Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour mars, 2019

La Sanction (The Eiger Sanction) – de Clint Eastwood- 1975

Posté : 31 mars, 2019 @ 8:00 dans * Espionnage, 1970-1979, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

La Sanction

Il y a dans La Sanction quelques notes d’humour qui flirtent ouvertement avec des stéréotypes homophobes (la vilaine tapette au petit chien, bof) et racistes (les vannes à l’encontre de la jeune Indienne, re-bof). Il y a aussi quelques notes franches de mauvais goût (l’imagerie autour de Dragon, le patron albinos des espions, re-re-bof). On peut donc avoir de sérieuses réserves sur ce film.

Mais il y a aussi des tas de bonnes choses, dans ce film particulièrement physique de Clint Eastwood, qui sort clairement de sa zone de confort en s’offrant le rôle pas foncièrement sympathique d’un tueur-alpiniste. Le genre de personnages qu’on n’a pas forcément l’occasion de croiser dans toutes les salles de cinéma, qui sort de l’imagination de Trevanian, auteur qui signait là son premier roman, et qui donne à Clint l’occasion de se mettre en scène dans quelques séquences d’escalade impressionnantes.

Ces scènes sont la raison d’être principale du film, et marquent par leur diversité et par leurs approches esthétiques différentes. Le film est ainsi clairement séparé en trois parties. La première adopte une esthétique typique de film d’espionnage (un peu comme le début de Firefox, l’autre film d’espionnage d’Eastwood) : dans un pays de l’Est, le personnage de Clint doit tuer un espion au service des Russes. L’image est alors froide et grisâtre. Quant à Clint, il se contente d’y grimper le long d’une gouttière, séquence déjà gentiment vertigineuse.

Changement de décor pour la partie centrale : Clint se rend dans les décors spectaculaires et lumineux de Monument Valley pour s’entraîner aux côtés de son vieux comparse George Kennedy (qu’il retrouve après Le Canardeur, et dans un rôle très différent mais tout aussi marquant). Ce qui nous donne pour le coup une fort belle grimpette de l’une de ces « aiguilles » typiques du site, aux images très impressionnantes (Clint et George sur cette plateforme de 5 m2…).

Puis vient le gros morceau de bravoure : Clint gravissant le dangereux Eiger, dans les Alpes suisses, avec trois compagnons de cordée dont il ne sait pas lequel est le traître qu’il doit abattre. L’intrigue passe d’ailleurs vite au second plan. Eastwood ne s’intéresse qu’à filmer ses personnages au plus près dans ses décors (réels) impressionnants. Un parti-pris qui fonctionne parfaitement, et qui donne quelques belles suées.

Le Cabaret des Etoiles (Stage Door Canteen) – de Frank Borzage – 1943

Posté : 30 mars, 2019 @ 8:00 dans 1940-1949, BORZAGE Frank | Pas de commentaires »

Stage Door Canteen

C’est tout Borzage ça : même quand il signe un film entièrement dédié à l’effort de guerre, il faut que son légendaire romantisme prenne le dessus et s’impose. Et voilà peut-être le plus conceptuel de tous les films d’efforts de guerre, film qui ne parle que de l’effort de guerre, et ne montre que des gens qui participent à l’effort de guerre… sans jamais rien montrer de cette guerre pourtant omniprésente dans l’esprit de tous.

Ce « cabaret des étoiles », c’est un lieu où tous les soldats en partance pour le front peuvent passer une soirée gratuitement, profitant du buffet à volonté et de spectacles sans rien débourser. Mieux : le tout Hollywood met la main à la pâte et consacre du temps à monter sur scène, ou à accueillir les clients, voire même à touiller la purée…

L’occasion de croiser des tas de célébrités oubliées, et d’autres moins comme George Raft, William Demarest, Jane Darwell, Judith Anderson, Harpo Marx, Johnny Weissmuler (qui se met torse-nu en cuisine), Ed Wynn, Merle Oberon ou la grande Katherine Hepburn, à qui on réserve in fine le beau rôle. L’occasion aussi d’enchaîner les morceaux musicaux, plus ou moins intéressants et plus ou moins oubliables.

