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Archive pour la catégorie 'Genres'

The Killer (id.) – de David Fincher – 2023

Posté : 27 novembre, 2023 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 2020-2029, FINCHER David | Pas de commentaires »

The Killer Fincher

Un quasi-remake du Samouraï. Une espèce de contre-pied absolu à John Wick et toutes les grosses productions interchangeables récentes. On pourrait facilement résumer ainsi le nouveau film de David Fincher, dont l’histoire est on ne peut plus classique : un tueur, après un contrat raté, veut se venger de ceux qui s’en sont pris à sa petite amie.

Sur le papier, la simplicité et la frontalité du sujet évoquent d’autres classiques, comme le Point Blank de John Boorman. La liste des références, à vrai dire, est presque sans fin. A l’écran, la première séquence met d’emblée à mal toutes les velléités de comparaisons : avec The Killer, qui marque son retour au thriller noir (et ses retrouvailles avec son scénariste de Seven), Fincher se réinvente et réinvente le genre, comme il n’a cessé de le faire.

The Killer est sans doute son film le plus simple à résumer. C’est aussi peut-être son plus complexe stylistiquement. Aux antipodes de la surenchère habituelle du film de genre hollywoodien actuel, Fincher nous plonge dans l’esprit d’un tueur à gages, filmant longuement l’attente, la préparation, les interrogations, tout ce qui mène vers l’action elle-même qui n’est qu’un fragment spectaculaire dans un tout dénué de tout romantisme.

Son « héros », joué par un Michael Fassbender fascinant comme rarement, est un être ouvertement froid et clinique, attaché maladivement aux détails, et qui évite au maximum tout contact humain, ou tout ce qui pourrait faire de lui un être reconnaissable. Alors Fincher le met en scène dans des univers froids, interchangeables, sans âme.

Les décors eux-mêmes se ressemblent étrangement, où que se situe l’action. Et elle voyage beaucoup : le récit est divisé en cinq actes, et autant de villes à travers le monde. Et si le décor évolue peu, l’atmosphère elle, est clairement celle des lieux où Fincher pose ses caméras : Paris, New York, La Nouvelle Orléans…

Le directeur de la photo n’y est pas pour rien. Mais c’est surtout la précision de la mise en scène qui impressionne. La maîtrise absolue de son art, qui lui permet de signer des séquences aussi longues, aussi dénuées de tout effet spectaculaire, et aussi passionnantes. Le style Fincher épouse parfaitement les obsessions de son personnage principal, la prédominance des détails et une certaine froideur.

Pourtant, The Killer est aussi, et de loin, le film le plus drôle de Fincher. Bon. Pas non plus une franche comédie, non. Mais avec la voix off très présente de Fassbender, Fincher introduit une ironie, un décalage et une distance avec la froideur et la violence de son propos. Et derrière la simplicité du récit, c’est une sorte de condensé de tout son cinéma que réussit le réalisateur, de Fight Club à Gone Girl en passant par Panic Room.

Plus que jamais, Fincher est le cinéaste le plus passionnant de sa génération.

Invisible Man (The Invisible Man) – de Leigh Whannell – 2020

Posté : 21 novembre, 2023 @ 8:00 dans 2020-2029, FANTASTIQUE/SF, WHANNELL Leigh | Pas de commentaires »

Invisible Man

Comment faire du neuf avec du vieux.… Cette version moderne et high tech d’un mythe qui a donné quelques grands films (au moins un : celui inaugural de James Whale) a droit à une nouvelle version très ancrée dans les enjeux actuels, avec deux sujets pour le prix d’un : l’omniprésence de la technologie dans notre quotidien, et les violences contre les femmes.

Le scénario est assez machiavélique, et plutôt convainquant à défaut d’être révolutionnaire : il met en scène une jeune femme qui fuit un compagnon violent, et qui réalise bientôt que ce dernier la harcèle et la suit sans qu’elle puisse le voir. Elle comprend alors qu’il a trouvé un moyen de se rendre invisible, et de l’épier nuit et jour. Pour commencer.

