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Archive pour la catégorie 'LEWIS Joseph H.'

Le Démon des armes (Gun Crazy) – de Joseph H. Lewis – 1949

Posté : 15 juin, 2022 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, LEWIS Joseph H. | Pas de commentaires »

Le Démon des armes

Il a plutôt un bon fond, Bart, depuis qu’il est tout petit. Mais allez savoir pourquoi, il a toujours eu un penchant très appuyé pour les armes. Les lance-pierres quand il était gosse, puis la carabine que lui a offerte sa sœur, et puis les pistolets, qu’il ne pouvait s’offrir, et qu’il a fini par voler dans la vitrine d’un armurier. C’est la scène d’ouverture, d’une beauté et d’une puissance assez exceptionnelles.

Mais quand même, il a toujours un bon fond, Bart. Après la maison de correction, après l’armée, il retrouve ses amis d’enfance avec l’envie de s’installer, et de mener une vie normale et rangée. Mais il y a toujours cette passion des armes. Alors quand il rencontre la belle Annie Laurie, tireuse d’élite dans un cirque, c’est le coup de foudre, la rencontre de deux doubles qui s’attirent et qui ne tardent pas à prendre la route ensemble.

La belle ne le cache pas : « je ne suis pas bonne, je ne l’ai jamais été ». Mais lui s’en moque, et il se laisse entraîner dans une virée sans retour. Entre eux, c’est de la dynamite. Une passion dévorante et explosive. Littéralement. « We go together, Annie. I don’t know why. Maybe like guns and ammunition go together. »

Comme Phil Karlson, Joseph H. Lewis est un maître de la série B noire, brillant, mais que la postérité n’a pas élevé au niveau qu’il mérite. Gun Crazy est l’un de ses très, très grands films. La seule séquence d’ouverture suffit à confirmer définitivement le sens visuel du gars, la puissance de son style, complètement au service de la narration, de l’immersion du spectateur.

Lewis ralentit le rythme ou l’accélère en fonction des émotions, de l’excitation ou de la peur de ses personnages principaux, précurseurs de Bonnie et Clyde. Particulièrement de Bart, à qui John Dall (le cynique et morbide interprète de La Corde) apporte un mélange d’assurance, de fragilité et de fièvre. C’est son point de vue à lui que privilégie Lewis, faisant du personnage de Peggy Cummings, superbe, à la fois un symbole de la pureté de la jeunesse et de danger.

La séquence du braquage meurtrier est particulièrement réussie, parce que la caméra ne s’attarde que sur ce que Bart voit vraiment. La peur, le danger, la vitesse, l’excitation, mais pas la mort, qu’il ne découvre ou dont il n’accepte vraiment l’idée que bien plus tard, lorsqu’il a le temps de se poser des questions sur lui-même.

Tout est beau dans ce film serré et implacable, comme une spirale infernale ou comme un rêve éveillé qui conduit, comme il se doit, dans une sorte d’entre-deux baigné de brume, conclusion presque surnaturelle qui rapproche ce film noir du conte. Morbide et romantique.

Ville sans loi (A Lawless Street) – de Joseph H. Lewis – 1955

Posté : 20 octobre, 2021 @ 8:00 dans 1950-1959, LEWIS Joseph H., WESTERNS | Pas de commentaires »

Ville sans loi

Sur le papier, Ville sans loi est un western de série B comme beaucoup d’autres : l’histoire d’un shérif à la réputation de fin tireur, fatigué de devoir affronter d’autres fines gâchettes venues pour le tuer. Mais le film n’est pas réalisé par un vulgaire tâcheron qui se contenterait d’enfiler les morceaux de bravoure. Oh ! Des morceaux de bravoure, il y en a bien, notamment une bagarre homérique à mains nus, et une poignée de duels au pistolet qui ont de la tenue.

Mieux que de la tenue, même : de l’audace, du style, et une intelligence de la mise en scène et du récit. Trois duels secs et tendus, tous très différents, et tous importants pour la dramaturgie. Bref, c’est un vrai travail de mise en scène que signe là Joseph H. Lewis, petit maître de la série B qui se révèle ici aussi à l’aise avec le western qu’avec le thriller, son genre de prédilection avec de petits classiques comme Le Démon des armes ou Association criminelle.

Dès les premiers plans, Ville sans loi surprend par l’attention apportée aux gestes, aux petits détails. La manière dont Lewis introduit son personnage principal, le shérif interprété par Randolph Scott (toujours impeccable), est remarquable de précision. On le découvre dans sa chambre, ajustant son ceinturon vide avant de récupérer son pistolet sous son oreiller, et d’empoigner son étoile, posée à côté d’une photo de femme. En quelques images toute simple, la personnalité de Scott, homme aux aguets et hanté par le souvenir d’un amour disparu, est plantée.

