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La Quatrième dimension (The Twilight Zone) – créée par Rod Serling – saison 1 – 1959/1960

Posté : 2 juillet, 2024 @ 8:00 dans 1950-1959, 1960-1969, ASHER William, BARE Richard L., BRAHM John, CLAXTON William F., COURTS MÉTRAGES, FANTASTIQUE/SF, FLOREY Robert, GANZER Alvin, HEYES Douglas, LEADER Anton, LEISEN Mitchell, LUPINO Ida (actrice), McDEARMON David Orrick, MEDFORD Don, MILES Vera, NELSON Ralph, PARRISH Robert, POST Ted, REISNER Allen, ROSENBERG Stuart, SERLING Rod, SMIGHT Jack, STEVENS Robert, TÉLÉVISION, WINSTON Ron | Pas de commentaires »

La Quatrième dimension 1 The Time Element

The Time Element (pilote)

* pilote : The Time Element (id.) – réalisé par Allen Reisner

Ce n’est pas encore tout à fait The Twilight Zone : le célèbre générique et la voix du créateur et scénariste Rod Serling sont encore absents. Mais The Time Element, diffusé dans le cadre du programme Westinghouse Desilu Playhouse, est considéré comme le pilote de la série. Ses qualités incontestables vont propulser le show, qui deviendra très vite l’une des plus éclatante réussites de l’histoire de la télévision.

Plus long qu’un épisode classique (près d’une heure ici), ce moyen métrage se base, comme beaucoup d’épisodes par la suite, sur un thème récurrent du cinéma fantastique, en l’occurrence le voyage dans le temps. Mais sur un mode inattendu : c’est lorsqu’il rêve que le personnage interprété par William Bendix est propulsé une quinzaine d’années en arrière, à la veille de l’attaque des Japonais sur Pearl Harbor, rêve récurrent qu’il raconte à un psychiatre, joué par Martin Balsam.

Les scènes dans lesquelles ce dernier apparaît ne sont pas les plus pertinentes : le film aurait sans doute gagné en intensité en se concentrant uniquement sur l’expérience de ce vétéran confronté à ce qu’il sait être une tragédie à venir. D’ailleurs, les allers-retours passé-présent sont de moins en moins nombreux, et l’intrigue se recentre de plus en plus sur la partie se déroulant en 1941. La plus passionnante, et la plus tendue.

* 1 : Solitude (Where is everybody ?) – réalisé par Robert Stevens

Le véritable « pilote » n’ayant pas été diffusé, c’est avec cet épisode que les spectateurs français ont découvert cette série mythique. Et d’emblée, tout ce qui fera le succès du show est déjà là : cette manière de faire naître l’angoisse de nulle part, de transformer le quotidien en cauchemar éveillé, sans grosses ficelles, sans gros moyens, juste avec des histoires intrigantes ou dérangeantes, et une mise en scène soignée.

Ce premier épisode se base sur un motif que l’on retrouvera au cours des saisons à venir : un homme, amnésique, se retrouve dans une ville dont tous les habitants semblent s’être évaporés. D’abord amusé, puis étonné, il réalise peu à peu l’horreur de sa situation. Le film doit d’ailleurs beaucoup à l’interprétation d’Earl Holloman, seul à l’écran la plupart du temps, et excellent.

La réussite repose aussi sur la manière dont le personnage est constamment contraint par les objets qui l’entourent, et qui l’enferment avec un sentiment grandissant de menace : un vélo qui le fait trébucher, une cabine téléphonique qui refuse de le faire sortir, une porte de prison qui semble vouloir le retenir, des présentoirs qui tournent sur eux-mêmes comme s’ils le dévoraient…

Avec sa conclusion trop explicative, Rod Serling, le créateur et scénariste du show, ne va pas au bout de la logique qui sera celle des épisodes et des saisons à venir, et fait un peu retomber la pression. Mais ce coup d’essai est pour le moins plein de promesses.

* 2 : Pour les anges (One for angels) – réalisé par Robert Parrish

Changement de ton avec cette variation tendre et gentiment cruelle sur le thème de la Mort qui vient chercher sa victime. La Grande Faucheuse est bien loin de l’intraitable incarnation du Septième Sceau, et a ici les traits avenants et compréhensifs et le costume impeccable de Murray Hamilton (qui sera le maire cynique des Dents de la mer). Quant à celui dont l’heure a sonné, c’est Ed Wynn, en vieux colporteur au grand cœur, qui pense avoir trouvé le truc infaillible pour sauver sa peau.

Sauf que tricher avec la Mort n’est pas sans conséquence. Et pour faire simple, il réalise bientôt que le sursis dont il dispose pourrait bien coûter la vie à une fillette. Au-delà de ses ressors plutôt rigolos (la Mort est transformée en acheteur compulsif par le bagout du vieil homme), le film parle du temps qui passe, de la trace que l’on laisse, et de l’acceptation de sa propre mort.

La Quatrième dimension 1 Souvenir d'enfance

Souvenir d’enfance (Walking distance)

* 3 : La Seconde chance (Mr. Denton on Doomsday) – réalisé par Allen Reisner

Excellente variation sur le thème westernien du tireur rattrapé par sa réputation. Dan Duryea y est formidable dans le rôle d’un alcoolique pathétique hanté les morts dont il a été responsable par le passé, et torturé par un Martin Landau parfaitement odieux, tout de noir vêtu.

Comme dans l’épisode précédent, le fantastique prend la forme d’une apparition mystérieuse : celle d’un colporteur au regard affûté et au verbe rare nommé « Faith » (destin). Plus qu’un film sur la chance ou le destin, cet épisode très réussi est aussi une réflexion bienveillante sur le libre arbitre.

* 4 : Du succès au déclin (The Sixteen-millimeter Shrine) – réalisé par Mitchell Leisen

Une actrice, star déchue, vit recluse dans sa villa où elle passe ses journées à revoir ses vieux films. La parenté avec Sunset Boulevard est évidente, et parfaitement assumée. Ida Lupino, dans le rôle principal, est une sorte de double bouleversante de Norma Desmond, qui finirait par réaliser le fantasme du personnage imaginé par Billy Wilder.

Un plan, magnifique, résume bien la réussite de cet épisode : dans le salon obscur transformé en salle de projection, l’actrice surgit de derrière l’écran, comme si elle en sortait… La frontière entre le passé et le présent, la difficulté d’accepter le temps qui passe : tout est dans ce plan. Une nouvelle réussite, avec aussi Martin Balsam et Ted De Corsia.

* 5 : Souvenir d’enfance (Walking Distance) – réalisé par Robert Stevens

Voilà l’un des classiques qui ont fait la grandeur de Twilight Zone (et qui ont marqué mon enfance) : l’histoire d’un homme (Gig Young) qui fuit une vie qu’il trouve insupportable et se retrouve dans la petite ville où il a grandi et où il n’a plus mis les pieds depuis 20 ans… avant de réaliser qu’il est aussi revenu 20 ans en arrière, à l’époque de son enfance.

Délicieusement nostalgique, cet épisode est une merveille, qui illustre le désir de beaucoup de retrouver ses souvenirs d’enfance. Très émouvant, par moments franchement bouleversant (le dialogue final avec son père, le milk-shake à trois boules…), mais pas passéiste pour autant, Souvenir d’enfance fait partie des chefs d’œuvre de la série.

