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Archive pour la catégorie 'Genres'

Le Mystère de la Vallée blanche (The Valley of Silent Men) – de Frank Borzage – 1922

Posté : 30 septembre, 2024 @ 8:00 dans 1920-1929, BORZAGE Frank, FILMS MUETS, WESTERNS | Pas de commentaires »

The Valley of Silent Men

A cette époque de son parcours, The Valley of Silent Men semble étrangement anachronique pour un Frank Borzage qui avait déjà délaissé les westerns de ses débuts pour des thèmes plus personnels, en particulier avec Humoresque ou Back Pay.

Retour au western, donc, ou plutôt au « northern », variation glacée du genre, avec course poursuite dans les grandes étendues désertes, bandits et prisons, meurtres et mystère. Remarquez bien que ce n’est pas du côté de l’intrigue qu’il faut chercher l’intérêt du film. Adapté d’un roman de James Oliver Curwood (auteur alors très en vogue : au moins une dizaine de films adaptés dans les deux seules années précédentes), le scénario ne convainc pas franchement.

Le mystère profond (qui accouchera d’une souris) assure l’intérêt, sans éclat : qui est donc cette jeune femme qui vient en aide au traqueur de la police montée forcé de prendre à son tour la suite après avoir avoué un meurtre qu’il n’a pas commis, pour sauver un ami et parce qu’il pensait n’avoir plus que quelques jours à suivre (c’est clair ?).

Les parti-pris sont étonnants, avec des personnages qui ne cessent de se croiser par un hasard bien pratique, dans des paysages pourtant immenses. Mais même dans cette immensité, le film a des allures de petit théâtre, étonnamment intime, où les distances semblent ne rien vouloir dire.

Ces paysages sont sans doute la seule raison d’être du film. Borzage, qui a consacré de longs mois à ce tournage, s’en tire plutôt bien, en particulier lors du grand morceau de bravoure, sur le glacier : un moment de suspense qui n’a toutefois pas la portée émotionnelle des grands films de montagne allemands d’Arnold Fanck, dont la manière de filmer les massifs et la neige sera autrement plus puissante.

Le fait qu’il manque quelques scènes (reconstituées par des intertitres) dans la seconde moitié n’aide sans doute pas à apprécier pleinement le film. Mais on peut quand même se risquer à affirmer que Borzage, dans la montagne enneigée, sera nettement plus inspiré avec The Mortal Storm quelques années plus tard. Un authentique chef d’œuvre, lui.

Dracula (Bram’s Stoker Dracula) – de Francis Ford Coppola – 1992

Posté : 28 septembre, 2024 @ 8:00 dans 1990-1999, COPPOLA Francis Ford, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Dracula 1992

Quitte à choquer les puristes, le Dracula de Coppola me semble toujours bien être la meilleure adaptation du roman de Bram Stocker. Oui, meilleure que le Nosferatu de Murnau, c’est dire. Comme ce dernier, que Coppola cite régulièrement tout au long du film, ce Dracula version 1992 est extrêmement fidèle au récit original, et à sa construction épistolaire.

L’histoire se déroule d’ailleurs en 1897, l’année même où le roman est publié. L’occasion pour Coppola d’ajouter à cette grande histoire d’horreur baroque une déclaration d’amour au cinéma. Le comte Dracula, arrivé à Londres, assiste en effet à une projection de film. La manière dont Coppola filme les éléments fantastiques est aussi une manière de s’inscrire dans ce cinéma des origines.

Pas d’effets numériques, en effet, dans ce film visuellement éblouissant : tous les effets spéciaux sont réalisés directement sur le plateau, avec des trucages dont certains auraient pu être utilisés par Murnau lui-même. Et c’est, ne serait-ce que sur ce plan technique, une immense réussite, qui inscrit Dracula dans la lignée des grands films « expérimentaux » de Coppola, de Apocalypse Now à Coup de Cœur.

Dracula est un film de commande, qui lui a été proposé par Winona Ryder. Mais Coppola en fait un grand film personnel, et un grand film tout court, comme Le Parrain 3 qu’il a tourné juste avant, et qui lui a permis de renouer avec le succès. Et peut-être d’avoir ce casting assez incroyable : Winona Ryder donc, mais aussi Keanu Reeves, Anthony Hopkins et Gary Oldman, glaçant et bouleversant en compte Dracul (dit avec l’accent transylvanien).

