La Cible humaine (The Gunfighter) – de Henry King – 1950
Pas si facile d’être le tireur le plus rapide de l’Ouest… Jimmy Ringo s’en est rendu compte un peu tard. 35 ans, sans le sou, obligé de passer d’une ville à l’autre, confronté partout à des petits cons désireux de se faire un nom en descendant cette légende vivante… Il est un homme fatigué, usé, condamné.
Ce thème n’est pas nouveau dans l’histoire du western. King en fait une sorte d’épure aussi belle que radicale. Le personnage de Ringo, joué par un Gregory Peck parfait, est presque une caricature lorsqu’il apparaît : cavalier superbe et solitaire qui traverse des paysages typiques du genre, avant d’arriver dans une ville tout aussi archétypale.
Après une première partie vive et dense, l’action s’arrête subitement. Peck s’assoit sur une chaise, dans un recoin d’un grand bar désert (tenu par Karl Malden). Il n’en bougera plus qu’épisodiquement… Un choix étonnant qui fait l’originalité et la beauté du film.
Gregory Peck est formidable dans le rôle de cet homme qui attend, à la fois la femme qu’il a perdue et le destin qui lui est promis. Il est formidable dans sa manière d’incarner les regrets, la fatigue, l’espoir. Il est formidable, dans ce qu’il incarne par son seul regard, et sa grande carcasse fatiguée.
Parce que l’action, la plupart du temps, se déroule autour de lui, en marge. Le film raconte aussi l’effet que sa seule présence a sur cette communauté. Dans le bar, Peck est immobile, attentiste. À l’extérieur, c’est grouillant de vie, les enfants chahutent, les caïds s’excitent, les femmes de la ville se remontent, les esprits s’échauffent…
Et celui qui arpente les rues pour tenter de faire respecter l’ordre, ce n’est pas Peck, mais le shérif, merveilleux Millard Mitchell (le chercheur d’or de L’Appât, le producteur de Chantons sous la pluie), force tranquille un peu raide avec ses bras ballants, incarnation parfaite de l’autorité.
Les scènes communes de Peck et Mitchell sont peut-être les plus belles de ce western étonnant. Parce qu’on ressent l’affection que ces deux-là se portent, et parce qu’on les sait conscients que l’un et l’autre représentent les deux faces d’une même pièce : deux hommes semblables, aux destins différents. Grand western…