Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Rendez-vous… Champs Elysées / le Chômeur des Champs Elysées – de Jacques Houssin – 1937

Classé dans : 1930-1939,HOUSSIN Jacques — 9 novembre, 2024 @ 8:00

Rendez-vous Champs Elysées

Une comédie qui serait tombée dans les limbes de l’oubli si Le Cinéma de Minuit ne l’avait pas exhumée… On a beau vénérer ce rendez-vous télé plus vieux que moi, il faut bien reconnaître que, ces derniers temps, Patrick Brion a parfois donné le sentiment de racler les fonds de tiroir.

Ce n’est pas que Rendez-vous… Champs Elysées soit désagréable. Il est même assez enlevé et se regarde sans ennuie. Mais n’y a-t-il pas plus nécessaire dans le patrimoine cinématographique français que cette petite chose sans envergure et assez mal foutue ?

Jules Berry, en roue libre de cabotinage, est un riche oisif du XVIe arrondissement. Ou plutôt un ex riche, qui mène bon train, mais qui accumule les dettes. Menacé de perdre son superbe appartement, il apprend que pour le garder, il doit devenir chômeur. Et donc avoir travaillé.

Le voilà donc enchaînant les petits boulots, et découvrant les joies du métier d’éboueur, ou de conducteur de métro… Une comédie sur le choc des mondes, qui aurait pu, au moins, donner une petite réflexion sur la pauvreté et le quotidien de ceux qui se lèvent tôt. Mais non, même pas.

Tiraillé entre ses potes de bringues et son nouvel ami du labeur (Pierre Larquey), il découvre l’amour, et presque les vertus du travail.

Mais l’essentiel est de rester léger. Travailler, même tôt, c’est bien sympa. Et de toute façon, ce n’est qu’un passage, l’argent finit toujours par tomber du ciel. C’est certes rythmé et amusant. Mais pour la profondeur et la conscience sociale, on repassera.

L’Etrange histoire de Benjamin Button (The Curious Case of Benjamin Button) – de David Fincher – 2008

Classé dans : 2000-2009,FANTASTIQUE/SF,FINCHER David — 8 novembre, 2024 @ 8:00

L'Etrange histoire de Benjamin Button

C’est l’histoire la plus folle qu’a filmée David Fincher, et c’est pourtant le film qui a entériné, avec Zodiac l’année précédente, son statut de grand cinéaste classique. Sans rejeter les fulgurances formelles qui ont marqué les premiers longs métrages de celui qui a fait ses armes en révolutionnant le clip musical, le style de Fincher se fait plus élégant, plus discret… avec une maîtrise sans doute plus affirmée.

Libre adaptation d’une nouvelle de Scott Fitzgerald, le film raconte l’histoire d’un homme né avec la morphologie d’un vieillard, et dont le corps ne cesse de rajeunir au fil de la vie. Une sorte de fable improbable dont Fincher relève tous les écueils potentiels. L’aspect fantastique du postulat n’étouffe jamais le récit, constamment humain et sensible : c’est l’histoire d’un homme forcé de vivre sa vie à rebours qui est racontée, un homme en marge de l’humanité, comme Fincher les aime depuis toujours.

Incarnant le rôle de l’enfance aux airs de vieillesse au grand âge juvénile, Brad Pitt (pour la troisième fois devant la caméra de Fincher, après Seven et Fight Club) trouve l’un de ses grands rôles, avec une intensité que ne gâchent pas des maquillages et effets spéciaux très convaincants. Une intensité toute en intériorité, sans grands effets lacrymaux, mais qui se révèle bouleversante quand il réalise le destin que sa biologie inversée lui réserve.

C’est le film le plus ample de Fincher, grande fresque qui commence en 1918 pour s’achever de nos jours. C’est aussi l’un de ses films les plus intimes, dont le cœur est cette histoire d’amour absolue qui unit Benjamin et Daisy (Cate Blanchett), amour contrarié qui ne peut s’exprimer qu’au carrefour où leurs deux vies inversées se croisent : à cet âge charnière entre jeunesse et vieillesse, où tous deux se retrouvent enfin.

