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Archive pour la catégorie 'SJÖSTRÖM Victor'

Ingeborg Holm (id.) – de Victor Sjöström – 1913

Posté : 19 avril, 2022 @ 8:00 dans 1895-1919, FILMS MUETS, SJÖSTRÖM Victor | Pas de commentaires »

Ingeborg Holm

Rude et cruel, le destin de cette mère martyr, contrainte de vivre en foyer et d’accepter que ses enfants soient placés en familles d’accueil après que son mari est mort, malade et criblé de dettes. Un destin comme le cinéma du monde entier en a raconté beaucoup : des personnages de femmes balayées par une société patriarcale et un sort qui s’acharne.

Bonne nouvelle : c’est Victor Sjöström qui écrite et réalise cette adaptation d’une pièce de théâtre. Et on retrouve dès cette œuvre de jeunesse ce qui fait la grandeur de son cinéma : un sens du détail vrai, une empathie pour ceux que la vie n’épargne pas, et une intensité folle, qui fait oublier le côté un peu statique de certaines scènes, et les longueurs.

Ce n’est que le huitième film de Sjöström, réalisateur depuis l’année précédente seulement. Et il est encore loin d’aller à l’essentiel. La première partie, surtout, est un peu plombée par cette tendance à filmer le moindre mouvement, si anodin soit-il, dans sa longueur. D’où l’impression première de voir un film d’à peine 1h15 qui semble pourtant deux fois trop longs.

Mais cette impression s’estompe, au fur et à mesure que le mélo va plus loin. Rien n’épargne la pauvre Ingeborg Holm, qui se résout à faire les choix les plus cruels pour une mère, mais pour qui le pure est toujours à venir. Ce pourrait être trop pesant, trop ampoulé. Mais il y a cette intensité de la mise en scène, et le fait que, même quand c’est too much, eh bien c’est beau, et l’émotion vous prend aux tripes.

C’est une œuvre de jeunesse, et du cinéma encore un peu primitif. Mais Ingerborg Holm laisse apercevoir le regard d’un grand cinéaste encore en devenir. Beau mélo, belle curiosité.

Terje Vigen (id.) – de Victor Sjöström – 1917

Posté : 1 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1895-1919, FILMS MUETS, SJÖSTRÖM Victor | Pas de commentaires »

Terje Vigen

En 1917, Sjöström n’est pas un débutant : il a déjà une quinzaine de longs métrages à son actif, qui ont déjà fait de lui le plus grand cinéaste suédois de sa génération. L’un des plus grands de l’histoire d’ailleurs. Mais il n’a pas encore la carrure internationale que ce Terje Vigen allait lui apporter : une production inhabituellement ambitieuse, l’adaptation d’un long poème du Norvégien Henrik Ibsen, et surtout un chef d’œuvre très en avance sur l’immense majorité des films de cette période.

Car en 1917, le cinéma reste très majoritairement tâtonnant, peaufinant peu à peu l’art de la mise en scène et du langage cinématographique dans le sillage de quelques visionnaires, dont on retient surtout les chefs de file américain, Griffith ou De Mille. C’est un peu vite oublier le reste du monde, bien sûr. Et Sjöström, comme Murnau un peu plus tard, allait en remontrer aux grands noms hollywoodiens, souvent pris en modèle, avant de s’imposer lui-même dans la capitale du cinéma (à partir de Larmes de clown, en 1924).

C’est avec ce Terje Vigen que Sjöström a commencé à taper dans l’œil des Américains. Parce que le cinéaste maîtrise alors déjà parfaitement son art : un sens du cadre, une manière de faire naître la tension ou l’émotion de la lumière et du contre-jour, et de filmer ses personnages dans leur environnement. La mer en l’occurrence, omniprésente, presque de chaque plan, un personnage à part entière, à la fois refuge et source de danger.

Oui, la longue séquence finale dans la tempête peine à convaincre, parce qu’on a du mal à y voir une tempête justement. Le cinéma reste un art très jeune, et on ne parle pas encore d’effets spéciaux. On excuse donc facilement à Sjöström et à son équipe de ne pas avoir réellement risquer leurs vies en tournant dans une vraie tempête. Mais quand même, la mer semble bien calme pour rendre palpable le danger immédiat.

