Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Astérix et Obélix : Le Combat des Chefs – d’Alain Chabat (coréalisé avec Fabrice Joubert) – 2025

Classé dans : 2020-2029,CHABAT Alain,DESSINS ANIMÉS,JOUBERT Fabrice,TÉLÉVISION — 9 juin, 2025 @ 8:00

Astérix et Obélix Le Combat des chefs

Chabat qui renoue avec l’univers d’Astérix, forcément, ça fait envie. Et comme l’ex-Nul, tout en cultivant un univers comique très personnel et immédiatement reconnaissable, aime constamment se renouveler, c’est un choix radicalement différent de son Mission Cléopâtre qu’il fait ici.

Ni long métrage, ni sortie au cinéma, ni incarnations de chair et d’os… Chabat signe une mini-série animée pour Netflix. Et histoire de creuser le fossé avec son méga-succès de 2002, il choisit d’adapter assez fidèlement un épisode « de village », en opposition avec les histoires de voyage d’Astérix.

La plus grande partie de ce Combat des Chefs se déroule donc dans le fameux village gaulois qui continue encore et toujours à résister à l’envahisseur. Sans acteur à l’écran, mais avec un casting vocal de dingue : Chabat lui-même en Astérix, Gilles Lellouche qui renoue avec Obélix après L’Empire du Milieu (spoil : Le Combat des chefs, c’est mieux), Thierry Lhermitte en Panoramix, Laurent Lafitte en César… plus Anaïs Demoustier, Géraldine Nakache, Grégoire Ludig, Jean-Pascal Zadi, Grégory Gadebois, Alexandre Astier, Jeanne Balibar et plein, plein d’autres.

Un casting tellement foisonnant qu’on sort de ces cinq épisodes d’à peine trente minutes à la fois ravi, et un peu frustré, en se disant que l’humour incomparable de Chabat aurait gagné à être incarné physiquement, surtout avec de telles figures du cinéma comique français. C’est la principale limite de la mini-série, qui pour le reste réussit à peu près un sans faute.

A la fois fidèle à la BD de Goscinny et Uderzo, et typique de l’œuvre de Chabat, qui réussit la même alchimie improbable (et jamais reproduite dans les autres adaptations live) que dans son film de cinéma, Le Combat des chefs est aussi plein d’inventions visuelles. Si les dessins des personnages ne révolutionnent rien, Chabat et son co-réalisateur Fabrice Joubert nous gratifient de quelques scènes très réussies, particulièrement les plus habituellement casse-gueules.

C’est le cas d’une séquence de rêve très inventive et réjouissante, qui flirte du côté du Aladdin de Disney (la version animée des années 90), ou du long prologue sur l’enfance des héros. C’est par petites touches que Chabat s’empare de ce classique de la BD, pour en garder l’esprit tout en l’inscrivant dans le contexte actuel. Il y est quand même question de totalitarisme et du danger qui pèse sur les démocraties. Bien sûr, tout ça est très léger, et souvent drôle. Mais quand même.

Mission : Impossible – The Final Reckoning (id.) – de Christopher McQuarrie – 2025

Mission Impossible The Final Reckoning

But Tom… Why ? Ben oui, Tom : pourquoi ? Pourquoi un film aussi long ? Et pourquoi un film aussi sinistre ? Après tout, ce n’est pas la première fois qu’Ethan a le monde à sauver. Mais jusqu’à présent, cet objectif fort louable était toujours au service du suspense et de l’efficacité pure, et s’effaçait constamment derrière l’humain. Mais là…

Pour ce huitième film qui devait être la deuxième partie du septième avec une sortie qui devait suivre de quelques mois seulement le précédent mais qu’on attend depuis deux ans à cause de la queue de comète du Covid et de la grève des scénaristes qui ont fait du tournage l’un des plus longs de l’histoire, avec pour conséquence de changer le titre, Dead Reckoning deuxième partie devenant The Final Reckoning… C’était quoi déjà le début de ma phrase ?

Ah oui : pour ce huitième film, sans doute le dernier, c’est comme si Cruise et son yes-man Christopher McQuarrie avaient voulu non seulement offrir des sorties dignes de ce nom à tous les personnages du film, mais aussi tisser des liens avec tous les films précédents. Un personnage secondaire devient ainsi pour une raison assez obscure le fils de Jim Phelps. Et je crois que c’est là qu’on m’a perdu, dans une réflexion hésitant entre le « hein ? Mais pourquoi ? » et le « n’importe quoi… ». Les deux options étant cumulables.