A part dans sa filmographie, loin pour une fois des influences du cinéma de genre, Benjamin Button confirme le statut de cinéaste ambitieux et classique de David Fincher, l’un des réalisateurs les plus doués de sa génération, à la fois ancré dans son époque, et passeur d’un cinéma hollywoodien à l’ancienne, qui donne leurs lettres de noblesse à l’émotion et aux beaux sentiments.

Miséricorde – d’Alain Guiraudie – 2024

Classé dans : * Polars/noirs France,2020-2029,GUIRAUDIE Alain — 7 novembre, 2024 @ 8:00

Miséricorde

Un jeune homme revient dans le village paumé où il a passé son enfance pour l’enterrement du père d’un ami. Accueilli chez la veuve, il s’incruste un peu plus que de raison. Et au fil des jours, des liens inattendus apparaissent : le visiteur était amoureux du décédé, son hôtesse semble attirée par lui, lui par le bon gros copain, le prêtre apparaît comme par enchantement à chaque balade dans les bois, la chambre où il réside est constamment visitée en pleine nuit…

Thriller ? Comédie ? Drame ? Non : Guiraudie. Le cinéma d’Alain Guiraudie, que je découvre avec ce Miséricorde, semble bien être un genre en soi. Il y a là un ton, une douce ironie, qui ne ressemblent à rien d’autre. Une manière de transformer une histoire qui pourrait être foncièrement dérangeante, en quelque chose de presque irréel, comme un étrange rêve qui offrirait un décalage troublant. Et très séduisant.

Guiraudie pose un regard étrangement ironique sur une humanité qui se défait mine de rien des conventions et de la bien-pensance. Son fils disparu mystérieusement, la mère jouée par Catherine Frot semble moins concernée par cette probable mort que par la présence de son visiteur. Quant au prêtre, il ne fait pas même mine de réprouver le crime qu’il pressent, s’arrangeant avec un hypothétique sentiment de culpabilité dans une réjouissante séquence de confession inversée.

La morale établie en prend d’ailleurs un sacré coup au passage, et le cinéma de Guiraudie rappelle parfois les grandes heures de Bertrand Blier… avec une forme de délicatesse en plus, et une vraie vision de cinéma, qui me donne furieusement envie de découvrir les premiers films du cinéaste, à côté desquels j’étais consciencieusement passé jusque là. La manière dont il joue avec les clichés ou avec toute tentation vériste s’avère vraiment, vraiment, très réjouissante.

Le Cercle des Poètes disparus (Dead Poets Society) – de Peter Weir – 1989

Classé dans : 1980-1989,WEIR Peter — 6 novembre, 2024 @ 8:00

Le Cercle des Poètes disparus

« Émouvant, drôle, triste… Un de mes cinq films préférés », écrivais-je à la sortie du film, alors que je tenais déjà un blog cinéma. Oui, début 1990, il y avait déjà des blogs, mais ils étaient en papier, on appelait ça des cahiers, et ça ne sortait pas de ma chambre de jeune ado de 13 ans. Je me souviens aussi que c’est dans un magnifique cinéma de province à l’ancienne que j’ai vu ce film, comme beaucoup d’autres à l’époque : une immense salle avec balcon et rideau, et un vaste hall plein de photos et affiches de cinéma…

Toute nostalgie mise à part, cette intro pour dire que la cinéphilie a énormément changé depuis la sortie triomphale du film de Peter Weir. Le Cercle des Poètes disparus marquerait-il autant la jeunesse s’il sortait aujourd’hui, à l’heure des multiplexes et du streaming ? Pas sûr. Et pourtant, le montrer à mes enfants ados est une expérience particulièrement réconfortante : parce qu’ils en sont tous les trois (12 à 19 ans) sortis, chacun à leur manière, marqués par la puissance émotionnelle du film.

Qui reste intacte, trente-cinq ans après, confirmant que Peter Weir est bien un cinéaste majeur de cette époque, dont le classicisme discret empêche souvent de prendre toute l’ampleur de son talent : une mise en scène élégante et sans la moindre esbroufe, totalement au service de l’histoire, du rythme et de l’émotion. Ici, la réussite du film repose sur un parti pris fort : montrer l’âpreté d’une société rigide et liberticide par le seul regard des élèves d’une « prépa » d’élite.