De cette histoire horrifique, Coppola retient surtout l’aspect extraordinairement romantique, celui-là même qui a séduit la si romanesque Winona Ryder (qui a failli jouer dans Le Parrain 3, et se rattrape merveilleusement bien ici). Il signe un film génialement bricolo, et merveilleusement grandiloquent, jonché d’images d’une puissance picturale et émotionnelle assez radicale. Un film dont on (re)tombe amoureux à chaque vision. C’est beau.

Pulp Fiction (id.) – de Quentin Tarantino – 1994

Posté : 27 septembre, 2024 @ 8:00 dans * Films de gangsters, 1990-1999, TARANTINO Quentin | Pas de commentaires »

Pulp Fiction

Je me souviens d’un critique, à la sortie du film (il y a trente ans, dis donc), qui estimait que Pulp Fiction était une succession de séquences brillantes que Tarantino ne savait pas comment enchaîner, terminant systématiquement ses scènes par un fondu au noir. Marrant comment une sentence peut à ce point rester en mémoire, et influer depuis sur mes re-visions du film.

Le revoir une énième fois, mais pour la première fois depuis bien longtemps (la preuve, il n’était pas encore sur ce blog qui va vers ses 15 ans) permet en tout cas de se rappeler pourquoi le deuxième film de Tarantino avait été une Palme d’Or enthousiasmante. Et un cri d’amour revigorant à la littérature « pulp » dont le jeune Tarantino s’abreuvait visiblement, et à toute la culture « bis » qui tourne autour.

Donc, oui : c’est un fait, Tarantino conclut toutes ses séquences par un fondu au noir. Mais en conclure qu’il ne sait pas faire autrement est évidemment à côté de la plaque, même sans tenir compte des films qu’il allait faire ensuite. Parce que le film est effectivement construit, non pas comme un roman dont on feuilletterait les chapitres les uns après les autres, mais comme un recueil de nouvelles plus ou moins indépendantes, dans lesquelles on retrouverait plus ou moins les mêmes personnages.

Ce qui justifie pleinement ces fameux fondus au noir, qui referme un épisode pour en ouvrir un autre. Ce qui justifie aussi la construction dans le désordre du film, qui participe au plaisir intense et à la surprise constante qu’il procure, même après quatre, cinq ou six visions. Parce que découvrir Samuel L. Jackson et John Travolta (qui redevenait alors une incarnation assez géniale de la coolitude) en sous-vêtements mal assortis, ça fait quand même son petit effet.

Pulp Fiction est, c’est vrai, une succession de grands moments de cinéma, dont l’intrigue générale n’a finalement pas beaucoup d’importance : qui s’intéresse vraiment à cette mallette qui semble tout droit sortir d’En quatrième vitesse d’Aldrich ? Un pur maggufin, qui n’existe que pour faire avancer l’action, pour justifier les séquences qui s’enchaînent, toutes mémorables.

Tarantino n’est pas le premier à assumer à ce point son envie de filmer des grands moments de cinéma, quitte à se détourner du fil conducteur. Hawks, notamment, en avait fait l’un de ses chefs d’œuvre, Le Grand Sommeil, un film dont on est à peu près incapable de se détourner une fois qu’on y a mis un œil, même si on est largué par l’intrigue. C’est à peu près le même sentiment qui règne avec Pulp Fiction.

Alors on se laisse emballer par tous les moments cultes… à peu près toutes les scènes, en fait. La discussion interminable autour de l’innocence d’un massage des pieds. Le dur à cuire Bruce Willis tout câlin avec Maria De Medeiros. Uma Thurman et Travolta se lançant sur la piste de danse. L’anecdote de la montre racontée par Christopher Walken. Ou l’emballante scène d’introduction avec Amanda Plummer et Tim Roth…

Il y a dans Pulp Fiction plus de grand cinéma que dans 90 % de tous les autres films américains sortis cette année-là. Ce qu’on pourrait dire de la plupart des films de Tarantino d’ailleurs, y compris ceux où sa logique semble tourner en rond. Ce qui n’est pas le cas ici : avec ce deuxième film, il atteint les sommets. Du pur plaisir de cinéma.

Rafles sur la ville – de Pierre Chenal – 1958

Posté : 25 septembre, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, CHENAL Pierre, VANEL Charles | Pas de commentaires »

Rafles sur la ville

De Pierre Chenal, l’histoire a surtout retenu Le Dernier Tournant, son excellente adaptation du Facteur sonne toujours deux fois. Tourné presque vingt ans plus tard, Rafles sur la ville donne une furieuse envie de plonger dans la filmographie de ce réalisateur largement méconnu.