L’essentiel est ailleurs : dans la capacité qu’a Borzage de transformer ses personnages en symboles de tous les jeunes soldats américains (ils s’appellent Texas, Dakota ou Oklahoma), tout en réussissant à leur donner une vraie profondeur. L’émotion naît ainsi lorsqu’un G.I., plateau repas à la main, se met à échanger les dialogues de Romeo et Juliette avec Katharine Cornell, qui fut une Juliette très remarquée dix ans plus tôt à Broadway. Ou quand un jeune homme cherche maladroitement à embrasser une femme pour la première fois…

Stage Door Canteen, c’est un show géant taillé pour booster le moral des troupes. Avec ses passages obligés : les Chinois et les Russes sont les alliés des Etats-Unis, on leur consacre donc une séquence à chacun. Pas grand-chose non plus sur la mort et la peur, la solidarité et la notion de groupe dominant tout. Mais Borzage ne prend pas son sujet à la légère. Sa caméra va au contact de ses personnages, au plus près, avec de beaux mouvements et des images fortes, comme ce gros plan sur un violoniste plein d’émotion, qui évoque curieusement Humoresque, premier gros succès authentiquement borzagien…

Crisis in six scenes (id.) – de Woody Allen – 2016

Posté : 29 mars, 2019 @ 8:00 dans 2010-2019, ALLEN Woody, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Crisis in six scenes

C’était l’époque où tout allait bien entre Woody Allen et Amazon. Une époque lointaine : 2016, alors que tout souriait au jeune octogénaire, qui enchaînait les réussites (artistiques et commerciales) à son rythme immuable d’un film par an. Cette année-là, le cinéaste entame une collaboration qui s’annonce fructueuse avec la plateforme, qui distribue son Café Society et le convainc de réaliser pour elle sa première série télé.

Un projet forcément excitant, pour lequel Woody Allen a toute liberté de faire ce qu’il veut. Le résultat est du pur Woody Allen, mais laisse quelque peu dubitatif. A vrai dire, Crisis in six scenes a tout du rendez-vous manqué, ou de la fausse bonne idée. Une série ? Ce projet en a vaguement la forme : six épisodes (d’une bonne vingtaine de minutes chacun), avec à chaque fois une dernière image ou une dernière réplique qui fait timidement office de cliffhanger…

Visiblement pas passionné par ce nouveau langage que représente pour lui la série télé, avec toutes les opportunités que cela peut lui offrir, Woody Allen fait ce qu’il fait depuis des décennies, et comme il l’aurait fait pour le cinéma, si ce n’est qu’il s’agit d’une œuvre de commande… et du plus long de ses longs métrages, avec ses quelques 2h15 pas si bien remplies que ça, et surtout pas si originales que ça.

On l’attendait en liberté, on l’espérait en mode expérimental, et voilà qu’on le trouve en terrain connu et archi-balisé. Woody Allen lui-même, donc, en écrivain raté, casanier et hypocondriaque, dont la vie bien ordonnée va être bouleversée par l’arrivée d’une jeune révolutionnaire recherchée par la police (Miley Cyrus): la jeune femme va révéler les personnalités cachées de son épouse (Elaine May, très bien), sexologue pour couples en crises avec une tendance fort prononcée pour le vin blanc, et leur protégé, fils de bonne famille destiné à une carrière dans la finance.

Un détail qui n’en est pas un : l’histoire se déroule durant les années 60, une époque de grande turbulence aux Etats-Unis. Confronter le personnage si familier et si immuable de Woody Allen à ces bouleversements qui affectent directement sa routine (jusqu’à une dernière séquence bordélique et réjouissante) est la meilleure idée du film. Pardon, de la série.

C’est un Woody Allen sans grande surprise, donc, qui rappelle par bien des aspects ses films les plus paresseux des années 90. Mais même en mode mineur, on retrouve l’élégance de sa mise en scène et son sens du dialogue tout de même génial : « We can build on guacamole », lance ainsi Elaine May à un couple que rien ou presque ne rapproche… Et puis Woody n’avait plus tenu le rôle principal d’un de ses films depuis près de quinze ans (Hollywood Ending). Et vu ses problèmes actuels, ce pourrait bien être son dernier rôle…

La Maison Russie (The Russia House) – de Fred Schepisi – 1990

Posté : 28 mars, 2019 @ 8:00 dans * Espionnage, 1990-1999, SCHEPISI Fred | Pas de commentaires »

La Maison Russie

« D’après John Le Carré »… Et c’est tout un univers qui se met en place, fait de mensonges, de faux semblants et de menaces sourdes qui transforment le quotidien en cauchemar. Bref, un genre littéraire et cinématographique en soit, auquel ce film fait honneur, sans y apporter grand-chose de neuf.

