Winchester ’73 (id.) – d’Anthony Mann – 1950
Glissons rapidement sur l’épisode « indien » de Winchester 73, sur un Rock Hudson un peu engoncé sous un faux nez et un maquillage pas franchement convaincant de Sioux. Etrange et courte séquence qui détonne même par ses transparences approximatives… Ce petit préambule pour souligner que Winchester 73 n’est pas un western parfait. Voilà pour les réserves. Pour le reste, Winchester 73 n’est peut-être pas un western parfait, donc. Mais c’est un grand, un très grand western.
Un western historique déjà, qui marque la première collaboration de James Stewart avec Anthony Mann, qui deviendrait son réalisateur de prédilection, et avec qui il tournerait surtout une série impressionnante de formidables westerns. Et qui contribue aussi à cette mutation du genre vers une atmosphère plus sombre, plus profonde aussi, en même temps qu’il contribue au renouveau de James Stewart, qui s’engageait alors dans une nouvelle partie de sa carrière plus axée sur des rôles tourmentés.
Le rôle qu’il tient dans Winchester 73 n’est pas si loin de celui qu’il tiendra dans L’Appât du même Mann. Il n’est pas encore totalement passé du côté obscur, et garde une certaine pureté. Mais il est déjà mû par la soif de vengeance. Une vengeance basée d’ailleurs sur un quasi-poncif du genre : l’opposition de deux frères radicalement opposés, qui se vouent une haine mortelle. Stewart et Stephen McNally, en l’occurrence.
De ce postulat de départ, le scénariste Borden Chase tire une merveille de construction, magnifiée par la mise en scène tendue et sèche de Mann. Un film qui suit une sorte de cercle fascinant, à travers le parcours d’une winchester 73, considérée comme l’arme la plus précise du monde, qui passe de main en main pour revenir à son premier propriétaire, et accomplir la vengeance qui ne cesse d’être différée.
Et quelles mains : celles de John McIntire, Dan Duryea, Rock Hudson, et même brièvement celles d’un tout jeune Tony Curtis. On croise aussi Shelley Winters, le précieux Millard Mitchell (grand second rôle oublié), Will Geer qui fait un truculent Wyatt Earp, et des tas de gueules incontournables du western. Mann est encore un nouveau venu dans le genre (la même année, il réalise Les Furies et La Porte du Diable), mais il en maîtrise déjà totalement les codes.
Il en magnifie aussi les situations, donnant une dimension incroyable à ses séquences de ville (superbe plan en plongée d’une brutalité extrême, vue de la chambre d’un hôtel), comme aux longs moments dans les vastes paysages. Il joue aussi avec le poids des grands mythes : l’apparition de Wyatt Earp bien sûr, mais aussi l’omniprésence dans les dialogues de la tuerie de Little Big Horn, comme un traumatisme qui annonce la fin d’une époque. Le thème central de tout bon western, finalement.