La Quatrième dimension 1 Question de temps

Question de temps (Time enough at last)

* 6 : Immortel, moi jamais ! (Escape Clause) – réalisé par Mitchell Leisen

Première petite déception pour cette série jusqu’ici impeccable. Pas que cette variation sur le thème de l’âme vendue au diable soit un ratage : son parti-pris est même plutôt rigolo, avec ce type odieux pour qui le monde entier tourne autour de sa petite personne. Mais le personnage (interprété par David Wayne) est totalement monolithique, sans l’once d’une fêlure dans la carapace. Difficile dans ces conditions de s’identifier, ou même de ressentir une quelconque émotion.

Mais l’histoire de cet homme qui acquiert l’immortalité sans trop savoir quoi en faire s’achève par l’un de ces twists dont Rod Serling a le secret. Et le diable a l’apparence bonhomme de l’excellent Thomas Gomez. Rien que pour ça…

* 7 : Le Solitaire (The Lonely) – réalisé par Jack Smight

Un homme condamné pour meurtre vit seul en exil sur un astéroïde à des milliers de kilomètres de la Terre. Un jour, l’officier qui le ravitaille lui apporte un robot qui ressemble trait pour trait à une femme de chair et d’os, avec des sensations et des émotions…

Fidèle à ses habitudes, la série rejette toute idée de spectaculaire : le décor est celui, banal, d’une région désertique, avec ses grands espaces, une petite cahute un peu minable, et même un vieux tacot qui ne roule pas. Au milieu, Jack Warden, excellent dans le rôle d’un homme rongé par la solitude, qui réapprend à vivre au contact de ce robot si humain.

Ce joli épisode très émouvant est une belle réflexion sur la nécessité de vivre en société, et sur la nature des sentiments. Très juste, et porté par la belle musique de Bernard Herrmann.

* 8 : Question de temps (Time enough at last) – réalisé par John Brahm

Voilà peut-être l’épisode qui m’a le plus marqué dans ma jeunesse. Et même sans la surprise du terrible rebondissement final, il faut reconnaître que ce petit bijou garde toute sa force. Et quelle interprétation de la part de Burgess Meredith, formidable en petit homme à lunettes amoureux fou des livres, contraint de lire en cachette pour éviter les remontrances de son patron et de sa femme (à ce propos, j’étais persuadé qu’on le voyait lire les étiquettes des bouteilles à table, alors qu’il ne fait que le mentionner).

En moins de trente minutes, John Brahm raconte le triste et banal quotidien de ce doux rêveur, et le confronte à l’apocalypse, faisant de lui le dernier homme sur terre. Son errance est alors déchirante, puis enthousiasmante, puis pathétique. Beau, émouvant, et d’une grande justesse : un petit chef d’œuvre.

La Quatrième Dimension 1 La Nuit du jugement

La Nuit du jugement (Judgment Night)

* 9 : La Poursuite du rêve (Perchance to dream) – réalisé par Robert Florey

Un homme arrive chez un psychiatre et lui explique qu’il est éveillé depuis près de quatre jours : s’il s’endort, il meurt… Un point de départ très intriguant pour cet épisode qui ne tient pas totalement ses promesses. Le propos est un peu confus, et part vers plusieurs directions différentes avant de se focaliser sur les mystères des rêves.

Cela dit, cet épisode illustre parfaitement l’économie de moyen propre à la série, qui sait créer une atmosphère d’angoisse à partir d’éléments du quotidien. Il offre aussi un beau rôle à l’excellent Richard Conte, face à un John Larch plus en retrait. Quant aux scènes de rêve, qui occupent une grande partie de la seconde moitié, elles sont à la fois sobres et joliment stylisées.

* 10 : La Nuit du jugement (Judgment Night) – réalisé par John Brahm

Un homme se réveille sur un bateau naviguant sans escorte en 1942, dans une mer infestée de sous-marins allemands… Qui est-il ? Comment est-il arrivé là ? Lui-même ne s’en souvient pas. Mais il a bientôt la certitude, de plus en plus précise, d’une catastrophe qui approche.

On retrouve le John Brahm de The Lodger dans cet épisode passionnant et particulièrement angoissant, avec ces images nocturnes baignés de brume. Comme dans ses films noirs des années 40, Brahm fait du brouillard le décor cinématographiquement idéal pour faire naître la peur : quoi de plus effrayant que ce qu’on ne peut pas voir ?

Une grande réussite, portée par l’interprétation habitée de Nehemiah Persoff. A noter l’apparition, dans un petit rôle, du futur John Steed de Chapeau melon, Patrick McNee.

* 11 : Les trois fantômes (And when the sky was opened) – réalisé par Douglas Heyes

Richard Matheson a imaginé une histoire particulièrement flippante pour cet épisode, réalisée très efficacement : trois astronautes survivent miraculeusement au crash de leur appareil. Peu après, l’un d’eux disparaît subitement, et c’est comme s’il n’avait jamais existé : seul l’un de ses camarades se souvient de lui.

C’est du pur Twilight Zone, un cauchemar éveillé dérangeant et réjouissant à la fois. Dans le rôle principal, Rod Taylor, futur adversaire des Oiseaux devant la caméra de Hitchcock, affronte ici une menace aussi angoissante, aussi mystérieuse, et nettement moins palpable.

La Quatrième Dimension 1 Quatre d'entre nous sont mourants

Quatre d’entre nous sont mourants (The four of us are dying)

* 12 : Je sais ce qu’il vous faut (What you need) – réalisé par Alvin Ganzer

Un vieux marchand ambulant a le don de voir l’avenir de ses clients, et sait d’avance ce dont ils ont vraiment besoin. Une jolie idée, qui donne lieu à une belle séquence d’introduction, pleine d’une bienveillance à la Capra : un ancien joueur de base-ball et une jeune femme solitaire se voient offrir grâce au vieil homme une seconde chance.

Mais le personnage principal est un sale type, qui voit rapidement le bénéfice qu’il peut tirer de ce don. La bienveillance disparaît alors pour laisser la place à un petit suspense, et surtout à un face-à-face ironique, et plus du tout bienveillant pour le coup. Une réussite, modeste et surprenante à la fois.

* 13 : Quatre d’entre nous sont mourants (The four of us are dying) – réalisé par John Brahm

Il suffit d’un plan pour se rendre compte que cet épisode-là est mis en scène par un grand cinéaste. Plan désaxé, néons omniprésents qui soulignent le poids de la grande ville… John Brahm, qui avait définitivement abandonné le cinéma pour la télévision, s’empare d’un scénario malin mais un peu bancal pour signer un petit film stylisé et fascinant.

L’idée est très originale : un homme a le don de changer de visage comme il le souhaite, et en profite pour prendre l’identité d’hommes décédés récemment. Mais les épisodes s’enchaînent sans qu’on y croit réellement. Brahm semble nettement plus intéressé par l’atmosphère que par l’histoire, et se montre particulièrement inspiré.

Les scènes en extérieurs, surtout, sont formidables, avec ces décors à la limite de l’expressionnisme, qui tranchent avec des intérieurs nettement plus sages et donnent au film un rythme et un esprit étonnants et séduisants.

* 14 : Troisième à partir du soleil (Third from the sun) – réalisé par Richard L. Bare

C’est sans doute le thème qui caractérise le mieux le show : la paranoïa autour de la bombe H, la peur de l’apocalypse… Dans cet épisode, ce thème est traité avec une simplicité de moyen et une efficacité brute qui forcent le respect. Soit : deux familles qui savent que le monde est sur le point d’être anéanti par l’arme nucléaire, et qui décident de partir vers une autre planète à bord d’un engin top secret…

La majeure partie du métrage se déroule à huis-clos dans un intérieur tout ce qu’il y a de plus classique : une simple maison de banlieue où la tension devient de plus en plus forte. Gros plans, contre-plongées, montage au cordeau… Richard Bare filme ses six personnages au plus près en mettant particulièrement en valeur les lourds silences, les non-dits inquiétants. Et quand il prend la route, c’est avec une série de plans hallucinés et désaxés sur une voiture en mouvement, irréels et pesants.