Du Cercle des Poètes disparus, on retient surtout la belle prestation toute en retenue de Robin Williams, dans l’un de ses plus beaux rôles : celui d’un enseignant qui apprend à ses élèves à penser par eux-mêmes, dans un collège dont les vertus principales reposent sur la discipline et l’obéissance. Il est certes formidable, mais reste constamment ou presque dans une position d’observateur. Les personnages principaux, ce sont les élèves, groupe hétérogène de personnalités bien marquées.

L’intello, le timide, le rebelle, le flamboyant… On serait presque dans une étude de cas, qui résumerait en un petit microcosme la richesse de l’humanité et la singularité de l’être humain, et particulièrement des jeunes dans une société patriarcale où le libre arbitre n’existe pas. Le sujet du film reste d’ailleurs totalement d’actualité. Son message aussi. Et bien plus que le « Carpe diem » qu’on retient souvent, il est question de libre-arbitre, comme le résume le prof Keating/Williams dans une scène simple et belle, lorsqu’il invite ses élèves à marcher dans la cour.

Le film a aussi révélé quelques jeunes talents très prometteurs, dont Ethan Hawke, dont la timidité et la flamme étouffée m’avaient alors fait l’effet d’un révélateur. Comme John Keating reste le professeur qui m’a le plus marqué… Bref, peut-être Le Cercle des Poètes disparus est-il plein de défauts, mais il y a des films qu’on est simplement incapable de regarder avec un regard neuf, quel que soit le moment où on le revoit.

Fantômas – de Paul Féjos – 1932

Classé dans : * Polars/noirs France,1930-1939,FEJOS Paul — 5 novembre, 2024 @ 8:00

Fantômas 1932

Et si la première adaptation sonore du célèbre serial était la meilleure ? Cette hypothèse peut faire bondir, tant la version de Louis Feuillade reste mythique, et tant l’auteur des romans (Marcel Allain, qui a pris la suite de Pierre Souvestre) a critiqué le film, succession de morceaux de bravoures qui privilégie constamment la forme au fond.

Une critique absolument fondée, qui explique paradoxalement en grande partie pourquoi le film de Paul Féjos reste si percutant, et finalement si moderne. Librement adapté du premier livre, ce Fantômas là en garde les grandes lignes : l’histoire d’un mystérieux criminel qui efface consciencieusement les traces de son dernier méfait, tandis que Juve, policier tenace, le traque inlassablement.

Cette intrigue n’est effectivement que le prétexte à enchaîner les séquences mémorables, jouant sur plusieurs registres du cinéma de genre, avec toujours la même volonté de pure efficacité.

Tout commence comme un film d’horreur, remarquable variation sur le thème alors très en vogue de la maison hantée, tendue et franchement flippante par moments. Réjouissante, en tout cas.

Puis, le polar prend le dessus, avec de grands moments de suspense particulièrement efficaces : la course automobile, l’attentat à l’hôpital… Un sens de l’action qui trouve son apogée lors de la bagarre finale, d’une brutalité rare à l’époque, et parfaitement tendue.

Sur le fond, rien de bien neuf. Mais Fantômas est un film de genre dans sa forme la plus pure, percutant et passionnant.

L’Espion qui m’aimait (The Spy who loved me) – de Lewis Gilbert – 1977

Classé dans : * Espionnage,1970-1979,GILBERT Lewis,James Bond — 4 novembre, 2024 @ 8:00

L'Espion qui m'aimait

Après un opus étonnamment modeste en termes d’enjeux (le séduisant L’Homme au pistolet d’or), Roger Moore endosse pour la troisième fois le smoking de 007, et la saga prend une tournure nettement plus extrême… ce qui n’est pas une bonne nouvelle.

L’Espion qui m’aimait est même le premier Bond où le sentiment de trop plein s’exprime vraiment. C’est aussi le plus misogyne, le plus lourdingue, le plus riche en gadgets (et en apparitions de Q). Bref, c’est l’inauguration d’une ère du grand n’importe quoi.