Le comment importe peu. Mieux vaut d’ailleurs ne pas trop s’y attarder, parce que la psychologie du compagnon violent et l’utilisation des nouvelles technologies flirtent dangereusement avec la caricature la plus facile. Faire dudit compagnon un homme richissime et d’une froideur compulsive (encore plus invisible quand on le voit à l’écran) trouble par ailleurs le discours, transformant ce qui aurait pu être un film anti-violences faites aux femmes assez fort en un film d’épouvante efficace, mais plus classique.

Mais il y a Elisabeth Moss, l’indispensable interprète de Top of the Lake, décidément grande actrice. Elle est de toutes les scènes, presque de tous les plans, et c’est le plus grand atout de ce film qui joue plutôt habilement sur la menace invisible, la plupart du temps avec la seule force de la suggestion, n’utilisant les effets spéciaux qu’avec une grande parcimonie. Ils n’en sont que plus impressionnants.

On ne vit que deux fois (You only live twice) – de Lewis Gilbert – 1967

Posté : 12 novembre, 2023 @ 8:00 dans * Espionnage, 1960-1969, GILBERT Lewis, James Bond | Pas de commentaires »

On ne vit que deux fois

James Bond, épisode 5. Et pour la première fois, on sent que Sean Connery a le sentiment d’avoir fait le tour du personnage. Après quatre premiers films qui sont parmi les meilleurs de la saga, celui-ci marque un net recul, peut-être par son incapacité à vraiment se renouveler. D’ailleurs, Connery cédera son double-zéro à George Lazenby après ça… avant de s’y recoller pour une sixième et (presque) dernière mission.

Il y a quand même une particularité à ce film : la place qu’il réserve au Japon, avec un James Bond qui doit même tenter de se faire passer physiquement pour un Asiatique. Bon… Sans vouloir contrarier les efforts de Connery et des maquilleurs, le résultat n’est pas totalement convainquant. Pour rester courtois.

Mais c’est à la culture nippone que l’on doit les meilleurs moments d’On ne vit que deux fois, avec des images traditionnelles qu’on voit peu dans le cinéma d’action, comme ce combat de sumo ou ce défilé d’épouses dont la misogynie sied parfaitement au personnage, qui enchaîne évidemment les conquêtes avec une facilité déconcertante… surtout que, c’est bien connu, les Japonaises sont fascinées par les poils !

Oui, le cliché n’est jamais bien loin, dans cette vision très occidentale du Japon, avec de longues scènes fascinées consacrées au ninja, dont la popularité est alors en plein essor.

Très en deçà des précédents, On ne vit que deux fois reste pourtant un Bond plaisant, voire réjouissant par moments, mais uniquement pour ses fondamentaux : les apparitions de M, Q et Moneypenny, l’apparition de Blofeld (Donald Pleasance en roue libre), la base des méchants dans un volcan, et l’attaque finale totalement démesurée.

Une heure près de toi (One hour with you) – d’Ernst Lubitsch (et George Cukor) – 1932

Posté : 10 novembre, 2023 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, CUKOR George, LUBITSCH Ernst | Pas de commentaires »

Une heure près de toi

Mineur et réjouissant : un Lubitsch parfait pour terminer une longue journée un peu difficile. Il y a dans ce film, loin tout de même des grands chefs d’œuvre à venir, ce petit quelque chose qu’on doit appeler la Lubitsch touch, une manière si joyeuse d’être léger et gentiment amoral.

A ce propos, il y a fort à parier que le film serait passé sous les fourches caudines du Code Hays, un an plus tard : il y est question des joies du mariage, mais surtout de celles du marivaudage, de l’adultère, et de ce désir sexuel qui, à l’écran, s’illustre par des images aussi hot qu’un nœud papillon qu’on défait…

One hour with you est le remake d’un petit bijou (muet) de Lubitsch : Comédiennes. Pourtant, ce n’est pas lui qui devait le réaliser mais Cukor. Ce dernier en a semble-t-il filmé une grande partie, avant d’être remplacé par son producteur (Lubitsch, donc), qui a retourné une grande partie du métrage.