On en oublierait presque le twist final, aussi simple que réjouissant. Cet épisode est une leçon de mise en scène, ou comment réaliser un grand film d’angoissant avec zéro moyen.

La Quatrième Dimension 1 La Flèche dans le ciel

La Flèche dans le ciel (I shot an arrow into the air)

* 15 : La Flèche dans le ciel (I shot an arrow into the air) – réalisé par Stuart Rosenberg

Une fusée disparaît des radars quelques minutes après son lancement. Les survivants ignorent tout du lieu particulièrement hostile où ils se sont crashés, et tentent de s’organiser pour leur survie…

Il y a une idée particulièrement forte au cœur de cet épisode. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on la voit venir à des kilomètres, cette idée qui constitue le twist final et dont on ne dira donc rien ici. Le plus gênant, c’est que la manière n’est pas non plus à la hauteur. En tout cas pas vue par des yeux d’aujourd’hui : l’équipage et ses rites paraissent bien vieillots.

Reste quand même une dernière scène qui frappe par sa tension, alors que, justement, on a compris depuis longtemps la surprise finale qu’elle nous réserve.

* 16 : L’Auto-stoppeur (The Hitch-hiker) – réalisé par Alvin Ganzer

Une jeune automobiliste qui traverse les Etats-Unis échappe à un accident après qu’un de ses pneus a explosé. En reprenant la route, elle ne cesse de voir un mystérieux auto-stoppeur qui semble la suivre, voire la précéder…

Inger Stevens est formidable dans le rôle de cette jeune femme qui sombre dans une sorte de cauchemar éveillé, au bord de la folie. Un excellent épisode dont les premières minutes sont absolument glaçantes, et qui n’est gâché par moments que par une inutile voix off, qui sonne comme un aveu d’impuissance de la part d’un réalisateur pas sûr de la force de sa seule mise en scène.

Il a tort : L’Auto-stoppeur est un road-movie inquiétant dont les parti-pris (la simplicité, la forme, le décor) annoncent le Duel de Spielberg, grand fan de Twilight Zone (il co-réalisera l’adaptation cinéma, bien des années plus tard). Pas sûr que ce soit un simple hasard.

* 17 : La Fièvre du jeu (The Fever) – réalisé par Robert Florey

Un homme très droit, qui place la morale au-dessus de tout. Jusqu’à ce que sa femme gagne un week-end tout frais payé dans la capitale du péché. Las Vegas, dont la fièvre se résume ici à une unique salle de jeux, et surtout à une machine à sous, qui serait banale et anodine si elle ne tapait à ce point dans l’oeil de cet homme si droit, si moralisateur, et finalement si faible.

C’est une critique finalement elle aussi très morale du monde du jeu que signe Robert Florey, sur un scénario du maître des lieux Rod Serling. Jouer pour de l’argent, c’est mal. C’est flagrant, et franchement radical. Trop radical, trop brutal, pour être totalement convaincant, mais Everett Sloane, filmé en très gros plans suintants, est formidable dans le rôle principal. C’est la vision de son visage, de plus en plus proche et fiévreux, qui crée le malaise et l’angoisse.

La Quatrième Dimension Infanterie Platon

Infanterie « Platon » (The Purple Testament)

* 18 : Le Lâche (The Last Flight) – réalisé par William F. Claxton

The Last Flight ne tient que sur cinq minutes, les dernières : un paradoxe temporel assez vertigineux sur lequel on aurait bien du mal à mettre des mots. Essayons quand même : un pilote anglais de 1917, qui a atterri sur une base américaine en 1959, réalise qu’il doit repartir à son époque avant que n’atterrisse un officier qui fut son équipier 42 ans plus tôt, et que lui seul aurait pu sauver de la mort. S’il reste là à l’attendre, alors l’aura n’aura pas pu être sauvé.

Belle pirouette tardive, pour un épisode qui commence assez mollement, avec ce voyage dans le temps qui semble déjà bien éculé. Willam F. Claxton fait le job avec un métier indéniable, mais sans éclat, sans cette petite étincelle de mystère qui caractérise tant de moments de la série. Plaisant tout au plus jusqu’au final, qui nous laisse sur une impression nettement plus consistante. In fine.

* 19 : Infanterie « Platon » (The Purple Testament) – réalisé par Richard L. Bare

Un cauchemar comme on les aime dans Twilight Zone : simple et terrifiant à la fois, dépouillé et profondément humain. En l’occurrence le destin d’un officier américain en 1945, dans le Pacifique, qui sait juste en regardant les visages lesquels des soldats qui l’entourent vont mourir dans les batailles à venir. Idée formidable, traitement proche de l’épure, avec un simple halo de lumière qui éclaire les visages.

La force de ce bel épisode, puissant et marquant, réside dans le point de vue, qui ne quitte que rarement celui de l’officier en question. Si le rebondissement final est franchement attendu, tout ce qui précède est beau, car dénué d’effet facile : cet épisode est à hauteur d’homme, et c’est par le regard du personnage principal (William Reynolds) que tout passe : l’horreur, la peur, la fatalité… la résignation d’un homme qui côtoie la mort depuis trop longtemps.

* 20 : Requiem (Elegy) – réalisé par Douglas Heyes

Trois astronautes perdus dans l’espace, à cours de carburant, atterrissent sur une planète inconnue qui ressemble étrangement à la terre, mais où le temps semble s’être arrêté 200 ans plus tôt.

Episode assez banal et bancal. La série nous avait déjà fait le coup de l’ersatz de notre planète, en plus inspiré. Le scénario est plutôt mystérieux, et quelques plans tournant autour de la population figée sont assez beaux, l’apparition d’un Cecil Kellaway rigolard est réjouissante. Mais la réalisation de Douglas Heyes manque de folie, et la révélation finale a quelque chose d’approximatif, pas franchement convaincant.

La Quatrième Dimension s1e22 Les Monstres de Mapple Street

Les Monstres de Maple Street (The Monsters are due on Maple Street)

* 21 : Image dans un miroir (Mirror image) – réalisé par John Brahm

Grande réussite que ce nouvel épisode signé par l’excellent John Brahm, sommet d’angoisse pure. Vera Miles y est une jeune femme attendant un bus dans une gare routière par une nuit pluvieuse, et qui semble devenir folle lorsque ceux qu’elle croise lui répètent sans cesse qu’elle a fait des choses qu’elle ne se souvient pas avoir faites.

Un lieu unique et fermé, très peu de personnages, une économie de moyens absolue, et un scénario qui plonge de plus en plus profond dans les rouages de la folie. C’est du Twilight Zone comme on l’aime, cauchemardesque et surprenant, porté par une excellente Vera Miles, parfaite incarnation du trouble.

* 22 : Les Monstres de Maple Street (The Monsters are due on Maple Street) – réalisé par Ron Winston

Un classique. Et bien plus qu’un classique : un film qui reste d’une actualité glaçante, plus de soixante ans plus tard. Maple Street : un quartier résidentiel où tout le monde se connaît. Il suffit d’un événement inhabituel (un bruit étrange venu du ciel faisant penser à une météorite, suivi d’une coupure de courant généralisé) pour que la psychose s’installe.

