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Archive pour la catégorie 'BOND Ward'

Dieu est mort (The Fugitive) – de John Ford – 1947

Posté : 10 septembre, 2023 @ 8:00 dans 1940-1949, BOND Ward, FORD John | Pas de commentaires »

Dieu est mort

Adapté d’un roman de Graham Greene, The Fugitive a été un échec sans appel, l’un des plus cinglants de cette décennie pour John Ford. Et ce n’est pas surprenant, tant le cinéaste renonce pour une fois à toute concession dans la légèreté, signant un film grave et lent, quasiment dénué d’action, dont le rythme épouse fidèlement les affres mentales d’un homme traqué, un prêtre confronté à la peur et au doute.

L’histoire se passe dans un pays d’Amérique du Sud, où la religion a été purement et simplement interdite, et les prêtres exécutés. A l’exception d’un seul, qui erre comme une âme en peine et se cache dans une église en ruines. C’est là qu’on le découvre dans la première scène, qui justifie à elle seule l’insuccès populaire du film. The Fugitive s’ouvre en effet sur une longue scène quasi-muette, où le prêtre joué par Henry Fonda est surpris par une jeune mère célibataire (c’est tout dire de ses mœurs!), qui lui demande de baptiser son enfant…

On est d’emblée frappé par le rythme qu’adopte Ford, lent et pesant, comme empêché. Puis par l’absence totale d’humour ou de second degré. Par la symbolique des images aussi, le prêtre apparaissant d’abord par une ombre en croix qui se dessine au sol, et la jeune femme ayant le sublime visage de madone de Dolores Del Rio, douloureuse pieta dont les seuls traits procurent d’incroyables sensations.

Ford, plus encore que dans The Informer (sans doute le film le plus proche dans l’esprit de toute sa filmographie), fait un usage presque systématique de la symbolique religieuse dans ses choix de cadre, dans sa manière de filmer des personnages qui incarnent tous à leur manière le difficile rapport à la foi, à la vie et à la mort.

Fonda en prêtre qui se découvre incapable d’avoir la grandeur que sa fonction exige. Del Rio en femme aux mœurs jugées légères qui se révèle d’une pureté absolue. Et Pedro Armendariz, fascinant en officier incarnant l’autorité anti-religieuse, mais que l’on découvre menant une lutte interne contre sa propre foi. Ou encore Ward Bond, étrange dans un rôle pas très convaincant de bandit en fuite se transformant de manière très inattendue en ange gardien.

Ford affirmait que le film était l’un de ceux dont il était le plus fier. C’est en tout cas une œuvre très atypique dans sa riche filmographie. Clairement pas le plus aimable de ses films, ni le plus abouti. Mais la beauté un peu revêche des images, cette manière de filmer les visages comme des images religieuses chargées de symboles, l’ambition morale aussi… Tout ça fait de The Fugitive un film peut-être pas très attachant, mais franchement fascinant.

Permission jusqu’à l’aube (Mister Roberts) – de John Ford et Mervyn LeRoy (et Joshua Logan) – 1955

Posté : 20 avril, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, BOND Ward, CAGNEY James, FORD John, LeROY Mervyn, LOGAN Joshua | Pas de commentaires »

Permission jusqu'à l'aube

Hollywood emprunte parfois d’étranges chemins… A l’origine, Mister Roberts est une pièce à succès, écrite et mise en scène par Joshua Logan, qui a valu à Henry Fonda un grand et long triomphe sur scène. Pour le porter à l’adapter à l’écran, les producteurs ont préféré John Ford à Logan, mais voulaient Brando dans le rôle titre. Ford, lui, a imposé son vieux complice Fonda… avec qui il s’est fâché définitivement après avoir fait réécrire l’histoire…

Résultat : Ford s’est mis à picoler, et n’a plus jamais retourner avec Fonda. Mervyn LeRoy a été chargé de reprendre les choses en main, modifiant le script pour revenir à sa pièce originale, et retournant pas mal de scènes. Et Logan a finalement été appelé à la rescousse pour consolider son sujet et retourner une poignée de scènes… On fait plus simple, comme processus créatif.

Avec un tel bordel, on pouvait s’attendre à un film bâtard, tiraillé entre les personnalités de trois réalisateurs. Et c’est vrai qu’on aurait du mal à affirmer sans le moindre doute qu’il s’agit là d’un film purement fordien, même si le ton et l’atmosphère évoquent un peu What Price Glory, tourné trois ans plus tôt. Mais le film est parfaitement tenu, et trouve même un bel équilibre entre la légèreté apparente et la gravité sous-jacente.

