Horizon : une saga américaine, chapitre 1 (Horizon : An American Saga – Chapter 1) – de Kevin Costner – 2024
Après avoir vu ce film, attendu depuis une quinzaine d’années par les amoureux de westerns et de Kevin Costner (dont je suis, bien sûr… après tout, Danse Avec Les Loups a changé ma vie), une question me taraude : et si Costner avait décidément une bonne fois pour toute de ne plus se soucier le moins du monde du public ? Et s’il ne réalisait ce film que pour lui-même ? Et si, en plus, cette idée-même en faisait l’un des films américains de ce calibre les plus radicaux de l’année ?
Bon, je m’égare sans doute un peu, mais le fait est là : avec ce premier long volet (trois heures) d’une saga qui doit en compter quatre si Dieu-Money le veut (le deuxième est déjà en boîte, le troisième vaguement commencé, le quatrième espéré), Costner ne fait rien pour obtenir les faveurs d’un public habitué à des blockbusters ampoulés qui font exploser l’univers entiers toutes les dix minutes…
Lui nous plonge une nouvelle fois dans le genre ringard par excellence (même la comédie musicale a plus le vent en poupe que le western), et joue le jeu de la longue distance, avec une action extrêmement lente, une multitude de personnages et d’enjeux, un récit dont on ne saisit pas encore bien vers où il nous mène, et un refus viscéral du manichéisme de rigueur.
Oh ! Les premières (dizaines de) minutes sont trompeuses : ça commence par le massacre d’innocentes familles de pionniers par de cruels Indiens assoiffés de sang et de scalps. De quoi faire penser que Costner, trente ans après le grand étendard humaniste qu’est Danse Avec Les Loups, est rentré dans le rang d’une Amérique réac et repliée sur elle-même. Mais non, bien sûr.
Aujourd’hui comme il y a trente ans, Costner refuse tout jugement, et tout parti-pris : les gentils et les méchants existent dans tous les peuples, dans toutes les familles. Et la frontière entre les deux n’est pas toujours bien facile à tracer. Une chose est sûr : la bonté, la bêtise, le courage et la lâcheté ne sont l’apanage d’aucun groupe. C’est aux individus que l’on reconnaît la grandeur d’un peuple.
Et c’est là, sans doute, que Kevin Costner est, et reste, le plus Américain des cinéastes américains. On retrouve dans ce Horizon chapitre 1 toutes les obsessions qui habitent son cinéma depuis si longtemps, et qui en font une terre à part, le seul héritier peut-être d’un certain cinéma américain, celui d’un King Vidor dont il adopte à la fois l’ambition et l’humanité.
Il y a donc beaucoup d’intrigues dans ce premier volet, et beaucoup de personnages. Costner lui-même n’apparaît d’ailleurs qu’au bout de (à vue de nez) pas loin d’une heure. Et s’il s’offre un rôle de justicier solitaire et courageux qui lui va comme un gant, il se met curieusement en retrait, par rapport à des personnages moins habituels du genre.
Il réserve ainsi une belle place aux femmes. Ce qui n’est pas totalement nouveau : Mary McDonnell dans Danse Avec Les Loups et Annette Benning dans Open Range avaient déjà de très beaux rôles. Mais Sienna Miller s’impose comme la véritable colonne vertébrale de ce premier chapitre, une mère douleur et courage dont la présence donne une furieuse envie de voir la suite.
Il y a d’ailleurs bien des raisons de l’attendre, cette suite, tant le film de Costner donne l’impression de vivre une expérience rare, un véritable voyage où l’action et l’émotion, quand ils surgissent sont d’autant plus fulgurants que le film n’évite pas les moments en creux. Costner rêvait de ce film depuis si longtemps… Il a visiblement bien l’intention de vivre ce rêve pleinement.