le cadre habituel du studio qui semble éclater. L’ombre chinoise d’un amant qui se découpe sur le mur de la chambre d’une jeune femme, et c’est toute une nuit d’amour que l’on a l’impression d’avoir vue.

Grand cinéaste modeste et oublié, Florey a tourné ce film au débotté, quasiment sans préparation. Ex-lady est pourtant un très beau film, drôle et émouvant, sur lequel souffle un enthousiasmant vent de liberté. Bette Davis n’y est pas pour rien.

Bedside (id.) – de Robert Florey – 1934

Posté : 28 janvier, 2018 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, FLOREY Robert | Pas de commentaires »

Bedside

Touche-à-tout bourré de talent, Robert Florey signe un film médical, genre alors en vogue (on se souvient du très beau Night Nurse de Wellman, notamment). Warren William, excellent, y interprète un ancien étudiant en médecine, trop glandeur pour être allé au bout de ses études, qui se laisse convaincre par sa fiancée de reprendre sa dernière année pour passer son diplôme et pouvoir exercer. Pour ça, la belle lui a prêté la somme nécessaire. Sauf qu’avant même de poser ses fesses sur les bancs de l’école, l’apprenti docteur perd tout l’argent au jeu. Et ça, pas question de l’avouer…

On a donc un « héros » qui achète le diplôme d’un ex-toubib drogué, et s’installe sous un faux nom. Incapable d’établir un diagnostic, encore moins d’opérer qui que ce soit, mais franchement très bon dès qu’il s’agit de communication. Si bien qu’en peu de temps, le faux médecin devient, sans avoir touché le moindre patient (pour ça il compte sur son assistant, authentique médecin, joué par Donald Meek), une véritable star de la médecine à New York…

On est loin de Knock dans ce drame qui aborde un sujet grave : l’exercice illégal de la médecine. Plus largement, le film évoque l’impasse dans lequel s’engouffre le personnage de Warren William, enfermé dans une mécanique de mensonge et d’égocentrisme. On peut douter de la morale finale, mais Bedside est un film assez emballant, qui aurait été très différent s’il avait été tourné quelques mois plus tard : le code Hayes n’était pas encore appliqué avec rigueur, et on pouvait encore filmer une relation extra-conjugale, ou un ancien médecin accro à la morphine.

Ce dernier, joué par David Landau, a droit à une poignée de séquences étonnantes : lorsque la caméra, qui illustre son état de manque, le filme dans un gros plan qui déforme son visage, esthétique qui semble sortie d’un film d’épouvante. Le genre est également effleuré dans le laboratoire de Donald Meek, où l’acteur est filmé comme un savant fou travaillant à ressusciter les morts (avec des électrochocs, en fait). Une approche esthétique qui tranche avec le contexte réaliste de l’histoire, donnant un ton particulier au film.

La Dame en rouge / La Femme en rouge (The Woman in red) – de Robert Florey – 1935

Posté : 22 janvier, 2018 @ 8:00 dans 1930-1939, FLOREY Robert, STANWYCK Barbara | Pas de commentaires »

La Femme en rouge

Ah ! l’univers des propriétaires de chevaux. Bien sympas, ces riches oisifs, et souriants avec ça. Mais quand une simple palefrenière ose épouser le fils d’une famille de nouveaux riches, sur lequel sa patronne avait des vues, il ne faut pas longtemps pour que le vernis ne craque.

Dans les premières minutes pourtant, on craint d’assister à l’une de ces bluettes légères et bienveillantes dans la haute société. Mais non : le film de Florey n’épargne pas grand-chose à cette société de riches oisifs, à la fois hautains, manipulateurs, cyniques, revanchards… Bref, odieux. Et dans le rôle de la pétasse en chef, Genevieve Tobin est parfaite : plus elle est souriante (et elle l’est), plus elle est odieuse.

Mais sa cible préférée a du panache : c’est Barbara Stanwick, forcément formidable. En un regard, elle rappelle à quel point elle est une actrice géniale : alors qu’elle joue la légéreté face aux déclarations de son prétendant (Gene Raymond), elle réalise soudain que les mots d’amour qu’elle entend ne sont pas feints, et qu’elle-même est amoureuse. Cette prise de conscience, que Barbara Stanwick joue d’un simple regard, est magnifique.

