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Archive pour la catégorie 'POLARS/NOIRS'

Casino (id.) – de Martin Scorsese – 1995

Posté : 27 septembre, 2023 @ 8:00 dans * Films de gangsters, 1990-1999, DE NIRO Robert, SCORSESE Martin | Pas de commentaires »

Casino

Les Affranchis ou Casino ? Casino ou Les Affranchis ? Me voilà bien incapable de dire lequel des deux est le plus abouti, le plus fou, le plus audacieux. Le fait est que, tournés à cinq ans d’écart, voilà peut-être les deux chefs d’œuvre de Scorsese, deux films jumeaux dans lesquels le style du cinéaste trouve sa forme la plus parfaite.

Cela tient à la virtuosité du gars bien sûr. Cela tient aussi à son casting exceptionnel, le trio Robert De Niro-Sharon Stone-Joe Pesci en tête. Cela tient surtout, peut-être, au montage hallucinant signé par l’indispensable Thelma Schoonmaker. Le montage, dans les grands films de Scorsese, est au cœur de leur réussite. Il donne à l’ensemble disparate voire foutraque des images un mouvement d’une pureté et d’une évidence extraordinaire.

Il permet aussi toutes les audaces, scènes hyperdécoupées ou plans séquences virtuoses, déluges de violence et pauses romantiques ou dramatiques… Visuellement, Scorsese semble tout se permettre, ouvrant son film sur des effets spéciaux inattendus, puis par une longue séquence dévoilant par des voix off bavardes et fascinantes le fonctionnement d’un casino et les enjeux de l’histoire…

On retrouve la même virtuosité que dans le précédent film de gangsters du cinéaste, la même vision de la mafia, les mêmes tourments humains aussi. Mais Casino n’est pas une simple copie, ni même un prolongement. Scorsese s’y approche plus que jamais peut-être de la tragédie grecque, dans ce qu’elle a de plus exceptionnelle et humaine à la fois.

Sam Rothstein (De Niro, très grand) est une espèce de demi-dieu, de souverain en son royaume : le Las Vegas des années 1970, sous la coupe d’une mafia qui ne dit pas son nom mais qui impose sa loi. Un homme de confiance, qui a tout pour atteindre les sommets. Mais il a un ami d’enfance encombrant, Nicky, caïd de la pègre aux pulsions mortelles (Pesci, aussi flippant que dans Les Affranchis). Et il tombe amoureux de la femme qu’il ne faut pas, Ginger.

Avec cette figure tragique, superbe et pathétique, Sharon Stone trouve le rôle de sa vie, le seul peut-être digne du statut qui était le sien après Basic Instinct. Scorsese en fait le moteur principal de son drame, la figure autour de laquelle tout le film se concentre bientôt. Et sans y paraître, c’est tout le rythme du montage qui oscille en fonction de l’état d’esprit du personnage. Grand rôle, et grande interprétation.

Grand conteur, grand chef d’orchestre même, tant son cinéma est ample et brasse de multiples enjeux et personnages, Scorsese n’est sans doute jamais aussi inspiré que quand il a un décor fort à filmer : le monde de la boxe, celui du billard, les nuits de New York, le milieu de la pègre… Filmer les casinos et leurs joueurs avides offrent quelques-unes des images les plus fortes de tout son cinéma.

Misanthrope (To catch a killer) – de Damián Szifrón – 2023

Posté : 24 septembre, 2023 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 2020-2029, SZIFRON Damian | Pas de commentaires »

Misanthrope

Il est souvent passionnant de voir des réalisateurs étrangers s’emparer des codes du thriller américain. Parce que le genre semble marquer le pas depuis quelques années (il faut dire que les franchises ne laissent guère de place), et parce qu’un regard biberonné à une autre culture permet souvent de réinventer ces codes, tout en en respectant leur importance.

De Robert Siodmak à Barbet Schroeder, les exemples ne manquent. Cette fois, c’est un réalisateur argentin qui s’y colle, et ça ne saute pas aux yeux : Misanthrope a plutôt les allures d’un thriller nordique, et pas seulement parce que l’action se déroule en plein hiver, avec de grandes scènes enneigées. Il y a aussi un aspect rugueux et austère chez les personnages, qui sont plutôt des caractéristiques du Grand Nord.

