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Archive pour la catégorie '1970-1979'

La Maman et la Putain – de Jean Eustache – 1973

Posté : 10 décembre, 2024 @ 8:00 dans 1970-1979, EUSTACHE Jean | Pas de commentaires »

La Maman et la Putain

Faut avouer, l’idée de se lancer dans un film de 3h40 essentiellement basé sur des réflexions plus ou moins existentielles autour d’un triangle amoureux, en 16 mm et en noir et blanc… a priori, ça n’est pas ce qu’il y a de plus excitant pour se délasser après une longue journée de boulot. Mais bon, c’est Eustache, c’est son premier (très) long métrage de fiction, il y Jean-Pierre Léaud et Bernadette Lafont, et la réputation de dingue que traîne depuis des décennies ce film qui fut longtemps très difficile à trouver.

Ma découverte du cinéma d’Eustache étant chronologique, La Maman et la Putain était de toute façon la prochaine étape. Alors lançons-nous… Eh bien il faut à peu près 3 minutes 30 pour être emporté par les déambulations et les réflexions d’Alexandre, cet oisif revendiquant son refus de se plier aux codes sociaux, son dégoût du travail et des couples bien installés. Jean-Pierre Léaud, plus fascinant que jamais, plus juste et profond, aussi.

Son phrasé si particulier est pourtant poussé à l’extrême, déroutant même durant ces premières 3 minutes 30, comme si Eustache l’avait incité à surjouer cette manière languide et récitante de parler. Cette impression semble d’ailleurs confirmer par les seconds rôles, eux aussi extrêmes dans cette manière si Nouvelle Vague de dire son texte. Texte paraît-il très écrit par un Eustache, auteur total de son film.

C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles La Maman et la Putain est un film si fascinant. Il donne le sentiment d’être un autoportrait de Jean Eustache lui-même, de ses anecdotes de vie et de ses réflexions sur le monde, les rapports humains, le mouvement de libération des femmes, la lumière dans les restaurants, la température idéale de la nourriture, le mariage et le cinéma… Comme si, dans ce film très bavard, très écrit et très maîtrisé, il avait voulu donner une forme aux pérégrinations de son esprit.

Le résultat est fascinant, bouillonnant, euphorisant ou agaçant, mais toujours passionnant. La durée du film faisait peur ? C’est cette durée même qui donne son poids à ce film qui à la temps de nous emporter loin, très loin dans la complexité de l’âme et des rapports humains, avec ces trois personnages si différents, et si étonnants, proposition cinématographique presque inédite par sa durée, sorte de fresque mentale intimiste d’une profondeur et d’une justesse absolues.

Léaud, qu’Eustache avait déjà dirigé dans son moyen métrage Le Père Noël a les yeux bleus, est exceptionnel dans le rôle d’Alexandre, tête à claque et beau parleur, dont la liberté revendiquée a un côté jusqu’au-boutiste presque désespéré. Le couple qu’il forme avec Bernadette Lafont, autre grande figure des débuts de la Nouvelle Vague, a une gueule folle. Dans le rôle de Marie, cette trentenaire dont l’apparence hyper sexuée cache une sensibilité à fleur de peau, elle est magnifique, troublante et touchante comme c’est pas possible.

Et il y a Veronika, la blonde faussement renfermée, dont la liberté de ton est comme une grenade dégoupillée : le rôle d’une vie pour Françoise Lebrun, à qui reviennent les dialogues les plus crus, et le monologue le plus mémorable, à la fin du film : long soliloque qui sonne comme un cri de désespoir, et dont la crudité même souligne avec cruauté le besoin de tendresse. Ce moment nous laisse, comme Alexandre et Marie, sidérés.

Le film est extrêmement dialogué. A propos de ce film, Jean Eustache disait qu’il préférait « filmer le récit de l’action que l’action elle-même ». Pourtant, La Maman et la Putain n’est pas que récit, n’est pas que dialogues. Il y a aussi beaucoup de regards, beaucoup de gros plans sur des visages. Et une importance paradoxale de la musique, dans un film dénué de tout accompagnement sonore autre que les sons produits devant la caméra.

Il faut dire que les personnages passent beaucoup de disques. De la musique populaires, toujours, de Mozart à Edith Piaf, que les trois héros écoutent assis sur un lit, le regard dans le vide, la musique habillant leur spleen dans de longs plans fixes, qui sont parmi les plus beaux du film. Des moments de pure grâce, que l’on doit à un cinéaste en état de grâce. On sent que j’ai aimé ?