Dans ce microcosme soudain déconnecté du monde, chacun commence à suspecter son voisin. De quoi ? En l’occurrence d’être un monstre venu d’une autre planète, mais ce pourrait être un terroriste, un complotiste… un communiste pourquoi pas ! Écrit par Rod Serling lui-même, cet épisode dépeint une Amérique sombrant dans la paranoïa. Forcément d’actualité dans cette époque dominée par la guerre froide. Mais si le film reste à ce point marquant, c’est parce qu’il donne le sentiment que rien n’a vraiment changé.

Claude Akins, sur le fil entre complotisme et comportement raisonnable, incarna la complexité de l’âme humaine, capable du pire même avec les meilleurs sentiments. C’est concis, tendu, percutant et glaçant. Un classique à la fois très ancré dans son époque, et intemporel. Un tour de force, donc.

* 23 : Un monde différent (A world of difference) – réalisé par Ted Post

La réalité n’est pas telle qu’on le croit. Voilà en gros comment on pourrait résumer la plupart des épisodes de Twilight Zone. Celui-ci adopte un regard nouveau sur ce principe de base, à la fois très original et d’une simplicité séduisante. Howard Duff y est un homme normal, qui arrive au bureau pour une journée parmi tant d’autres au boulot.

Tout est banal, quotidien, jusqu’à ce que cette journée de travail soit interrompue par un « Coupez ! » venu d’on ne sait où. Et le personnage principal réalise sans vraiment comprendre qu’il est sur un plateau de cinéma, et que celui qu’il croit être n’est que le personnage qu’il interprète dans un film en tournage.

On comprend à demi-mots : l’acteur est dans une mauvaise passe, harcelé par une ex-femme qui en veut à sa fortune. Et c’est dans la fiction qu’il se réfugie. On comprend tout ça, mais Twilight Zone choisit inévitablement la voie de la fable. La schizophrénie d’un homme devient le prétexte à un glissement fascinant entre la réalité et autre chose, qu’on peut qualifier de refuge, de folie, ou de réalité alternative. Qu’importe, c’est fascinant, et beau.

La Quatrième Dimension s1e24 Longue vie Walter Jameson

Longue vie, Walter Jameson (Long live Walter Jameson)

* 24 : Longue vie, Walter Jameson (Long live Walter Jameson) – réalisé par Anton Leader

Une petite université comme tant d’autres. Mais parmi les enseignants, un professeur d’histoire voit les étudiants affluer à ses cours, fascinés par son don pour évoquer les grands événements du passé comme s’il les avait vécus. Et pour cause…

Longue vie, Walter Jameson est le parfait exemple de ce qui fait la grandeur intemporelle de la série : cette capacité à rendre palpable le fantastique, avec une extraordinaire économie de moyens. Ici, rien d’autres, ou presque, qu’un face à face entre un homme vieillissant et un autre, dont les traits n’ont pas changé depuis des années.

Pas besoin de plus pour invoquer le thème de la vie éternelle, de l’immortalité. Un scénario remarquable et une mise en scène d’une parfaite fluidité suffisent à créer la profondeur, avec une simplicité manifeste. C’est du grand art.

* 25 : Tous les gens sont partout semblables (People are alike all over) – réalisé par Mitchell Leisen

Deux astronautes s’apprêtent à s’envoler pour Mars. L’un, un scientifique, est terrorisé. L’autre, plus expérimenté, se montre philosophe. Il a une théorie sur les habitants qu’ils risquent de trouver sur la planète rouge : où qu’ils soient, tous les gens se ressemblent. Bien sûr, il a raison…

Encore un épisode remarquable par sa simplicité et son efficacité. La première scène est déjà formidable : les deux astronautes, derrière un grillage, discutent de leurs peurs respectives en fixant la fusée qui va les emmener. Difficile de faire plus simple, et pourtant, on ressent pleinement la peur qui paralyse le personnage du scientifique, joué par Roddy McDowall.

Suit une ellipse de dingue, un condensé de peur paralysante, et un faux soulagement qui ouvre sur une angoisse diffuse… jusqu’à la révélation finale, totalement dans l’esprit de la série, d’une cruelle ironie. Oui, tous les gens sont partout semblables.

* 26 : Exécution (Execution) – réalisé par David Orrick McDearmon

Une entrée en matière particulièrement intrigante : dans l’Ouest sauvage, un tueur est condamné à mort après avoir commis un meurtre. A peine se retrouve-t-il pendu à une corde qu’il disparaît comme par magie… Une disparition figurée avec la traditionnelle économie de moyens de la série, par un plan sur l’ombre du pendu, qui s’efface pour ne laisser la place qu’à celle de la corde.

Scène suivante : nous sommes à New York, 80 ans plus tard, à l’époque contemporaine, donc. Le pendu se réveille face à un scientifique, qui lui annonce qu’il est le premier voyageur temporel. Bonne nouvelle : on ne s’embarrasse pas d’une quelconque justification. Le type a inventé une machine à remonter le temps. Point.

Pas de bol : sa « proie » est un tueur, qui découvre un futur invivable, plein de bruits et de mouvements. Une manière originale de porter un regard critique sur notre modernité, en quelque sorte. Mais là n’est pas l’essentiel : cet épisode est surtout marqué par une profonde et cruelle ironie, qui prend toute sa dimension lors de la scène finale, comme un écho à la scène d’ouverture, comme une parenthèse qui se referme.

La Quatrième Dimension s1e29 Cauchemar

Cauchemar (Nightmare as a child)

* 27 : Le Vœu magique (The big tall wish) – réalisé par Ron Winston

Un boxeur vieillissant observe son reflet dans le miroir, à quelques heures d’un combat qui pourrait marquer son retour. Il a 36 ans, quelques années de gloire derrière lui, beaucoup d’incertitude devant, et des tas de cicatrices sur le visage, comme autant de jalons d’une vie passée sur le ring.

Elle est belle et émouvante, cette image d’un homme qui se sait à la croisée des chemins, le regard chargé de souvenirs, et de la crainte de ce qui l’attend. Belle aussi, la relation qui unit ce boxeur vieillissant et solitaire, et le gamin de l’appartement voisin, son meilleur ami, son plus grand supporter. Un enfant qui croit encore en la force la magie, et qui y croit si fort que…

L’aspect fantastique est assez secondaire dans cet épisode, sensible et joliment nostalgique. Il y est surtout question d’innocence, d’enfance, et du difficile passage à l’âge adulte. Bel épisode sensible par le réalisateur d’un classique nettement plus paranoïaque de la série, Les Monstres de Mapple Street.

* 28 : Enfer ou paradis ? (A nice place to visit) – réalisé par John Brahm

Un cambrioleur est abattu par la police après avoir été surpris en pleine opération. Il se réveille auprès d’un homme étrange tout de blanc vêtu, qui lui offre tout l’argent qu’il souhaite, un appartement luxueux, de belles jeunes femmes… Il finit par comprendre qu’il est mort, et que tous ses souhaits deviennent réalité.

Tout cet épisode repose sur une idée : le sel de la vie, c’est l’incertitude. Le joueur qui est certain de gagner ne trouve plus de plaisir au jeu. Et c’est exactement ce constat que va faire tardivement ce bad guy, qui s’est un peu vite convaincu qu’il était au paradis. Une belle idée, mais qui reste très superficielle, insuffisante en tout cas pour en faire une vraie réussite.

