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Archive pour la catégorie 'Genres'

Les Ecumeurs (The Spoilers) – de Ray Enright – 1942

Posté : 22 avril, 2023 @ 8:00 dans 1940-1949, DIETRICH Marlene, ENRIGHT Ray, WAYNE John, WESTERNS | Pas de commentaires »

Les Ecumeurs

Marlene Dietrich, John Wayne, Randolph Scott (sans oublier le vétéran Harry Carey)… Quelle affiche, quand même, que celle des Ecumeurs. La même d’ailleurs que celle de Pittsburgh, qui sera tourné quelques mois plus tard par Lewis Seiler. Mais cette affiche spectaculaire est quand même à nuancer…

D’abord, Marlene semble la quasi-caricature d’elle-même, jouant une énième fois la reine du saloon, et l’objet de toutes les convoitises. Ensuite, Wayne est encore un peu jeunot, manquant de cette présence inouïe qu’il aura dans tous ses films, y compris les moins bons, quelques années plus tard. Enfin, Scott n’est pas encore la grande figure westernienne qu’il deviendra dans sa maturité. Il reste l’acteur de comédie de ses débuts, le sourire constamment aux lèvres quelle que soit la situation.

Ce sourire pose rapidement problème, parce qu’il ne colle pas à son personnage pour le moins trouble, ni même à une histoire qui aurait mérité plus de noirceur, plus de gravité. Le sujet est sombre : la spoliation des terres dont on été victimes des prospecteurs en Alaska vers 1900, sous le couvert d’une pseudo-loi face à laquelle les individus se heurtaient à un dénis de leurs droits. L’histoire est passionnante, et édifiante, le rythme est impeccable… mais pourquoi diriger les acteurs avec tant de légèreté, quand le sujet est si sombre ?

Cette approche, presque de comédie, fait passer Enright à côté d’un film qui s’annonçait pourtant spectaculaire. Il est impressionnant, ce premier plan, montrant un train traversant la ville boueuse et bondée de monde de prospecteurs. Comme sont impressionnants toutes les scènes d’ensemble, cette manière de filmer la vie dans ce coin du monde, avec des moyens qui semblent importants : des décors magnifiques, des dizaines de figurants, de la boue partout, de la vie, du mouvement…

Impressionnante aussi, la grande scène de bagarre, d’une grande brutalité, et mettant en scène dans de nombreux plans très percutants les acteurs eux-mêmes, qui donnent beaucoup de leur personne. Alors oui, on prend un certain plaisir à voir ces trois grands noms se livrer à un dangereux triangle amoureux, mais avec le sentiment constant de passer à côté de quelque chose autrement plus grand.

Un peu comme cette scène courte et étonnante où le personnage de Marlene Dietrich croise dans son saloon un homme qui lui explique être en train d’écrire une histoire, qui sera celle de The Shooting of Dan McGrew, un fameux poème narratif évoquant la vie des pionniers en Alaska (et dont Tex Avery tirera son Shooting of Dan McGoo), étrange clin d’œil furtif et sans conséquence, qui ouvre des perspectives sans rien en faire.

De grandes espérances – de Sylvain Desclous – 2022

Posté : 17 avril, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, DESCLOUS Sylvain | Pas de commentaires »

De grandes espérances

Dans Mon crime, son personnage était constamment dans l’ombre de son amie actrice et pseudo-meurtrière. Pourtant, elle dévorait l’écran par un magnétisme assez rare. Ce magnétisme explose littéralement dans De grandes espérances où, sur un autre registre, elle est de toutes les scènes, et presque de tous les plans. Rebecca Marder est une actrice magnifique, et c’est la première qualité de ce film que de le confirmer.

Et mine de rien, il est d’une extrême richesse ce personnage de jeune femme brillante, issue de la classe la plus populaire, et destinée aux plus hautes fonctions de l’État. Elle est presque trop parfaite : belle, intelligente, engagée à gauche, grande amoureuse, débatteuse enflammée, visionnaire et courageuse. Mais il y a cet écueil sur une route toute tracée : une altercation imbécile sur une petite route de Corse, un homme trop agressif, un petit ami trop lâche, et un fusil trop à portée de main…

Et voilà comment la peinture sociale, déjà passionnante grâce à ce personnage si fort, tourne au thriller politico-romantique. Et comment les failles apparaissent : une fragilité jusque là si bien cachée, un père pas très présentable quand on fréquente d’anciens ministres, et un mensonge qui passe mal. Le mensonge : ce sujet si complexe qui laisse la brillante oratrice muette face au jury de l’ENA, comme si, soudain, la réalité du monde et la pureté des convictions se télescopaient.

