L’Enfer blanc du Piz Palü (Die weiße Hölle vom Piz Palü) – d’Arnold Fanck et Georg Wilhelm Pabst – 1929
Spectaculaire virée en haute montagne, que nous offre Arnold Fanck, pionnier du cinéma de montagne, et ma foi toujours référence ultime en la matière. Cet Enfer blanc du Piz Palü est en tout cas un sommet du genre (sans mauvais jeu de mot), un film qui, plus de 90 ans après sa sorte, reste impressionnant. On sans doute fait plus flippant, plus immersif depuis. Mais pas sûr qu’on ait filmé la montagne et les alpinistes avec un tel regard.
Fanck connaît sa montagne, c’est une évidence. Pour ce film, il dirige une nouvelle fois sa muse d’alors Leni Riefentstahl, future réalisatrice des Dieux du Stade. La belle n’est pas encore une proche d’Hitler, et pour cause. Pour l’heure, elle est juste une (bonne) actrice spécialisée dans ces films en haute altitude.
Et pour le coup, on n’en sort pas, de ces hautes altitudes, dans ce film qui, à de très rares exceptions près (une courte scène dans un salon bourgeois, deux passages dans le village au pied des montagnes), ne quitte pas les sommets. L’action se limite au minimum, dans une sorte d’épure magnifique entièrement au service des paysages, superbement filmés.
Un jeune couple et un alpiniste chevronné tentent une ascension périlleuse, sur un sommet où la femme de ce dernier a trouvé la mort quelques années plus tard, sans que son corps soit jamais retrouvé. Un accident survient, les deux hommes sont blessés, le trio coincé en attendant d’hypothétiques secours. Deux heures quinze de lutte pour la survie, deux heures quinze de plans impressionnants où la montagne se transforme en monstre refusant de lâcher ses proies, deux heures quinze de peur, d’espoirs et d’émotions.
L’histoire se limite au strict minimum, mais toute l’humanité des personnages transparaît au fil des épreuves. Avec intensité et trouble : Leni Riefenstahl, jeune épouse que l’on sent s’éloigner d’un mari trop fragile, attirée par leur guide plus sûr de lui, plus dominant. On aurait sans doute tort d’y deviner un sous-texte politique annonciateur…
Une séquence, surtout, reste profondément impressionnante : celle dans l’enfer de glace d’où les sauveteurs retirent les corps de jeunes alpinistes emportés par une avalanche, à la lumière des torches. On aurait presque envie de dire que c’est glaçant, si on n’avait pas peur des mauvais jeux de mots, encore.
Sommet du genre, définitivement, qui met aussi en scène un authentique héros allemand de l’aviation, Ernst Udet, et que co-réalise Pabst, déjà grand réalisateur (il a signé L’Amour de Jeanne Ney deux ans plus tôt), pour des scènes en studio plus anecdotiques.