Ce qu’on pourrait dire aussi, d’une certaine manière, d’un grand classique du film de tueurs en série, auquel on pense immanquablement beaucoup : Le Silence des Agneaux, que cite ouvertement Damián Szifrón. Faire de l’héroïne une jeune novice tourmentée confrontée dès sa première affaire à un tueur méthodique est insaisissable n’est pas un hasard.

Il y a du Clarice Sterling dans le personnage joué par Shailene Woodley, aux antipodes du tout-venant des héroïnes hollywoodiennes : une policière effacée, pas même charismatique, mais obsessionnelle et pleine d’empathie. Une qualité centrale dans ce film, dont la principale originalité repose peut-être sur l’importance qu’il accorde à l’humanité de ses personnages, du super-enquêteur joué par l’intense Ben Mendelsohn au du tueur aussi glaçant… que touchant.

C’est aussi, et surtout, un vrai thriller, d’une efficacité redoutable, admirablement tendu, qui rappelle les meilleurs aspects d’un cinéma de genre en voix de disparition avec l’omniprésence des super-héros. La mise en scène est précise et inspirée (on pardonnera à Szifrón les quelques plans « à l’envers » gratuits et tape-à-l’œil), le scénario intelligent, les personnages attachants… Que du bon dans ce thriller épatant.

La police fédérale enquête (The FBI Story) – de Mervyn LeRoy – 1959

Posté : 23 septembre, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, LeROY Mervyn, MILES Vera, POLARS/NOIRS, STEWART James | Pas de commentaires »

La Police fédérale enquête

Le titre original est plus juste que sa « traduction » française : c’est l’histoire du FBI que raconte le film de LeRoy. Mais là où Clint Eastwood, dans J. Edgar, n’éludera rien de la complexité du tout puissant patron du « bureau », LeRoy signe une véritable hagiographie du FBI et de son directeur, d’où toute nuance est bannie.

Le FBI est le grand œuvre du modèle américain, et Hoover est un guide ultime, que la caméra caresse avec un respect extrême, filmant sa silhouette comme une apparition divine. Il faut voir aussi l’effet que son discours d’introduction produit sur ses ouailles. Voir le regard énamouré de James Stewart, agent du FBI qui vit ce discours comme une révélation quasi-mystique.

C’en est parfois franchement gênant, voire risible, tant la nuance et le recul ne sont pas les points forts du film. Mais au moins LeRoy annonce-t-il la couleur dès les premières minutes. Aussi a-t-on le temps de s’y faire, et de se focaliser sur les aspects positifs. Qui ne manquent pas dans ce film finalement bien foutu et même assez passionnant.

Il y a d’abord la belle mise en scène de LeRoy, avec quelques éclats de pur cinéma. Une fusillade aussi brève que percutante. Le reflet d’hommes cagoulés dans la vitrine d’un journal. Un baiser entre les rayonnages d’une bibliothèque… Des moments qui permettent de donner du corps aux personnages : le couple ballotté par la violence qu’interprètent James Stewart et Vera Miles, trois ans avant L’Homme qui tua Liberty Valance.

A travers ce couple, LeRoy raconte les premières années du FBI au rythme, comme des chapitres successifs, des grandes enquêtes fondatrices (auxquelles le personnage de Stewart est systématiquement rattaché) : la lutte contre le Ku Klux Klan, les meurtres des Indiens Osage (ceux-là même qui sont au cœur du Killers of the Flower Moon de Scorsese), Baby Face Nelson, Dillinger…

Ne réveillez pas un flic qui dort – de José Pinheiro – 1988

Posté : 21 septembre, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1980-1989, PINHEIRO José | Pas de commentaires »

Ne réveillez pas un flic qui dort

Je n’attendais strictement rien de ce polar tardif de Delon, ses adieux au cinéma de héros comme Le Solitaire fut ceux de Belmondo l’année précédente. Juste l’envie un peu régressive de revoir les derniers feux de la star, ces ultimes moments où Delon se vit comme une superstar encore active.