Le manichéisme apparent (le gentil social de gauche face au méchant capitaliste de droite) se heurte très vite à une vérité bien plus complexe. Les uns et les autres sont du même monde, du même moule, et les bons sentiments n’y font rien. Le film de Sylvain Desclous n’appuie jamais sur ces contradictions, mais distille des petites touches de cynisme, qui renforcent paradoxalement l’humanité des personnages.

Les scènes entre la fille et le père sont particulièrement fortes, en ce qu’elle mettent en évidence le mur qui sépare les couches sociales, quels que soient les liens. Elles sont belles et pudiques ces scènes, comme des parenthèses d’authenticité refoulée dans un monde où tout n’est que posture et représentation. La dernière image, sans rien en dire, est magnifique de pudeur et d’émotion.

Le dernier mercenaire – de David Charhon – 2021

Posté : 16 avril, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, CHARHON David | Pas de commentaires »

Le dernier mercernaire

Envie de débrancher le cerveau ? Ce film là en vaut un autre. Il est assez con, avec une histoire inutilement alambiquée d’espionnage et de trahison. Il est globalement très mal joué, avec des acteurs pas aidés par des dialogues souvent lourdingues. Les scènes d’action sont au mieux divertissantes, jamais percutantes. Bref, pas grand-chose à sauver. Mais si on choisit celui-là plutôt qu’un autre, c’est pour Jean-Claude Van Damme, dans son premier film d’action en français. Et là, c’est un festival.

Il faut l’aimer, Van Damme, pour apprécier Le dernier mercenaire. Et voilà : il se trouve que j’ai depuis longtemps une tendresse que je n’arrive pas même à m’expliquer pour lui, en dépit de ses films, très largement pas terribles. Et cette manière qu’il a de sans cesse rebondir en se moquant de lui-même, en parodiant sa propre image, a quelque chose de touchant, et d’assez passionnant.

Ici, il est un mercenaire, un espion, un roi du déguisement et de la castagne, une véritable légende qui trimballe derrière lui des décennies d’exploits pour la France, et surtout l’aura de l’acteur. Et c’est ce dernier aspect qui rend le personnage attachant. Pas ce gag lourdingue d’un Van Damme qui passe devant l’affiche de Bloodsport en lançant un « ça c’est un mec ! ». Mais cette vision d’un Van Damme en proie à une immense lassitude qui nous ressort son fameux grand écart, ou ce héros soudain renvoyé à sa fragilité de père absent, incapable de parler à ce fils qu’il ne connaît pas.

Dans cette comédie d’action, l’objet de toutes les attentions n’est qu’un macguffin comme un autre. Ce qui compte, c’est cette relation père-fils au centre de tout. Ou plutôt non : pas la relation, le personnage du fils n’a pas grand-intérêt. Mais la fêlure du grand homme, cette incapacité qu’à Van Damme de livrer ses sentiments, de faire face à ses choix de père misérable. Et Van Damme est très bien dans ce rôle d’homme fatigué et plein de doutes.

Enfin… de doutes… Rien de très sérieux, quand même. Tout n’est que prétexte à enchaîner les blagues et les scènes d’action. Miou-Miou cachetonne, Alban Ivanov et Eric Judor font ce qu’on attend d’eux (sans filtre), Patrick Timsit serre les dents, Assa Sylla surnage dans un rôle à peine écrit. Et Van Damme s’impose au milieu de ce petit monde avec une humilité inattendue. La seule raison d’être du film.

Deux heures à tuer – d’Ivan Govar – 1966

Posté : 15 avril, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, GOVAR Ivan | Pas de commentaires »

Deux heures à tuer

Ivan Govar n’a que 30 ans quand sort Deux heures à tuer. C’est pourtant son tout dernier film, conclusion d’une carrière qui n’a pas laissé une grande impression, et guère de souvenir. C’est qu’il n’a pas été épargné par la critique, ni sauvé par le public, ce cinéaste belge condamné au purgatoire bondé des réalisateurs oubliés par l’histoire du cinéma.