C’est un peu comme si les producteurs avaient décidé de faire oublier leur manque d’idées neuves par une suraccumulation de tout : de décors, d’explosions, de morts, de femmes dénudées et offertes (c’est à peu près tout ce qu’on leur demande), comme cette pauvre Barbara Bach, présentée comme une alter ego russe de 007, et condamnée à suivre l’agent british et très mâle avec ses yeux énamourés et ses décolletés plongeant, les rares moments où elle lui tient tête apparaissant comme de maladroites justifications de sa présence.

Même surenchère côté enjeux : il s’agit ici rien moins que de sauver le monde, promis à la destruction par une sorte de néo capitaine Némo joué par Curd Jürgens qui rêve de créer un nouveau monde sous-marin. Bien sûr, on pourrait se dire : pourquoi pas, après tout ? Mais on a plutôt envie de rétorquer : ben oui, mais pourquoi ?

Ce Bond là est aussi le premier à avoir à ce point vieilli. A cause des effets spéciaux très datés, de l’humour lourdingue de Bond/Moore, de la vision qu’il offre des femmes. Quelques moments forts, quand même : le son et lumière à Gizeh, la grande fusillade inhabituellement violente… Mais surtout pas mal de moments franchement gênants : la course poursuite à ski, la voiture sous-marin…

Ce Bond épisode 10 est, de loin, le plus faible des quinze premières années.

Les Sentiers de la perdition (Road to Perdition) – de Sam Mendes – 2002

Classé dans : * Films de gangsters,2000-2009,MENDES Sam,NEWMAN Paul — 2 novembre, 2024 @ 8:00

Les Sentiers de la perdition

Trois ans après American Beauty, Sam Mendes change de registre et confirme son talent, en même temps que son goût pour les personnages troubles. Il nous plonge dans l’Amérique de la Prohibition, celle des gangsters de l’Illinois, avec l’ombre d’Al Capone qui règne, même si jamais il n’apparaît.

La période est particulièrement cinégénique, ce n’est pas nouveau, et a été au cœur de nombreux films, de Scarface à Il était une fois en Amérique. Mais le regard que porte Mendes réussit déjà ce petit miracle d’être neuf, avec une vision à la fois très réaliste et toute en épure, presque symbolique, de ce milieu des gangsters irlandais dont il est question.

Comme il le fera dix ans plus tard en réalisant son premier James Bond (Skyfall), la tragédie que met en scène Mendes ne peut qu’être shakespearienne, et familiale. Son film est intense, impressionnant même. Mais il est aussi et avant tout intime : l’histoire de liens pères-fils qui se croisent et se contrarient, jusqu’au point de non retour.

Tom Hanks est un mari et un père sans histoire. Un peu triste, et franchement austère, mais aimant et doux. Ce que son fils aîné ignore, et qu’il apprend en se glissant un soir dans le coffre de sa voiture, c’est que son père est un homme de main dévoué au service de la pègre, autrement dit un homme qui tue de sang froid et sans ciller. Ce qu’il voit de ses propres yeux, vous imaginez le choc…

Ce qu’il ignore aussi, c’est que le brave « old man » avec qui il aime tant passer du temps à jouer, et qui considère son père comme son propre fils, est le puissant patron de la pègre irlandaise. C’est Paul Newman, dont le charisme incroyable n’a en rien perdu de sa force, à l’approche du grand âge. Dans son dernier grand rôle, il est magnifique en père de cœur soumis au pire des choix.

Parce que le vieux Newman a un vrai fils de sang, héritier naturel mais indigne, joué par un Daniel Craig dans sa période pré-007, mais qui s’octroyait déjà le permis de tuer. En l’occurrence le fils gênant de Tom Hanks, témoin d’un meurtre qu’il n’aurait pas dû voir. Sauf que le rejeton indigne tue le mauvais gamin, et la mère avec.

Et voilà Tom Hanks forcé de prendre la fuite pour mettre son fils en sécurité, tout en cherchant à se venger de la famille de son mentor. Et voilà Paul Newman forcé de tourner le dos à celui qu’il aime comme un fils, pour ne pas abandonner ce vrai fils si indigne, conscient que la tragédie est en marche, et que rien désormais ne pourra l’arrêter.