McQuarrie, dont on a du mal à imaginer qu’il a été le scénariste de Usual Suspects, signe ainsi un script assez inepte, dans lequel il fait entrer en forçant toutes ses idées, y compris les plus improbables (le fils de Jim Phelps ? Vraiment ?). Encore que « idées » semble un concept un peu exagéré, tant il recycle des scènes déjà vues, et souvent en mieux.

C’est ainsi qu’on a droit à une longue séquence sous l’eau (comme dans Rogue Nation), à une longue séquence de poursuite aérienne pour récupérer un petit objet (comme dans Fallout), à Tom Cruise courant dans des décors somptueux (comme dans tous les films)… et beaucoup, beaucoup d’autres clins d’œil aux précédents films de la saga, auxquels il est constamment fait référence.

Ça donne des idées discutables (le fils de Jim Phelps?), mais aussi d’autres plus sympas, comme le fait de faire d’Angela Bassett, qui fut patronne de la CIA, la nouvelle présidente des Etats-Unis. Ou, surtout, de faire revenir Donloe (Rolf Saxon), personnage gentiment moqué du premier film, en lui donnant enfin le beau rôle. Une belle manière, pour le coup, de boucler la boucle.

Pour le reste, McQuarrie fait le choix à peu près contraire de celui qui était au cœur de Rogue Nation, où il s’autorisait de réjouissantes facilités pour passer d’une scène d’anthologie à l’autre. Ici, le scénario indigeste est lourdement appuyé, plein de dialogues répétitifs qui ne sont faits que pour raccrocher le spectateur qui s’en fout à une histoire qui prend toute la place.

Une histoire (la fin du monde à portée de compte à rebours) qui prend le pas sur la meilleure idée du précédent film : l’intelligence artificielle comme grand méchant. De cette idée excitante et très dans l’air du temps, McQuarrie ne fait rien, rien d’autre qu’un constat final apocalyptique. Ce « méchant », pourtant, était l’occasion idéale de renouer avec ce qui a toujours fait la grandeur de la série : le masque, le double et le doute.

Mais soyons juste : il y a dans ce Final Reckoning parmi les plus grandes scènes d’action de ces deux dernières années, même s’il n’y a vraiment « que » deux morceaux de bravoure monumentaux (Ethan sous l’eau, Ethan dans le ciel). Tom Cruise accroché à un (non, deux) biplan en plein vol est une vision qui coupe le souffle. Evidemment, doit-on rajouter, tant c’est le minimum, désormais, qu’on attend de la série. Mais Cruise, 62 ans au compteur et un corps impressionnant, affiche aussi une (certaine) vulnérabilité plutôt bienvenue.

Même si elle trouve très vite ses limites. Curieusement, il y a toujours eu une sorte de vraisemblance dans les cascades les plus invraisemblables auxquelles il se livrait jusque là. Cette fois, et pour la première fois, il donne le sentiment d’aller trop loin. Comme s’il volait par moments, dans cette impressionnante séquence aérienne. Et comme si la pression immense des profondeurs de l’océan n’avait pas d’effet sur son corps, ou si peu.

Et puis, si impressionnantes soient-elles pour certaines, les scènes sont à peu près toutes trop longues. Y compris les scènes d’action, qui semblent ne jamais devoir se terminer. Curieux choix, comme si le cahier des charges faisait de la durée extravagante du film un impératif. Sans pour autant refermer les portes ouvertes avec le précédent film (que fait-on du traumatisme original d’Ethan, qui passe totalement aux oubliettes?), mais en remplaçant un personnage aussi passionnant qu’Ilse Faust (Rebecca Ferguson) par des seconds rôles nettement plus insipides (les réparties lourdingues en français de Paris-Pom Klementieff…).

Mais le plus dur à avaler dans ce huitième film, c’est l’insupportable sérieux et la gravité plombante de l’histoire. A côté de Final Reckoning, Fallout, déjà avare en humour, fait franchement figure de comédie burlesque. Ici, tout le monde se prépare à l’extermination de l’humanité, avec une noirceur qui sied mal à un film aussi spectaculaire. On a le droit de faire sérieusement un film sans se prendre à ce point au sérieux, non ?