* 29 : Cauchemar (Nightmare as a child) – réalisé par Alvin Ganzer

En rentrant à son appartement, une jeune femme souffrant d’amnésie rencontre une fillette étrangement grave. Peu après, un homme qui a connu sa mère assassinée sonne à sa porte…

Rod Serling signe lui-même le scénario de cet épisode assez flippant et complexe, dont on sent bien qu’il porte l’influence de Psychose, sortie à cette époque. L’inconscient de la jeune femme prend littéralement forme humaine, dans un subtil dialogue entre le passé et le présent.

Même si le rebondissement final n’est pas une surprise, l’intelligence du scénario, combiné à la concision inhérente au format de la série, fait de cet épisode un must méconnu.

La Quatrième Dimension s1e30 Arrêt à Willoughby

Arrêt à Willoughby (A stop at Willoughby)

* 30 : Arrêt à Willoughby (A stop at Willoughby) – réalisé par Robert Parrish

Un homme, qui n’aspire qu’à une vie sereine, ne supporte plus la pression que fait peser sur lui son patron, ou son ambitieuse femme. Dans le train qui l’emmène de son travail à sa maison, il fait un rêve récurrent : le train s’arrête dans une gare qui n’existe pas nommée Willoughby, à une époque révolue depuis longtemps. Et s’il descendait à Willoughby…

C’est une véritable merveille que cet épisode qui porte l’aspect mélancolique de la série à son apogée. Superbe scénario, mise en scène très inspirée… Nous voilà plongés dans l’esprit fatigué de cet homme qui étouffe, confronté à un monde, professionnel comme personnel, qui ne voit en lui que le rendement.

Cet arrêt imaginaire, ce rêve nostalgique d’un monde qui n’existe plus… La magie de La Quatrième Dimension rend évidemment tout miracle possible. Mais celui-ci est teinté d’une cruelle amertume. Surprenant jusqu’à la dernière seconde. Et magnifique.

* 31 : La Potion magique (The Chaser) – réalisé par Douglas Heyes

Un homme transi d’amour pour une femme qui ne le supporte pas… Une rencontre inattendue avec un « professeur » qui vend des potions comme un génie distribue des miracles… Et l’amour inconditionnel, absolu et éternel qui surgit comme par magie…

Cet épisode revisite le mythe du filtre d’amour un peu platement, mais avec une ironie bienvenue. Les scènes avec le jeune couple sont plutôt convenues, mais l’introduction autour d’un téléphone pris d’assaut est très efficace, et les apparitions du « génie » joué par le grand John McIntire sont particulièrement réussies, dans un décor quasi-surréaliste mémorable.

* 32 : Coup de trompette (A passage for trumpet) – réalisé par Don Medford

Un trompettiste qui a gâché son talent dans l’alcool décide d’en finir avec la vie et se jette sous un camion. Quand il se réveille, il réalise que personne ne le voit ou ne l’entend.

Raconté comme ça, ça ressemble à beaucoup d’autres épisodes. Pourtant, il se dégage de ce petit film écrit par Rod Serling lui-même une douce mélancolie et un amour de la vie qui en font une petite merveille.

Jack Klugman est particulièrement touchant dans le rôle de ce trompettiste incapable de saisir les beautés de l’existence. Et Don Medford signe une mise en scène très inspirée, dans des décors urbains de film noir (une allée sombre, un bar, le toit d’un immeuble) réduits à leur plus simple expression.

La Quatrième Dimension s1e34 Neuvième étage

Neuvième étage (The After Hours)

* 33 : Un original (Mr. Bevis) – réalisé par William Asher

Sale journée pour Mr Bevis qui, en l’espace d’une journée, perd son boulot, sa voiture et son appartement. Mais Mr Bevis peut compter sur son ange gardien, qui lui apparaît en pleine beuverie dans un bar, et qui répare tout ce bazar qu’est devenue la vie de cet homme jovial et original. Mais cela vaut-il vraiment la peine de changer ce que l’on est profondément ?

Question simple, pour un épisode joliment bienveillant, écrit par Rod Serling lui-même. Le personnage joué par Orson Bean est particulièrement attachant, et le large sourire de l’ange-gardien interprété par Henry Jones renforce la bonhomie de cet épisode léger et optimiste.

* 34 : Neuvième étage (The After hours) – réalisé par Douglas Heyes

La cliente d’un grand magasin se fait emmener vers un étrange neuvième étage, totalement désert à l’exception d’une vendeuse tout aussi mystérieuse. Or, il n’y a pas de neuvième étage dans ce magasin. Et la vendeuse ressemble étrangement à l’un des mannequins en cire utilisés pour présenter les vêtements…

Original cet épisode, d’abord plutôt angoissant, voire carrément flippant, puis presque poétique. Un joli mélange des genres qui trouve son apogée lors de la grande scène de révélation, lorsque les mannequins prennent tous vie dans l’étape déserté et plongé dans la pénombre.

* 35 : Le Champion (The mighty Casey) – réalisé par Alvin Ganzer et Robert Parrish

Un entraîneur de base-ball croit saisir la chance de sa vie quand un scientifique lui amène sa création : un robot à l’apparence humaine, qui a tout d’un champion. Sa réussite est miraculeuse, jusqu’à ce qu’on lui ajoute un cœur…

Pas fou, cet épisode qui ne repose que sur cette idée : le champion parfait serait celui qui n’aurait pas de cœur. Un peu léger, même pour tenir vingt-cinq minutes tendues. Ce n’est pas le cas, malgré la présence d’un Jack Warden dans son élément.

* 36 : Un monde à soi (A world of his own) – réalisé par Ralph Nelson

La première saison se termine par un épisode malin et plutôt léger, sur un thème récurrent de la série : les mystères de la création. En l’occurrence un écrivain qui mène une vie parfaite, entouré d’une épouse parfaite et d’une maîtresse parfaite… et mystérieuse.

La frontière entre la fiction et la réalité est au cœur de cette histoire qui porte en elle toutes les qualités du show : une idée forte, parfaitement utilisée dans une mise en scène simple et directe. Pas de grands effets : juste un lieu clos et un trio d’acteurs, dont l’impeccable Keenan Wynn.

Et Rod Serling lui-même, dans une apparition clin d’œil qui clôt idéalement cette première grande salve d’épisodes, qui recelait déjà un paquet de classiques…

Sherlock Holmes / Les Aventures de Sherlock Holmes (The Adventures of Sherlock Holmes) – de Alfred L. Werker – 1939

Posté : 12 mai, 2024 @ 8:00 dans 1930-1939, LUPINO Ida (actrice), POLARS/NOIRS, Sherlock Holmes, WERKER Alfred | Pas de commentaires »

Sherlock Holmes 1939

On ne change pas une équipe qui gagne… Il faut battre le fer tant qu’il est chaud… Bref : vous voyez ce que je veux dire. Le succès du Chien des Baskerville n’a pas tardé à enclencher le tournage d’une seconde enquête de Sherlock Holmes et de son complice Watson, toujours campés par l’excellent Basil Rathbone et le fendard Nigel Bruce.

Quelques mois seulement séparent la sortie des deux films, ce qui paraît très peu, y compris vu de 2024, alors qu’on pense déjà aux quinze suites potentielles avant même que le premier ne soit tourné. Mais rappelons que personne n’a encore la télévision dans son salon en 1939, et que certaines séries B à suites ressemblent d’avantage à nos séries d’aujourd’hui qu’à de simples films.