Ajoutez à ça un tueur étrange, photographe fasciné par l’image de la mort (Jude Law), et quelques (rares) seconds rôles qui sont comme des stéréotypes résumant à eux seuls toutes les facettes d’une Amérique qui se débrouille comme elle peut de la Dépression… Les Sentiers de la perdition est un film fascinant, sur lequel plane constamment la mort et les regrets.

Visuellement, la reconstitution est très appliquée. Elle le serait même un peu trop s’il n’y avait cette pluie qui vient troubler le réalisme des situations, frôlant par moments l’abstraction comme dans le sommet esthétique du film : la grande séquence du règlement de comptes d’une beauté tragique assez hallucinante, face à face magnifique entre deux acteurs immenses, dont les regards hantent longtemps le spectateur.

Gardez le sourire – de Paul Féjos – 1933

Classé dans : 1930-1939,FEJOS Paul — 1 novembre, 2024 @ 8:00

Gardez le sourire

Curieuse chose que ce Gardez le sourire (version française d’un film autrichien, Sonnenstrahl), que son titre et le générique annoncent comme une comédie, mais qui s’ouvre sur un drame social, avant de bifurquer vers la fantaisie… Film curieux, oui. Et anodin, aussi.

Il y a certes beaucoup de belles choses dans ce film aussi foutraque que sincère et généreux. Mais il y a aussi un manque cruel de cohérence, et de constance.

L’ombre de Chaplin plane dès le début du film : Chaplin dans sa veine la plus sociale. La manière même dont Féjos filme ces chômeurs, les regards tournés vers les offres d’emploi, la mise en scène isolant l’un d’eux, évoque furieusement une fameuse séquence de L’Emigrant.

Pas de travail, pas d’espoir… L’homme sans avenir (Gustav Fröhlich, le héros de Metropolis) s’apprête alors à se jeter dans le fleuve, rencontrant une femme aussi désespérée que lui (Annebella) dans une séquence qui, cette fois, cite très ouvertement Les Lumières de la Ville, référence incontournable pour ce film.

Les deux désespoirs se sont trouvés, la solitude a disparu, l’espoir renaît, les sourires reviennent. L’esprit et la sincérité de Chaplin sont là, la maîtrise du rythme et du ton beaucoup moins.

Autre point commun qui ne trompe pas : Féjos choisit lui aussi le langage muet : quelques dialogues sans importance mis à part, tout ici est basé sur l’image, et sur les sons non articulés.

Cela donne quelques beaux moments, d’autres très longs, amusants et vains sur les rêves de richesse des deux amoureux. Le ton est alors très léger, voire badin. On sourit un peu, mais l’émotion reste à la porte.

La Peau douce – de François Truffaut – 1964

Classé dans : * Polars/noirs France,1960-1969,TRUFFAUT François — 31 octobre, 2024 @ 8:00

La Peau douce

La Peau douce, film un peu mal aimé depuis soixante ans, a toujours été l’un de mes Truffaut préférés (avec La Femme d’à côté, dont les thèmes ne sont pas si éloignés d’ailleurs). Le revoir une nouvelle fois procure d’ailleurs les mêmes sentiments, très forts, et très pluriels.

Premier sentiment : y a-t-il un film qui porte mieux son titre que La Peau douce ? Le Vent de Sjöström, peut-être… C’est ce constat qui m’a toujours frappé en repensant au film : la manière si délicate dont Truffaut filme la peau de Françoise Dorléac, cette jeune hôtesse de l’air que son amant, le mature Jean Desailly, semble simplement effleurer, comme une apparition si douce et fragile qu’elle pourrait disparaître.

La première de ces deux là est un moment d’une extrême délicatesse, et qui procure une émotion profonde. Dans l’ascenseur de leur hôtel, des regards volés, une « ascension » qui dure bien plus longtemps qu’elle ne devrait. Truffaut dilate le temps pour installer le trouble qui envahit les deux personnages.

