L’Assaut – de Pierre-Jean Ducis – 1936
Existe-t-il un gage de qualité imparable pour le cinéma français des années 30 ou 40 ? Eh bien oui : Charles Vanel. La filmographie de l’acteur est longue comme le bras, et pas une fois il n’a semblé à côté de la plaque, pas à sa place, ou pas simplement formidable. Il l’est une nouvelle fois ici, dans le rôle d’un chef de parti politique dont l’ascension irrésistible est contrariée par les assertions d’un maître chanteur.
Vanel, une nouvelle fois, est l’atout principal de ce film adapté d’une pièce d’Henri Bernstein, à qui il confère sa dignité, et un mélange de force et de fragilité. « L’assaut », c’est celui de la meute, ces forces contraires qui apparaissent pour tenter de mettre à terre un homme qui a voulu s’élever au-dessus des autres, dixit l’homme en question : Charles Vanel, en député en pleine ascension qu’un article de presse vient diffamer.
C’est l’éternelle histoire du doute qui s’instille lorsqu’une accusation, même infondée, vient salir le plus honnête des hommes. Le doute qui circule sur les terrasses des bistrots où l’on commente l’affaire, mais aussi celui que le diffamé lit dans le regard de ses proches. Digne mais ébranlé, Charles Vanel apporte un mélange de force tranquille et de fragilité menacée à son personnage.
Mais c’est dans une sorte de parenthèse dans l’histoire qu’il se montre le plus émouvant : lorsque la jeune femme qu’il croyait destinée à son fils déclare son amour pour lui, « vieillard » de 53 ans (oui, à chaque période ses vieillards) résigné depuis longtemps à vivre dans le souvenir de son épouse décédée depuis des années. Entre l’actrice Alice Field et lui se passe alors un très beau moment de cinéma, assez bouleversant.
Belle figure de patriarche entouré d’enfants aimants (dont Madeleine Robinson, toute jeunette et déjà très bien), de conseillers plus ou moins fidèles, et de cette jeune femme qui pourrait être sa fille (il rêvait d’ailleurs qu’elle épouse son fils).
A l’exception d’Alerme, joyeusement gourmand en influenceur de l’ombre, on ne peut pas dire que les seconds rôles soient surprenants, ni même franchement profonds. Mais ce petit film malin donne une vision assez passionnante du milieu politique de la 3e République, mais aussi d’une certaine bourgeoisie provinciale. Et puis Pierre-Jean Ducis (qui??) signe une réalisation souvent très inspirée, avec quelques fulgurances. On retiendra en particulier le splendide travelling fendant la foule avec lequel on entre dans l’enceinte du tribunal. Le genre de plans qui mérite à lui seul de découvrir un film.