Parce que, en dépit de son cadre (« on est à 7000 miles des premiers Japonais ! »), Mister Roberts est un film de guerre. Mais un film de guerre loin de la guerre : un film sur l’attente, l’ennuie, la monotonie, mais aussi le sens du devoir, et l’esprit de corps. En ça, le film est fordien, même si tout était dans la pièce : il y met en valeur l’honneur d’appartenir à un groupe, l’amitié masculine, l’hostilité qui gomme toutes les différences entre les hommes…

Et pour le coup, le casting incarne parfaitement ces différences, mélangeant les fidèles de toujours (Fonda, Ward Bond, Ken Curtis, Harry Carey Jr…) et des nouveaux venus a priori très éloignés de l’univers de Ford (Jack Lemmon dans l’un de ses premiers rôles, William Powell dans son tout dernier), tous unis dans l’ombre oppressante du capitaine incarné par James Cagney, réjouissant dans un rôle très caricatural qui lui permet d’aller très loin dans la démesure.

C’est souvent drôle, toujours vif, et l’émotion qui surgit soudain est forte. Il mérite d’être redécouvert, ce Mister Roberts

La Route au Tabac (Tobacco Road) – de John Ford – 1941

Posté : 22 janvier, 2021 @ 8:00 dans 1940-1949, BOND Ward, FORD John, TIERNEY Gene | Pas de commentaires »

La Route au tabac

Sur le papier, Tobacco Road est une sorte de film jumeau des Raisins de la colère, un an après le succès de ce dernier. C’est l’histoire d’une famille miséreuse qui se débat pour garder sa terre sur « Tobacco Road », ancienne route fertile à la grande époque du Sud producteur de coton, où survivent dans des taudis ou dans les ruines des grandes propriétés les descendants de vieilles familles jadis prospères.

Mais le film est adapté d’une pièce de théâtre, elle-même tirée d’un roman. L’origine théâtrale se fait étrangement sentir dans les premières scènes, avec un jeu outré et des dialogues qui semblent ne pas tenir compte des grands espaces qu’offre le cinéma. « Faisons comme si on ne l’avait pas vu, soyons naturels », crient les personnages à portée de voix du nouveau venu…

Surtout, il y a un humour décalé qui vient probablement de la pièce, en tout cas en partie, et qui donne au film un ton étrange, déroutant. Ford filme ça avec une certaine légèreté, voire avec une franche dérision. Pourtant, la misère qu’il décrit est par certains aspects plus terrible encore que dans son adaptation de Steinbeck, qui au moins révélait une superbe humanité collective.

Il n’en est rien ici. Derrière la farce, Ford met en scène de vrais dégénérés qui passent leur vie à hurler, mentir, se voler, se tromper, s’humilier. Quelle famille ! Le père et la mère se cachent pour ne pas partager leur nourriture avec les enfants. La fille, jouée par Gene Tierney, est une sorte de nympho attardée. Le fils, lui, est un gamin demeuré et odieux, que veut épouser une veuve bigote, et qui hurle des horreurs au nez de ses parents… On est loin de la famille Joad !

S’il faut résumer, Tobacco Road est plutôt un ratage pour Ford, miné par quelques moments gênants : Gene Tierney et Ward Bond rampant dans la poussière l’un vers l’autre, dans une sorte de danse de pré-accouplement motivée par des navets… Un moment qu’on découvre avec des yeux ronds d’étonnement, disons.

Mais il faut aussi rendre au film une certaine justice. Il y a dans Tobacco Road quelques très belles scènes. Les larmes dans les yeux de Charley Grapewin (déjà Grandpa Joad dans Les Raisins…, et formidable dans un rôle typique du cinéma de Ford), le face-à-face silencieux avec sa femme (jouée par Elizabeth Patterson), le regard bienveillant de « l’ange gardien » (court rôle pour Dana Andrews)…

Esthétiquement, c’est même une réussite éclatante. Les images sont superbes, Ford filmant ces taudis comme les symboles d’un paradis perdu. La scène où le couple Lester quitte la maison et se dirige, le pas lourd, vers l’hospice, longeant en ombres chinoises des clôtures tellement fordiennes, est une image belle et déchirante.