Parce qu’il est assez incroyable, ce polar, tout à la fois film noir, film de gangster, suspense imparable, chronique hyper réaliste du quotidien de la police, et balade jazzy dans le Paris nocturne de l’époque. Tous ces aspects étant également passionnants.

On est immédiatement plongé dans le bain : le film commence par l’évasion (violente) d’un caïd de la pègre, que joue un Charles Vanel tantôt glaçant, tantôt pathétique. En quelques minutes, les principaux enjeux du film sont posés : Vanel est un salaud en fuite, poursuivi par un flic cynique et borderline.

C’est Michel Piccoli, tout jeune et tout chevelu, déjà formidable, avec une présence dingue. Un solitaire, revenu de tout, qui ne tarde pas à ajouter un autre enjeu au récit, en tombant amoureux de la femme de son nouveau coéquipier

C’est que les femmes, bien que condamnées par les hommes à des rôles de potiches, ou disons de simples présences apaisantes dans un quotidien rude et violent, tiennent en fait une place centrale dans l’histoire, et dans le destin de ces hommes.

Et si le film est si réussi, si passionnant, c’est aussi pour son extrême réalisme. Des décennies avant L627 de Tavernier (ce dernier évoque d’ailleurs Rafles sur la ville dans ses Voyages à travers le cinéma français), Chenal filme des policiers dénuée de moyens, travaillant dans des lieux exigus, obligés de mener les interrogatoires au vu de tout le monde, trop débordés pour pouvoir même perdre du temps à pleurer leurs morts.

C’est édifiant, tendu, passionnant. Et impossible de dire quoi que ce soit de la dernière séquence, hallucinante de violence, qui nous laisse le souffle coupé… Grand polar, oui.

Rien ne va plus – de Claude Chabrol – 1997

Posté : 24 septembre, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1990-1999, CHABROL Claude | Pas de commentaires »

Rien ne va plus

De la longue collaboration, entre Claude Chabrol et Isabelle Huppert, ce Rien ne va plus n’est clairement pas le plus ambitieux de la liste. Pas le plus convaincant non plus. Mais pas pour autant le moins attachant.

Il y a même quelque chose de profondément touchant (suranné, mais touchant) dans la relation qui unit Huppert à son aîné Serrault, que l’on devine alter ego du cinéaste. Comme si, au fond, ce film bancal ne parlait que des liens entre l’actrice et son réalisateur fétiche.

Comment, sinon, expliquer l’existence même de ce film faussement nonchalant, qui ne fait même pas mine de tenir un vrai rythme. Plein de creux, de pauses, de faux départs (ou faux retours), il ne va au fond nulle part, se contentant de profiter des plaisirs qu’offre la complicité trouble de ces deux-là.

Huppert et Serrault, donc, drôle de couple dont la nature des liens reste évasive, mais qui mène une vie en marge, enchaînant les arnaques pas bien méchantes et pas bien ambitieuses, pour le plaisir d’être là et de pouvoir attendre le prochain coup. De là à faire un parallèle avec le cinéma d’alors de Chabrol, qui tend à ronronner tout en apportant sa dose de vrai plaisir…

On pardonne de bon cœur le manque manifeste de direction d’acteurs, sans conséquence pour les deux acteurs principaux, plus problématique pour des seconds rôles moins convaincants. Si Cluzet s’en tire avec les honneurs, Jean-François Balmer et Jean Benguigui cabotinent maladroitement. Et mal.

Il faut dire que leurs personnages sombrent dans la caricature la plus éhontée, et que leurs apparitions plombent un peu le film. Parce que Chabrol s’y laisse aller à une violence et une noirceur qui ne convainquent guère dans cette petite chose qui penche par ailleurs nettement du côté, si ce n’est de la comédie, en tout cas de la légèreté.

Are you lonesome tonight ? (Re dai wang shi) – de Wen Shipei – 2021

Posté : 11 septembre, 2024 @ 8:00 dans * Polars asiatiques, 2020-2029, WEN Shipei | Pas de commentaires »

Are you lonesome tonight

Une nuit, un jeune homme un peu en retard renverse un homme et le laisse pour mort. Pris de remords, il cherche à se rapprocher de sa veuve… L’intrigue de ce film noir made in China n’est pas révolutionnaire, mais elle sert de base à un film étonnant, audacieux, et même hypnotique.