C’est donc bien un Lubitsch, sans doute pas son plus personnel, et pas le plus enthousiasmant (il l’est moins que Comédiennes). Mais un Lubitsch tout de même, plein de vivacité et d’une liberté de ton qui fait mouche. Et qu’importe l’accent français surjoué de Maurice Chevalier, qui semble s’appliquer à chaque réplique pour ne pas adopter le moindre accent américain : le film est joyeux, tout simplement.

L’action se passe à Paris, mais on y parle anglais. On y parle aussi en rimes, voire en chansons : comme dans une opérette, les comédiens poussent régulièrement la chansonnette, pour des airs qui ne révolutionnent pas le genre mais qui tirent quelques sourires bienveillants. Chevalier y parle aussi au spectateur, face caméra, renforçant le côté opérette très appuyé.

Tout ça n’est pas très sérieux. Maurice Chevalier joue de son image de séducteur pour incarner cet homme « victime » de la cour répétée de la meilleure amie de sa femme, et de sa propre faiblesse. Son épouse (Jeanette MacDonald), constamment à côté de la plaque, pousse sans le savoir son mari dans les bras de son amie. Charles Ruggles, en meilleur ami de Chevalier amoureux de sa femme, est irrésistible…

C’est léger, mineur et même assez vain. Mais c’est aussi un Lubitsch qui donne la pêche, et qu’on regarde avec un sourire qui ne s’efface jamais. Décidément, parfait pour terminer une journée un peu difficile…

Princess Bride (The Princess Bride) – de Rob Reiner – 1987

Posté : 7 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1980-1989, FANTASTIQUE/SF, REINER Rob | Pas de commentaires »

Princess Bride

Princess Bride est sorti il y a plus de trente-cinq ans, à une époque où les téléphones sans fil avaient une portée de dix mètres (et de toute façon ne tenaient pas dans la poche), et où Internet n’existait pas. Mais en 1987, les gamins (pas moi, mais c’est une autre histoire) avaient déjà des écrans dans leurs chambres : une télévision, des jeux vidéos… Bref, tout pour ringardiser la lecture et l’imagination.

Tout ça pour dire que Rob Reiner était rudement en avance sur son temps avec cette féérie irrésistible, chant d’amour ou pouvoir de la fiction et, donc, de l’imagination. Malin, il ouvre son fils sur un gamin malade et alité, plongé dans une partie de jeu vidéo (dont le graphisme rappelle l’hallucinant chemin qui a été fait depuis), et à qui son grand-père rend visite. Pas de quoi ravir le gamin, qui n’a pas très envie de lâcher la manette pour écouter ce vieil homme rasoir.

Un vieil homme qui a la bouille de Peter Falk, sourire narquois, regard malicieux, assez sûr de son effet lorsqu’il sort un vieux livre d’aventures, dont il entreprend la lecture, parfois entrecoupée par les protestations, de plus en plus faible, de son jeune auditeur. Et cette lecture, qui prend forme sous nos yeux, c’est une espèce de champ des possibles de ce qu’offre la fiction en général, la littérature et le cinéma en particulier.

Une princesse forcément blonde (Robin Wright, toute jeune, à peine sortie de Santa Barbara), un écuyer forcément beau (Cary Elwes, tout jeunot et tout blondinet aussi), un méchant roi, un homme de main machiavélique, un géant au grand cœur, un homme de main au grand cœur et surtout un as de l’épée en quête de vengeance : Mandy Patinkin, dans un rôle inoubliable.

« My name is Inigo Montoya. You killed my father. Prepare to die… » Quand on a entendu cette réplique une fois, on ne l’oublie plus. Pas plus qu’on oublie la géniale partie de trompe-la-mort du « génie du mal » Vizzini (Wallace Shawn), ou la course poursuite en bateau…

Princess Bride est un film réjouissant, parce que drôle et totalement décomplexé. En se plaçant ouvertement sous le couvert du conte pour enfants, Rob Reiner s’offre toutes les possibilités, toutes les folies, avec une bienveillance et une gourmandise qui font plaisir. Et qui passent fort bien l’épreuve du temps.