Le Cochon – de Jean Eustache et Jean-Michel Barjol – 1970

Posté : 8 décembre, 2024 @ 8:00 dans 1970-1979, BARJOL Jean-Michel, DOCUMENTAIRE, EUSTACHE Jean | Pas de commentaires »

Le Cochon

Il manquait un snuff movie sur ce blog, non ? Le genre y fait enfin son entrée grâce à ce film, sans aucun doute le plus gore de ces pages. Cinq minutes à peine après le début du film, les cris de la victime, que l’on sait condamnée sans aucune chance de s’en sortir, sont franchement glaçants. Et le sang qu’y gicle de sa plaie profonde nécessite un cœur bien accroché. Le cadavre étant ensuite soigneusement écorché et dépecé, l’épreuve à laquelle est soumise le spectateur est encore loin d’être terminée.

Le spectateur cinéphile est décidément un animal bien curieux, capable, pour aller au bout d’une intégrale, de s’enquiller un documentaire rural filmant au plus près la mise à mort et le découpage… d’un cochon. Nous sommes dans une ferme française à l’ancienne. Nous sommes surtout dans la filmographie la plus obscure de Jean-Eustache, ici dans la veine ethnographique de La Rosière de Pessac.

Pas de voix off, pas d’enjeu dramatique à proprement parler (le seul suspense disparaît avec le cri du cochon), mais la vision directe et dénuée de tout jugement de deux réalisateurs, Eustache et Jean-Michel Barjol, qui filment chacun de leur côté les différentes étapes de ce qui est alors une tradition ancestrale encore très ancrée dans les campagnes : cette mise à mort et la préparation des morceaux de viande (140 kilos… tout est bon, dans le cochon) par les paysans du coin réunis pour l’occasion.

Sans aller jusqu’à se laisser aller à un quelconque enthousiasme, ces 50 minutes de film sont assez passionnantes dans ce qu’elles montrent d’une époque aujourd’hui (à peu près) révolue : à la fois le manque total de considération pour la souffrance du pauvre cochon, mais aussi la solidarité et la convivialité de ce monde paysan à l’ancienne, qui fait peu de cas des règles d’hygiène (tout est fait sur la paille ou sur la table), mais beaucoup de la chaleur humaine.

La beauté du film réside d’ailleurs dans les détails : une vieille femme qui part à la cueillette, un chien qui guette attiré par le sang, un paysan fier de son coup de couteau, un autre entonnant une chanson à boire avec un grand sourire. Une vie d’un autre temps, pas si lointain, dont Barjol (issu d’un milieu paysan) et Eustache (urbain pur et dur) sont les témoins sensibles et honnêtes.

L’Espion qui m’aimait (The Spy who loved me) – de Lewis Gilbert – 1977

Posté : 4 novembre, 2024 @ 8:00 dans * Espionnage, 1970-1979, GILBERT Lewis, James Bond | Pas de commentaires »

L'Espion qui m'aimait

Après un opus étonnamment modeste en termes d’enjeux (le séduisant L’Homme au pistolet d’or), Roger Moore endosse pour la troisième fois le smoking de 007, et la saga prend une tournure nettement plus extrême… ce qui n’est pas une bonne nouvelle.

L’Espion qui m’aimait est même le premier Bond où le sentiment de trop plein s’exprime vraiment. C’est aussi le plus misogyne, le plus lourdingue, le plus riche en gadgets (et en apparitions de Q). Bref, c’est l’inauguration d’une ère du grand n’importe quoi.

C’est un peu comme si les producteurs avaient décidé de faire oublier leur manque d’idées neuves par une suraccumulation de tout : de décors, d’explosions, de morts, de femmes dénudées et offertes (c’est à peu près tout ce qu’on leur demande), comme cette pauvre Barbara Bach, présentée comme une alter ego russe de 007, et condamnée à suivre l’agent british et très mâle avec ses yeux énamourés et ses décolletés plongeant, les rares moments où elle lui tient tête apparaissant comme de maladroites justifications de sa présence.