Comme elle est magnifique quand elle comprend le scandale dont elle va inévitablement être victime lorsque tout part de travers sur le yacht où elle avait accepté de monter pour aider un ami ; ou quand elle se dresse enfin face au « clan » familial de son mari, des vieux types franchement détestables arc-boutés sur leurs fausses valeurs…

En à peine plus d’une heure, Florey boucle un film particulièrement riche, qui commence comme une simple romance avant de virer vers le mélodrame, pour se terminer par une longue séquence de procès. C’est fort bien réalisé, mené à un rythme impeccable, et il y a Barbara, ballottée d’un sentiment à l’autre. Une réussite, donc.

Danger Signal (id.) – de Robert Florey – 1945

Posté : 21 janvier, 2018 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, FLOREY Robert | Pas de commentaires »

Danger Signal

Zachary Scott, charmeur et beau parleur dont on sait dès la première image qu’il a causé la mort d’une femme, débarque dans une maison sans histoire, où il séduit tour à tour les deux filles de la famille. Manipulateur, il monte bientôt les uns contre les autres, et avance lentement ses pions, dévoilant peut à peu un objectif funeste.

Sur le thème de « l’ennemi est à l’intérieur », Florey signe un thriller très efficace, et surtout remarquablement construit. La manière dont le réalisateur français introduit ce personnage inquietant, et l’amène dans cette maison où se jouera le drame ; la manière dont il filme l’isolement grandissant de la jeune femme jouée par Faye Emerson dans sa propre maison… Il y a dans la mécanique narrative du film une précision que n’aurait pas reniée Fritz Lang, comme il n’aurait pas renié la vision que livre Florey du Mal.

Et même si les motivations de Scott ne sont pas totalement convaincantes, même si le personnage de la petite sœur reste un peu superficiel, même si le médecin joué par Bruce Bennett est une caution humoristique peut-être superflue… Danger Signal reste une belle surprise, un film noir franchement flippant et parfaitement tendu.

Le Passé se venge (The Crooked Way) – de Robert Florey – 1949

Posté : 3 février, 2015 @ 11:34 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, FLOREY Robert | Pas de commentaires »

Le Passé se venge

Un vétéran blessé durant la deuxième guerre mondiale a tout oublié de sa vie, et même de son identité. Il enquête pour retrouver son passé, et découvre qu’il pourrait bien avoir été impliqué dans de sombres affaires. Le coup de l’amnésie, le film noir nous l’a déjà fait à plusieurs reprises : Fleischer avec Le Pigeon d’argile, et Mann avec Two o’clock courage en avait fait le thème central de réjouissantes oeuvres de jeunesses.

Le Passé se venge n’innove donc pas vraiment. Mais malgré une intrigue inutilement compliquée et quelques longueurs, et même sans un cinéaste de la trempe de Mann ou Fleischer aux commandes, le film est une vraie réussite.

Sans nier le talent certain de Florey qui ne démérite pas à défaut de révolutionner le genre, le film doit beaucoup au génial chef opérateur John Alton : dans un Los Angeles baigné de lumière, il parvient à plonger ses personnages dans des atmosphères mystérieuses, jouant merveilleusement avec les ombres, les transparences, la lumière qui cherche constamment son chemin. Des images inoubliables qui permettent d’oublier aisément un certain manque de rythme.

Là où Florey marque indéniablement des points, c’est dans la direction d’acteurs, et dans la manière de filmer ces acteurs, tous remarquables. John Payne surtout, dont l’apparence monolithique et faussement impénétrable est un atout formidable pour ce personnage d’amnésique.

Florey utilise aussi merveilleusement les décors (eux aussi très réussis), notamment lors de la dernière scène de fusillade dans l’entrepôt, un modèle du genre aussi ramassé que tendu, merveille de mise en scène à l’atmosphère parfaitement angoissante. Un moment qui mériterait à lui seul de découvrir cette rareté.

• Le film vient d’être édité dans la collection « Les Perles Noires » de Sidonis/Arcadès. En bonus, des présentations du film par Bertrand Tavernier, François Guérif et Patrick Brion.

 

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