Souvenirs perdus – de Christian-Jaque – 1950
Etonnant film à sketchs, qui utilise le fil conducteur du service des objets trouvés pour raconter quatre histoires radicalement différentes. Le procédé n’est pas neuf et ne sert finalement que de vague prétexte pour introduire chaque histoire, chacune se rapportant à l’un des objets soigneusement étiquetés dans cet entrepôt très organisé. Mais la voix off des séquences intermédiaires est séduisante, quoi que toujours sur le même ton malgré la varié des registres.
Un premier sketch mélancolique, puis une farce exubérante, ensuite un sombre portrait de psychopathe… Difficile de trouver des points communs entre les sketchs, totalement indépendants les uns des autres, et assez radicalement différents, jusque dans la mise en scène de Christian-Jacques, qui s’autorise des effets lubitschiens dans les moments légers, une caméra désaxée et des ombres profondes pour son drame noir, et même une séquence muette et burlesque de rêve pour commencer son ultime histoire.
La meilleure et la plus réjouissante des quatre, cette ultime histoire qui nous plonge d’emblée dans les fantasmes nocturnes de Bernard Blier, excellent en agent de la paix autoritaire doublé d’un amoureux transit et un peu manipulateur. Il est à la fois touchant dans sa maladroite douceur, et odieux dans sa manière d’utiliser le fils de celle qu’il aime secrètement, affreux joueur de violon qui pourrit les oreilles du quartier… Nettement plus agréable à l’oreille : l’apparition d’un tout jeune Yves Montand qui chante (bien) plus qu’il ne parle, et qui sourit plus qu’il ne joue vraiment.
Le premier sketch est plutôt joli aussi : l’histoire de deux anciens amoureux (Edwige Feuillère et Pierre Brasseur) qui se retrouvent par hasard un soir de Noël, chacun mentant à l’autre sur sa réussite sociale sans vouloir s’avouer qu’ils sont tous deux seuls et pauvres. Entre les couloirs du Louvres et les jardins des Tuileries (pour une séance de flash-back par cartes postales interposées), c’est une virée dans le Paris qu’ils se fantasment que ces deux amoureux s’offrent cette jolie parenthèse teintée de mélancolie.
Le deuxième sketch est à peu près totalement dénué de mélancolie, ou même de tendresse. François Périer y joue un jeune héritier qui s’amuse à séduire les femmes et à les quitter en utilisant de fausses identités, et dont l’une des conquêtes surgit, espère de tornade incarnée par Suzy Delair dans un rôle taillé pour elle. Un vrai vaudeville, avec portes qui claquent et quiproquos, jusqu’à une scène d’enterrement haute en couleur. Pas très fin, mais plein de vie…
Le troisième, enfin est le plus inattendu du lot : un vrai drame très sombre, avec un Gérard Philippe échappé d’un asile qui tue les membres de sa famille qui l’on fait enfermer, tente de fuir la police, et rencontre une jeune femme sur le point de se suicider qui reprend goût à la vie en le rencontrant (Danièle Delorme). Sombre et assez glaçant, loin, très loin des trois autres histoires.