C’est quand même le chef d’œuvre de Fred Schepisi, cinéaste oubliable (et oublié) particulièrement à l’aise ici, dans sa manière surtout de filmer l’architecture de ses décors, de Moscou à Lisbonne : la ville, comme lieu de tous les possibles (dans un sens positif ou négatif d’ailleurs), joue un rôle central dans le film. C’est d’ailleurs sa première qualité.

Il y a aussi le couple formé par Michelle Pfeiffer et Sean Connery, impeccable, tout en charme. Sean Connery, donc, en éditeur très porté sur le scotch (normal, pour le plus célèbre des Ecossais) et attiré par la Russie, qu’un mystérieux manuscrit pousse à jouer les Espions pour les Britanniques. A moins que ce soit pour les Américains. A moins que ce soit pour les Russes.

Ce doute qui se met en place rapidement n’est vraiment pas une nouveauté dans le genre, et c’est là toute la limite du film, et ce qui lui vaut une réputation… à vrai dire aucune réputation. Le fait qu’entre le début du tournage et la sortie du film, l’Histoire a fait un pas de géant avec la chute du Mur, jamais évoquée ni de près ni de loin, n’a pas joué en sa faveur à l’époque.

Le film passe à côté de l’Histoire ? Sans doute, mais il rend hommage aux antiques films d’espionnage de la guerre froide, avec paranoïa et sentiment de danger à tous les croisements de rue. La prestation de Klaus Maria Brandauer, dans le rôle (court mais marquant) n’y est pas étrangère. En quelques scènes, l’acteur impose un trouble qui flotte sur tout le film.

La Grande Ville (Big City) – de Frank Borzage – 1937

Posté : 27 mars, 2019 @ 8:00 dans 1930-1939, BORZAGE Frank | Pas de commentaires »

La Grande Ville

Borzage fait ses débuts à la MGM avec ce film à la fois très beau et entre deux eaux. Le générique de début avec ses dessins d’animaux, le ton des premières scènes, l’humour que l’on retrouve tout au long du film jusqu’à une dernière séquence de bagarre homérique et parodique (mettant en scène des tas de vraies gloires de la boxe, dont Jack Dempsey)… Tout indique la volonté de produire une comédie, un an après le succès de Désir.

Mais Big City n’est une comédie qu’en partie. Lorsque Borzage filme avec gourmandise les bonheurs simples de la vie conjugale, en particulier dans les premières séquences. Lorsqu’il met en valeur la solidarité des petites gens aussi, avec cette bonté extrême et ce sens de l’entraide qui semblent tout droit sortis d’un film de Frank Capra. Ou lorsqu’il Filme Guinn Williams vidant d’un coup une bouteille de lait (dur métier d’acteur).

Le fond, pourtant, est sombre. Luise Rainer, actrice à la carrière éclaire (deux Oscars, trois ans au sommet… et 70 ans d’oubli jusqu’à sa mort à 104 ans), absolument irrésistible, joue une immigrée qui, à six semaines d’être naturalisée américaine, se voit menacée d’expulsion à la suite d’un faux attentat dont son frère a été victime, en pleine guerre entre des taxis indépendants et une grande compagnie qui veut imposer son monopole.

Ce thème de l’affrontement des indépendants solidaires et de la grosse boîte inhumaine est lui aussi très proche des films de Capra de cette époque. Mais c’est ce personnage d’immigrée parfaitement intégrée et sur le point d’être expulsée qui donne les plus belles scènes du film. Borzage, humaniste, filme ce destin contrarié par l’infernale administration, comme il filmait les laissés-pour-compte abîmés par le capitalisme dans Man’s Castle. La séquence sur le bateau est particulièrement forte.

La présence de Spencer Tracy semble d’ailleurs toute naturelle, même si son personnage est très éloigné de celui de Man’s Castle. La séquence d’ouverture, fausse rencontre du chauffeur de taxi et de celle dont on ne sait pas encore qu’elle est sa femme, apparaît d’ailleurs comme un clin d’œil à sa première rencontre avec Loretta Young dans le film précédent. Mais là, Borzage ne filme pas un coup de foudre : il filme un amour tendre et intense. Et c’est tout aussi beau.

Betsy (Hearts divided) – de Frank Borzage – 1936

Posté : 26 mars, 2019 @ 8:00 dans 1930-1939, BORZAGE Frank | Pas de commentaires »

Betsy

De tous les films de commande qu’a réalisés Borzage durant cette décennie, celui-ci est, sur le papier, loin d’être le plus excitant : une romance sur fond historique, où Dick Powell interprète le frère de Napoléon ? Ouh là… Les premières minutes ne rassurent pas des masses, avec ces décors en carton-pâte et ces quelques mots français glissés à droite à gauche.