Le réalisateur chinois Wen Shipei (dont c’est le premier long métrage) joue avec les perceptions, les sensations, pour un film envoûtant autour de deux personnages comme emmurés dans leurs solitudes respectives, solitudes renforcées avec beaucoup de beauté par les évocations de la chanson du King, qui donne son titre au film.

L’esprit, ou plutôt l’aura qui baigne ce film a de quoi séduire, évoquant à sa manière l’effet inoubliable produit par les films de Wong Kar-wai à l’époque de In the mood for love. Mais ça, c’est pour la première partie du film.

La relation improbable entre la veuve, entre deux âges, et le jeune chauffard dont elle ignore qu’il a tué son mari, est assez fascinante. Mais elle est bientôt éclipsée par une révélation certes inattendue (attention, je spoile… l’écrasé a deux balles dans la peau), mais qui fait l’effet d’une douche froide.

Quoi ! A ce double portrait de deux êtres malades et désespérément seuls (solitude renforcée par la société, comme l’illustre cette tristement et ridiculement sinistre scène des condoléances des voisines), le réalisateur et scénariste préfère une intrigue policière banale et décevante ? L’histoire d’un sac de fric qui devient la pierre angulaire du récit…

Formellement, Wen Shipei n’abdique pas vraiment dans ses ambitions, jusqu’à une chasse à l’homme tendue et originale dans un hangar tout en box et rideaux. Mais cette stylisation de l’action ne fait plus qu’habiller une intrigue qui perdu de son attrait.

En changeant de cap à mi-film, Wen Shipei a perdu le fil de son récit immersif, transformant un magnifique mélodrame en un habile polar existentiel. C’est bien, mais ça promettait d’être tellement mieux que bien.

Silent Night (id.) – de John Woo – 2023

Posté : 8 septembre, 2024 @ 8:00 dans 2020-2029, ACTION US (1980-…), WOO John | Pas de commentaires »

Silent Night

Ô, jeune d’aujourd’hui ! Sans doute ne réalises-tu pas ce que John Woo a représenté pour le jeune d’il y a trente ans (bien tapés, oups). C’était au tout début des années 1990. Un petit film hong-kongais débarquait avec un peu de retard sur nos écrans français. Ça s’appelait The Killer, et ça a fait l’effet d’une bombe.

Je n’ai pas la moindre de l’effet que ce petit film aurait sur toi aujourd’hui, toi qui as peut-être été biberonné par les excès de Michael Bay ou les coups de tatanes de Jason Statham ou, pire, de Dwayne Johnson. Mais sache, quand même, que sans ce petit film, le cinéma d’action serait bien différent.

C’est qu’il a eu un effet dingue, ce petit film : dès Die Hard 2 en fait, tous les blockbusters américains lui doivent quelque chose. Ce n’est pas un hasard si John Woo a décroché son ticket pour Hollywood, signant une petite poignée de réussites (Volte Face, Mission Impossible 2) avant que son aura ne s’estompe, et qu’il reparte à Hong-Kong se refaire une santé.

Cette longue intro pour dire que Silent Night n’est pas un film anodin, parce qu’il marque le retour aux Etats-Unis de Woo, vingt ans après un Paycheck qui n’a pas laissé une grande trace dans l’histoire. Et parce que, depuis, tout a changé dans la manière de faire et de « consommer » le cinéma.

La preuve : ce retour est passé à peu près inaperçu. Ce qui est bien dommage. Pas que Silent Night soit une réussite majeure du réinventeur du gunfight. Mais il rappelle à quel point Woo est un formaliste novateur.

Loin de se reposer sur ses lauriers (pas même une colombe dans un coin), Woo se lance un vrai défi : réaliser un grand film d’action… muet. Les quelques (rares) répliques n’y changent rien : Silent Night est effectivement un pur exercice de style qui reprend de nombreux thèmes chers à Woo (l’enfance sacrifiée, le duo d’action mal assorti, la justice du talion…), mais soumis à cet écueil de poids : à l’image de son héros, père martyr privé de sa voix, personne ne parle dans le film.

L’exercice de style ne s’élève jamais de ce qu’il est (un exercice de style, donc), et souffre d’une distribution de ligue 8 (à part Joel Kinnaman, intense et convaincant, les acteurs sont remarquablement ternes), mais c’est d’une efficacité imparable, l’œuvre d’un grand formaliste, donc, qui réussit quelques plans (longs) assez dingues.