Mais il y a le rythme aussi, implacable et novateur. Le récit est vif et plein de rebondissements, dignes d’un serial. Mais Sjöström choisit le plus souvent de prolonger ses plans juste un peu trop , créant ainsi un suspense, une tension, une panique même, par moments. Une dimension tragique en tout cas, qui trouve son apogée lors de la poursuite en canots, où la fuite désespérée de Terje Vigen (Sjöström lui-même) est mise en parallèle avec ses poursuivants anglais implacables, avec des gros plans sur les bras de l’un et des autres ramant de toutes leurs forces.

Les quelques minutes qui suivent, où les soldats anglais traquent leurs proies en scrutant la surface de l’eau autour de leur embarcation, sont d’une force et d’une intensité incroyables. Une force que l’on ressent de la première à la dernière image. Sjöström a longtemps hésité avant de porter à l’écran l’œuvre d’Ibsen. En adaptant Terje Vigen, l’histoire d’un marin suédois dont la famille est une victime collatérale des guerres napoléoniennes, il signe un chef d’œuvre, et s’impose comme un immense cinéaste international.

Le Vent (The Wind) – de Victor Sjöström – 1928

Posté : 10 octobre, 2013 @ 12:43 dans 1920-1929, SJÖSTRÖM Victor | Pas de commentaires »

Le Vent (The Wind) – de Victor Sjöström – 1928 dans 1920-1929 le-vent

Avec Le Vent, tourné au crépuscule du cinéma muet, Sjöström signe un chef d’œuvre viscéral. Le film, œuvre sensorielle totale, n’aurait pas pu porter un meilleur titre. Comme Truffaut avec La Peau douce, « le vent » est la raison d’être du film, bien plus qu’un simple décor : son personnage principal, et le moteur de toute l’action et des personnages…

Un vent omniprésent, que Sjöström s’attache à nous faire ressentir, nous plongeant au cœur d’une véritable tempête par écran interposé. Imaginez un vent violent, chargé de sable, qui soufflerait heure après heure, jour après jour, sans jamais s’arrêter. Dans une immense plaine de sable, sans âme qui vive ou presque, dans une petite bicoque pas vraiment hermétique.

C’est là que le personnage de Lilian Gish se retrouve, isolée du monde, dans un univers hostile où elle s’enfonce inexorablement dans la première partie. On ignore d’où vient cette jeune femme, mais on voit parfaitement où elle va, et surtout par où elle passe. Séduite par un aventurier qui finira par lui révéler qu’il est déjà marié, elle trouve refuge chez son cousin. Rejetée par la femme de ce dernier, elle finit par épouser un homme qu’elle n’aime pas. Alors que l’amour vient enfin, elle est violée lors d’une nuit de tempête hallucinante… Pas gai tout ça.

Mais le pire, c’est ce vent si présent, qui met à mal les nerfs de la pauvre Lilian Gish, sublime et bouleversante, petite chose fragile isolée dans un environnement totalement hostile : la nature dont on ne voit qu’une perpétuelle tempête de sable, et les hommes rustres et parfois violents. Le ton est rude, le vent rend fou, mais le film est superbe.

C’est merveilleusement réalisé, dans des décors qui semblent constamment prêts à être balayés, et dans des paysages que l’on devine immense, mais dont on ne voit qu’un rideau opaque de sable transporté par la tempête… Et cette croyance indienne selon laquelle le vent du Nord serait le fantôme d’un cheval au galop, que Sjöström illustre magnifiquement par des surimpressions qui rappellent son très beau La Charrette Fantôme, et qui donnent un ton poétiquement noir au film.

Le Vent est souvent considéré comme le dernier grand chef d’œuvre du muet. C’est en tout cas l’un des plus beaux rôles de Lilian Gish, et l’un des sommets de Sjöström. Un pur film de cinéaste, qui réussit à rendre palpable et menaçant ce vent pourtant invisible par essence. A tel point que, les mots The End s’affichant, on jurerait avoir entendu les portes qui claquent, les planches qui grincent, et les personnages qui hurlent pour se faire entendre…

• Comme Les Rapaces, Le Vent vient d’être édité par Bach Films, dans une édition DVD plus simple, avec uniquement quelques lobby cards et une présentation du film (plutôt centrée sur la carrière de Lilian Gish) par Agnès Michaux. Le packaging est séduisant, mais la qualité de l’image est… disons acceptable, à condition de ne pas être trop exigeant.