La Prisonnière du Désert (The Searchers) – de John Ford – 1956

Posté : 21 novembre, 2020 @ 8:00 dans 1950-1959, BOND Ward, FORD John, MILES Vera, WAYNE John, WESTERNS | Pas de commentaires »

La Prisonnière du désert

The Searchers serait l’un des plus grands westerns de toute l’histoire du western, affirment certains. A revoir le film pour la énième fois (et la première fois depuis longtemps), il faut bien reconnaître que : a) c’est vrai ; b) c’est réducteur. The Searchers est l’un des grands chefs d’œuvre du western, mais aussi un immense film tout court, et l’un des plus beaux films en couleurs. L’un de ceux où la couleur est le mieux utilisée, déclenchant à elle seule (et dans les superbes compositions d’images) des torrents d’émotion.

A revoir le film, aussi, ce qui frappe le plus, c’est l’importance du hors champs. Les morts, la violence, et même les discussions cruciales… Quasiment toutes les actions marquantes de l’histoire se déroulent en dehors du champs, ou hors de portée de voix. The Searchers donne le sentiment d’être un film ample et spectaculaire. Pourtant, Ford élude l’action pour se focaliser sur les visages, les corps, les âmes de ses personnages.

Et il offre au passage à John Wayne son plus grand rôle, sans doute : celui d’un homme qui ne trouve pas la paix, ni le repos. Un homme lancé sur la piste d’Indiens qui ont enlevé sa jeune nièce et massacré sa famille. Une quête qui dure des années… Ford filme le temps qui passe en donnant corps aux saisons. Les images sont d’une beauté renversante.

Visuellement, formellement, Ford renoue avec ses grands films d’avant-guerre, y ajoutant des couleurs, flamboyantes ou glaciales. C’est peut-être le plus abouti de tous films. On y trouve tous ses thèmes et motifs (le rapport aux morts, l’obsession, et même une scène de bal), ses acteurs fétiches (Ward Bond, Olive Carey, Hank Worden, Ken Curtis, John Qualen, Harry Carey Jr…), Monument Valley bien sûr, filmé comme jamais.

C’est comme si toute l’œuvre de Ford, en tout cas son œuvre westernienne, atteignait son apogée ici. Un bémol, un seul dans ce chef d’œuvre ultime : le personnage de Debbie, devenue grande sous les traits de Natalie Wood, qui peine à rendre crédible son tiraillement entre sa vie de Comanche et ses liens de sang. Qu’importe : ce qui marque surtout, c’est le regard de John Wayne, sombre et douloureux.

Et cette démarche, chancelante, un peu paumée, dans l’encadrement de cette porte qui se reforme sur un Monument Valley soudain étouffant… Magnifique.

Vous ne l’emporterez pas avec vous (You can’t take it with you) – de Frank Capra – 1938

Posté : 29 juillet, 2020 @ 8:00 dans 1930-1939, BOND Ward, CAPRA Frank, STEWART James | Pas de commentaires »

Vous ne l'emporterez pas avec vous

Capra est au sommet quand il tourne ce film. Au Sommet de son art, et de sa gloire : New York Miami a été un triomphe, décrochant les cinq Oscars majeurs, sorte de couronnement de sa première partie de carrière. Une gloire qu’il met à profit pour s’attaquer à un cinéma plus engagé, plus social. Après L’Extravagant M. Deeds, Vous ne l’emporterez pas avec vous marque aussi sa première collaboration avec James Stewart. Ensemble, les deux hommes tourneront trois chefs-d’œuvre d’une rare cohérence.

Il y a déjà ici tout ce qui fera la grandeur de M. Smith au Sénat (y compris Edward Arnold, et un juge rigolard) et de La Vie est belle (les gens simples et heureux face aux banquiers sans scrupule). Avec le même sens du rythme, la même capacité à faire passer les spectateurs d’une émotion à l’autre, avec une maîtrise narrative impressionnante.

Il y a aussi cette capacité à jouer avec les grands sentiments sans jamais être ridicules. Le rythme du film est tellement irrésistible que Capra peut tout nous faire avaler. Tout. Y compris le fait que le personnage de Lionel Barrymore, génial, soit une sorte de symbole de la liberté individuelle face au capitalisme tout puissant. Ce qui, en grattant un peu, n’est pas tout à fait juste : il est le seul propriétaire de son quartier, et l’univers qu’il s’est créé vit totalement coupé des réalités et des misères du monde.