Même surenchère côté enjeux : il s’agit ici rien moins que de sauver le monde, promis à la destruction par une sorte de néo capitaine Némo joué par Curd Jürgens qui rêve de créer un nouveau monde sous-marin. Bien sûr, on pourrait se dire : pourquoi pas, après tout ? Mais on a plutôt envie de rétorquer : ben oui, mais pourquoi ?

Ce Bond là est aussi le premier à avoir à ce point vieilli. A cause des effets spéciaux très datés, de l’humour lourdingue de Bond/Moore, de la vision qu’il offre des femmes. Quelques moments forts, quand même : le son et lumière à Gizeh, la grande fusillade inhabituellement violente… Mais surtout pas mal de moments franchement gênants : la course poursuite à ski, la voiture sous-marin…

Ce Bond épisode 10 est, de loin, le plus faible des quinze premières années.

L’Homme au pistolet d’or (The Man with the Golden Gun) – de Guy Hamilton – 1974

Posté : 30 octobre, 2024 @ 8:00 dans * Espionnage, 1970-1979, HAMILTON Guy, James Bond | Pas de commentaires »

L'Homme au pistolet d'or

L’histoire de ce Bond, le deuxième de Roger Moore, est un peu con. Il ne faut que quelques instants pour s’en rendre compte. Ce qui, d’ailleurs, n’est pas même une critique pour la série, en tout cas dans cette période. Ou plutôt, disons que l’histoire n’est évidemment pas à prendre au sérieux. Même s’il est vaguement question de la crise de l’énergie (déjà), le grand méchant n’est à peu près qu’un tueur à gages qui a envie de prendre du bon temps.

Ce qui n’est pas si loin de Bond lui-même, c’est en tout cas ce que pense ledit tueur, Scaramanga, que joue un Christopher Lee tout en sourires, très loin des méchants habituels qu’affronte 007. Lui est persuadé d’avoir trouvé en Bond un double idéal, ce qui donne quelques face à face plutôt réjouissants.

C’est con, mais c’est étonnamment très agréable. Parce qu’il y a derrière la caméra un réalisateur qui connaît son métier, à défaut d’être un visionnaire. Parce que tout est tourné vers le pur plaisir du spectateur, avec une succession de morceaux de bravoure, de paysages dingues, et même de clins d’œil à Vivre et laisser mourir (l’apparition du shérif gros cul de Louisiane).

Ce James Bond a aussi les défauts inhérents à cette période de la série, à commencer par une certaine propension à tourner en rond en se répétant. Il n’y a donc guère de réelles surprises. Même si le grand méchant a des objectifs plus basiques que d’autres, il vit dans un repère secret totalement fou (qui pour le coup est vraiment séduisant), les femmes sont filmées comme des objets de désir, Britt Ekland passant on ne sait pourquoi la moitié du film en bikini…

Mais il faut aussi reconnaître une vraie originalité dans la manière d’utiliser les décors : la base secrète très psychédélique, une galerie de glaces très wellesienne, et surtout l’étonnant bateau échoué, dont les coursives penchées ont été aménagées avec des plateformes bien horizontales, créant un entrelacs de lignes géométriques improbable et fascinant.

C’est dans ces détails originaux que ce Bond là trouve sa raison d’être, qui en fait un bon cru moorien.

Les Deux Anglaises et le Continent – de François Truffaut – 1971

Posté : 22 octobre, 2024 @ 8:00 dans 1970-1979, TRUFFAUT François | Pas de commentaires »

Les Deux Anglaises et le Continent

On peut sereinement affirmer que Henri-Pierre Roché serait tombé dans un oubli abyssal si François Truffaut n’était pas tombé amoureux de sa prose. Ce n’est pas un affront que de le dire, tant les deux uniques romans qu’il a publiés sont passés inaperçus à leur sortie, dans les années 1950. Sauf de Truffaut, donc, qui a dit tout le bien qu’il pensait du premier, Jules et Jim, avant même que le second soit écrit.

Le second, c’est donc Les Deux Anglaises et le Continent, que Truffaut adapte tout juste dix ans après le premier. Une sorte de prolongement, avec inversement des rôles, d’une histoire qu’on devine très personnelle, pour le romancier comme pour le cinéaste. Une espèce de triangle amoureux : une femme qui aime tour-à-tour (ou en même temps?) deux hommes inséparables là, un jeune homme qui aime tour-à-tour (ou en même temps?) deux sœurs ici.