C’est déjà le cas de Sherlock Holmes, et ça le sera encore plus à partir du troisième film, où la série prendra une nouvelle direction. Mais n’anticipons pas trop… Après le plus célèbre des romans de Conan Doyle, c’est un recueil de nouvelles qui est librement adapté ici, et qui est surtout l’occasion de rencontrer le principal antagoniste de Holmes : le professeur Moriarty, qu’interprète avec gourmandise le prince maléfique de la série B (et C, et D… et Z), George Zucco.

Et puisqu’on en est aux interprètes, il faut souligner la présence, dans un rôle important, d’Ida Lupino. L’actrice est alors au tournant de sa carrière. Si elle est loin d’être une débutante, elle n’occupera le premier plan qu’à partir de l’année suivante, en enchaînant deux films sous la direction de Walsh : Une femme dangereuse et High Sierra. Ce qui a de la gueule.

Pour l’heure, elle joue les faire-valoir dans un polar de série B dont, finalement, je n’ai pas dit grand-chose. Peut-être parce que le film a les mêmes qualités et les mêmes limites que Le Chien des Baskerville, dont on retrouve le rythme, le suspense et la drôlerie, et cette envie bien sympathique de créer des atmosphères angoissantes.

Après la lande brumeuse, l’intrigue se concentre davantage sur les ruelles de Londres, essentiellement de nuit. Parce que la nuit, c’est comme la brume : c’est très cinégénique, et ça permet de faire des économies de dingue sur les décors. Bref, c’est bien sympathique, plein de dialogues réjouissants. Un plaisir modeste qui ne se refuse pas…

La Péniche de l’amour (Moontide) – d’Archie Mayo – 1942

Posté : 25 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1940-1949, GABIN Jean, LUPINO Ida (actrice), MAYO Archie L. | Pas de commentaires »

La Péniche de l'amour

La carrière hollywoodienne de Jean Gabin, pendant l’occupation, se limite en gros à Moontide (il y a tourné deux films, en fait, mais l’autre, L’Imposteur, est réalisé par son vieux comparse Julien Duvivier et participe à l’effort de guerre, disons donc qu’il ne compte qu’à moitié). C’est donc une vraie curiosité, dans laquelle Gabin trouve un rôle dans la lignée de ceux qui ont fait sa gloire, mais avec un regard hollywoodien… et une belle chevelure blonde.

Un rôle taillé pour lui, donc : un docker qui pense être le meurtrier d’un homme, tué lors d’une de ses innombrables soirées de beuverie. Il ne fait d’ailleurs pas les choses à moitié, éclusant des choppes de whisky et de saké, histoire que son amnésie passagère soit crédible. A vrai dire, elle l’est assez moyennement : survivre à une telle quantité d’alcool est en soi assez miraculeux.

Le film n’est, de fait, pas d’une finesse extrême. L’identité du tueur est bien vite évidente, l’histoire d’amour manque de subtilité, la plupart des personnages sont monoblocs… Et le naturel habituel de Gabin tombe souvent à plat dans une langue qui n’est pas la sienne. Malgré tout, Moontide est un film très attachant, en partie pour sa jolie naïveté.

Le principal décor de l’histoire fait beaucoup pour cette réussite. Non pas une péniche, mais une barge, transformée en cocon romantique coupé (y compris physiquement) du monde, pour le docker paumé et une jeune femme qu’il a sauvée du suicide, jouée par Ida Lupino. Presque une abstraction : on ne saura rien de son passé, Gabin lui-même refusant de l’écouter lorsqu’elle veut se confier.

Là encore, la vision du couple n’est pas la plus subtile ni la plus avant-gardiste qui soit : la belle Ida comprendra bien vite que ce qu’attend un homme, c’est que sa femme tienne la maison et l’accueille après la journée de boulot avec une belle robe sexy. Mais oui, voilà qui est parlé ! Remettons dans le contexte, comme on dit…

Pas avant-gardiste, non, mais attachant par sa bonhomie, par la manière aussi de réduire l’intrigue à quelques personnages qui tournent autour de la barge, ne laissant que de brèves scènes à d’autres personnages plus secondaires. Beau casting, d’ailleurs, avec Thomas Mitchell et Claude Rains notamment.

Presque un huis clos, d’où émergent toutefois quelques scènes « extérieures » baignées de brumes, comme si rien d’autre n’existait que cette barge, seul bonheur possible pour nos deux tourtereaux. On retiendra surtout une implacable poursuite dans la nuit, sur une jetée, ou l’aboiement d’un chien qui annonce le danger…Soudaines montées dramatiques dans un film qui, par ailleurs, ressemble plus à une fable bon enfant, malgré son sujet.

Bigamie (The Bigamist) – d’Ida Lupino – 1953

Posté : 23 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1950-1959, LUPINO Ida, LUPINO Ida (actrice) | Pas de commentaires »

Bigamie

Tout est dans le titre, et on ne peut pas dire que ce soit le titre le plus porteur de promesses de l’histoire du cinéma. La promesse d’une soirée « dossier de l’écran », plutôt : faits et méfaits de la bigamie, ou comment un homme peut mentir pendant toute une vie pour assouvir ses désirs à lui. La surprise n’en est que plus forte : The Bigamist est un beau film, à la fois sensible et très ancré dans la réalité. Du cinéma qui ne triche pas, avec une vraie fibre sociale, et une délicatesse infinie.

Derrière la caméra : Ida Lupino, passionnante actrice devenue passionnante réalisatrice. The Bigamist, sixième de ses films (le dernier pour le cinéma avant un ultime long métrage treize ans plus tard), est aussi le seul dans lequel elle se dirige elle-même. Elle retrouve aussi Edmond O’Brien, excellent comédien qu’elle avait déjà dirigée dans Le Voyage de la peur, son précédent film. O’Brien n’est jamais si bien que quand il joue les Américains sans histoire. C’est le cas ici.

Et c’est l’une des forces du film : O’Brien est un type bien, mari fidèle et aimant, chef d’entreprise qui passe une grande partie de son temps en déplacement, pour jouer les représentants de commerce. Mais il s’ennuie, seul loin de son foyer. Et chez lui, il se sent délaissé par une épouse, Joan Fontaine, qui vit mal le fait de ne pas pouvoir avoir d’enfant. Alors un dimanche de grande solitude, il se laisse aller à aborder une inconnue qui a l’air aussi désespérément seule que lui. C’est là qu’Ida Lupino entre en scène.

C’est à peu près à ce moment que la douce épouse se décide à vouloir adopter un enfant. Le mari ne veut faire souffrir personne, et il les aime sincèrement et profondément, toutes les deux. Peu à peu, il s’installe avec Ida à Los Angeles, tout en continuant sa vie normale avec Joan, à San Francisco. Comment en est-il arrivé ? C’est ce qu’aimerait comprendre le responsable de l’agence d’adoption (joué par Edmung Gwenn), qui enquête sur la moralité du couple. C’est ce que le film nous montre par de longs flash-backs.

Si The Bigamist est si réussi, c’est grâce à la pudeur extrême de la cinéaste, et par le refus de simplifier la situation. Inutile de chercher : il n’y a pas l’ombre d’un salaud, aucune mesquinerie chez les personnages. Pas non plus de jugement de la part de la cinéaste, qui filme une impasse avec une immense empathie pour tous ses personnages.

Tiraillée entre deux belles personnes (et deux belles actrices), Edmond O’Brien est formidable en homme incapable de se résoudre à faire souffrir les femmes qu’il aime. Un peu victime du sort aussi : lorsqu’il semble décidé à dire la vérité, un événement vient la rendre impossible à avouer. Mais avant tout, c’est la bonté qui se dégage de ce film au sujet si rare. Jusque dans les dernières minutes, très belles.