La suite est à l’avenant, et Lewis ne cesse de marquer des points avec ce mélange de sécheresse de style et d’intelligence de mise en scène. Il donne de l’importance et du corps à des seconds rôles habituellement simplement utilitaires : la maîtresse du bad guy, le brave médecin, ou le frère d’un homme tué par le shérif, personnage de brute aussi étonnant qu’attachant. Il se permet de faire disparaître son personnage principal pendant près de 15 minutes (pour un film qui en fait 75), le transformant en une sorte de fantôme qui réapparaît d’abord hors champs, comme un spectre qui ramène le silence dans une ville livrée à la violence… Un final fascinant qui inspirera sans doute durablement Clint Eastwood, qui fera de ce retour spectral un élément de plusieurs films, de L’Homme des hautes plaines à Pale Rider en passant par Le Retour de l’Inspecteur Harry.

Randolph Scott retrouvera Joseph H. Lewis pour un autre western l’année suivante (La Mission du capitaine Benson), juste avant d’entamer sa fructueuse collaboration avec Budd Boetticher. Minéral et fragile à la fois, il y dévoile une humanité touchante, qui n’est pas non plus étrangère à la réussite de cet enthousiasmant film de genre.

Le Maître du gang (The Undercover Man) – de Joseph H. Lewis – 1949

Posté : 2 octobre, 2020 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, LEWIS Joseph H. | Pas de commentaires »

Le Maître du gang

Des agents du fisc tentent de faire tomber le grand chef d’une organisation criminelle en épluchant les livres de compte… C’est un peu schématique, mais c’est à peu près ainsi qu’on peut résumer ce petit noir étonnant.

Robert Rossen à la production, Joseph H. Lewis derrière la caméra… Deux noms qui font la différence, et qui font de ce polar de l’attente et de la frustration un film cinglant et passionnant. La violence est rare à l’écran, pourtant elle est omniprésente dans l’esprit, comme une menace constamment palpable, dans laquelle l’agent spécial joué par Glenn Ford se débat.

Lewis filme l’attente, le temps perdu, les occasions manquées de cette enquête qui n’en finit pas et qui prive le bon flic de la vraie vie, symbolisée par une épouse aussi douce que compréhensive. Quand elle l’attend dans une campagne de cinéma, lui passe ses nuits dans des livres de compte, ou à écumer les quartiers populaires.

C’est aussi ça la force du film : la manière dont Lewis filmer ces quartiers et leurs habitants. Cela donne des images d’un réalisme fascinant, lorsque les flics interrogent les passants, ou dans l’une des rares séquences de pure suspense : quand le comptable Rocco fuit désespérément devant deux tueurs, sous le regard de sa fille. Oppressant, et déchirant.

Du grand méchant, on ne verra que la silhouette, comme une ombre maléfique. Les seconds couteaux ont, en revanche, une profondeur rare. Ce flic pourri qui vit avec sa culpabilité, la danseuse accro à son escroc d’amant, ou l’avocat véreux, O’Rourke (Barry Kelley), dont les rencontres avec Warren (Glenn Ford) sont étonnantes, à la fois extrêmement tendues, tout en non-dits, et presque amicales.

Des tas de très grands moments dans ce film, et des acteurs formidables. Belle découverte…

Nuit de terreur (So dark the night) – de Joseph H. Lewis – 1946

Posté : 25 août, 2017 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, LEWIS Joseph H. | Pas de commentaires »

Nuit de terreur

C’est toujours génial d’être happé comme ça par un film dont on n’attendait pas grand-chose. Et c’est exactement ce qui se passe avec cette toute petite production très fauchée signée Joseph H. Lewis, spécialiste de la série B qui n’avait pas encore signé son grand classique, Gun Crazy. A peine plus d’une heure, aucun acteur vraiment connu, des moyens très réduits, un tournage intégralement en studio… On est clairement dans un film sans grande ambition.

La première impression confirme d’ailleurs ce qu’on attendait. Le film commence dans un Paris de carte postale, tout en pavés saillants et en fleurs odorantes, où le bonheur et la légèreté semblent omniprésents, jusque dans les couloirs de la préfecture de police où sont quand même censés se concentrer tous les malheurs de la capitale. Un Paris aussi où les gens commencent une phrase en anglais pour la finir en français, avec un accent anglais, serbe ou, comme par miracle, français.