Bien sûr, il y a de très grands moments. Et bien sûr, Final Reckoning sera sans doute le plus grand film d’action de l’année. Mais il marque surtout la limite d’une logique dans laquelle s’enferme Cruise depuis une douzaine d’années. Il est sans doute temps qu’il tourne la page de Mission : Impossible, et celle de McQuarrie pour retrouver enfin de grands réalisateurs. Bonne nouvelle, il vient de finir le tournage du prochain Inarritu, premier grand nom à son palmarès depuis… quinze ans.

Sans doute serai-je moins dur en revoyant le film dans quelques mois. Ou pas. Revoir les sept premiers films avant de découvrir Final Reckoning en salles m’a en tout cas conforté dans l’idée que la série a eu de très très grands sommets. Mon top, pour terminer…

En 1, le tout premier film, pour l’élégance et la précision de la mise en scène de De Palma, qui fait de cette grosse production une œuvre très personnelle sur le double et les faux-semblants. En 2, la stylisation si romantique de John Woo qui fait de Tom Cruise une incarnation idéale de sa vision du cinéma. En 3, Ghost Protocole, sorte d’idéal du cinéma d’action par un Brad Bird qui faisait ses premiers pas dans le cinéma live. Et puis Rogue Nation pour la scène de l’opéra, MI3 pour la course à Shanghai, Fallout pour son côté vintage… Que du bon, ou presque.

Dimanches (Yakshanba) – de Shokir Kholikov – 2023

Classé dans : 2020-2029,KHOLIKOV Shokir — 6 juin, 2025 @ 8:00

Dimanches

Je ne le jurerai pas, mais il me semble bien que c’est le tout premier film ouzbek que je vois de toute ma vie. Une première qui se mérite : le film n’étant programmé dans aucun cinéma de mon département, il m’a fallu faire 200 bons kilomètres pour découvrir ce film dont l’affiche et le grain de l’image me faisaient tant envie. Si tu lis ces lignes et que toi aussi tu as un jour fait autant de kilomètres pour un film ouzbek, n’hésite pas à me laisser un message, nous pourrons échanger sur nos névroses respectives…

Sans révolutionner quoi que ce soit, ce Dimanches est un bien beau film, et l’acte de naissance d’un jeune cinéaste dont ce premier long métrage donne très envie d’en voir plus. Il a un regard, ce Shokir Kholikov. Un regard, et un joli sens du cadre, dont il ne faut pas longtemps pour découvrir la principale influence. Une caméra au niveau du sol qui filme un vieux couple ancré dans la tradition, dont les habitudes sont bousculées par l’irruption de la modernité dans leur vie…

Bon sang : Kholikov aurait-il vu quelques films d’Ozu ? Ça ne paraît pas aberrant d’affirmer que non seulement il les connaît, mais il les a vus, revus, et digérés, comme si toute sa grammaire cinématographique s’était construite sur la vision de Voyage à Tokyo, Le Goût du Saké et autres chefs d’œuvre indépassables. C’est d’ailleurs la principale limite de Dimanches, en tout cas de sa première partie : ce sentiment d’assister aux premiers pas d’un disciple qui peine à se démarquer de son maître.

Il faut attendre le tiers du métrage pour qu’enfin, Kholikov ose se démarquer de son maître, débridant sa caméra, le cadre de son histoire, mais aussi son ton, qui ose des grands écarts entre l’humour et l’émotion, et même quelques touches de cruauté. De ce regard si singulier enfin se dégage un double portrait magnifique et poignant d’un vieux couple dont la vie toute simple est parfaitement réglée.

Kholikov filme inlassablement ces moments qui se répètent jour après jour, ces soirées devant une télévision plantée dans la cour que personne ne regarde vraiment, la domination sourde mais tendre du mari, la fausse résignation et la tendresse de la femme, l’émancipation qui se profile. Et toujours, cette tendresse qui finit par serrer le cœur dans un final digne et bouleversant.