Le Fugitif – de Robert Bibal – 1947

Posté : 6 novembre, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1940-1949, BIBAL Robert | Pas de commentaires »

Le Fugitif 1947

« C’est un faiseur dont la plupart des films sont minables. » Cette sentence à peu près définitive, c’est Bertrand Tavernier qui la signe à propos de Robert Bibal, réalisateur dont je n’avais jusqu’à présent jamais entendu parler. Jusqu’à ce que je tombe par hasard sur les premières minutes du Fugitif, qui me parurent fort prometteuses. Dans le même temps, je suis tombé sur ce commentaire lapidaire de Tavernier, simple réponse à une question lancée sur le blog qu’il animait. A ma connaissance la seule référence que le cinéaste-cinéphile ait faite à Bibal.

Ce double constat (l’acidité de Tavernier et la bonne impression laissée par les premières minutes du film) a en tout cas fait naître une grande curiosité chez moi : Bibal est-il aussi minable ? Dans le pire des cas, la médiocrité de la chose devrait me faire abandonner la partie au bout de quinze minutes. Pas cher payé en termes de temps pour essayer de comprendre le jugement si sévère du plus grand de nos passeurs.

90 minutes plus tard, c’est une interrogation qui domine : pourquoi donc Tavernier a-t-il été si dure ? Deux réponses possibles, à mon avis… 1) Tous les autres films de Bibal sont catastrophique. 2) Tavernier l’a découvert à travers des ratages. Dans tous les cas sans voir ce Fugitif qui n’est certes pas dépourvu de défauts, mais qui suffit à faire de Bibal un réalisateur à ne pas mépriser, voire même à réhabiliter.

C’est un polar qui tient de l’épure : dans une région paumée du grand Nord, un homme évadé de prison débarque à la recherche de celle qu’il a aimée, et de celui qui l’a doublé et trahi. L’intrigue policière n’a aucun intérêt. Elle est d’ailleurs rapidement évacuée : celui qui a l’air le plus couple est le coupable. L’histoire d’amour n’est guère plus importante : le personnage de Simone, jouée par Madeleine Robinson, s’avère d’ailleurs très secondaire.

Là où le film est le plus réussi, c’est dans sa peinture de cette contrée paumée, perdue dans la neige, comme coupée du monde, où tant de personnages semblent en transit, du shérif à la chanteuse de saloon, en passant par l’arnaqueur… Dit comme ça, on aurait le sentiment d’être dans un western. Et c’est bien ce qu’est Le Fugitif : un western. Contemporain, enneigé et français, mais un western, dont Bibal reprend tous les codes, et cette simplicité frontale qui colle si bien au genre.

Psychologiquement, c’est un peu sommaire. Mais les acteurs sont tous très dans le ton, le film est plutôt tendu, et le côté western est tenu jusqu’à la conclusion… De quoi s’interroger sur la filmo de Bibal, dont on se demande bien pourquoi il a sombré dans un tel oubli. Il semble que personne ne se soit intéressé à lui depuis la naissance d’Internet. M’en vais peut-être tâcher d’investiguer un peu plus en avant…

Zorro rides again (id.) – de William Witney et John English – 1937

Posté : 5 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1930-1939, ENGLISH John, WESTERNS, WITNEY William | Pas de commentaires »

Zoro rides again

Le titre laisse penser que c’est une suite, et c’en est une, en quelques sortes : la suite des grands films Zorro (celui de Fairbanks), qui serait contemporaine. Zorro est donc une légende morte : le souvenir d’un héros qui se battit pour le peuple à la frontière mexicaine, bien des années plus tôt. Mais deux ou trois générations plus tard, la violence est toujours là. Alors qui c’est qu’on appelle ?

Eh bien l’arrière-petit-fils de Zorro, le dernier héritier des Vega. Qui arrive de l’Est, et qui désole sa famille, tant il apparaît faible et jouisseur. Euh… Les gars… Ça ne vous rappelle rien ?… Visiblement pas, parce que la famille de l’héritier ne soupçonne pas le moins du monde que ce jeune citadin un peu précieux est le nouveau Zorro. Nouveau, nouvelle génération, mais le portait craché de son aïeul.