Et voilà que je me surprends à y prendre un vrai plaisir. Oh ! Pas que le film soit très réussi. Une histoire un peu con, pompage éhonté de Magnum Force quinze ans après, une musique insupportable, des personnages caricaturaux, et Pinheiro qui se dresse en ersatz de Jacques Deray sous influence hollywoodienne…

C’est exactement ce qu’est le film : un Deray sous influence hollywoodienne, avec la noirceur de l’un et les excès de l’autre. Et au centre, un Delon qui en fait le minimum, mais avec une présence indéniable. On ne peut certes pas en dire autant de Michel Serrault, qui cachetonne sans forcer son talent dans un rôle de flic pourri à la tête d’un escadron de la mort.

Il fait la gueule et ne parle guère. Normal : c’est le méchant. A ses côtés, Xavier Delluc est pire, surjouant le sadisme de l’homme de main qui prend son pied à tuer la racaille. Avec un flingue, un bazooka, une arbalète ou une tenaille… C’est qu’il faut varier les plaisirs si on veut tenir l’attention du spectateur.

C’est con, ça devrait être insupportable. Mais la présence de Delon et quelques scènes d’action percutantes et bien senties assurent l’intérêt, notamment une fusillade à la Mesrine d’une violence rare. Pas un temps mort, pas non plus de grande idée, de grande vision… Mais le contrat est rempli. Le cahier des charges, c’est vrai, était bien mince.

Burning days (Kurak Günler) – d’Emin Alper – 2022

Posté : 15 septembre, 2023 @ 8:00 dans * Polars européens, 2020-2029, ALPER Emin | Pas de commentaires »

Burning Days

Il n’y a pas que Nuri Bilge Ceylan dans le cinéma turc. L’importance du plus grand cinéaste vivant ne doit pas faire oublier d’autres noms eux aussi passionnants, comme Emin Alper qui, neuf ans et deux films après un premier long métrage très remarqué (Derrière la colline), revient avec ce thriller politique sous tension, qui réussit un premier pari assez fou sous « l’ère Ceylan » : filmer les grands espaces de l’Anatolie en échappant constamment à l’influence du réalisateur de Winter Sleep.

Ils sont pourtant importants, les paysages. Mais comme une présence envoûtante et inquiétante qui, dès les premières images, commencent à peser sur le personnage principal, tout jeune procureur venu de la ville, qui vient d’arriver dans cette petite localité perdue au milieu de nulle part, où tout semble archaïque. Tellement intègre qu’il en apparaît rigide, il est confronté à une corruption galopante, et côtoie des notables dont les principaux amusements consistent à traverser la ville en tirant vers le ciel à coups de fusils, tout en tirant derrière leur pick-up la dépouille sanglante d’un sanglier abattu.

Il y a des allures de western dans Burning Days. De film noir aussi, avec cette histoire d’eau lourde qui ne peut pas ne pas faire penser à Chinatown, d’autant plus que le même sentiment de paranoïa généralisée ne cesse de se développer. Quelque chose de bestial aussi, qui fait un peu penser au récent et puissant Serment de Pamfir, dans une séquence alcoolisée qui fait basculer le récit vers une dimension plus cauchemardesque. Et même quelque chose du cinéma de Carpenter dans un final étouffant au suspense hallucinant.

Ce personnage de procureur est en tout cas fascinant. Trop droit, trois jeune, trop lisse, trop pâle même, et trop différent pour ne pas se heurter frontalement à une population autochtone dont on ne sait si elle est composée d’idiots ou de monstres. Ce doute est constant, oppressant, jusqu’à donner lieu à un final quasi irréel, et inoubliable.

En tant que film de genre, Burning Days est déjà très, très intense. Mais Emin Alper signe par ailleurs un film éminemment politique, beaucoup plus que le cinéma de Ceylan par exemple. Il met en scène un pays tiraillé entre l’Est et l’Ouest, gangrené par la corruption, ancré dans des traditions d’un autre temps, profondément et dangereusement homophobe… Glaçant.

