Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour la catégorie 'TANAKA Kinuyo'

La Princesse errante (Ruten no ōhi) – de Kinuyo Tanaka – 1960

Posté : 17 avril, 2024 @ 8:00 dans 1960-1969, TANAKA Kinuyo | Pas de commentaires »

La Princesse errante

Pour son quatrième film derrière la caméra, cinq ans après Maternité éternelle, Kinuyo Tanaka change de registre. Et gagne ses galons de réalisatrice de gros budget, avec son premier film en couleurs et en cinemascope, et avec l’une des grandes stars de l’époque, Machiko Kyo.

Mieux encore : c’est elle, Kinuyo Tanaka, qui décide d’adapter l’autobiographie de Hiro Saga, Japonaise au destin extraordinaire, qui lui donne l’occasion de signer un film dans la lignée de Guerre et Paix, ou du Docteur Jivago (que David Lean adaptera cinq ans plus tard). Hiro Saga, jeune femme aspirant à une vie d’artiste, ballottée par les remous d’une histoire pleine de violences.

Le film commence par une mort, en 1957. Le visage éploré de l’héroïne penché sur… Vingt ans plus tôt, elle n’est qu’une jeune étudiante artiste, lorsqu’elle est choisie (sur photo) pour épouser le frère de l’empereur de Mandchourie, pour consolider les liens fragiles entre le Japon et la Chine. Contre toute attente, le mariage est heureux, emprunt d’une étonnante simplicité. Une fillette naît de ce mariage. Mais la guerre éclate, les rapports entre Chine et Japon se tendent, et l’armée soviétique menace…

On le sait depuis son premier film, le cinéma de Kinuyo Tanaka n’est pas joyeux, joyeux. Ici, il flirte avec la pure tragédie, avec une ampleur et un lyrisme que la réalisatrice maîtrise admirablement. En soulignant constamment la beauté et la pureté de la nature qui sert de cadre aux drames et aux tueries, Tanaka annonce même la force de cinéastes comme Michael Cimino, ou Terrence Malick. Avec une modernité assez sidérante.

Son film, magnifique, est un pamphlet contre l’absurdité de la guerre, qui sépare des familles qui ne demandaient rien d’autre qu’une vie paisible, et le portrait sensible et plein d’intensité d’une jeune femme complexe et débordant d’amour. Dit comme ça, ça peut paraître naïf. Ça ne l’est jamais : le regard de la cinéaste est constamment juste, et précis, usant du chapitrage et de la voix off pour rythmer le récit, pour souligner l’accumulation des épreuves et la résilience.

Quatrième film, quatrième merveille… Kinuyo Tanaka, en plus d’être une grande actrice au sommet de son art (elle vient alors de retrouver Ozu pour Fleurs d’equinoxe), fait décidément partie des cinéastes les plus enthousiasmants de cet âge d’or du cinéma japonais.

Maternité éternelle (Chibusa yo eien nare) – de Kinuyo Tanaka – 1955

Posté : 29 mars, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, TANAKA Kinuyo | Pas de commentaires »

Maternité éternelle

Les deux premiers films de Kinuyo Tanaka (Lettre d’amour et La Lune s’est levée) étaient magnifiques. Celui-ci est sans doute le plus personnel de tous ceux qu’elle a réalisés. Celui qui véhicule aussi la plus grande urgence, jusque dans l’histoire de sa production. Le film s’inspire de l’histoire de la poétesse Fumiko Nakajo, morte en 1954 à 31 ans, quelques mois seulement avant le tournage. Sa mort, la biographie que lui consacre le journaliste qui fut son amant, le scénario qu’en tire Sumie Tanaka (aucun lien), et le film de Kinuyo Tanaka… Tout ça s’enchaîne en l’espace d’un an.

Triste destin que celui de Fumiko, femme trompée, divorcée, séparée de son fils, amputée de ses seins suite à un cancer qui finit par gagner les poumons… Le genre de destin qui inspire les pires mélodrames hollywoodiens. Kinuyo Tanaka en tire un film évidemment bouleversant (que celui qui ne pleure pas dans les dernières scènes quitte ce blog immédiatement), mais avant tout sensible et délicat.