Rien de bien neuf sous le soleil de Californie, donc, à ceci près qu’on est au XXe siècle, et que les poursuites à cheval sont parfois contrariées par l’apparition d’une automobile, et que les attaques de train se font par avion !

A ceci près, aussi, que ce Zorro-là est un serial, en douze épisodes courts et intenses, qui sont signés par deux spécialistes du genre. Et que ça dépote. Oh ! La direction d’acteurs est, disons, approximative. Mais l’action, elle, est trépidante.

C’est d’ailleurs tout ce qu’on leur demande. Et qu’importe si le héros a les traits du terne John Carroll : on ne voit son visage que dans des moments sans importance (sans action, donc). Et qu’importe que le méchant soit incarné par Noah Berry : il n’existe vraiment qu’en plans larges.

Mais le duo English/Witney ne lésine pas sur le spectaculaire : trains qui déraillent, bombent qui explosent, fusillades extrêmes… Et bien sûr, un cliffhanger de dingue pour conclure chaque épisode, histoire d’être sûr que le spectateur reviendra à la séance suivante !

C’est dingue le nombre de bombes qui explose à dix centimètres de Zorro (dans un train, dans un hangar), avant qu’on se rende compte au début de l’épisode suivant qu’en fait non, c’était un peu plus loin, ou il avait eu le temps de sortir…

C’est aussi là-dedans qu’on trouve l’un des exemples les plus célèbres du cliffhanger tellement foutage de gueule qu’il en devient génial. Zorro, le pied coincé dans des rails, voit un train foncer vers lui. Il n’est plus qu’à 100 mètres… 50 mètres… 10 mètres… 1 mètres… fin de l’épisode… épisode suivant… Ah non, on a tout le temps, en fait ! Un classique.

Killers of the Flower Moon (id.) – de Martin Scorsese – 2023

Posté : 4 novembre, 2023 @ 8:00 dans * Films de gangsters, * Thrillers US (1980-…), 2020-2029, DE NIRO Robert, SCORSESE Martin, WESTERNS | Pas de commentaires »

Killers of the Flower Moon

Le film américain le plus excitant de l’année, forcément : Scorsese, quatre ans après The Irishman, et avec De Niro, et avec Di Caprio, et d’après un livre-enquête absolument formidable de David Grann, qui se lit comme un roman comme on dit… Bref : l’attente était immense. Et le résultat à la hauteur : Killers of the Flower Moon n’est pas seulement le plus beau titre de film américain de l’année, il est aussi l’un des plus beaux, et l’un des plus ambitieux.

C’est d’ailleurs ce qui saute aux yeux le premier : l’extrême ambition du film, l’ampleur de la mise en scène. Scorsese, 80 ans au compteur, signe un film comme on n’en fait quasiment plus. Et c’est cette impression qui persiste longtemps après la projection : voir Killers of the Flower Moon donne le sentiment de découvrir un vieux classique indémodable, l’un de ces chefs d’œuvre que l’on voit et revoit au cours d’une vie, sans que jamais il ne paraisse usé par le temps.

Ces dernières années, le cinéma de Scorsese tendait de plus en plus vers ce classicisme classieux, aux antipodes des chocs esthétiques radicaux que furent Taxi Driver, Les Affranchis ou Casino, la quintessence de son art. Killers of the Flower Moon est très loin de ces jalons incontournables et géniaux. Mais le film n’est pas moins passionnant : Scorsese flirte cette fois avec les grands maîtres hollywoodiens, à la manière d’un Clint Eastwood, mais avec une ampleur bien plus importantes.

On pense forcément à Sergio Leone et à Il était une fois dans l’Ouest, dans la scène de la gare qui amène le personnage de Leonardo Di Caprio (et le spectateur) dans cette petite ville de western. Mais il y a aussi beaucoup de John Ford, voire de King Vidor, dans cette manière de filmer des communautés qui s’entrechoquent, une histoire en marche, et une violence omniprésente sans jamais occuper le premier plan.