Breezy (id.) – de Clint Eastwood – 1973

Classé dans : 1970-1979,EASTWOOD Clint (réal.) — 14 mai, 2025 @ 8:00

Breezy

Une main sortit de la pénombre pour se plaquer sur un torse trop flasque… Et soudain, Clint Eastwood devint un grand cinéaste. Ceux qui ont attendu Impitoyable (ou même Honkytonk Man) pour savoir que Clint était grand sont sots, ou n’ont pas vu Breezy.

Avec ce film, tourné avec une liberté formelle qui évoque son Play Misty for me inaugural, Eastwood prouve définitivement qu’il est bien plus que la star de Dirty Harry : un véritable auteur, avec une sensibilité et une délicatesse que beaucoup ne découvriront que vingt ans plus tard, avec le sublime Sur la route de Madison.

Breezy est déjà une merveille, bien au-delà de cette seule scène d’une beauté renversante : William Holden qui se dévêt dans l’obscurité, et la main de Kay Lenz qui apparaît comme sortie d’un rêve. C’est une merveille, parce que Clint tire un film d’une délicatesse infinie d’un sujet casse-gueule et dérangeant, dont on devine qu’il lui est personnel.

L’histoire d’amour entre une toute jeune femme à peine sortie de l’adolescence, et un homme d’âge mûr… Clint lui-même aurait pu interpréter ce personnage, sans doute trop proche de sa proche personnalité : Kay Lenz, physique juvénile et longiligne, évoque curieusement Sondra Locke, avec qui Clint n’a pas encore tourné, mais qui sera son grand amour de la décennie à venir.

Il a d’ailleurs hésité à jouer lui-même le rôle, se jugeant finalement trop jeune (il avait 43 ans), et préférant le confier à William Holden (55 ans sur le papier, mais en paraissant beaucoup plus). Le choix peut paraître timoré, il est judicieux : la différence d’âge, et le fossé immense entre la pureté de Kay Lenz et le visage (et le corps) marqué de Holden, voilà le sujet du film.

Film diablement courageux, même dans cette époque post-soixante-huitarde, qui aurait facilement pu tourner au graveleux et à l’auto-complaisance de mâles d’âge mûr, Breezy dépasse le simple portrait d’époque. Eastwood signe même une œuvre intemporelle (simplement ramenée dans son époque par la musique de Michel Legrand), complexe et d’une humanité folle. Bien ? Pas bien ? Le film va au-delà de la question, et ose un point de vue humain. C’est à la fois troublant, parfois dérangeant, et sublime.

La Nuit avance (La Noche avanza) – de Roberto Gavaldon – 1953

Classé dans : * Polars sud-américains,1950-1959,GAVALDON Roberto — 13 mai, 2025 @ 8:00

La Nuit avance

Belle découverte décidément que ce Roberto Gavaldon, dont le cinéma romanesque et engagé frappe fort. C’est le cas de cette Nuit avance, à la fois très inspirée par le cinéma hollywoodien, et très mexicain.

Hollywoodien, parce que Gavaldon signe ce qui ressemble fort à un film de boxe, dans la lignée de Nous avons gagné ce soir ou Le Champion. A ceci près que la pelote basque remplace la boxe. Ce qui assure un spectacle nettement plus inattendu : le sport n’est pas celui qui a le plus marqué l’histoire du cinéma. Ce n’est d’ailleurs pas le plus cinégénique, mais les longues séquences qui lui consacrées contribuent à planter le décor, et à la montée de la tension.

Mexicain, parce que le film est une critique acerbe de la société mexicaine d’alors avec son machisme dominant, sujet fort que Gavaldon aborde frontalement, donnant le rôle principal à une sorte de prototype de macho, odieux et dominateur, qu’incarne un Pedro Armendariz qui ne fait rien pour le rendre sympathique.

Choix audacieux, quand même, de construire un film autour d’un type aussi détestable, qui méprise violemment tous ceux qui l’entourent ou qu’il croise, ses collègues de sport comme ses conquêtes féminines.

Il n’y a d’ailleurs pas grand monde de vraiment attachant dans ce film. Les hommes sont dominateurs et manipulateurs. Les femmes sont au mieux soumises. Pourtant, une grande humanité se dégage du film, qui doit sans doute à la personnalité du cinéaste, dont l’engagement transparaît dans cette histoire tragique d’une chute annoncée.

Un vrai film de boxe, sans boxe. Et un vrai manifeste anti-machisme.