Qu’importe. Capra n’est pas un cinéaste politique. C’est un grand sentimental. Et ses films sont des fables sur la bonté des gens simples, des fables dans lesquelles la bonté est furieusement contagieuse. James Stewart et Jean Arthur, sorte de Roméo et Juliette capra-esques, s’en sortent nettement mieux que chez Shakespeare…

Le couple est craquant (leurs têtes-à-têtes sont superbes, drôles et tendres à la fois). Mais c’est autour des deux patriarches que le film s’articule vraiment. Lionel Barrymore, donc, immense dans le rôle de ce grand-père vivant dans une sorte de chimère réjouissante, mais au regard pas si dupe. Et Edward Arnold, homme d’affaires impitoyable et caricatural, absolument bouleversant quand l’armure cède.

Très drôle, très émouvant (parfois dans la même scène), souvent fou, parfois excessif, toujours juste, toujours enthousiasmant… Vous ne l’emporterez pas avec vous est un chef-d’œuvre qui ne prend pas une ride. Classique intemporel.

L’Impossible monsieur bébé (Bringing up Baby) – de Howard Hawks – 1938

Posté : 23 mai, 2020 @ 8:00 dans 1930-1939, BOND Ward, HAWKS Howard | Pas de commentaires »

L'Impossible Monsieur Bébé

Oui, Howard Hawks a un talent assez extraordinaire pour filmer les dialogues dans ses comédies, avec ces dialogues qui se chevauchent sans le moindre temps mort, et cette manière d’accélérer le mouvement. Cela donne un rythme hallucinant à ce film, comme à toutes ses grandes incursions dans le genre. Oui.

Pourtant, aussi vive et enlevée soit cette comédie, j’ai eu bien du mal à me passionner pour ce vaudeville entre ville et campagne, avec léopards et récits de chasse. Il y a des tas de scènes franchement géniales : celle de la robe arrachée dans le restaurant, la longue séquence de la prison, ou celle du léopard sur le toit, qui m’a franchement fait fondre. Des scènes où on affiche un grand sourire, à défaut de grands rires francs, et où une certaine poésie affleure sous la folie de l’histoire.

Mais cette folie semble aussi par moments trop libre, pas assez maîtrisée, et un peu vaine. Cary Grant est réjouissant en paléontologue distrait et naïf. Katharine Hepburn est un rien exaspérante en héritière fonceuse et totalement in love. Les seconds rôles sont parfaits, pas la moindre baisse de régime, des moments d’anthologie…

Mais alors quoi ? D’où vient ce désintérêt qui va et vient constamment. Pas de l’ennui, non, mais un désintérêt poli, qui donne envie de souffler pour que ce squelette de dinosaure se casse la gueule au plus vite. Peut-être n’étais-je tout simplement pas dans de bonnes dispositions… A revoir pour vérifier.

Les Raisins de la colère (The Grapes of Wrath) – de John Ford – 1940

Posté : 14 avril, 2020 @ 8:00 dans 1940-1949, BOND Ward, CARRADINE John, FORD John | Pas de commentaires »

Les Raisins de la colère

Grand livre, grand film, grand sujet, grand réalisateur, grands acteurs, grands dialogues… Que voulez-vous rajouter de plus : Les Raisins de la colère, c’est le genre de films qui font la grandeur du cinéma. A la fois une œuvre importante par sa portée sociale, et un spectacle d’une beauté stupéfiante.

Quelles images viennent immédiatement en tête quand on évoque la Grande Dépression ? Les portraits de la photographe Dorothea Lange, et la famille Joad sur la route, filmée par un John Ford au sommet de son art. C’est le Ford de la Fox, celui dont le style a été marqué par une rencontre avec Murnau, avec des images profondément stylisées. La moindre image, dans ce film, pourrait être accrochée à un mur et symboliserait à elle seule les drames humains de la Dépression.

Cinéaste humaniste, Ford s’est passionné pour l’histoire de la famille Joad, aussi parce qu’elle résonne avec celle des millions d’Irlandais forcés de quitter leurs terres quelques décennies plus tôt. Les Joad, et leur fils aîné Tom en tête, sont le symbole des laissés pour compte du capitalisme. La tirade finale de Henry Fonda a tout du plaidoyer. Celle de Jane Darwell, sa mère de cinéma, tout autant. Deux personnages universels, deux acteurs extraordinaires que Ford filme plus que comme des héros : comme des symboles, d’une humanité extraordinaire.