Le Dénonciateur (The Informer) – d’Arthur Robison – 1929

Posté : 9 septembre, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, POLARS/NOIRS, ROBISON Arthur | Pas de commentaires »

Le Dénonciateur

J’étais jusqu’à présent totalement passé à côté du fait que Le Mouchard de John Ford, adapté d’une pièce écrite par l’un de ses cousins, était un remake. Et qui plus est d’un film assez formidable. Cinq ans avant le chef d’œuvre de Ford, et dans les dernières heures du muet, c’est un cinéaste germano-américain, Arthur Robison, qui porte à l’écran dans une production anglaise cette histoire nord-irlandaise.

Encore que, dans cette version-ci, le contexte politico-sanglant de la guerre d’indépendance irlandaise est pour le moins évacué à l’arrière-plan. Le décor est bien représentatif : celui, nocturne et grouillant de vie, d’un quartier populaire tout en briques, en misère et en humidité. Mais jamais la référence au contexte historique, prédominant dans le film de Ford, n’est clairement affiché.

L’incident à l’origine du drame, un échange de coups de feu entre deux groupes armés, peut ainsi être résumé à l’affrontement de deux gangs rivaux. La violence est la même. Quant au moteur de la dénonciation, qui donne son titre au film, ce n’est finalement rien d’autre qu’un accès de jalousie. Moins ancré dans la réalité quasi-contemporaine que le remake de 1934, le film de Robison n’en est pas moins passionnant, avec une dimension assez universelle.

Gypo Nolan est ici joué par Lars Hanson, un acteur suédois qui n’annonce en rien le Victor McLaglen génialement bas-du-front chez Ford. Lui est un homme qui fut droit, avant de se livrer à cette dénonciation aux effets dramatiques. Un brusque accès magnifiquement filmé par un incroyable travelling sortant l’homme de l’ombre et de l’isolement pour le confronter à la populace grouillante de ce bas-quartier.

Il est aussi un homme rongé par le remord, et tiraillé entre son instinct de survie et sa soif de rédemption. En 1929 comme en 1934, la rédemption et la religion ne sont pas des valeurs à prendre à la légère. Et ce sont des valeurs qui peuvent donner des conclusions pesantes, ou sublimes selon la qualité du réalisateur. Robison est doué. La fin tout en symbole de The Informer est magnifique, évoquant les grandes heures de Borzage. C’est dire.

La Découverte d’un secret (Schloss Vogelöd) – de Friedrich Wilhelm Murnau – 1921

Posté : 7 septembre, 2023 @ 8:00 dans * Polars européens, 1920-1929, FILMS MUETS, MURNAU Friedrich W. | Pas de commentaires »

La Découverte d'un secret

C’est le Murnau d’avant les grands films : il tournerait Nosferatu l’année suivante. Un Murnau un rien moins ambitieux dans ses thèmes. Mais c’est un Murnau déjà atypique, dont on fait plus que deviner la grandeur à venir.

Dans une scène de rêve qui n’apporte rien à l’histoire ni au projet, si ce n’est d’offrir une vision horrifique idéale pour offrir de belles images à diffuser dans les journaux de l’époque pour le spectateur amateur de sensations offertes, l’esthétique de la première grande adaptation du roman de Bram Stocker transparaît déjà avec une puissance visuelle frappante.

Plus tard, c’est une scène d’aveu dans un bref flash-back qui marque par la rigueur et la radicalité de sa mise en scène, mélange de grandiose et de simplicité tout en symbolique. La Découverte d’un secret, qui joue avec le goût prononcé à l’époque pour les grands châteaux pleins de mystères (vogue qui trouverait une sorte d’apogée en 1922 avec The Cat and the Canary), est comme ça parsemé de visions marquantes.