Injuste ? Soyons honnête : Deux heures à tuer est assez laid formellement, qui souffre d’une photographie dégueulasse, un peu comme si le film était pensé pour les télévisions noir et blanc de l’époque. Alors forcément, le premier réflexe serait de passe à autre chose et de ne pas même voir si une réhabilitation était envisageable.

Et puis, aussitôt après ce premier réflexe vient un autre constat : cette voix off qui introduit le film, plante le décor, et enserre d’emblée le drame dans le huis-clos d’une petite gare de province. Cette entrée en matière est en soi très originale, dans sa manière assumée de ne rien montrer du drame, ces meurtres qui s’enchaînent dans cette petite ville habituellement si tranquille. Et cette voix off n’est pas celle de n’importe qui : Jean-Roger Cossimon, chanteur et parolier que Bertrand Tavernier réhabilitera quelques années plus tard, et dont la voix fascinante plante formidablement le décor.

Une petite gare, donc, dont on ne sortira à aucun moment. Et une poignée de personnages qui tuent le temps, dans ces deux petites heures qui les séparent de leur train. Le film respecte quasiment l’unité de temps. Il respecte totalement l’unité de lieu, et s’avère un modèle de construction pour introduire les différents personnages, en gardant leur part de mystère.

Il y a Cossimon lui-même, excellent en riche cocu dur de la feuille, qui se coupe volontairement du monde qui l’entoure en coupant le son de son sonotone. Et puis Catherine Sauvage en épouse calculatrice. Raymond Rouleau en amant mystérieux. Michel Simon en bagagiste bougon. Et surtout Pierre Brasseur, cabot génial.

Visuellement, le film est laid, c’est entendu. Mais il a pour lui ses voix : celle de Cossimon, celle de Simon, et celle de Brasseur, presque omniprésente, et fascinante par sa logorrhée et par les fausses pistes qu’elle véhicule : est-ce la voix d’un flic, comme on se l’imagine ? Est-ce celle d’un fin limier ou d’un idiot crédule ? Il faudra la fin assez radicale pour trouver des réponses.

Malgré ses limités esthétiques assez évidentes, Deux heures à tuer séduit et emporte, par la qualité de son scénario, par son interprétation, et par sa manière aussi, mine de rien, d’invoquer les fantômes de l’occupation au gré de ses dialogues et des apparitions répétées de policiers en uniforme. Une curiosité.

Mon crime – de François Ozon – 2023

Posté : 14 avril, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, OZON François | Pas de commentaires »

Mon crime

François Ozon aime le cinéma français des années 1930, et il aime Danielle Darrieux. Il l’avait déjà montré il y a vingt ans avec 8 femmes, l’un des derniers grands rôles de la star. Il le réaffirme aujourd’hui avec Mon crime, une fantaisie policière où l’ombre rassurante de Darrieux plane constamment.

C’est sa voix que l’on entend le temps de deux chansons. Et l’action se déroule dans le Paris de 1935, alors que la carrière de l’actrice explose : les deux héroïnes assistent d’ailleurs à la projection de Mauvaise graine, le film que Billy Wilder a tourné en France avec Darrieux. Voilà pour le décor, et presque pour le parrainage.

L’ambiance, elle aussi, semble tout droit sortie du cinéma français de cette époque. A la fois pour l’intrigue et la manière légère de l’aborder : cette histoire d’une apprentie comédienne accusée d’un meurtre qu’elle n’a pas commis, et qui décide de se l’approprier avec son amie apprentie avocate, lorsque les deux jeunes femmes, sans le sou, comprennent à quel point l’histoire va faire d’elle des héroïnes modernes.

Il est question de la domination des hommes sur les femmes, de révolution qui s’annonce, mais aussi du pouvoir de l’image et des médias… mais sur un ton que n’aurait pas renié Sacha Guitry, à qui on pense beaucoup tout au long du film. La virtuosité, l’éloquence, le grain de folie… Du Guitry presque dans le texte.

Porté par deux actrices enthousiasmantes (Nadia Tereskiewicz, César du meilleur espoir cette année, et Rebecca Marder, à qui le César du meilleur espoir revenait presque de droit cette année), le film d’Ozon n’oublie pas non plus ce qui faisait la grandeur du cinéma français des années 30 : la richesse des seconds rôles.