Sur le fond, Woo ne révolutionne rien. Sur la forme, il rappelle à ceux que ça intéresse encore qu’il en a toujours sous le pied…

Emilia Pérez (id.) – de Jacques Audiard – 2024

Posté : 6 septembre, 2024 @ 8:00 dans 2020-2029, AUDIARD Jacques, COMEDIES MUSICALES | Pas de commentaires »

Emilia Pérez

Totalement improbable sur le papier, le nouveau Jacques Audiard qui, après le film noir et le western, s’approprie un autre genre purement américain : la comédie musicale. A sa manière donc, racontant l’amitié naissante d’une avocate sans illusion avec un dangereux chef de gang décidé à devenir une femme, dans le Mexique des Cartels.

Aborder un tel sujet de société (le changement de sexe et ses conséquences psychologiques), dans un tel contexte de violence (le sentiment de danger et de brutalité est omniprésent), avec de vrais passages musicaux (chansons et chorégraphies comprises)… Voilà le genre d’ambition qui relève, selon le résultat, la maîtrise ou l’arrogance d’un cinéaste. Bonne nouvelle : Audiard a un talent fou, et une maîtrise extraordinaire.

Emilia Pérez n’est pas un film parfait : il y a bien une poignée de mouvements de caméra qui manquent un peu de nature, et quelques transitions un peu brutales entre les différentes séquences. Mais ça, c’est juste histoire d’expliquer pourquoi on hésite à parler de chef d’œuvre. Parce que, honnêtement, on n’en est pas bien loin. Et il y a dans ce film une envie de cinéma qui n’est vraiment pas courante.

Bien sûr, la notion même de film musical est un formidable catalyseur de cette envie de grand cinéma, qui explose dans une poignée de séquences extraordinaires, d’autant plus mémorables qu’elles s’inscrivent parfaitement dans le récit, soulignant les tourments des différents personnages. La meilleure, peut-être : la chanson rageuse de Zoe Saldana durant le gala de charité, d’une puissance émotionnelle et narrative imparable.

Elle est absolument sublime, Zoe Saldana, actrice que je découvre tardivement (oui, c’est vrai, elle était très bien dans Avatar, mais c’est quand même pas tout à fait pareil), mais dont je me risquerais bien à affirmer qu’elle trouve là le rôle de sa vie, le genre de rôle dont toute actrice doit secrètement rêver.

Elle mérite en tout cas totalement son prix d’interprétation à Cannes, qu’elle a idéalement partagé avec Karla Sofia Gascon, très intense dans le (formidable) rôle titre, et accessoirement première actrice trans récompensée à Cannes. Que Selena Gomez et Adriana Paz aient partagé ce prix peut quand même paraître discutable : elles ont beau être parfaites, leurs personnages (et leurs prestations) restent annexes.

Emilia Pérez est en tout cas un grand film, aussi généreux qu’ambitieux, un projet assez dingue qui accouche d’un film franchement dingue. Bref, le genre de films qui redonne foi au cinéma. Et malgré sa noirceur, on en sort comme régénéré, enthousiaste, emporté par l’humanité qui s’en dégage.

L’Insoumis – d’Alain Cavalier – 1964

Posté : 5 septembre, 2024 @ 8:31 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, CAVALIER Alain | Pas de commentaires »

L'Insoumis

Alain Delon est mort. L’info ne vous a peut-être pas échappé. Moi, elle m’a secoué, bien plus que je ne l’aurai cru. Parce que, du haut de mes 48 ans, il m’est toujours apparu comme une figure du passé, qui appartenait déjà à une autre époque bien révolue quand j’ai commencé à fréquenter les salles de cinéma. Combien de dois l’y ai-je vu sur un grand écran ? Je me souviens d’1 chance sur 2, et du plus beau passage des Acteurs. Mais dans les deux cas, il se contentait de jouer avec sa légende.

Sa mort, pourtant, m’a marqué plus qu’aucun autre acteur français avant lui. Comme si, sans que j’en ai conscience, il avait toujours fait partie de mon panthéon. Pourquoi ? Humainement, il ne donnait pas franchement envie de partager des soirées. Artistiquement, il avait depuis bien longtemps abdiqué, se réfugiant derrière un passéisme complaisant. Politiquement, n’en parlons pas.