Bref, pas facile pour un francophone de se laisser entraîner dans l’histoire de ce grand flic qui s’apprête à prendre ses premières vacances depuis onze ans, ce qu’il fait dans un village (très carte postale lui aussi) du fin fond de la France. De quoi ricaner ? Un peu, oui, surtout lorsque notre grand flic (interprété par Steven Geray, très bien) refile avec un large sourire un billet énorme à un cireur de chaussures qui ne parle français que pour des oreilles américaines. Pourtant, après quelques minutes, il y a une autre évidence qui commence à s’imposer.

Au-delà de la vision très caricaturale et très américaine de « la vraie France », le film est d’une beauté formelle remarquable. Un plan en plongée surplombant un bureau, un travelling qui passe de la campagne à l’intérieur d’une auberge… Quelques plans spectaculaires soulignent ce qu’on avait failli ne pas voir depuis le début du film : pas la moindre image anodine ici, pas le moindre plan approximatif. Joseph Lewis construit chacun de ses cadres avec un immense soin, et signe un film visuellement splendide, et d’une grande fluidité.

Jusqu’au mot « fin », le réalisateur tient cette gageure : il rend magnifique chacune des images de son film. Et jamais au détriment de l’intrigue (le flic en vacances tombe amoureux d’une jeune femme du pays, qui disparaît bientôt avec le jeune homme à qui elle était promise), même si la psychologie des personnages n’est pas toujours aussi convaincante. Mais le film ne manque pas d’audace, jusque dans sa manière de passer de la légèreté de la première moitié au drame intime du rebondissement final. Une perle noire jamais exploitée en France, franchement enthousiasmante.

* Cette perle noire est à découvrir en DVD grâce à Sidonis/Calysta, avec des commentaires enthousiastes de Bertrand Tavernier, Patrick Brion et François Guérif.

Terreur au Texas (Terror in a Texas Town) – de Joseph H. Lewis – 1958

Posté : 15 octobre, 2014 @ 2:14 dans 1950-1959, LEWIS Joseph H., WESTERNS | Pas de commentaires »

Terreur au Texas

Sterling Hayden traverse les rues poussiéreuses d’une petite ville de l’Ouest un harpon à la main, et se retrouve bientôt face à un mystérieux homme tout de noir vêtu, dont la caméra ne nous montre que les deux revolvers prêts à être dégainés… Les premières images du film, avant même que le générique ne s’affiche, sont hallucinantes, et installent d’emblée une tension incroyable.

Après le générique, une série de gros plans sur les visages dévastés d’un couple de vieux fermiers assistant impuissant à l’incendie de leur maison ne fait que renforcer l’impression : Terreur au Texas n’a rien d’un petit western de série comme on en tournait à la pelle à l’époque.

Cinéaste plus connu pour ses œuvres noires (Gun Crazy, c’était lui), Joseph H. Lewis tourne son western comme s’il s’agissait d’un thriller. Son film est sombre et violent, et sec comme une détonation dans le noir. La présence de Sterling Hayden, colosse aux allures de gamin mais au regard déterminé comme jamais, ne fait que renforcer la sécheresse de ce western noir.

Le film est formidable parce que le scénario, co-écrit par Dalton Trumbo, surprend constamment (un duel pistolet-harpon, quand même…), y compris dans la musique à contre-pied signée Gerald Fried, parce que la violence y est crue et cruelle comme rarement dans le western des années 50, et parce que les personnages sont absolument exceptionnels.

Nedrick Young, acteur pas si limité que ça, est formidable en tueur sans état d’âme… mais totalement névrosé, visiblement effrayé par son propre vieillissement, par sa solitude insondable, et par sa disparition annoncée.

Le rôle de sa petite amie, joué par une Carol Kelly assez géniale, est tout aussi fort et surprenant : fille facile trop consciente de ne rester avec ce tueur monstrueux que par peur de se retrouver seule. La scène où elle oblige Sterling Hayden à regarder la déchéance dans ses yeux est déchirante et d’une force sidérante.

Le film aurait sans doute mérité la présence d’un chef opérateur plus inspiré : le noir et blanc est assez terne. Mais peut-être le dépouillement total de l’image sert-il la sécheresse de la mise en scène de Lewis. Cette petite production confirme en tout cas les regrets que l’on peut avoir concernant le cinéaste, trop souvent confiné à des séries B pas toujours à la hauteur de ce Terror in a Texas Town, qui sera bizarrement le dernier film de Lewis pour le cinéma. A partir de là, il se consacrera à la télévision, signant d’innombrables épisodes de séries, bien difficile à voir aujourd’hui.

• La dernière fournée en date de la collection Western de Légende, chez Sidonis, contient donc une vraie pépite. Le film de Joseph H. Lewis est présenté avec des analyses de Bertrand Tavernier, Patrick Brion et Yves Boisset.

 

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