La Nuit est mon royaume – de Georges Lacombe – 1951
Il est grand, Jean Gabin. Grand acteur qui trouve là un rôle à sa mesure, original, celui d’un homme qui perd la vue. Le thème n’est pas nouveau dans le cinéma, mais il a rarement été traité avec autant de délicatesse et de réalisme que dans ce film. La présence de nombreux « vrais » aveugles n’est pas anodine. La prestation de Gabin n’en est que plus étonnante, d’une vérité étonnante.
Jamais dans l’excès, jamais dans l’emphase, toujours dans le geste vrai, et la parole percutante. L’une des belles idées du film, c’est d’avoir fait de son personnage un conducteur de locomotive. Forcément, le Gabin de La Bête humaine est là, figure immédiatement familière. Le drame n’en est que plus intime, et plus fort.
Georges Lacombe est un réalisateur honnête à défaut d’être un grand formaliste. Son film est modeste, et sincère. Au-delà du drame intime (Gabin retrouvera-t-il la vue, après son accident ?), c’est le quotidien de ce centre dédié aux aveugles qu’il filme, avec une profonde humanité et sans jamais la moindre complaisance, ou la moindre émotion facile.
Sans doute Lacombe s’est-il senti proche de la religieuse qui chapeaute ce petit monde, grande gueule au grand cœur (Suzanne Dehelly). Elle aussi est juste, comme l’est l’histoire d’amour qui se noue autour du braille entre le nouvel aveugle et sa jeune institutrice (Simone Valère). Joli moment, joli film, grand rôle.