Humble et audacieux, aussi. Tanaka filme cette histoire sans fioriture, avec une extrême simplicité, et un sens aigu du détail. C’est cette simplicité qui domine, parce que tout ce que filme l’actrice (qui s’attribue le petit rôle de la voisine) et réalisatrice est strictement au service du personnage, de sa douleur et de sa dignité. Mais le film est aussi très audacieux donc, dans sa manière d’aborder le cancer et le corps des femmes, frontalement, sans voyeurisme ni misérabilisme.

Dans le cinéma des années 50 (et pas uniquement le cinéma japonais), aborder un sujet comme celui-ci avec cette approche là, directe, est exceptionnel. A vrai dire, dans les décennies qui suivront aussi. Tanaka filme la mort qui rode, le corps qui trahit. Elle filme une mère hantée par l’idée de perdre ses enfants, mais aussi une femme dont le corps, amputé, réclame cet amour que pourrait lui offrir le journaliste, qui est venu pour un sujet voyeuriste (une jeune poétesse aux portes de la mort juste après la publication de son premier ouvrage), et qui est resté par amour.

L’étreinte qui unit ces deux êtres inspire à Tanaka ses deux plans les plus audacieux, et peut-être les plus beaux. L’un, étrange caméra subjective adoptant le point de vue… du lit. L’autre, délicat et déchirant, captant la main de l’une, et le regard de l’autre. C’est beau, comme le regard de M. Hori comprenant les sentiments de celle dont il admire tant les poèmes. Ou le regard des enfants se raccrochant à leurs espoirs. Tiens… M’en va retourner verser quelques larmes, moi.

La Lune s’est levée (Tsuki wa noborinu) – de Kinuyo Tanaka – 1955

Posté : 9 novembre, 2022 @ 8:00 dans 1950-1959, TANAKA Kinuyo | Pas de commentaires »

La Lune s'est levée

Lettre d’amour, le premier film de Kinuyo Tanaka en tant que réalisatrice, m’avait laissé à peu près dans le même état que son personnage principal, sous le choc d’une révélation magnifique dans le taxi qui l’emmenait vers celle qu’il aime… Autant dire qu’il me tardait de découvrir la suite de son œuvre. Avec La Lune s’est levée, le deuxième de ses six films derrière la caméra, la cinéaste va plus loin encore dans l’épure et la simplicité, pour une nouvelle merveille tout aussi aboutie.

Le film est clairement placé sous le parrainage d’Ozu, avec qui l’actrice Kinuyo Tanaka a plusieurs fois collaboré (de J’ai été diplômé, mais… aux Sœurs Munakata, une dizaine de films en commun depuis 1929, et Fleurs d’équinoxe suivra). C’est lui qui signe le scénario de La Lune s’est levée, dont le thème n’est pas sans rappelé celui du sublime Voyage à Tokyo tourné deux ans plus tôt. Le grand Chishu Ryu retrouve d’ailleurs ici un rôle assez similaire, quoi que plus en retrait.

Celui d’un père vieillissant et veuf, dont les filles sont en âge de voler de leurs propres ailes et de quitter la demeure familiale dans une petite ville paisible, pour créer leur propre destin dans le tumulte de Tokyo. Tokyo dont, pour le coup, on ne voit rien, même si son aura est omniprésente. Le film de Kinuyo Tanaka oppose bien ces deux modes de vie : l’effervescence d’une grande ville à la quiétude d’une ville de province. A ceci près que tout le film se déroule dans une sorte d’entre deux, comme si les quelques semaines durant lesquelles se déroule l’histoire étaient l’antichambre d’une autre existence.

Dès les premières scènes, la réalisatrice rend perceptible cet état d’entre-deux. Tous les personnages semblent être à l’aube de quelque chose : sur le point de partir, ou simplement de passage. Il y a quelque chose de l’atmosphère d’une fin d’été dans ces moments anodins, ces soirées qui s’étirent au clair de lune, et cette conscience soudaine que le temps est compté, que les occasions qui se présentent resteront uniques.

