Trois couleurs : Bleu – de Krzysztof Kieslowski – 1993
Une jeune femme perd sa fille et son mari dans un accident de voiture. Elle ne pleure pas, ne s’effondre pas. Elle se sépare de tous ses biens, et détruit la partition sur laquelle travaillait son compositeur de mari…
Cette musique, Kieslowski en fait un élément central du parcours de Julie, l’un des plus beaux rôles de Juliette Binoche. Une jeune femme totalement détruite qui estime que sa survie passe par une sorte d’effacement. Mais des bribes de musique la foudroient sans prévenir, en même temps que des reflets bleus la frappent, comme des réminiscences.
Le sujet est rude. Kieslowski est un cinéaste parfois austère. Bleu, premier volet d’un triptyque consacré aux couleurs de la France, est pourtant un film baigné par une inexplicable chaleur. Une chaleur douloureuse, avec cette émotion si vive toujours à fleur de peau. Mais une chaleur tout de même.
Et Kieslowski s’y révèle définitivement comme un cinéaste immense, qui ne laisse aucun détail au hasard. Il y a dans son film une extraordinaire précision dans la composition des plans, dans la lumière changeante, dans la durée même des plans, cette durée qui contribue à créer l’émotion juste. Toujours.
C’est du grand art, sans même mentionner l’incroyable galerie de personnages à la fin du film, comme un impossible travelling définitif. le film est une splendeur, visuellement, un film d’une force et d’une justesse totales. Et Juliette Binoche est immense.
Bouleversé, emporté… pas loin de penser que ce chef d’œuvre est l’un des grands films de la décennie.