Et elle est violente, cette histoire (authentique)… Au début du XXe siècle, le peuple indien des Osages est devenu le plus riche d’Amérique après que du pétrole a été découvert dans les terres arides sur lesquelles les colons les avaient parqués. De quoi aviver la convoitise de familles blanches qui se découvraient des passions pour ce peuple et ses filles, parfaites épouses. Ou d’une administration qui assigne aux riches Indiens des tuteurs pour surveiller cette fortune…

Lorsque le film commence, les morts suspectes se multiplient au sein des Osages. On pourrait s’attendre à ce que Scorsese s’appuie sur ce déchaînement de violences. Il n’en fait rien, refuse de jouer sur un faux suspense (on comprend d’emblée qui est l’instigateur de ces crimes) et se concentre sur ses personnages, notamment sur l’étonnant couple formé par Lily Gladstone (merveilleuse, la révélation du film) et Leonardo Di Caprio (dont l’interprétation intense mais très excessive est plus problématique, et moins tenue).

Au fil de ce film-fleuve (3h30), l’univers semble se refermer autour de ce couple complexe, au cœur des crimes, dont sont victimes tous les membres de sa famille à elle. Plus les meurtres s’accumulent, plus les signes de culpabilité semblent évidents, plus ces deux-là s’aiment, d’un amour que l’on devine sincère malgré l’horreur et l’absurdité. Deux êtres qui s’enferment dans une sorte de dénis fascinant.

Et puis il y a Robert De Niro, figure du Mal diamétralement opposée aux gangsters qu’il a interprété pour Scorsese. Il est extraordinaire dans le rôle de ce patriarche aux faux airs de grand-père idéal, retors et machiavélique. D’une justesse absolue, De Niro livre l’une de ses très grandes performances d’acteur, l’une de ses plus belles depuis plus de vingt-cinq ans. Son dixième rôle pour Scorsese rappelle à quel point cette association-là est précieuse dans l’histoire récente du cinéma.

Coup de chance – de Woody Allen – 2023

Posté : 3 novembre, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, ALLEN Woody | Pas de commentaires »

Coup de chance

Jusqu’alors, quand Woody Allen venait tourner en France, c’était par amour pour la culture française, et particulièrement pour Paris. Cela donnait Tout le monde dit I love you et Minuit à Paris, deux de ses films les plus magiques. Aujourd’hui, il ne faut pas trop se faire d’illusion : s’il a tourné Coup de chance à Paris (et en français, une première), c’est parce qu’il est tricard en Amérique.

Et on sent bien qu’il n’y a pas la conviction qu’on trouvait dans ses précédents films parisiens. D’ailleurs, le film se passe à Paris, mais il aurait tout aussi bien pu se passer à Londres, à New York, à Barcelone, ou dans toute autre ville correspondant à son univers. C’est-à-dire très privilégiée, et pour le coup assez hermétique aux petits soucis du quotidien.

Dans Coup de chance, l’héroïne interprétée par Lou de Laâge travaille pour une agence de vente aux enchères (de luxe bien sûr), sans passion. Et elle est mariée avec un homme très riche (Melvil Poupaud, qui commence à se faire une habitude des maris toxiques), dont le métier est de faire gagner encore plus d’argent à des gens très riches, et qui la considère comme une « femme-trophée » (je n’invente pas, le terme doit être utilisé une demi-douzaine de fois). Même pas envie d’évoquer l’appartement dans le cœur de Paris, qui doit faire 200 m2…

Mais son rêve de jeunesse n’était pas d’être une femme-trophée. Elle avait des goûts simples, des envies banales. Un peu comme cet ancien camarade (Niels Schneider) qu’elle croise par hasard, et avec qui elle entame une belle histoire d’amour adultère. Sans doute aussi parce qu’il lui rappelle la femme simple qu’elle fut.

Lui est allée au bout de ses rêves, parce qu’il est resté un homme simple : un écrivain qui vit la bohême. Ce qui est beau avec le métier d’écrivain, c’est qu’on peut écrire n’importe où : à New York, à Londres, à Paris… Je n’invente toujours pas : c’est ce qu’il dit, dans son appartement parisien mansardé à faire pâlir d’envie les plus grands hommes d’affaire. Bref, la notion d’argent n’a pas cours chez Woody Allen.