Le film se concentre sur trois sœurs, les trois filles de Chishu Ryu. L’aînée est une veuve qui n’ose espérer une seconde chance. La cadette affirme à qui veut l’entendre que le mariage ne l’intéresse pas. La benjamine, pleine de vie, est bien décidée à jouer les entremetteuses pour que son aînée et ce jeune homme qui l’a connue bien des années avant se déclarent leur flamme. En oubliant au passage ses propres sentiments pour un autre homme qui s’apprêtent à partir…

Ce thème de l’occasion qui ne se représentera plus, et du temps qui passe n’offrant que de rares parenthèses, est magnifiquement résumé lors de la rencontre arrangée au clair de lune entre la cadette et celui qui n’a jamais oublié leurs rencontres d’autrefois. « On a déjà vécu ce moment », lui souffle-t-il, avant d’ajouter : « J’étais aussi à la veille d’un départ ». C’est simple, sobre, délicat, et magnifique.

Magnifique aussi, la manière dont Kinuyo Tanaka filme les mouvements, cadrant une main qui en saisie une autre, un visage qui se dissimule, un regard qui se trouble, les détails de gestes traditionnels mille fois répétés. Il y a là une sorte de sérénité associée très intimement à une urgence absolue, et c’est, encore une fois, d’une très grande beauté.

Lettre d’amour (Koibumi) – de Kinuyo Tanaka – 1953

Posté : 6 novembre, 2022 @ 8:00 dans 1950-1959, TANAKA Kinuyo | Pas de commentaires »

Lettre d'amour

250 films à son actif entre le muet et les années 70, des collaborations régulières avec Naruse, Mizoguchi et la plupart des grands cinéastes japonais… Kinuyo Tanaka est l’une des plus grandes actrices de son pays, et l’une des très rares à être passé derrière la caméra durant cette période bénie pour le cinéma japonais. Lettre d’amour est le premier des six films qu’elle tourne entre 1953 et 1962, et c’est une merveille.

Comme souvent dans le cinéma japonais, il est question du passé, et de la trace qu’a laissé la seconde guerre mondiale sur le pays. Le héros, Reikichi, est un vétéran qui survit plus qu’il ne vit vraiment depuis la fin du conflit, vivotant au crochet de son jeune frère, hanté par le souvenir d’une femme qu’il aime depuis toujours mais qui a dû se marier à un autre. Apathique, hagard, il erre dans les ruelles étroites de Tokyo, ne s’aventurant guère en dehors de ce quartier à l’ancienne où il a trouvé un petit boulot grâce à un ami : il écrit des lettres d’amour pour des femmes désireuses de soutirer un peu d’argent aux Américains avec lesquels elles ont eu des aventures…

Kinuyo Tanaka filme ce quartier traditionnel non pas comme un refuge, mais comme un lieu coupé du vrai monde, en l’occurrence ce Japon définitivement gagné par le mode de vie occidental, des rues pleines de voitures, de bruits et de mouvements. Son personnage ne s’y aventure réellement qu’une fois, s’y précipitant comme on saute dans le vide, pour rattraper ce fantôme du passé qui lui est apparu.

Les retrouvailles entre Reikichi et Michiko, son amour perdu, sont d’une beauté renversante, merveille de douleur renfermée et d’un romantisme contrarié, avec cette lumière qui baigne la scène à la verticale, trop vive, comme les sentiments que ressentent les deux personnages. C’est beau et triste à la fois, c’est bouleversant. Bouleversant aussi, la bonté qui entoure Reikichi : ce frère et cet ami qui se démènent pour le sortir de sa torpeur, pour réparer ce qui peut l’être.

Intelligence de la mise en scène, intensité du récit, une émotion qui emporte tout… Lettre d’amour est un magnifique premier film, la naissance d’une cinéaste qui impose d’emblée un style bien à elle. C’est ce qu’on appelle une révélation.

 

Kiefer Sutherland Filmographie |
LE PIANO un film de Lévon ... |
Twilight, The vampire diari... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | CABINE OF THE DEAD
| film streaming
| inderalfr