Ce sont ces visions, pour la plupart très éphémères voire cinglantes, qui font la réussite du film, basé sur une histoire de mystère dont on pressent très vite le dénouement. Un lieu clos (balayé par la pluie et le vent), des personnages aux caractères très forts qui représentent tous les pans de la culture populaire (du tragique au comique), un vieux meurtre et une mystérieuse disparition…

Ce sont des ressors simples qui sont à la base du film. Et tout en ayant bien conscience d’être devant un Murnau bien mineur, au regard du sommet que représentera L’Aurore six ans et quelques milliers de kilomètres plus tard, eh bien on prend un vrai plaisir devant ce petit serial à huis clos parfaitement maîtrisé.

Sa construction en cinq actes renforce le sentiment de vitesse qui domine, comme si les rebondissements s’enchaînaient à un rythme dingue. Pourtant, le film est avant tout basé sur des temps longs et des attentes. Peu d’action finalement, à l’image de cette grande scène de chasse dont on ne voit que le départ et le retour quinze minutes plus tard sous une pluie battante, ellipse ironique qui semble confirmer au spectateur qu’il ne faut pas s’attendre à de grands mouvements spectaculaires.

Au final, il ne se passe pas grand-chose d’autre que de l’attente, des souvenirs qui remontent, des secrets qui affleurent. Avec une belle économie de moyens, Murnau signe un vrai film de genre, plein de suspense et de drames humains. Et d’humour. Mineur, mais passionnant, et réjouissant.

Le Secret du Grand Canyon (Edge of Eternity) – de Don Siegel – 1959

Posté : 2 septembre, 2023 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, SIEGEL Don | Pas de commentaires »

Le Secret du Grand Canyon

Je ne crois pas m’avancer beaucoup en affirmant que Le Secret du Grand Canyon est le seul film de l’histoire qui remercie dans son générique l’implication de la United States Guano Corporation, entreprise spécialisée dans le ramassage des fientes de chauves-souris. Ne serait-ce que pour cette particularité, qui a son importance dans l’intrigue, ce film méconnu de Don Siegel mérite d’être vu.

Ce n’est clairement pas le plus réputé des films de Siegel. Ni le plus célèbre, ni le plus réussi : une curiosité dont la principale raison d’être semble être ce Grand Canyon qui lui donne son titre français. Pas comme un film-carte postale, non : la région est présentée comme un désert aride et sans avenir, pleine de poussière et des souvenirs d’une mine d’or depuis longtemps désaffectée.

Ce décor spectaculaire et austère est au cœur du film, d’une intrigue qui donne le sentiment de n’être qu’un prétexte, guère original et pas toujours très crédible. Les premières minutes sont pleines de promesses pourtant : en haut du canyon, un homme tente d’en tuer un autre. L’un des deux tombe. L’autre est retrouvé mort à son tour peu après.

Le film tient en haleine tant qu’il conserve tout son mystère. La résolution n’est pas à la hauteur, et Siegel lui-même, cinéaste pourtant percutant, donne par moments l’impression de ne pas savoir quoi faire de ses personnages, qui paraissent par moments empruntés, à l’image du père Kendon, l’ancien patron de la mine dont les simples déplacements paraissent artificiels.

Le film est tout juste sympathique, porté par un Cornel Wilde plutôt pas mal, mais au charisme discret, et par une Victoria Shaw très (trop) souriante. Les seconds rôles sont particulièrement en retrait, y compris les habituellement nettement plus truculents Michel Shaughnessy (dans le rôle du shérif) et Tom Fadden (dans celui du gardien de la mine).

Même Jack Elam semble effacé. Il faut dire que son personnage est sympathique… ce qui, en soit, justifie de voir ce film un peu décevant, mais bien sympathique tout de même. Ça et une dernière séquence vertigineuse et très efficace, où vertige et guano font bon ménage.

Memento (id.) – de Christopher Nolan – 2000

Posté : 1 septembre, 2023 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 2000-2009, NOLAN Christopher | Pas de commentaires »

Memento

Il en a fait du chemin, Christopher Nolan, depuis ce Memento qui a tant marqué les esprits au tout début des années 2000. C’était son deuxième film, son premier tourné dans des conditions confortables, et il était déjà le cinéaste de la perception et du rapport au temps qu’il n’a jamais cessé d’être, creusant ses obsessions avec des moyens de plus en plus énormes.