Et là, c’est un bonheur assez rare : Fabrice Lucchini, plus proche de Louis Jouvet que jamais en juge pédant et à côté de la plaque ; Isabelle Huppert en vieille gloire du muet qui refuse de jouer les femmes vieillissantes ; Michel Fau en procureur phallocentré (« Si on ne la condamne pas pour son crime, chaque femme pensera qu’elle aura le droit de nous égorger à la première maîtresse ! ») ; André Dussolier en père, disons, pragmatique… Tous prennent visiblement un grand plaisir, très, très communicatif.

Alien 3 (id.) – de David Fincher – 1992

Posté : 13 avril, 2023 @ 8:00 dans 1990-1999, FANTASTIQUE/SF, FINCHER David | Pas de commentaires »

Alien 3

Ridley Scott et James Cameron était de tout jeunes cinéastes quand ils ont réalisé Alien et Aliens (deuxième film pour le premier, troisième pour le second). Pour le troisième opus, c’est à un jeune talent à la fois débutant et expérimenté que les producteurs font appel : David Fincher, qui n’a encore rien réalisé pour le cinéma, mais qui a à son actif des dizaines de clips vidéo qui lui ont valu une belle réputation.

Cette première expérience a été un cauchemar pour un Fincher perfectionniste qui n’a cessé de batailler avec le studio pour tenter d’imposer sa vision. En vain : Fincher n’a cessé de renier le film, et s’en est retourné aussi vite dans l’univers des clips, où il serait peut-être encore si on ne lui avait proposé le scénario de Seven. La suite est une autre histoire, mais c’est avec une certaine perplexité que j’ai revu Alien 3… ou plutôt Alien 3 : le film, qui m’avait fait une assez forte impression en 1992, est-il si mauvais que Fincher ne l’affirme.

Question simple, réponse simple : non. Il y a même de très belles choses dans ce troisième opus. Une esthétique sombre et léchée qui rappelle le passé clipesque de Fincher, et annonce d’une certaine façon Seven. Une évolution assez passionnante du personnage de Ripley, qui redécouvre sa féminité en même temps qu’elle en perd les attributs habituels (en se rasant le crâne et en revêtant une tenue de taulard). Un scénario assez habile qui rompt avec le grand spectacle du film de Cameron sans retomber dans le huis clos de Scott. Une réflexion sur la maternité qui avait déjà été abordée dans le précédent film, et qui aboutit ici à une dernière scène forte, qui conclue assez joliment la trilogie.

Cela étant dit, le film est effectivement malade. On sent bien que Fincher n’a pas eu les coudées franches, et qu’il est contraint par des décors un peu kitsch et des effets spéciaux franchement cheap qui ont nettement plus vieilli que ceux des deux premiers films. Et puis, malgré la violence extrême de l’histoire, malgré son décor (une planète-pénitencier habitée par la lie de l’humanité) le film reste étonnamment lisse et propret, loin du film originel de la saga.

Une réussite en demi-teinte, donc, portée par la présence toujours enthousiasmante de Sigourney Weaver, qui n’a cessé de faire évoluer ce personnage, de film en film.

Toute la ville en parle (The whole town’s talking) – de John Ford – 1935

Posté : 10 avril, 2023 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1930-1939, FORD John | Pas de commentaires »

Toute la ville en parle

Clairement pas le plus fordien des films de Ford, mais cette première décennie du parlant est sans doute la plus étonnante de tout son cinéma. Non seulement il n’y tourne aucun western (il ne s’y recollera qu’avec Stagecoach, en 1939), mais il s’y montre aussi capable de passer d’un genre à l’autre, avec une grande aisance, beaucoup d’efficacité, et quelques motifs redondants.

Dans Toute la ville en parle, Ford dirige Edward G. Robinson. C’est une première, et c’est presque une dernière : les deux hommes ne se retrouveront que trente ans plus tard pour Les Cheyennes, l’ultime western du cinéaste. Mais pour bien faire, il confie à l’acteur un double-rôle assez mémorable : celui d’un brave employé du bureau, timide et effacé, et celui de son sosie, un tueur sans pitié recherché par toutes les polices.