Le Vaisseau Fantôme (The Sea Wolf) – de Michael Curtiz – 1941

Posté : 12 février, 2020 @ 8:00 dans 1940-1949, CURTIZ Michael, GARFIELD John, LUPINO Ida (actrice) | Pas de commentaires »

Le Vaisseau fantôme

Un film qui s’appelle Le Vaisseau fantôme, dans lequel on croise Edward G. Robinson, Ida Lupino, John Garfield et Barry Fitezgerald, et que réalise Michael Curtiz en plein dans sa période Warner… Franchement, si ça ne vous tente pas, vous n’avez pas grand chose à faire sur ce blog !

Cette adaptation d’un roman de Jack London joue à plein sur l’imagerie liée aux vaisseaux fantômes, même si le film n’a rien de fantastique sur le fond. La forme, elle, emprunte clairement au cinéma d’épouvante, avec l’omniprésence de la brume qui, plus que cacher les choses, semble plutôt enfermer l’action et les personnages dans une sorte d’enfer sur terre.

Ou plutôt sur mer : l’exception de la séquence d’ouverture, brillante introduction du personnage de Garfield, tout le film se déroule à bord du « Ghost », ce bateau présenté comme l’enfer sur mer, sur lequel Robinson fait régner une terreur constante, dans des scènes d’une rare cruauté. On retiendra en particulier l’humiliation terrible du médecin alcoolique, joué par l’excellent Gene Lockhart.

Huis-clos étouffant, brillant film de genre, The Sea Wolf hésite un peu sur le point de vue à adopter, passant de l’un à l’autre de ses quatre personnages principaux. Cette multitude de points de vue donne un ton particulier au film. Après un semblant de flottement, ce choix renforce le côté incertain de l’aventure, et le suspense qui entoure le destin de tous ces personnages.

La force du film, c’est aussi ses acteurs. Garfield est l’incarnation parfaite de l’homme blessé. Ida Lupino est superbe, maquillage impeccable même après s’être pris des trombes d’eau dans la gueule. Robinson est inquiétant, glaçant et pathétique. Barry Fitzgerald est génial en lèche-cul odieux. Au milieu de cette distribution spectaculaire, Alexander Knox semble un peu en retrait dans le rôle central de Van Weyden. Mais cette discrétion se révèle un atout formidable, qui renforce l’immersion du spectateur sur ce bateau franchement flippant.

La Maison dans l’Ombre (On dangerous ground) – de Nicholas Ray – 1951

Posté : 18 septembre, 2013 @ 9:21 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, BOND Ward, LUPINO Ida (actrice), RAY Nicholas, RYAN Robert | Pas de commentaires »

La Maison dans l’Ombre (On dangerous ground) – de Nicholas Ray – 1951 dans * Films noirs (1935-1959) la-maison-dans-lombre

La première demi-heure est hallucinante : une plongée dans le quotidien de flics abîmés par les horreurs qu’ils côtoient au quotidien. Trois flics. Deux sont mariés et parviennent à sauvegarder leur jardin secret, mais le troisième ne vit que pour les crimes sur lesquels il enquête. C’est Robert Ryan, simplement immense ici, dans ce qui ressemble fort à la matrice de tous les flics borderline qui feront le cinéma policier US des décennies à venir.

Cette première partie, filmée au plus près de ce flic au bord du gouffre, joue vaguement le jeu du polar traditionnel, en nous refilant un semblant d’enquête criminelle qui, on s’en rend vite compte, n’a strictement aucune importance. Ce qui compte, c’est le regard de Ryan, d’un noir profond, et ce qu’on y lit : un dégoût profond de ce qui l’entoure et de ce qu’il fait au quotidien. Un type à qui il reste à peine la force de s’émouvoir du dort d’une gamine tapinant dans un bar mal fréquenté.

Cette première partie donne le ton immédiatement. Mais Ray, cinéaste d’une modernité étonnante, ne plante le décor d’un polar urbain et poisseux que pour mieux s’en défaire. Son anti-héros, il l’envoie enquêter dans le grand Nord, comme le fera Christopher Nolan avec Al Pacino dans Insomnia, descendant évident de ce On dangerous Ground.

Là encore, l’intrigue policière, vite émousse, n’est qu’un prétexte à faire se côtoyer une poignée de solitudes abîmés par la vie. Ryan bien sûr, qui trouve l’un des plus beaux rôles d’une carrière exceptionnelle : il est de toutes les scènes, presque de tous les plans, et sa placidité qui cache (mal) un malaise abyssal, est absolument déchirante.

A ses côtés, Ida Lupino est d’une justesse rare dans le rôle d’une aveugle, évitant constamment la surenchère ou le cabotinage malvenu. Simplement dans le ton. Quant à Ward Bond, en père vengeur, il laisse peu à peu pointer une humanité bouleversante. Nicholas Ray, grand créateur formel, est un immense directeur d’acteurs. Et ses comédiens sont au sommet.

Le dernier quart d’heure se débarrasse totalement de tout semblant d’intrigue policière. Ne reste alors que deux solitudes déchirantes condamnés à tâtonner pour finir par s’effleurer. C’est tout simplement magnifique.

• Indispensable, La Maison dans l’ombre fait partie de la collection bleue RKO des Editions Montparnasse. En bonus, comme la plupart des titres de la collection : une introduction du passionné Serge Bromberg.

La Cinquième Victime (While the city sleeps) – de Fritz Lang – 1956

Posté : 17 décembre, 2012 @ 4:33 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, LANG Fritz, LUPINO Ida (actrice) | Pas de commentaires »

La Cinquième Victime (While the city sleeps) – de Fritz Lang – 1956 dans * Films noirs (1935-1959) la-cinquieme-victime

Après Moonfleet, Lang change radicalement de registre, et réalise en quelques mois ces deux derniers films américains, qui seront, derrière les apparences de films de genre, des charges assez radicales à l’encontre des évolutions de la société américaine. Deux films jumeaux qui se complètent et se répondent : La Cinquième victime et L’Invraisemblable vérité. Vingt ans après son arrivée en Amérique, Lang semble à la fois attiré et déçu par cette Amérique dont il est devenu l’un des cinéastes les plus brillants, et les plus critiques. Mais l’évolution récente (le développement de la télé, le cynisme ambiant) semble le troubler. Le roman de Charles Einstein, The Bloody Spur, sera pour lui le matériau idéal pour signer l’un de ses films les plus mordants et cruels.

Il apparaît bien vite que Lang ne s’intéresse pas vraiment à ce tueur de femmes qui sévit à New York (et qu’interprète John Barrymore junior). L’intrigue policière, d’ailleurs, est un peu tirée par les cheveux, et certains rebondissements sont pour le moins hasardeux (la manière dont le tueur trouve l’adresse de la petite fiancée du héros). Le cœur du film, ce sont les mesquineries auxquelles se livrent une poignée de journalistes pour démasquer le tueur, et ainsi s’attirer les bonnes grâces du patron de presse, jeune héritier gâté interprété par Vincent Prive, marié à la belle (mais infidèle) Rhonda Fleming.

Thomas Mitchell, George Sanders et James Craig sont sur les rangs. Ida Lupino joue de ses charmes, et Dana Andrews, grand journaliste lauréat du prix Pulitzer, a des allures de héros désigné. Sauf que le héros en question est un alcoolique qui tromperait allégrement sa fiancée s’il n’était pas freiné par une gueule de bois carabinée, et qui n’hésite pas à se servir de la douce comme d’un appât pour attirer le tueur.