Mais que voilà une jolie surprise ! Des dialogues plutôt brillants, une légèreté de ton, et ce romantisme qui emporte tout sur son passage… Hearts divided est au final un charmant film. Pas le plus personnel de Borzage, bien sûr, mais une comédie romantique pleine d’esprit et de rythme, à laquelle le réalisateur apporte sa légendaire foi en l’amour.

Du coup, le film prend de sacrés libertés avec la vérité historique. Mais qu’importe, si cette liberté donne lieu à un superbe plan où deux amoureux courent l’un vers l’autre de part et d’autre d’un mur… Les historiens feront la fine bouche devant ce grand empereur (joué par Claude Rains) appelé par sa maman à retrouver son cœur d’enfant. Les romantiques et les cinéphiles retiendront plutôt ces face-à-face si justes et si beaux entre Dick Powell et Marion Davies.

La protégée de William Randolph Hearst a plutôt mauvaise presse depuis Citizen Kane. Mais l’actrice vaut bien mieux que l’image de potiche sans talent qu’en a donné Welles (lui-même reconnaîtra d’ailleurs bien plus tard que le personnage censé s’inspirer de Marion Davies était très éloigné de la réalité). Sa manière de lancer « How dare you » avec un petit sourire est irrésistible.

Ce n’est certes pas un Borzage majeur, mais il y a des tas de jolies trouvailles dans cette petite comédie en costumes. La manière dont le frère de Napoléon, qui se fait passer pour un professeur de français, déclare son amour en conjuguant le verbe « aimer » en français ; la caution comique des trois prétendants de la belle, assez réjouissants…

On se moque totalement du contexte (Napoléon qui veut vendre la Louisiane au prix fort pour financer sa guerre contre les Anglais) bien sûr. Ce qui compte ici, comme toujours chez Borzage, c’est l’amour, et le joyeux désordre qu’il amène dans les choses bien établies. Y compris l’histoire de France et des Etats-Unis, pour le coup…

Law and order (id.) – d’Edward L. Cahn – 1932

Posté : 25 mars, 2019 @ 8:00 dans 1930-1939, CAHN Edward L., WESTERNS, Wyatt Earp / Doc Holiday | Pas de commentaires »

Law and order

C’est avec une certaine excitation que je me suis plongé dans ce western des premiers temps du parlant, film auréolé d’une réputation assez exceptionnelle auprès des amoureux du genre, notamment aux Etats-Unis. Law and order est-il vraiment ce chef d’œuvre précurseur, qui surnage dans une décennie (les années 30, donc) aussi riche quantitativement que pauvre qualitativement pour le western (jusqu’en 1939, année de la renaissance du genre) ? Eh bien oui et non.

Non, parce que cette variation sur le thème de Wyatt Earp et du règlement de compte à OK Corral (le nom du héros est changé, pas celui du lieu) manque singulièrement de rythme, et reste typique de cette époque sur bien des points, qui tiennent en partie aux difficultés techniques encore rencontrées pour les tournages en extérieur, et à une utilisation très plate du son. Oui, parce qu’il y a là dedans des tas d’idées fortes et originales, qui gardent toute leur singularité près de neuf décennies plus tard.

La démarche hésitante de voyageurs qui viennent de passer des heures à cheval, les quatre amis qui font leur toilette ensemble dans le même récipient, et qui partagent le même lit, un homme qui vérifie sous un matelas qu’il n’y a pas de cafard… Des détails inhabituels qui donnent au film des accents de vérité, et une profondeur exceptionnelle. Difficile de dire à qui on doit ces idées… mais c’est le genre de détails qu’on attribuerait volontiers à John Huston, qui signe l’adaptation du roman original.

C’est l’un des premiers jobs du fiston Huston, qui doit sans doute beaucoup à cette époque à son père Walter, star de ce Law and Order. Il est d’ailleurs excellent, Walter Huston, sombre et taiseux. Avec ses trois comparses (parmi lesquels Harry Carey, qui impose une présence formidable), l’acteur crée une imagerie westernienne qui fera date, jusqu’à aujourd’hui : la manière dont Cahn les filme se mettant en marche vers le règlement de compte final sera repris un nombre incalculable de fois, jusqu’à La Horde sauvage ou Wyatt Earp.

