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Archive pour la catégorie 'ALLEGRET Yves'

Une si jolie petite plage – d’Yves Allégret – 1949

Posté : 30 novembre, 2021 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1940-1949, ALLEGRET Yves | Pas de commentaires »

Une si jolie petite plage

Une nuit pluvieuse, un jeune homme au regard triste arrive dans une petite station balnéaire du Nord de la France à bord d’un vieil autobus. Nous sommes dans la morte saison. Le pays est désert, lugubre, et semble se limiter à un garage, quelques façades, et un hôtel. A l’intérieur, quelques habitués trompent l’ennui. Remplacez le bus par une diligence. Remplacez l’hôtel par un saloon. Yves Allégret ouvre son film comme si c’était un western, avec un héros taciturne, une patronne de bar amicale, une nature ouvertement hostile, et même un old timer au regard vif.

Etrange et fascinante introduction, pour un film qui doit ensuite nettement plus au film noir, dont la photo spectaculaire d’Henri Alekan reprend clairement les codes. La pluie incessante et les grandes étendues désertes de cette plage qui semble ne pas avoir de limites contribuent pour beaucoup à cette atmosphère tragique, dont on sent bien que rien de très positif ne pourra en sortir. Une si jolie petite plage s’inscrit en cela dans la lignée d’un Quai des brumes, et de tout un pan du cinéma dramatique français.

Gérard Philippe y trouve l’un de ses très grands rôles : un homme poursuivi par ses souvenirs, et par un acte qu’il a commis. Le scénario de Jacques Sigurd (qui avait déjà écrit Dédée d’Anvers pour Allégret) a cette audace un peu folle de ne jamais rien dire explicitement de ce passé si pesant. On finit par comprendre très exactement ce qui s’est passé avant que le film ne commence, mais sans le moindre flash-back, sans même aucun discours explicatif. Juste un disque qui passe, la remarque innocente de la patronne de l’hôtel (Jane Marken), une autre d’un client de passage (Carette), un disque qui passe inlassablement… ou les réminiscences d’un gamin qui semble être le miroir de ce qu’était le personnage de Gérard Philippe.

Un gamin de l’assistance en l’occurrence, traité comme un esclave et au destin forcément tragique, même si un carton explicatif assure au spectateur, au début et à la fin, que le film n’est pas une condamnation de l’assistance publique… Sans doute le parallèle entre ce qu’est devenu l’orphelin Gérard Philippe et ce gamin qui lui ressemble tant est-il un peu trop systématique. Mais il y a dans ce film un vrai souffle tragique, qui passe certes par de longs plans à l’esthétique mortifère, mais aussi par d’infimes signes qui font appel à l’intelligence du spectateur plutôt qu’à des signes trop appuyés.

Il y a, surtout, le personnage magnifique de la serveuse, jouée par Madeleine Robinson, superbe actrice qui ne cède jamais ni au misérabilisme, ni à la séduction facile. Une jeune femme tout aussi paumée que le personnage de Philippe, mais résignée, presque sage. Le moment d’intimité que ces deux-là partagent dans une cabane miteuse du bord de mer est peut-être le plus beau du film, comme une parenthèse de douceur et de quiétude, qui ne présage pour autant d’aucun signe d’optimisme.

Dédée d’Anvers – d’Yves Allégret – 1948

Posté : 7 octobre, 2021 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1940-1949, ALLEGRET Yves | Pas de commentaires »

Dédée d'Anvers

On jurerait que Gabin se niche quelque part, prêt à sortir de la brume qui baigne ce quartier si désespéré du port d’Anvers. Il y a dans Dédée d’Anvers, le chef d’œuvre d’Allégret, toute une tradition du cinéma français d’avant-guerre : une manière de filmer ces ruelles et ces zones désertées en en magnifiant la dimension dramatique, une manière d’associer la beauté et la poésie des images, et une extrême dureté de ton.

Il y a dans Dédée d’Anvers des plans d’une beauté extraordinaire, des décors envoûtants, qui ne cachent rien de la crasse et de la misère, mais qui les transforment en une sorte d’incarnation esthétique. Les pavés, l’humidité, le froid, la vétusté des bâtiments, glauques et sublimes à la fois, dans des plans qui sont autant de tableaux remarquablement construits.

Cette hyper-esthétisation n’atténue en rien la violence du propos. Le personnage principal joué par Simone Signoret est une prostituée qui vit dans la terreur de son mac, violent et odieux, dont Marcel Dalio incarne à merveille le pathétique. Elle est sublime, Signoret, avec ses illusions perdues et cet espoir qui renaît au moment le moins propice : une bagarre de rue, d’une violence ahurissante, à laquelle elle assiste avec un plaisir pas même dissimulé, et au cours de laquelle une porte s’ouvre sur… l’espoir.

Mais on le sent bien, l’espoir de Dédée ne vaut guère mieux que celui du déserteur de Quai des brumes. Et le pathétique Dalio ressemble étrangement au pathétique Brasseur du film de Carné. Dédée d’Anvers n’en est pas une copie pour autant. Allégret y dévoile un talent immense pour mettre en scène la bonté, l’empathie : la solidarité des prostituées, les regards échangés par le couple naissant (superbes), et le patron du club, ton sec et grand cœur.

Dans ce rôle plus en retrait que celui de Dédée, Bernard Blier est exceptionnel, d’une bonté et d’une intensité folles. Le duo qu’il forme avec Simone Signoret (qu’Allégret épouse cette année là) est tellement réussi que le cinéaste le reformera pour Manèges deux ans plus tard. Son autre chef d’œuvre.

 

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