Face à face (Knight moves) – de Carl Schenkel – 1992

Classé dans : * Thrillers US (1980-…),1990-1999,SCHENKEL Carl — 12 mai, 2025 @ 8:00

Face à face

Le tueur en série qui répond à une logique très personnelle, et originale… Il y en a eu un paquet dans le cinéma américain depuis le début des années 90 (en gros depuis le succès du Silence des Agneaux). Parfois pour le meilleur (les pêchés capitaux de Seven), parfois pour le pire (Hangman et… son jeu du pendu). Face à face, avec sa partie d’échecs macabre, se situe, disons, dans une moyenne acceptable.

Il m’avait même assez emballé à sa sortie. Mais j’étais jeune, pas exigeant, et fan de Christophe Lambert, alors… Depuis, je suis devenu moins jeune, sans doute plus exigeant, et j’ai découvert avec effroi que Christophe Lambert était un acteur désastreux. Charismatique et cool quand il est bien utilisé, mais mauvais quand il s’agit de jouer quoi que ce soit.

Et là, il faut bien admettre qu’il est le principal défaut de ce thriller plutôt malin et efficace, dont certains passages clés sont gâchés par son incapacité absolue à passer d’une émotion à l’autre. Et puis son éternel regard de myope ne peut pas tout. Difficile de voir en lui le grand champion d’échecs qu’il est censé incarner. Oui, c’est dur, mais on est toujours plus dur avec ses idoles d’hier…

Bon. Une fois passée cette prise de conscience, le duo-couple qu’il forme avec Diane Lane, sa compagne d’alors (autrement plus convaincante) fonctionne plutôt bien. Et il y a l’impeccable Tom Skerritt, dont l’autorité naturelle fait des merveilles (et compense la présence très bovine de Daniel Baldwin, pas le plus enthousiasmant des frangins).

Et puis Carl Schenkel fait le job. Avec les effets grandiloquents en vogue à l’époque, et sans génie. Mais avec une vraie efficacité, qui suffit à maintenir la tension, et à se souvenir que, oui, à sa sortie, ce thriller m’avait emballé.

LIVRE : Passé la Loire, c’est l’aventure – de Gilles Grangier (entretiens avec François Guérif) – 1989-2021

Classé dans : GABIN Jean,GRANGIER Gilles,LIVRES — 11 mai, 2025 @ 8:00

LIVRE Passé la Loire c'est l'aventure

« Passé la Loire, c’est l’aventure »… Rien que le titre donne envie de se plonger dans les souvenirs de Gilles Grangier, réalisateur qu’on aurait sans doute définitivement entouré sans le regard plein d’acuité de cinéphiles comme Bertrand Tavernier, qui défendait bec et ongle le bougre en reconnaissant la volatilité de son œuvre, mais surtout quelques grandes réussites.

Et c’est vrai qu’il y a quelques perles (souvent noires) dans la longue filmographie très inégale de Grangier. Des perles un peu trop vite éclipsées par une poignée de nanars assez indéfendables, comme les derniers films de sa longue collaboration avec Gabin (Les Vieux de la vieille et Archimède le clochard ne sont pas renversants, L’Âge ingrat et Le Gentleman d’Epsom sont pires). Mais le gars a aussi réalisé Le Rouge est mis ou Le Sang à la tête avec Gabin. Et sans lui, des réussites méconnues comme Reproduction interdite ou 125 rue Montmartre. Alors…

L’importance de Gabin dans son parcours est évidente, pour le meilleur et pour le pire : sa rencontre marque son âge d’or, et la tendance paresseuse de l’acteur son déclin. D’ailleurs, c’est à lui, Gabin, qu’on doit la belle citation qui donne son titre au livre : sur le tournage du Cave se rebiffe, une manière pour « le vieux » de refuser d’aller tourner en Amérique du Sud les scènes du film s’y déroulant vraiment.

C’est en tout cas tout un pan du cinéma français qui déroule dans ce livre : le cinéma populaire assumé d’un artisan qui prenait son art au sérieux, et que la Nouvelle Vague n’a pas épargnée. Ce n’est pas à proprement parler une autobiographie : Grangier livre ses souvenirs liés à chacun de ses films (jusqu’au plus obscur) dans le cadre d’une interview au long cours avec François Guérif. Un peu sur le modèle du fameux Hitchcock/Truffaut.