Ces derniers jours, j’ai donc revu pas mal de ses films (déjà chroniqués sur ce blog), histoire de comprendre d’où venait ce profond sentiment de grande perte. Plein Soleil, Le Samouraï et quelques autres ont apporté un début de réponse : cette présence hallucinante, cette douleur renfermée, et ce regard qui en dit tellement derrière un visage qui semble impassible. Delon est un acteur qui peut être formidable.

Découvrir L’Insoumis (c’était la plus longue intro depuis la création de ce blog) apporte un autre éclairage, plus éclairant encore, sans doute. Quand il tourne ce film du jeunot Alain Cavalier, Delon est déjà une star : Clément et Visconti lui ont offert de très grands rôles, Gabin l’a adoubé… Bref, il peut faire ce qu’il veut, et il en a conscience : il décide de produire ses propres films, et L’Insoumis est le premier qu’il porte à bout de bras.

Et quel rôle s’offre-t-il dans ce premier film produit par lui-même ? Celui d’un déserteur de la guerre d’Algérie. Pas un lâche, non : la première séquence montre que ce n’est pas le cas. Mais un soldat qui déserte parce qu’il ne croit pas en la cause pour laquelle il est censé se battre. Bien loin de l’image de réac de droite qu’il a toujours trimballée.

Non pas que cette image soit fausse d’ailleurs : lui-même ne s’en défendait pas, et se complaisait même à l’alimenter ad nauseum. Mais les idées de l’homme n’ont finalement jamais pesé sur les choix de l’acteur, et c’est peut-être ça qui est le plus beau chez Delon, capable de s’engager pour un film anti-peine de mort (Deux hommes dans la ville), lui qui était favorable, ou d’incarner sans retenue un homosexuel (Un amour de Swann), lui qui trouvait ça contre-nature.

Et je me rend bien compte que je parle bien peu de L’Insoumis, et c’est bien injuste. Parce que ce film, franchement méconnu dans la filmographie de Delon, est l’un de ses meilleurs, un beau film engagé qui prend les allures d’un film noir pour raconter la déroute d’un homme qui, au fond, refuse simplement de suivre les diktats de la société. Un homme qui choisit la liberté, en sachant que ce choix l’emmène dans une véritable impasse.

Delon est particulièrement touchant dans le rôle de cet anti-héros, qui semble condenser sa vie en quelques heures, dans une fuite en avant passionnante et amère. Ce grand rôle méconnu, dans un film qui l’est tout autant, pourrait bien être, paradoxalement, une belle porte d’entrée pour découvrir ou redécouvrir la carrière de l’acteur, au-delà des stéréotypes dans lesquels il s’est lui-même complu.

Le Club des trois (The Unholy Three) – de Tod Browning – 1925

Posté : 21 août, 2024 @ 8:00 dans * Films de gangsters, 1920-1929, BROWNING Tod, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Le Club des Trois

Tod Browning dans l’univers du cirque ? C’est avant L’Inconnu et Freaks, et c’est forcément très excitant, surtout que le cinéaste dirige une nouvelle fois son alter-ego du muet, le grand Lon Chaney. Le Club des trois, pourtant, m’a laissé sur ma faim, donnant le sentiment d’une petite chose pas désagréable, mais bien vaine à côté des deux chefs-d’œuvre à venir.

C’est un peu à l’image de Lon Chaney qui, s’il se déguise (ça devait être contractuel!) bien sous les traits d’une vieille dame très convenable qui sert de couverture à ses activités illégales, incarne un personnage pour une fois bien convenu : un ventriloque (dans un film muet, on ne peut que croire les cartons sur parole) qui se sert de son don pour monter une arnaque avec deux autres artistes du cirque, un colosse (Victor McLaglen, juste avant de commencer sa collaboration avec John Ford) et un nain aux traits juvéniles (Harry Earles, que l’on reverra dans Freaks).

Le personnage est assez classique. Le film l’est tout autant, Browning délaissant l’horreur au profit d’un récit policier assez simple. Ce n’est d’ailleurs que quand le cinéaste laisse allers ses penchants pour la bizarrerie que son film reprend du souffle, en particulier lorsque le nain aux allures de bébé tout mignon révèle sa cruauté.

Là, Le Club des trois dérange, bouscule et passionne. Pour l’essentiel, il se laisse voir avec un petit plaisir vaguement distrait. C’est bien, mais on attend tellement plus fort du cinéaste de West of Zanzibar.

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