Les sourires et les grandes phrases n’y changent rien : il n’y a ni morale, ni fidélité, ni sens du devoir dans ce milieu du journalisme new-yorkais, qui semble n’être régi que par une ambition dévorante. Et à travers ce milieu, c’est tout un fonctionnement de société que Lang égratigne sévèrement.

Et il le fait avec un style nettement épuré, depuis ses débuts américains : peu de jeux d’ombres (si ce n’est pour souligner les formes fort jolies de Rhonda Fleming, et pour renforcer le suspense d’une poursuite dans le métro), mais une image propre et soignée, et un sens du rythme et de la narration qui n’a cessé de s’affirmer au fil des années.

La Cinquième victime, dont Lang restera très fier, est un grand film sur le journalisme et sur l’ambition. Un grand film, tout court.

Une femme dangereuse (They drive by night) – de Raoul Walsh – 1940

Posté : 19 avril, 2012 @ 5:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, BOGART Humphrey, LUPINO Ida (actrice), WALSH Raoul | 2 commentaires »

Une femme dangereuse (They drive by night) – de Raoul Walsh – 1940 dans * Films noirs (1935-1959) une-femme-dangereuse

Voir deux grands films en l’espace de 90 minutes, c’est possible ? Oui, grâce à Raoul Walsh et cet opus plutôt méconnu de sa filmographie, pourtant un véritable bijou. Peinture sociale, film noir, Walsh passe d’un genre à l’autre avec une aisance confondante, et une brusque rupture de ton qui ne nuit en rien à la fluidité du film ou au rythme légendaire du cinéaste.

La première partie est une esquisse fascinante du quotidien des petits routiers américains : ces chauffeurs de poids lourds qui traversent les immenses étendues du pays-continent au détriment de leur vie privée (et de leur couple), et souvent au péril de leur vie.

Sur ces routes qu’ils arpentent durant d’interminables journées, parfois sans dormir, le risque est omniprésent. Et les restaurants pour routiers qui jalonnent le parcours sont autant de havres où les chauffeurs retrouvent ce qui ressemblent le plus à un cocon familial, mais totalement masculin… le genre d’atmosphères que Walsh aime particulièrement.

Dans cet univers, George Raft et Humphrey Bogart interprètent deux frères qui partagent le même camion. Bogart¸ dans sa période pré-monstre sacré, est le petit frère un peu en retrait, qui n’aspire qu’à une vie rangée avec sa femme, et qui suit aveuglement les rêves de son grand frère George Raft, qui était alors « la » star. Lui a une ambition grande comme ça, et une volonté farouche d’indépendance : prêt à travailler des jours entiers sans s’arrêter, pour pouvoir monter sa propre affaire.

Cette première partie est fascinante, portrait très humain et passionnant d’une Amérique populaire qui peine à se relever de la grande dépression. Ces petites gens qui se battent au quotidien pour gagner leur croûte sont autant de personnages de tragédies en puissance. Et la tragédie intervient bel et bien : par un virage dangereux qui coûte un bras à Bogie, et par la femme du patron, personnage-type de la vamp de film noir, interprétée par Ida Lupino. Ambitieuse prête à tout, romantique contrariée qui a sacrifié sa vie d’amoureuse au profit d’une fortune toute faite, intrigante au bord de la folie, elle fait totalement basculer le film vers autre chose…

La seconde moitié du film vire en effet vers le noir le plus obscur. Il y a un meurtre, un chantage, des destins tragiques, des arrestations, un procès, de l’amour, de l’amitié et de la fraternité… Bref, du grand cinéma populaire d’où émergent de solides seconds rôles qui n’allaient pas tarder à incarner à eux seuls le grand film noir. Raft est excellent, mais son étoile n’allait pas tarder à vaciller face à ceux qui sont encore derrière lui au générique. Ida Lupino, géniale de bout en bout mais qui devient une star grâce à une seule scène : celle où sa folie éclate lors du procès (qu’elle interprète avec un rien d’excès pourtant). Et Bogart, en retrait mais d’une grande intensité.

Il n’y a pas de hasard : quelques mois plus tard, Walsh allait donner à Ida Lupino et Humphrey Bogart les rôles principaux de High Sierra, le film qui ferait de l’actrice une star incontournable, et de Bogie le mythe qu’il est toujours…

La Grande Evasion (High Sierra) – de Raoul Walsh – 1941

Posté : 5 juillet, 2011 @ 10:15 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, BOGART Humphrey, LUPINO Ida (actrice), WALSH Raoul | Pas de commentaires »

La Grande Evasion (High Sierra) - de Raoul Walsh - 1941 dans * Films noirs (1935-1959) la-grande-evasion

C’est comme ça qu’un acteur habitué depuis dix ans aux seconds rôles et aux séries B entre dans la légende. Bogart avait déjà tourné avec de grands cinéastes auparavant (Ford, Curtiz, Walsh lui-même), mais sa carrière se bornait aux rôles de faire-valoir ou de méchant de service. Le rôle de Roy Earle, le gangster de High Sierra, ne lui était d’ailleurs pas destiné : c’est George Raft qui était pressenti, mais la star souhaitait changer de registre, et a refusé le rôle… comme il refusera celui de Sam Spade dans Le Faucon Maltais, et celui de Rick Baines dans Casablanca. Oui, on peut dire que Bogart doit beaucoup au manque de discernement de Raft.

Il doit aussi beaucoup à John Huston, qui réalisera Le Faucon Maltais (son premier film) la même année, et qui signe le scénario de ce High Sierra qui vaut, largement, tout le bien qui en a été dit depuis soixante-dix ans. Déjà spécialiste du film de gangster (il avait déjà signé l’un des premiers du genre, Regeneration, en 1915 ; ainsi que l’un des plus grands des années 30, Les Fantastiques années 20), Walsh s’amuse ici à casser les codes du genre.

Roy Earle n’est pas un jeune gangster qui monte, mais un caïd vieillissant qui sort de prison. Il ne cherche pas à changer de vie, mais prépare un nouveau coup dès qu’il a recouvré la liberté. L’histoire ne se déroule pas dans les ruelles humides d’une grande ville américaine, mais dans de grands espaces naturels. Le coup lui-même a un côté branquignol inattendu (les complices du gangster n’ont pas l’étoffe de gros durs, et la cible n’est pas une banque, mais un hôtel)…

La personnalité de Roy Earle, et jeu très nuancé de Bogart, font beaucoup pour le film. Le gangster tue sans hésiter, mais il se prend d’affection pour un chien perdu. Il est attiré par une jeune femme qui traîne avec ses complices (Ida Lupino, émouvante comme le sont toutes les grandes héroïnes de film noir), mais tombe amoureux de la petite-fille handicapée d’un vieux couple de fermiers tout droit sortis des Raisins de la Colère.

High Sierra, c’est le parcours qu’on devine fatal d’un homme taillé pour vivre seul, mais qui s’entoure de tout ce que l’Amérique de l’après-grande dépression a fait de laissé-pour-compte : un gardien noir, un bâtard, une orpheline sans attache, une handicapée, de vieux chômeurs…. Comment ce parcours pourrait-il se terminer autrement qu’en drame ?

La dernière séquence est la plus connue : ce sont les derniers instants d’un homme épris de liberté, qui prolonge ces derniers instants de liberté sans rien attendre d’autre, dans le décor sauvage et abrupt de la « high sierra ». C’est immense, et c’est beau.

 

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