En feuilletant les pages, les souvenirs de Grangier font mine de rien le lien entre les débuts du parlant et la Nouvelle Vague. Il évoque sa rencontre avec Maurice Tourneur, grand maître du muet qui sera l’un de ses mentors (passionnant). Il se souvient d’actrices comme Jeanne Moreau « avec son côté un peu salope » (discutable). Il égratigne des acteurs qu’il n’appréciait visiblement pas des masses comme Pierre Fresnay, dominé par une Yvonne Printemps pas bien sympathique (très drôle).

200 pages ne permettent pas d’entrer dans le détail, et on a parfois un peu le sentiment de survoler les choses. Mais cette petite virée dans les mémoires de Grangier donne franchement envie de revoir certains de ces films un peu trop vite mis de côté.

Le Cavalier noir – de Gilles Grangier – 1945

Classé dans : 1940-1949,COMEDIES MUSICALES,GRANGIER Gilles — 10 mai, 2025 @ 8:00

Le Cavalier noir

Il y a au moins cela de formidable dans l’ambition de voir l’intégrale d’une œuvre, que cela pousse à découvrir des films qu’aucune autre raison imaginable justifierait de voir. La découverte des premiers films de Grangier est ainsi la découverte d’un pan totalement oublié du cinéma. Autant les cinéphiles passionnés gardent un souvenir ému de quelques-uns de ses grands films noirs, autant les légèretés de ses débuts n’ont pas laissé une grande trace…

Après le sympathique Ademaï bandit d’honneur, place donc à une opérette filmée, dont la star est l’héritier alors désigné de Tino Rossi, Georges Guétary. Un chanteur, donc, dont la douce voix résonne à plusieurs reprises tout au long du film, très visiblement filmées en playback sur le plateau. Un chanteur, mais à peine un acteur, reconnaissons le.

Ça n’a d’ailleurs aucune importance, puisqu’il n’y a à peu près rien à jouer dans cette opérette filmée, sorte de croisement jamais vraiment convainquant entre les mythes de Robin des Bois et Carmen, situé dans les forêts et les grands domaines des Flandres, au XVIIIe siècle. Mais ça non plus n’a pas grande importance.

A vrai dire, pas grand-chose n’a vraiment d’importance. Pas l’histoire en tout cas, tournée en dérision par le scénario ironique d’André-Paul Antoine et l’interprétation toute en dérision (pas retenue) de Jean Tissier ou Allerme, tous deux en roue libre.

On serait même pas loin de trouver le temps long tout au long de ces 75 minutes de métrage, s’il n’y avait quelques petits moments prometteurs. Oh ! Pas grand-chose : de brefs plans de coupes qui captent un regard suspendu, un geste arrêté, créant une sorte de bulle dans l’atmosphère de comédie musicale, au son irréel de la voix de Guétary. Pas grand-chose, vraiment, mais des bribes de cinéma, à deux ou trois reprises, qui laissent espérer d’autres choses.

Ademaï, bandit d’honneur – de Gilles Grangier – 1943

Classé dans : 1940-1949,GRANGIER Gilles — 9 mai, 2025 @ 8:00

Ademaï bandit d'honneur

Gilles Grangier fait partie de ces réalisateurs un peu trop vite enterrés par les critiques de la future Nouvelle Vague. On lui doit quelques grandes réussites (Le Sang à la tête…), et pas mal de raretés très recommandables (125 rue Montmartre…), que sa dernière partie de carrière (L’Âge ingrat…) a fait oublier. C’est un peu dommage, et c’est une injustice manifeste qu’il serait peut-être bon de réparer en se plongeant dans sa filmographie.

A commencer par sa toute première réalisation, projet remarquablement dénué d’intérêt, si ce n’est celui de lui donner sa première chance. Sa deuxième, pour être précis : Grangier avait un pied dans le cinéma depuis une petite dizaine d’années, et enchaînait les boulots. Figurant, doublure, régisseur, assistant… Il s’était vu confier la réalisation d’un film pour la première fois par la firme allemande UFA… en 1939, juste avant la déclaration de guerre.