Au Messie du blockbuster, on peut toutefois préféré le réalisateur habité des premiers temps. Celui qui transcende un pur film de genre dans Insomnia. Ou celui qui s’amuse brillamment à nous glisser dans l’esprit d’un type qui oublie ses souvenirs immédiats toutes les quelques minutes.

Deux ans avant le très surfait Irréversible, Nolan se colle au scénario à rebours. Mais contrairement à Gaspar Noé, chez qui le procédé n’était qu’un effet choc et méprisant, lui a une bonne raison de raconter son histoire en commençant par la fin : en remontant peu à peu le temps, il place le spectateur dans la même ignorance que le héros avec sa « condition », pour utiliser le terme qu’il ne cesse de répéter.

Modèle de scénario (d’après une histoire du frangin Nolan, Jonathan), Memento ne triche jamais avec son procédé, et réussit le prodige d’être un authentique suspense, et un mystère qui se résout à l’envers : qui a tué la femme de notre héros, qui mène l’enquête tout en oubliant régulièrement ses découvertes. Un vrai tour de force, original et angoissant, auquel l’interprétation étrangement froide de Guy Pearce donne le mystère idéal.

On est chez Nolan. La question de la perception est donc centrale. Elle est même omniprésente, tant les polaroïds et les tatouages que se fait le héros pour ne pas perdre le fil sèment le trouble. Peut-on condamner quelqu’un sur les bases de notes disséminées ? Peut-on croire ce que l’on voit, sans remettre en question ses propres certitudes ? Le spectateur, témoin et acteur, se fait allégrement et brillamment manipuler…

Le Dossier noir – d’André Cayatte – 1955

Posté : 31 août, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, CAYATTE André | Pas de commentaires »

Le Dossier noir

Dans l’expression « cinéaste engagé », André Cayatte a davantage marqué les esprits pour son côté engagé que pour ses talents de cinéaste. Pourtant, Le Dossier noir révèle une vraie vision de cinéma. Film à thèse, oui, mais film avant tout, avec une authentique atmosphère, un sens très sûr de la mise en scène et du rythme, et de beaux personnages.

Et puis Cayatte est un excellent directeur d’acteur, ce qui ne gâche rien. Dans le rôle principal, celui d’un jeune juge d’instruction nommé dans une petite ville de province, le pourtant bien falot Jean-Marc Bory est parfaitement troublant et émouvant, annonçant avec quelques décennies d’avance le procureur de Burning Days. Surtout, les seconds rôles sont formidables, dépouillés de leurs manies habituelles : Noël Roquevert en pathétique flic aux ordres, Paul Frankeur en notable monarchique, ou Bernard Blier en superflic parisien sûr de son génie… Tous exceptionnels.

Il y a d’ailleurs beaucoup de personnages dans ce film, et des points de vue qui varient, le jeune juge d’abord omniprésent s’effaçant au fur et à mesure que l’enquête avance et que son rôle s’amenuise. En fait, le vrai point de vue, ce serait celui de la justice en marche. Mais une justice qui fait peu de cas de l’humanité. Entre la corruption et les petits arrangements avec la vérité, il n’y a pas grand monde qui trouve grâce aux yeux de Cayatte, si ce n’est ce petit peuple condamné à jouer de la figuration.

Le ton est acerbe. La justice, les notables, et même la cellule familiale, systématiquement étouffante (mon dieu, ce procureur réduit au silence par une femme, une mère, une sœur et une fille également castratrices)… Cayatte n’épargne personne. Mais ce qu’il condamne, au fond, c’est moins la médiocrité des femmes et des hommes que le système judiciaire lui-même, et cette figure du juge d’instruction tout puissant, ce pouvoir immense laissé entre les seules mains d’un homme, en l’occurrence un gamin à peine sorti de l’école.

Cayatte ne fait certes pas dans la demi-mesure, ce n’est pas le genre de la maison. Mais il a du style pour le coup. Sa mise en scène élégante et efficace, ainsi que la formidable distribution, font de ce Dossier noir un must (LE must?) de sa filmographie.

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