Cette séquence du règlement de comptes est une réussite, qui synthétise à elle seule toute la rudesse, la brutalité et la vérité du film, dans une explosion de violence sèche et impressionnante. La mise en scène d’Edward L. Cahn, réalisateur prolifique qui n’a pas laissé une empreinte très marquante dans l’histoire, est pour beaucoup dans ces qualités, avec ses beaux mouvements de caméra, au plus près de visages marqués et passionnants.

Le film prend de grandes libertés avec l’histoire, et avec le mythe de Wyatt Earp. Le personnage de Doc Holliday a notamment disparu, remplacé par celui de Harry Carey qui n’a pas grand-chose à voir. Le plus célèbre tuberculeux du western est quand même rapidement évoqué sous la forme d’un clin d’œil au début du film, avec ce personnage de Mexicain à la toux inquiétante.

Outre la présence remarquée d’un tout jeune Andy Devine, rigolo dans le rôle d’un pauvre type « fier d’être le premier à être pendu légalement », le film est aussi marqué par le petit rôle (non crédité) de Walter Brennan, dont l’histoire avec Wyatt Earp est loin d’être terminée, puisqu’on le retrouvera quinze ans plus tard dans My darling Clementine, authentique chef d’œuvre cette fois.

Le Destin se joue la nuit (History is made at night) – de Frank Borzage – 1937

Posté : 24 mars, 2019 @ 8:00 dans 1930-1939, BORZAGE Frank | Pas de commentaires »

Le Destin se joue la nuit

Une jeune femme quitte son mari, riche armateur paranoïaque et tyrannique, persuadé qu’elle le trompe. Pour établir sa faute, il lui tend un piège, mais la jeune femme est tirée d’affaires par un inconnu. Forcément, ces deux là tombent éperdument amoureux l’un de l’autre.

On est chez Borzage, et l’amour est au cœur de tout, toujours pour le meilleur. D’ailleurs, si le film démarre plutôt mollement, laissant craindre un instant qu’il ne s’agisse que d’une commande pour un réalisateur qui aurait filmé ça à la légère, une scène vient rapidement nous rassurer : celle du premier baiser, d’une beauté toute borzagienne.

Il n’en fait pas trop, le plus romantique des cinéastes : juste un plan moyen sur deux visages qui se rapprochent, ceux de Jean Arthur et de Charles Boyer, rien de plus. Et c’est magnifique. Borzage a ce talent incroyable de créer du mouvement et de la vivacité, et de tout mettre entre parenthèse l’espace d’un instant de beauté pure. Le miracle se produit ici, encore et toujours.

Ample et généreux, le film n’en finit pourtant pas de surprendre, tant il joue sur différents registres. La romance bien sûr, avec ce couple inédit, improbable (la très Américaine interprète des films de Capra, face au plus élégant des frenchies) et séduisant. Mais aussi le suspense, avec ce mari jaloux et machiavélique. Et même le film catastrophe, avec un final comme un hommage à la tragédie du Titanic, 25 ans plus tard.

Ce n’est certes pas le plus abouti de ses films : ni le plus émouvant, ni le plus euphorisant, ni même le plus juste socialement. Mais Borzage réussit des tas de belles scènes, associant des éléments de comédie et de drame comme il mélangerait les ingrédients d’une recette, avec la même gourmandise que ce personnage de chef cuisinier, César (Leo Carillo), meilleur ami de Boyer et ressors comique inépuisable dans les cuisines de différents restaurants.

Avec ses allers-retours entre Paris et New York, ce Borzage est une gourmandise généreuses et fort séduisante. Une sorte d’hommage à ce fameux charme français qu’incarne parfaitement Boyer, nettement plus sincère et vibrant que la vision qu’en donnait Borzage dans Ils voulaient voir Paris.

Le Chanteur de jazz (The Jazz Singer) – de Richard Fleischer – 1980

Posté : 23 mars, 2019 @ 8:00 dans 1980-1989, FLEISCHER Richard | 2 commentaires »

Le Chanteur de jazz 1980

Le principe même du film laisse dubitatif. Un remake du Chanteur de jazz, resté dans l’histoire essentiellement pour avoir été le premier film parlant (chantant, en fait, le film étant majoritairement muet, à l’exception des chansons entonnées par Al Jolson) ? Drôle d’idée… On ne peut pas dire que les premières scènes rassurent vraiment, avec cet hommage pas très inspiré au film d’Alan Crosland, qui sonne comme un passage obligé : le personnage principal se noircit le visage pour renforcer un groupe jouant dans un club pour Noirs.