Là où Jules et Jim était plein de vie et d’une certaine folie débridée, Les Deux Anglaises… est un film douloureux, dont j’avais même gardé le souvenir d’une austérité un peu rebutante. Ce qui, à le revoir bien des années après, s’avère assez radicalement faux. Derrière cette apparente austérité, c’est un film merveilleux et plein de chaleur que signe Truffaut, au rythme envoûtant, à la fois lent et vibrant.

Un film très beau, et très littéraire aussi. Comme une déclaration d’amour de Truffaut à la littérature, le film s’ouvre sur des images de la couverture du livre de Roché, et sur des pages annotées, avant de raconter l’histoire sous une forme épistolaire qu’il affectionne, mais qui atteint ici une sorte d’aboutissement magnifique, la voix off (celle de Truffaut lui-même) donnant le sentiment de tourner les pages d’un livre qui prend vie sous nos yeux.

C’est aussi la première fois que Truffaut dirige Jean-Pierre Léaud en dehors de son personnage d’Antoine Doinel. L’alter ego de Truffaut incarne merveilleusement l’amour du jeune homme pour ces deux sœurs, et devient autant le double du cinéaste que de Roché lui-même. A travers lui, c’est aussi la découverte de l’amour et de la sensualité que filme Truffaut comme personne avant lui, allant jusqu’à parler longuement des plaisirs de la masturbation, et à filmer les draps tâchés de sang après une première nuit d’amour…

A sa sortie, Les Deux Anglaises et le Continent a rencontré un cuisant échec, jugé comme étant d’un autre temps dans une société profondément changée après mai 68. Cinquante ans après, le film reste pourtant aussi passionnant qu’audacieux. L’un des plus beaux Truffaut, l’un des plus personnels, aussi.

La Nuit américaine – de François Truffaut – 1973

Posté : 14 octobre, 2024 @ 8:00 dans 1970-1979, TRUFFAUT François | Pas de commentaires »

La Nuit américaine

C’est assez fascinant de voir d’où vient ce film : d’une discussion de Truffaut avec Alfred Hitchcock, dans le cadre de leurs fameux entretiens. Cet échange précis ne figure pas dans le livre, mais on peut l’entendre dans les enregistrements qui ont été conservés (et qu’on peut entendre grâce aux podcasts de France Culture). Hitchcock imaginait une histoire qui se déroulerait dans les coulisses d’un tournage de film, avançant que Truffaut pourrait mener à bien un tel projet.

Bien sûr, Hitchcock avait sans doute en tête un film bien différent de La Nuit américaine : une histoire criminelle qui aurait pour protagonistes les hommes de l’ombre du cinéma. Mais l’idée a fait son chemin, et Truffaut en a fait l’un de ses plus grands films, l’un de ses plus personnels, et en tout cas l’un de ses plus emblématiques.

Il y a dans ce film une approche que Hitchcock aurait sans doute refusée : une absence d’intrigue forte, une vision collégiale de ce microcosme, dont Truffaut cherche avant tout à capter le mouvement, et la vie qui s’y crée. Les personnages le disent avec une lucidité non dénuée d’amertume : les liens si forts qui se créent sur le tournage d’un film n’existent que le temps de ce tournage.

C’est donc une sorte de vie condensée en quelques semaines que filme Truffaut, avec ses minuscules et ses grands drames, ses incidents et ses rencontres, et tous ces petits riens d’où émerge la vie, et les sentiments. Truffaut, qui se met lui-même en scène dans le rôle du réalisateur de ce film en train de se faire dans les mythiques studios de la Victorine.

Si le film est si beau, et si passionnant, c’est surtout pour l’amour qu’y met Truffaut pour le cinéma et pour les gens qui le font. Des films sur les coulisses du cinéma, il y en a eu des tonnes, et parfois même très réussis. Mais La Nuit américaine a quelque chose d’unique, peut-être parce qu’il n’est au fond rien d’autre qu’une déclaration d’amour au cinéma. Une déclaration magnifique, faite par un cinéaste en état de grâce.

C’était un rendez-vous – de Claude Lelouch – 1976

Posté : 12 septembre, 2024 @ 8:00 dans 1970-1979, COURTS MÉTRAGES, LELOUCH Claude | Pas de commentaires »

C'était un rendez-vous

De la Porte Dauphine au Sacré Cœur en huit minutes, en passant par la place de L’Etoile, le Louvre, le Moulin Rouge… C’est « l’exploit » que réalise Claude Lelouch, « sans aucun trucage ni accéléré », comme le précise un carton inaugural, dans ce court métrage réalisé… en huit minutes, donc.