On imagine bien le quiproquos qui se profile. On n’est pas déçu… Et c’est lors d’une scène assez énorme en termes de moyens déployés que l’on assiste à l’interpellation du brave employé. Là, dans la longue séquence qui suit, Ford dénonce mine de rien la société de l’image, le jugement par la presse, la justice expéditive, dans une sorte de cauchemar kafkaïen assez fascinant.

Mais le ton est clairement à la légèreté. Le suspense n’est présent qu’en surface, malgré quelques passages étonnamment sombres (l’exécution qui se prépare dans la cour de la prison, le meurtre final). Ford a la caméra badine et rieuse, ce qui n’est pas si courant. D’ailleurs, il passe nettement plus de temps à filmer l’employé singeant la lippe mauvaise du tueur en se regardant dans un miroir, que la violence. De la même manière, le cauchemar éveillé de l’employé est contrebalancé par les réparties joyeusement bravaches de sa jolie collègue, jouée par une Jean Arthur évidemment enthousiasmante (ne l’est-elle pas toujours?).

Robinson face à Robinson… Ford n’invente rien en matières de trucages, mais reconnaissons qu’il les utilise très habilement. En dépit de quelques transparences bien visibles, les scènes mettant en contact les deux personnages joués par le même acteur sont d’une fluidité rare pour l’époque. La double prestation de Robinson n’y est pas étrangère. En terrain connu dans le rôle du tueur, il compose un réjouissant personnage de vieux garçon emporté par les événements.

Dix hommes à abattre (Ten wanted men) – de H. Bruce Humberstone – 1955

Posté : 3 avril, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, HUMBERSTONE Bruce, WESTERNS | Pas de commentaires »

Dix hommes à abattre

Randolph Scott décidé à se venger après la mort d’un proche… Voilà une phrase qui peut résumer une belle quantité de westerns. De là à dire que celui-ci tombe dans la facilité, il y a un pas que je ne franchirais pas. Il y a bien des raccourcis dans ce film : une romance qui se noue en un quart de seconde, un prétexte de querelle auquel on a bien du mal à croire, des rebondissements téléphonés (on sait d’emblée qui va se faire tuer et qui va s’en sortir). Mais il y a aussi des choses assez enthousiasmantes.

Et ça commence par une scène inattendue : un braquage de diligence (oui, oh, rien de bien original), qui s’avère être une blague, que vient dévoiler le grand rire d’un Randolph Scott inhabituellement jovial en grand propriétaire tout à son bonheur de retrouver son frère et son neveu, qu’il n’a pas vus depuis dix-huit ans. Sauf que le neveu tombe raide amoureux (au premier regard) d’une jeune femme qu’un autre grand propriétaire veut garder pour lui. C’est Richard Boone, alors on sait qu’il sera le grand méchant de l’histoire. Pas manqué.

C’est le grand méchant, mais il est assez étonnant. Parce qu’il n’est visiblement motivé que par l’amour (un amour très possessif, mais un amour quand même), et pas par l’argent ou le pouvoir. Parce qu’il ne tarde pas à se faire dépasser par les tueurs qu’il a engagés. Et parce qu’il est franchement assez pathétique, jusqu’au duel (presque) final attendu.

Ce western détonne par la place qu’il réserve aux femmes et aux romances, centrales à plusieurs titres. Le scénario n’est certes pas d’une très grande finesse, mais Humberstone, cinéaste nettement moins réputé que Boetticher ou De Toth dans le genre (pour citer les deux cinéastes fétiches de Randolph Scott au cours de cette décennie), mais il signe un western passionnant, avec quelques très beaux moments, à l’image de cette scène d’attente dans la maison assiégée, avec une série furtive de gros plans magnifiques.

Belle aussi, la relation de Scott avec la veuve jouée par Jocelyne Brando (la sœur de), romance qui ne dit pas son nom. Humberstone met joliment en scène la tendresse qui unit cet homme jovial et très entouré et pourtant solitaire, et cette femme plus si jeune. Les autres rôles féminins ne sont sans doute pas aussi intéressants, aussi développés. Mais ne serait-ce que pour la place qui est réservée aux femmes, Dix hommes à abattre mérite d’être découvert.