Visuellement, le film est une splendeur, l’un des plus beaux de Ford. Mais plus encore que sa beauté plastique, c’est son humanité qui marque les esprits. La manière dont Ford filme le moindre second rôle, avec une empathie totale. Que ce soit le révérend qui a tourné le dos à dieu (John Carradine), les grands-parents que la mort réunit, le policier forcé de faire respecter une loi à laquelle il n’adhère pas (Ward Bond), ou même le beau-frère qui fuit ses responsabilités de père… Ford aime ses personnages, tous.

Le film ne personnifie jamais le Mal dont sont victimes les petites gens, qui ont tout perdu. Si le fermier que joue John Qualen est devenu fou d’avoir perdu sa terre, c’est aussi parce qu’il n’a personne vers qui se retourner. Les propriétaires ? Les banques ? Les actionnaires ? Le capitalisme, en fait. Et comment menacer le capitalisme avec un simple fusil ?

Henry Fonda était déjà le symbole d’une certaine Amérique (notamment depuis Vers sa destinée). Il devient ici celui des laissés pour compte. Il est d’autant plus impressionnant qu’il reste le plus souvent en retrait, témoin de son époque, victime qui ne se révolte que du mal que l’on fait aux autres. Un homme bien, qui devient un symbole lorsqu’il disparaît dans l’ombre. « Là où on se bat pour que des gens qui ont faim puissent manger je serai là. Là où un policier frappe un type je serai là… »

Le Fauve en liberté (Kiss tomorrow goodbye) – de Gordon Douglas – 1950

Posté : 7 avril, 2020 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, BOND Ward, CAGNEY James, DOUGLAS Gordon | Pas de commentaires »

Le Fauve en liberté

Le triomphe de White Heat a donné des idées aux frères Cagney pour booster leur société de production. Revoici donc l’aîné des frangins, James, dans le rôle d’un gangster alors qu’il ne pensait qu’à passer à autre chose. Et pas n’importe quel gangster : un tueur, un salaud, manipulateur. Bref : un sale type.

C’est la grandeur de Cagney : il fait partie de ces stars, comme Kirk Douglas, qui savent s’enfoncer dans la saloperie de leurs personnages, sans en rajouter, mais sans chercher, jamais, à les rendre sympathiques. Dès la première scène, celle de l’évasion, Cagney apparaît comme une ordure, un tueur froid, un homme totalement dénué d’empathie ou de sentiment.

Poser cet aspect dès les premières minutes n’est pas anodin. Ce choix permet de ne jamais être tenté par une quelconque sympathie vis-à-vis de ce personnage, ce qui donne une vraie singularité à ce film. Plus sans doute que la construction en flash-back, le présent étant représenté par des scènes (très réussies) de tribunal, qui confirment tout de même le destin funeste des personnages.

En adaptant le roman de Horace McCoy, Gordon Douglas signe un film de gangster noir et sec, violent et imparable, faisant de Cagney le pivot diabolique autour duquel tous les seconds rôles se perdent les uns après les autres. Les femmes, séduites et sacrifiées, les complices, et même (et surtout) les hommes de loi. Gardiens de prison, flics, avocats… tous sont moralement détruits par l’influence funeste de Cagney, dans une sorte de jeu de massacre glaçant.

La mise en scène de Gordon Douglas est d’une efficacité remarquable. On notera surtout un gros plan de Ward Bond, policier qui réalise, face caméra, qu’il est entraîné malgré lui dans le sillage de cet homme néfaste. Dans ce film, la prise de conscience du destin est plus forte encore que la violence elle-même, d’autant plus brutale qu’elle est, justement, consciente.

Tête brûlée (Air Mail) – de John Ford – 1932

Posté : 9 février, 2020 @ 8:00 dans 1930-1939, BOND Ward, FORD John | Pas de commentaires »

Air Mail

Ford ne pouvait pas passer à côté d’un tel sujet : l’aéropostale, ses pionniers, groupe d’hommes prêts à braver la mort pour accomplir leur mission. Le genre de microcosme qui a toujours inspiré le cinéaste, et pas seulement dans ses films sur la cavalerie. La preuve…

Encore que, dans Air Mail, la camaraderie en prend, dans la première partie en tout cas, un sacré coup dans l’aile. Les bravent se crashent dans des séquences spectaculaires et surtout très forte émotionnellement (la première surtout, où le boss vide son pistolet sur son pote, en train de brûler vif, pour lui éviter les pires souffrances…). Restent les salauds.