Ce court est le film le plus étonnant et le plus simple de sa filmographie. Le concept : une caméra fixée à l’avant d’une voiture (puissante, comme le bruit du moteur et la vitesse en attestent) filme en un seul plan séquence subjectif la course folle à travers Paris, au petit matin.

Rien d’autre, mais le résultat est édifiant, ou fascinant c’est selon. Les deux, en fait. Fascinant, parce que ce petit film tourné dans un Paris pas si désert au petit matin, porte mine de rien un regard neuf sur la ville, en en dévoilant par sa simplicité et sa rapidité le caractère humain.

Edifiant, parce que le film est tourné à l’arrache, en dépit de toute considération telle que la prudence ou la responsabilité. Le bolide grille des feux rouges à la pelle, frôle des piétons, accélère dans des ruelles… L’envol d’un pigeon file des sueurs froides, et je me prends à espérer que mon grand fils, qui de toute façon ne lit pas ces chroniques, ne tombera pas sur ce film fascinant qui pourrait le fasciner.

Pour un cinéphile, c’est envoûtant. Pour un jeune conducteur, c’est plus problématique…

Mad Max (id.) – de George Miller – 1979

Posté : 5 août, 2024 @ 8:00 dans 1970-1979, FANTASTIQUE/SF, MILLER George | Pas de commentaires »

Mad Max

Après la claque Furiosa, une envie bien logique de replonger dans les origines du mythe. Il y a quarante-cinq ans, disons, lorsqu’un tout jeune George Miller dirigeait un encore tout jeune Mel Gibson dans une petite production sans moyen mais avec beaucoup d’idées, déjà assez dingue.

A l’origine, donc, il y a ce Mad Max de 1979. Loin, très loin du délire énorme et jouissif de Fury Road ou Furiosa. C’est la naissance du mythe, et tout est déjà là, mais tout est différent. Le chaos n’a pas encore totalement eu lieu : le monde que filme Miller est mal en point, en proie à une violence incontrôlée. Mais des bribes de société existent toujours : une police, des commerces, des familles…

Miller n’est pas du genre, dans cette saga, à aller trop loin dans l’explicité. De ce qui a amené le monde dans cette dérive, de ce que sont les rêves et les quotidiens des vrais gens, on ne saura donc pas grand-chose. Dès ce premier film, malgré toutes les différentes avec la suite du mythe, tout est bruit et fureur, devant la caméra de Miller.

Et même sans les moyens énormes qu’il aura quarante ans plus tard, Miller fait preuve d’une inventivité et d’un sens du rythme impressionnants avec ce film qui dilate l’action tout en condensant l’intensité et l’émotion contenue. Dès ce premier film, les courses poursuites prennent notamment une dimension mythique.

Techniquement, on est très loin de la perfection qu’il atteindra dans les années 2010 et 2020 : le montage est imparfait, la post-synchro carrément pourrie. Mais qu’importe : par sa rage, par son rythme, par sa violence même et par sa cruauté, Mad Max est un film fort, fondateur, profondément sombre. Fauché, bien foutu, culte.

Numéro Zéro – de Jean Eustache – 1971

Posté : 13 juin, 2024 @ 8:00 dans 1970-1979, DOCUMENTAIRE, EUSTACHE Jean | Pas de commentaires »

Numéro Zéro

Un dispositif on ne peut plus simple : autour d’une table de cuisine, Jean Eustache recueille les souvenirs de sa grand-mère maternelle, Odette Robert. Pendant près de deux heures, elle raconte sa jeunesse, sa vie de femme, au gré de ses souvenirs.

La « séance » dure le temps du film, et c’est en continu qu’Odette raconte le fil de sa vie, s’interrompant lorsqu’il faut changer les bobines de l’une des deux caméras, lorsque son petit-fils lui ressert un whisky ou lui allume une cigarette, ou lorsqu’ils sont interrompus par un appel téléphonique de la télévision hollandaise qui veut acheter Le Père Noël a les yeux bleus.