Larmes de clown (He who gets slapped) – de Victor Sjöström (Victor Seastrom) – 1924

Posté : 18 mars, 2012 @ 11:45 dans 1920-1929, FILMS MUETS, SJÖSTRÖM Victor | Pas de commentaires »

Larmes de clown (He who gets slapped) – de Victor Sjöström (Victor Seastrom) – 1924 dans 1920-1929 larmes-de-clown

Immense cinéaste suédois (Ingmar Bergman, “l’autre” grand Suédois, lui rendra d’ailleurs homage en lui confiant deux très beaux rôles dans Vers la joie et surtout Les Fraises sauvages), Victor Sjöström a marqué de son empreinte le premier âge d’or du cinéma de son pays, avec des films aussi beaux que La Charrette fantôme. Sa réputation attire l’attention des producteurs américains, qui font venir Sjöström à Hollywood cette année 1924, où il américanise son nom (Seastrom, plus facilement prononçable) et signe des films peut-être moins impressionnants que ses œuvres suédoises (en tout cas jusqu’à son classique, Le Vent), mais très réussis, à l’image de ce Larmes de clown, tourné quelques mois après l’arrivée de Sjöström aux Etats-Unis.

Historiquement, le film est important : c’est la toute première production de la MGM, major qui venait d’être fondée après la fusion de plusieurs sociétés de production. Mais le film est aussi important pour son acteur principal, Lon Chaney. Au sommet de son art, l’acteur avait déjà à son actif des films aussi marquants que Outside the Law de Tod Browning ou Shadows, de Tom Foreman). Il venait également d’interpréter le Faggin d’Oliver Twist, et surtout le Quasimodo de Notre-Dame de Paris, superproduction qui avait triomphé l’année précédente.

Pourtant, ce film a donné une nouvelle dimension à la carrière de Chaney : sa prestation exceptionnelle, et le succès immense du film, lui ouvrent grands les portes de la gloire éternelle, et de rôles plus complexes dans des films souvent prestigieux (notamment devant la caméra de Browning, qui lui offrira désormais des rôles particulièrement marquants). Chaney a d’ailleurs souvent dit que son personnage dans Larmes de clown était son préféré.

Ce rôle peut être vu comme la matrice de la plupart de ses grands personnages à venir : amoureux détruit par la trahison de sa bien-aîmée, il se transforme physiquement en parodie d’humain. Ce sera la trame de plusieurs de ses films (notamment de L’Inconnu, le sommet de sa collaboration avec Browning, qui sera un autre grand film de cirque), c’est déjà le cas ici.

Chaney, étonnamment sobre, interprète un scientifique sur le point de dévoiler une découverte capitale sur les origines de l’Homme, qui réalise que sa femme et son ami et financier sont amants et se sont approprié ses découvertes. Humilié, ruiné, il disparaît alors, et on le retrouve quelques années plus tard sous le déguisement d’un clown, revivant soir après soir son humiliation devant un public hilare. Une « thérapie » sans fin, cruelle et masochiste, dans laquelle Lon Chaney excelle.

L’acteur est magnifique. Méconnaissable dans les premières séquences, au naturel, il est bouleversant lors de quelques scènes-clé : celle où il comprend que sa femme et son ami l’ont trahi ; celle encore où, grimé en clown, la vision de la foule hilare lui ramène à la mémoire des fantômes douloureux.

C’est aussi dans Larmes de clown que Norma Shearer a trouvé son premier grand rôle. La star, « façonnée » par le patron de la MGM Irving Thalberg (qui l’épousera en 1927). Dans le rôle de la joli écuyère (personnage incontournable dans un film de cirque), elle forme un très joli couple, bulle d’innocence dans un monde particulièrement cruel, avec John Gilbert. Ce dernier était déjà une grande vedette, mais n’atteindrait son apogée qu’en devenant le partenaire de Greta Garbo dans Flesh and the Devil, trois ans plus tard.

 

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