Parmi les personnages : un pilote étrangement discret, dont on découvre qu’il a autrefois sauté d’un avion en péril en abandonnant tous ses passagers à une mort certaine… Et un nouveau venu, joué par Pat O’Brian (quatre ans avant Brumes, autre film sur le sujet que signera Hawks), frimeur dragueur qui se réjouit de la mort de son rival et se contrefout de ce pour quoi ses partenaires sont prêts à mourir : le courrier.

Durant la première heure, Ford cantonne à peu près son film aux bureaux de l’aéroport en plein désert, huis clos qui met en évidence les amitiés, les tensions, les personnalités de chacun. Des hommes, donc. Les rares femmes sont cantonnées à des rôles de faire-valoir qui collent bien avec le sujet : pas de place pour elles dans cet univers d’hommes entièrement dévoués à leur cause. Pas même pour la jolie Gloria Stuart, nettement plus jeune que dans Titanic (qui lui vaudra une nomination à l’Oscar… 65 ans plus tard).

Ford est aussi inspiré dans ce huis clos que dans la dernière partie, nettement plus épique. Mike, le héros (Ralph Bellamy), est coincé en pleine montagne après un crash. Personne n’est capable de se poser à proximité pour le sauver, aucun pilote, si ce n’est son pire ennemi, Pat O’Brien…

Héroïsme, suspense, rédemption… avec toujours une pointe d’humour très fordienne. Un scénario en or pour le cinéaste, que signe Frank Wead, cet ancien pilote qui écrira aussi le scénario de Brumes, et dont la vie inspirera à Ford son beau L’Aigle vole au soleil.

L’Entraîneuse fatale (Manpower) – de Raoul Walsh – 1941

Posté : 22 juillet, 2019 @ 8:00 dans 1940-1949, BOND Ward, DIETRICH Marlene, WALSH Raoul | Pas de commentaires »

L'Entraîneuse fatale

Entre deux monuments incontournables (cette année-là, il signe aussi High Sierra, Strawberry Blonde et La Charge fantastique, bilan aussi impressionnant que celui de Ford en 1939), Walsh tourne ce Manpower qui ne manque pas d’intérêt non plus. Sans atteindre les sommets des trois autres, Walsh signe un film admirablement tenu, et d’une grande richesse.

A vrai dire, il y a même trois ou quatre films là-dedans. Un côté comédie entre hommes, avec ce groupe d’ouvriers chargés de réparer les lignes à haute tension, qui passe leur temps à se lancer des vannes, à s’engueuler et à se rabibocher. Un boulot très dangereux d’ailleurs, que nos bonshommes doivent le plus souvent réaliser dans des conditions extrêmes (pluie, orage, vent), et qui donne lieu à quelques scènes particulièrement spectaculaires, auxquelles Walsh donne un mélange de tension et de légèreté très réussi.

Et quel casting dans ce groupe d’hommes : autour de George Raft et Edward G. Robinson, on trouve Ward Bond, Alan Hale et quelques autres gueules qu’on aime bien, et qui s’amusent visiblement beaucoup à donner de la vie à leurs personnages, dans des moments d’amitié virile comme ce bon Raoul Walsh en a le secret. Du pur plaisir…

Mais cette légèreté apparente est constamment baignée dans une étrange atmosphère qui semble annoncer les drames à venir, et qui ne manquent pas. La gravité d’un ouvrier vieillissant qui pressent la tragédie en marche, ces rapports tendus avec une fille qu’il a délaissée et qu’il a retrouvée alors qu’elle était en prison, le quotidien de cette jeune femme obligée de jouer l’entraîneuse dans un bar mal fréquenté pour simplement vivre.

Cette jeune femme, c’est Marlene Dietrich, qui a de nouveau l’occasion de chanter (passage quasi-obligé pur elle), et qui excelle à faire de son personnage une fausse dure qui cherche à dissimuler ses fêlures et sa sensibilité derrière des abords revêches que ce couillon cynique de George Raft est bien le seul à prendre au sérieux. Mais malgré toutes les bonnes intentions de la belle, on sent vite que c’est le drame qu’elle va apporter dans cette petite équipe soudée, entre le couillon cynique et son pote Robinson, parfait dans son rôle de couillon naïf.

Entre le rire franc et la tragédie pure, Walsh joue un peu aux montagnes russes avec ce film. Mais le résultat, intense et réjouissant, ne laisse aucune place à la tiédeur ou à la facilité. Du pur plaisir, vraiment.

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