De ce parti-pris de simplicité extrême se dégage une grande vérité, et même une étonnante familiarité, donnant le sentiment d’être directement le destinataire des confessions de cette femme racontant sans misérabilisme une existence qui lui a réservé bien des malheurs : sa mère morte quand elle n’est qu’une enfant, une belle-mère haineuse qui lui mène la vie dure, un mari qui ne cesse de la tromper, plusieurs enfants qui meurent en bas âge…

Sans même parler de ces yeux sensibles et douloureux qui lui interdisent tout véritable repos. Elle est belle cette Odette, dans sa manière d’évoquer ses drames sans s’apitoyer, racontant sans embellir et sans se plaindre (« il y a toujours plus malheureux »), évoquant la méchanceté de cette marâtre qui lui a gâché son enfance en ponctuant d’un « pauvre femme »

Face à elle, Eustache ne dit rien, ou si peu. Le dos tourné à la caméra, il se contente de recueillir la parole de sa grand-mère (et de resservir les whiskys), sa seule présence suffisant à relancer Odette, dont la mémoire semble ne pas avoir de limite, pas plus que son envie de raconter, des choses graves comme de petites anecdotes.

A travers elle, à travers son existence ponctuée de drames, de souffrances et d’humiliations, c’est la condition de nombreuses femmes du début du siècle dernier qui se dessine. La simplicité du procédé, avec un montage qui se contente d’alterner entre les deux caméras qui filment en continu, l’une en gros plans, l’autre en plans plus larges, donne une belle vérité à ce film qu’Eustache ne tourne que pour le montrer à quelques amis.

Numéro Zéro n’est en effet pas sorti en salles en 1971, ni dans les années qui suivent. Il faudra attendre 1980 pour qu’Eustache accepte d’en monter une version courte et de la diffuser à la télévision. On en reparlera…

La Chambre verte – de François Truffaut – 1978

Posté : 23 avril, 2024 @ 8:00 dans 1970-1979, TRUFFAUT François | Pas de commentaires »

La Chambre verte

Truffaut avait évoqué depuis plusieurs années déjà son envie de consacrer un film à la mort. C’est fait, et de quelle manière ! La mort est effectivement omniprésente dans La Chambre verte. Il n’est même question que de ça, de ces morts avec lesquels on vit. On plutôt avec lesquels on refuse de vivre, en ce qui concerne le personnage de Julien Davenne, qu’interprète François Truffaut lui-même.

C’est le dernier de ses rôles (après L’Enfant sauvage et La Nuit américaine, mais aussi Rencontres du 3e type et quelques apparitions moins conséquentes). C’est aussi le plus central : il est de toutes les scènes ou presque, le phrasé si particulier qu’il adopte, presque désincarné, pesant naturellement sur le ton et l’atmosphère du film.

Il a effectivement quelque chose de désincarné, cet homme qui vit dans l’obsession d’honorer la mémoire de son épouse, décédée peu après leur mariage, et celle de tous « ses » morts : tous ceux qui ont compté d’une manière ou d’une autre dans sa vie, et à qui il consacre désormais toute son existence. Qui n’est plus une vie.

Un homme obsessionnel, enfermé d’une certaine manière dans une certitude et un refus de s’ouvrir aux autres et à la vie. Un homme peu aimable, qui prend systématiquement le parti des morts (qui n’ont rien demandé) contre celui des vivants. Une femme vient ébranler les bases si solides de sa posture : Cécilia, Nathalie Baye, dont le rapport à la mort est également fort, mais avec une nuance de taille qui s’appelle l’envie de vivre.

En passant d’un cimetière à une chapelle funéraire sans oublier la fameuse chambre verte, mausolée assez glauque, le film devrait être plombant, et froid comme la mort. Sans parler de folle joie (la joie n’a pas sa place ici), il y a pourtant une étonnante chaleur qui se dégage du film, chaleur qui a sans doute à voir avec la lumière des bougies.

Et avec la musique de Maurice Jaubert. Pour la quatrième et dernière fois (après L’Histoire d’Adèle H, L’Argent de poche et L’Homme qui aimait les femmes), Truffaut utilise les partitions de ce grand compositeur d’avant-guerre mort en 1940 (on lui doit la musique de L’Atalante, du Jour se lève et de quelques autres chefs-d’œuvre). Sa musique donne à la morbidité du thème quelque chose d’à la fois grave et solaire.

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