Et quelques minutes plus tard, à nouveau le temps qui n’existe plus alors qu’ils marchent dans le couloir qui les conduit vers sa chambre à elle. En ne filmant rien d’autres que leurs regards, et une main qui caresse un visage en ombre chinoise, Truffaut filme l’une de ses plus belles scènes d’amour. Peut-être la plus belle.

Tourné peu après sa rencontre au long cours avec Alfred Hitchcock pour son fameux livre d’entretien, La Peau douce est aussi le plus hitchcockien des films de Truffaut, dans ses thèmes, dans sa construction, et même dans sa manière de filmer, bourrée de clins d’œil plus ou moins évidents au cinéma d’Hitch.

C’est d’ailleurs le premier de ses films dont sent qu’il est totalement maîtrisé, dans le sens où il ne laisse pas de place au sentiment de liberté. Presque clinique, même, pour reprendre un terme qu’utilisait Truffaut lui-même pour ce film, en expliquant que son ambition était de disséquer un adultère, à travers trois personnages passionnants.

D’un côté, la jeune Françoise Dorléac, pleine de vie et de doute, dont on se dit qu’elle cherche aussi une figure paternelle. De l’autre, Nelly Benedetti en épouse bafouée et douloureuse. Au milieu, Jean Desailly dans le rôle d’un homme peu aimable au fond, qui passe son temps à faire de mauvais choix par maladresse ou par lâcheté. Un type tellement rangé qu’il ne traverse par une rue déserte quand le feu est rouge, mais qui s’enferme dans une logique de mensonges pour laquelle il n’est pas taillé.

Il y a un autre personnage aussi, discret et peu présent à l’écran, mais qui souligne en creux la douleur de ce qui se passe : celui de la fillette du couple légitime, dont la seule présence donne une dimension terrible au drame qui se noue. Décidément, l’un des plus beaux Truffaut.

L’Homme au pistolet d’or (The Man with the Golden Gun) – de Guy Hamilton – 1974

Classé dans : * Espionnage,1970-1979,HAMILTON Guy,James Bond — 30 octobre, 2024 @ 8:00

L'Homme au pistolet d'or

L’histoire de ce Bond, le deuxième de Roger Moore, est un peu con. Il ne faut que quelques instants pour s’en rendre compte. Ce qui, d’ailleurs, n’est pas même une critique pour la série, en tout cas dans cette période. Ou plutôt, disons que l’histoire n’est évidemment pas à prendre au sérieux. Même s’il est vaguement question de la crise de l’énergie (déjà), le grand méchant n’est à peu près qu’un tueur à gages qui a envie de prendre du bon temps.

Ce qui n’est pas si loin de Bond lui-même, c’est en tout cas ce que pense ledit tueur, Scaramanga, que joue un Christopher Lee tout en sourires, très loin des méchants habituels qu’affronte 007. Lui est persuadé d’avoir trouvé en Bond un double idéal, ce qui donne quelques face à face plutôt réjouissants.

C’est con, mais c’est étonnamment très agréable. Parce qu’il y a derrière la caméra un réalisateur qui connaît son métier, à défaut d’être un visionnaire. Parce que tout est tourné vers le pur plaisir du spectateur, avec une succession de morceaux de bravoure, de paysages dingues, et même de clins d’œil à Vivre et laisser mourir (l’apparition du shérif gros cul de Louisiane).

Ce James Bond a aussi les défauts inhérents à cette période de la série, à commencer par une certaine propension à tourner en rond en se répétant. Il n’y a donc guère de réelles surprises. Même si le grand méchant a des objectifs plus basiques que d’autres, il vit dans un repère secret totalement fou (qui pour le coup est vraiment séduisant), les femmes sont filmées comme des objets de désir, Britt Ekland passant on ne sait pourquoi la moitié du film en bikini…

Mais il faut aussi reconnaître une vraie originalité dans la manière d’utiliser les décors : la base secrète très psychédélique, une galerie de glaces très wellesienne, et surtout l’étonnant bateau échoué, dont les coursives penchées ont été aménagées avec des plateformes bien horizontales, créant un entrelacs de lignes géométriques improbable et fascinant.

C’est dans ces détails originaux que ce Bond là trouve sa raison d’être, qui en fait un bon cru moorien.

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