Le Parfum vert – de Nicolas Pariser – 2022

Posté : 31 mars, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, PARISER Nicolas | Pas de commentaires »

Le Parfum vert

Une comédie policière un peu rétro… Voilà le genre de plaisir qui ne se boude pas. Nicolas Pariser flirte ouvertement du côté d’Hitchcock. Une petite chose gentiment désuète qui pourrait suffire à mon bonheur, si le réalisateur avait su proposer autre chose qu’une compilation de clins d’œil et de citations plus ou moins évidentes.

Beaucoup d’Hitchcock, donc, des 39 marches à La Mort aux trousses en passant par Sueurs froides et beaucoup d’autres, mais aussi du Tintin (avez-vous remarqué la statuette de l’Oreille cassée), et quelques autres références. Ce catalogue de citations a deux effets : premièrement, il conduit assez vite à un sentiment de profonde lassitude ; deuxièmement, il permet de tenir jusqu’à la fin du film sans trop s’ennuyer, en s’amusant à reconnaître tel ou tel film.

On en sort quand même avec une vraie frustration. On pouvait attendre un peu plus d’originalité et d’audace de cette histoire de course poursuite à travers l’Europe, avec un duo mal assorti incarné par Sandrine Kiberlain et Vincent Lacoste. Elle, illustratrice lasse et prête à se lancer dans toutes les aventures. Lui, comédien très rive gauche dont un camarade est mort sur scène après lui avoir murmuré d’étranges paroles à l’oreille. Et ça, oui, c’est L’Homme qui en savait trop.

Le Temps du châtiment (The Young Savages) – de John Frankenheimer – 1961

Posté : 25 mars, 2023 @ 8:00 dans * Polars US (1960-1979), 1960-1969, FRANKENHEIMER John, LANCASTER Burt | Pas de commentaires »

Le Temps du châtiment

Deuxième long métrage pour Frankenheimer, et première collaboration avec Burt Lancaster, qu’il retrouvera à plusieurs reprises (toutes marquantes) tout au long de cette glorieuse décennies 1960. Dès Le Temps du châtiment, la vision sombre du cinéaste est flagrante, cette manière si personnelle d’appréhender frontalement les problèmes sociaux les plus complexes et les plus brûlants, par le prisme du film de genre.

Le film commence en quelque sorte là où se termine West Side Story, dans un quartier de New York en plein chantier de rénovation, où se déchirent blousons noirs et Porto-Ricains. Que le film de Robert Wise soit sorti cette même année 1961 ne peut pas être un hasard, tant la première séquence du film de Frankenheimer semble familière, dans l’esprit si ce n’est dans le ton.

Cette première séquence, servant de générique, est particulièrement forte : Frankenheimer y filme la marche décidée, au pas cadencé que rien ne semble pouvoir arrêter, de trois gamins aux blousons de cuir. Une musique entêtante, inquiétante, des gros plans et un montage au cordeau… On le sent : la mort est au bout de cette séquence, qui s’achève effectivement avec un jeune homme sur le sol, mort poignardé.

Lancaster ne tarde pas à entrer en scène, assistant du procureur chargé de faire condamner les trois jeunes à la chaise électrique, lors d’un procès qui pourrait bien ouvrir les portes de la politique à son patron. Lancaster, impérial, minéral, formidable dans le rôle de cet homme qui a eu la même jeunesse que ceux qu’il doit faire condamner, mais qui lui s’en est sorti. Ce serait déjà un cas de conscience pour l’ancien loubard. C’est pire : l’un des accusés est le fils de celle qu’il a bien failli épouser des années plus tôt (Shelley Winters, toujours parfaite).

Le film, sans dévoiler la fin, ne plonge pas totalement dans la noirceur absolue, s’autorisant quelques ressors dramatiques qui paraissent un peu factice. Mais à la marge, seulement. Au fond, c’est surtout la complexité des situations qui frappe, la manière dont Frankenheimer évite soigneusement tout angélisme, et tout jugement facile. Il nous plonge au contraire dans le difficile cheminement de son héros, à la recherche de la vérité, mais tiraillé entre deux mauvaises directions, entre la certitude d’être accusé au choix de racisme ou de clientélisme.

Par cette complexité, par ses scènes de rue criantes de vérité (plus que par sa dernière partie durant le procès), Le Temps du Châtiment annonce avec fracas les réussites majeures de Frankenheimer, cinéaste dont la redécouverte est décidément pleine de belles et puissantes surprises.

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