Les Banlieusards (The ‘Burbs) – de Joe Dante – 1989
Joe Dante est dans sa période la plus glorieuse lorsqu’il tourne The ‘Burbs. Il vient de signer L’Aventure intérieure, et s’apprête à signer la suite de son plus grand succès, Gremlins. Bref, il est pile entre ses deux productions les plus prestigieuses, ce qui n’empêche le film d’être passé totalement sous les radars, ne sortant même pas dans les salles françaises, et végétant dans une espèce de purgatoire d’oubli jusqu’à ce qu’un petit culte finisse par l’entourer.
Pas étonnant, en fait… Que le film ait été un échec, et qu’il se soit imposé au fil du temps. Dans ce portrait ironique et grinçant d’un pan de rue de banlieue, on n’assister la plupart du temps à rien d’autre qu’à des voisins qui s’observent et se critiquent. Ils n’ont a priori rien en commun : on a là un salarié en vacances, un vétéran nationaliste, un oisif profiteur, un retraité acariâtre, un ado grande gueule… Tous réunis autour d’une obsession pour les nouveaux voisins qui vivent cloîtrés dans leur maison mal entretenue. De là à imaginer toutes sortes de choses.
Et mine de rien, c’est toute une époque peut-être pas révolue que résume le film, avec un humour ravageur et un vrai sens de la folie. Dans le rôle principal, son premier grand rôle dramatique, Tom Hanks incarne une certaine vision de l’Américain moyen, que Dante n’épargne pas, mais pour qui il affiche malgré tout une vraie tendresse. Et c’est l’une des belles choses du film : si décapant soit-il, il présente des personnages tout à la fois détestables, et attachants. Un tour de force.
Sans doute cet aspect est-il intemporel. Pourtant, The ‘Burbs est devenu culte parce qu’il incarne tout un pan du cinéma américain de cette décennie 1980 qui s’achève. Il y a certes un peu de Fenêtre sur cour dans cette histoire de voisins qui s’observent, impression renforcée par la présence réjouissante de Bruce Dern, vedette du dernier Hitchcock. Mais le cinéma hyper-référencée de Joe Dante s’inscrit d’avantage, cette fois, dans le pop-corn movie de ces années dominées par les productions Spielberg.
Il y a du E.T. dans la manière dont Dante filme les lumières sortant de la mystérieuse bâtisse. C’est au premier plan de Retour vers le futur que l’on pense lorsque la caméra suit le personnage de Hanks pour dévoiler tardivement son visage. Il y a aussi beaucoup des Goonies, jusqu’au personnage de Corey Feldman, omniprésent mais pourtant jamais dans l’action, comme s’il était le narrateur de l’histoire, comme si le film que l’on découvrait était le fruit des fantasmes d’un ado un rien attardé. Son regard final face caméra renforce cette impression.
Dante ne se prend en tout pas au sérieux, jouant avec les codes du film d’épouvante grand public mis en valeur par la musique réjouissante et toute en lyrisme et en ironie de Jerry Goldsmith. Le film est parfois excessif, voire un peu lourdingue (on a droit à un effet de zoom assez affreux). Pas toujours très fin en tout cas. Mais ces excès sont clairement assumés, et The ‘Burbs s’impose comme une chouette porte de sortie à cette décennie cinématographiquement pleine de charmes régressifs et de dérives.