Ce n’est pas tout à fait nouveau, ni un cas unique dans le cinéma, mais cela créer tout de même une distance un peu gênante avec le spectateur lambda, si cinéphile soit-il, et si admirateur du cinéma d’Allen soit-il. Quand apparaît le personnage joué par Valérie Lemercier (la mère de l’héroïne), vaguement snob et très attachée à un certain standing, on se dit qu’il y a là le début d’une vision critique de cette débauche de luxe. Mais non.

Bien sûr, le personnage de Melvil Poupaud est odieux (et très caricatural), dans sa manière d’étaler non pas sa fortune, mais sa réussite (la femme-trophée, toujours). Mais la critique sociale cède vite la place à un thriller franchement déroutant, avec un rebondissement choc qui plonge le film dans quelque chose d’inattendu, mais qu’Allen filme avec un détachement, voire une légèreté pour le moins troublants.

A partir de là, c’est avec un regard dubitatif et distant qu’on suit la fin du film, convaincu que cette fois, Woody avait bien perdu son mojo. Peut-être à cause de cette petite musique liée à la langue que l’on ne retrouve pas en français. Peut-être à cause de la bande son, jazzy, qui semble collée sur les images au hasard. Peut-être aussi à cause d’un scénario peut-être écrit à la va-vite. Allez savoir…

Et puis le lendemain, et puis le surlendemain, et puis les jours suivants (j’écris cette chronique une dizaine de jours après avoir vu le film), cette histoire trotte dans la tête, au lieu de disparaître comme on le pensait à la sortie de la salle. Déroutant, mais finalement un peu marquant. Coup de manche mériterait une séance de rattrapage.

Va d’un pas léger / Marchez joyeusement (Hogaraka ni ayume) – de Yasujiro Ozu – 1930

Posté : 28 octobre, 2023 @ 8:00 dans * Polars asiatiques, 1930-1939, FILMS MUETS, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

Va d'un pas léger

Il y a du linge accroché entre les maisons, et c’est la preuve la plus flagrante que l’on est dans un film d’Ozu. Dès ses années de jeunesse, la signature du cinéaste est déjà bien là, dans sa manière de filmer les absences, et les objets du quotidien : une théière, une porte fermée, un poster sur le mur, un rideau tiré… Les objets ont une âme chez Ozu.

Ou plutôt : Ozu les filme comme s’il y captait l’âme des protagonistes, ce qui a quand même de la gueule. Va d’un pas léger (titre que l’on comprend dans les dernières – belles – minutes du film) est donc très manifestement un film d’Ozu. Pourtant, il est difficile d’y retrouver les thèmes, l’approche esthétique et le rythme qui marqueront ses chefs d’œuvre.

Dans ce film de jeunesse, on ne peut pas dire qu’Ozu est déjà totalement Ozu. Il flirte avec le polar, genre qu’il abordera plus frontalement encore quelques mois plus tard avec l’excellent L’Epouse de la nuit, adoptant les codes visuels du film de genre, mais se focalisant sur la rédemption par amour d’un anti-héros très touchant.

Un petit caïd, chef d’un gang de petits voleurs de rue, dont la vie bascule lorsqu’il croise la route d’une jeune employée du bureau aussi paumée que lui, dont il tombe raide dingue. Au point de renoncer à la vie facile de truand pour se trouver un job assez peu glorieux mais honnête. Et là, ce sont des thèmes que l’on retrouve souvent dans le Ozu des premières années qui apparaissent : les difficultés de la jeunesse, l’humiliation, le sort des femmes…

C’est Ozu sans être totalement Ozu, mais c’est déjà formidable : cadrage, timing, sens du détail, profondeur des personnages… Ce faux film noir est passionnant, et dévoile en passant une facette légère et même très drôle d’Ozu. Un aspect de son talent qui est rarement mis en valeur à ce point.

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