L’un des principaux problèmes réside dans le fait que le film est nettement plus musical que l’original, et que les chansons sont en grande partie très quelconques, malgré le succès colossal que la bande originale rencontrera (a contrario du film qui, lui, sera un bide retentissant). Les quelques ballades sont plutôt sympas, mais malgré tout le respect que mérite le chanteur (et acteur occasionnel, pour le coup) Neil Diamond, ses morceaux plus rythmés censés être cool ont pris un immense coup de vieux.

Il n’est pas si mauvais acteur, Neil Diamond, nettement meilleur en tout cas que ce que la mauvaise réputation du film a laissé entendre. Il tient plutôt bien son rôle : celui du fils d’un « cantor » juif, qui rompt avec la tradition familiale en devenant vedette de variété. Jusqu’à ce que la culpabilité, liée au regard inquisiteur de son père, finisse par le ronger.

Et là, Fleischer fait fort. On sait bien qu’il n’est pas au sommet de son art, au cours de cette ultime décennie de sa carrière. Mais il frôle carrément le ridicule dès qu’il veut illustrer les grands mouvements d’humeur de son personnage : que ce soit la naissance de l’histoire d’amour avec ses détails si mignons (il se cogne contre les murs, si si), ou la fugue interminable du chanteur en plein mal-être sur les routes de l’Amérique profonde (avec barbe qui pousse à n’en plus finir).

Il y a de beaux moments, quand même : l’arrivée de Neil Diamond à Los Angeles par exemple, avec cette jeune Californienne qui s’attendait à trouver quelqu’un « avec un look un peu plus religieux », qui en dit beaucoup sur le communautarisme et l’absence d’ouverture sur l’autre. Et puis Fleischer signe de très belles images de New York, cadres puissants aux couleurs cuivrées.

Suffisant pour se dire que Jazz Singer (et on passe sur le fait qu’il n’y a pas l’ombre d’une note de jazz là-dedans) n’est pas la catastrophe industrielle parfois évoquée. Pas plus qu’il n’est digne des grands films d’autrefois de Fleischer.

Les Bronzés font du ski – de Patrice Leconte – 1979

Posté : 22 mars, 2019 @ 8:00 dans 1970-1979, LECONTE Patrice | Pas de commentaires »

Les Bronzés font du ski

« Vous avez de la pâte ? Vous avez du suc ? Avec la pâte vous faites des crêpes, et vous mettez du suc dessus ! »

« Excusez moi monsieur, mais vous êtes en train d’uriner sur ma voiture. »

« Vous êtes fous, vous savez pas c’qu’ils bouffent. »

« Ça les arrange pas… à cause de l’argent. »

« Je ne vous colle pas mon poing sur la gueule, je pense que ce n’est pas la peine. »

« Ça c’est mes skis, ils ont fait deuxièmes à Crans Montana. »

« J’crois que toi et moi on a un peu le même problème, c’est-à-dire qu’on peut pas vraiment tout miser sur notre physique, surtout toi. »

« On t’aurait pas reconnu. – D’ailleurs on t’a pas reconnu. »

« Tu m’aides pas là ? – Non, pas là, non… »

Je pourrais continuer longtemps comme ça : Les Bronzés font du ski est une machine à répliques cultes. Et on a beau avoir vu le film 20 fois, avoir entendu ces répliques 50 fois, on marche encore, quarante ans.

Rien à dire sur le style, ou sur la mise en scène : le talent de Patrice Leconte, pour cette suite bien plus réussie que le premier Bronzés, est de filmer des comédiens-scénaristes en état de grâce qui construisent leur mythe et s’amusent à pousser leurs personnages très loin dans la méchanceté commune et la mesquinerie.

Les Bronzés font du ski ne peut pas être jugé comme n’importe quel film : il ne vaut que pour les répliques, et pour le jeu de Balasko, Jugnot, Clavier, Lhermitte, Chazel ou Blanc, tous formidables (sans oublier Moynot, Lavanant, Chevit, et même Roland Giraud, qui réussit à être génial en 1 minute de présence à l’écran).

C’est le film d’une génération. A moins d’être totalement allergique à l’humour du Splendid, comment peut-on juger ce film autrement que par les rires francs et régressifs qu’il procure. C’est culte, c’est indémodable, et c’est jouissif. Et ça rappelle que ces acteurs, quels que soient les choix parfois (souvent) discutables qu’ils ont fait par la suite, ont quand même un sacré potentiel comique.

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