The Company Men (id.) – de John Wells – 2010
Des films évoquant la Crise (avec un grand C) et ses ravages, il y en a eu beaucoup ces dernières années. Beaucoup de films engagés illustrant le cynisme de la finance et de ce monde des affaires où le profit et les statistiques priment sur l’humain.
Dans ce domaine, The Company Men n’apporte pas grand-chose. Bien sûr, le film présente le monde de l’industrie comme une immense machine qui a perdu son humanité au fil du temps. Le grand patron fut un entrepreneur courageux qui a bâti un empire, mais qui a fini par vendre son âme, licenciant sans ciller des milliers de personnes pour faire grimper les actions de sa boîte de quelques points.
Quant à ses « victimes », ce sont des pères de famille qui perdent du jour au lendemain tout ce qu’ils avaient, mais qui finissent, pour certains, par réaliser qu’ils ont là une opportunité de se recentrer vers les valeurs essentielles de la vie. Une sorte de seconde chance. Au goût amer, et parfois douloureux, certes, mais quand même…
Bref, tout pour faire un film bien populiste, à la morale irréprochable mais un rien trop facile. Pourtant, John Wells signe un beau film, d’un classicisme à l’ancienne. Cette légère naïveté du scénario est au service des personnages et de leur destin. Leur parcours personnel pourrait être noyé sous une pluie de guimauve, mais la mise en scène est constamment élégante et délicate, bouclant même la trajectoire tragique de l’un des personnages par une ellipse magnifique, qui frappe davantage les esprits que des effets lacrymaux trop appuyés…
Dans le rôle principal, surprise, Ben Affleck est assez formidable. Bien plus à l’aise que dans les superproductions boursouflées où il a trop donné, il rappelle tardivement qu’il n’est pas juste l’un des réalisateurs les plus excitants du moment, mais qu’il peut aussi être un comédien profond. Cadre trop payé viré du jour au lendemain, tiraillé entre la colère, la frustration, la honte, incapable d’apprécier l’amour de sa famille… il voit la vie qu’il s’était construite s’étioler doucement, pour ne plus se limiter qu’à l’essentiel, cet essentiel qu’il avait perdu de vue.
Tommy Lee Jones aussi est formidable, comme toujours, homme de confiance ravalant sa fierté et ses convictions tant qu’il le peut. Chris Cooper, grand acteur méconnu, est bouleversant en homme qui se retrouve au point de départ de sa vie, l’avenir en moins. Quant à Maria Bello, dans un rôle plus en retrait, elle est d’une justesse exemplaire, en DRH forcée de dresser la liste de ceux qui seront privés d’emploi…
Plus surprenant, John Wells s’offre un second rôle de luxe : Kevin Costner, alors au plus bas, qui joue le beau-frère artisan d’Affleck. Il révèle une facette encore peu utilisée de son talent, avec cet homme un peu rustre et peu aimable, qui révèle une personnalité plus complexe et attachante au fur et à mesure que le regard d’Affleck change sur son entourage.
Sur tous ces personnages, Wells, scénariste et réalisateur, porte un regard d’une bienveillance rare. Et ça fait un bien fou…