Il lui faudra donc attendre une mobilisation, une blessure, et un appel de l’acteur Noël-Noël pour faire ses vrais débuts de cinéaste. Pour un film dans lequel il n’avait guère de chance d’apporter quelque chose de personnel, puisqu’il s’agit pour Noël-Noël de retrouver son personnage fétiche d’Adémaï, le paysan naïf, qu’il a créé au music-hall et interprété dans plusieurs films (courts ou longs entre 1932 et 1935.

Cette suite tardive, la dernière interprétée par Noël-Noël, ne vaut que pour l’interprétation de l’acteur, qui joue la naïveté et la candeur d’une manière assez irrésistible. C’est à peu près tout ce qu’on peut souligner de cette comédie, dont le principal intérêt repose sur le décalage entre son personnage principal, un peu lunaire, et le contexte dans lequel il est propulsé : celui d’une vendetta entre deux familles en Corse.

C’est bien anecdotique, bien mineur, mais Ademaï bandit d’honneur fait partie de ces films dont le seul titre fait partie de l’inconscient collectif. Le découvrir répond au moins à une certaine curiosité. Et procure un petit plaisir bien innocent, qui donnerait presque envie de découvrir les premières apparitions d’Ademaï. Sans qu’il y ait une urgence caractérisée.

MUSEE : Institut Lumière (Lyon)

Classé dans : MUSÉES — 8 mai, 2025 @ 8:00

MUSEE Institut Lumière

Un séjour à Lyon sans visiter l’Institut Lumière ? Inimaginable… Toujours pas remis de la disparition de Bertrand Tavernier, cet inlassable passeur, c’est avec passion (et avec ma famille) que je découvre enfin ce lieu dont il fut l’une des âmes, avec Thierry Frémeaux (qui, ce jour-là, était à Cannes pour dévoiler les films en compétition).

Arrivés à vélo, dès le coin de la rue passé, cette élégante (et imposante) bâtisse impressionne : celle où vécut la famille Lumière, là même où le père Antoine avait installé son usine de photographie, dont les ouvriers devaient devenir en 1985 les premières acteurs de cinéma de l’histoire du cinéma. Coincée entre deux immeubles, donnant sur une place de marché, elle a de l’allure, cette bâtisse.

Et elle a une histoire. C’est là que les frères Lumière ont vécu, c’est là qu’ils ont réussi leurs premières inventions, c’est là qu’ils ont tourné « le » tout premier film… Et c’est là qu’a été créé l’Institut Lumière, ce lieu nécessaire de mémoire du cinéma, qui réunit des salles de projection, la plus grande librairie spécialisée de France, le siège d’un éditeur précieux, un lieu de préservation des films, et un musée dédié à la naissance du cinéma.

Modeste et vivant à la fois, il a quelque chose de très beau, ce musée, qui se concentre sur l’histoire de la famille Lumière, et sur les tout premiers temps du cinéma. Il a quelque chose de très beau, parce qu’il propose une véritable immersion dans ces premiers temps. Plutôt qu’une approche purement didactique, c’est le sentiment de toucher du doigt cette époque de pionniers qui séduit le visiteur. Mieux : qui l’émeut.

Dans la première salle, une riche collection d’appareils de prise de vue ou de projection, qui résument les quelques années de l’invention du cinéma. Et parmi eux, le projecteur qui a été utilisée lors de la fameuse première séance publique payante de cinéma, dans le Salon indien à Paris, cette séance à laquelle trente-trois spectateurs seulement ont assisté, dont Georges Méliès. Se trouver si près de cet appareil procure une émotion assez dingue…

Le fait que cette découverte se déroule dans la maison familiale, près de l’usine où a été tourné le tout premier film (La Sortie des usines Lumière) renforce cette émotion, même s’il ne reste de l’aménagement de la maison familiale que la chambre parentale. Dans les autres pièces, les films Lumière occupent une place de choix, et sont très joliment mis en scène dans des dispositifs variés, qui permettent de découvrir en quelques minutes l’ampleur de l’apport des deux frères à l’art cinématographique, au-delà de la pure invention.

Le musée est une réussite. Le lieu est superbe, comme un îlot au cœur de l’agglomération lyonnaise. Un lieu qui donne envie de se poser, de lire, de voir des films. Un lieu précieux, oui.

1...678910...350
 

Kiefer Sutherland Filmographie |
LE PIANO un film de Lévon ... |
Twilight, The vampire diari... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | CABINE OF THE DEAD
| film streaming
| inderalfr