Play it again, Sam

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Histoires fantastiques : Vanessa (Amazing Stories : Vanessa in the garden) – s.1 e.12 – de Clint Eastwood – 1985

Classé dans : 1980-1989,COURTS MÉTRAGES,EASTWOOD Clint (réal.),FANTASTIQUE/SF,TÉLÉVISION — 20 novembre, 2024 @ 8:00

Histoires Fantastiques Vanessa

Depuis la fin de Rawhide, Clint Eastwood n’a plus jamais retravaillé pour la télévision, comme il l’avait fait à plusieurs reprises à ses débuts, enchaînant les rôles plus ou moins importants dans des séries plus ou moins mémorables. A une exception près : la réalisation d’un épisode d’Histoires fantastiques, la série anthologique produite (et souvent écrite) par Steven Spielberg.

Vanessa in the garden est donc l’unique réalisation du cinéaste pour la télé. C’est aussi son unique court métrage, et la toute dernière fois qu’il dirige Sondra Locke, près de dix ans et six longs métrages en commun après Josey Wales. Tant qu’on est aux premières et aux dernières, c’est aussi l’unique participation d’Harvey Keitel à un film d’Eastwood.

L’acteur, pas dans sa période la plus glorieuse (c’était bien après Taxi Driver et bien avant La Leçon de piano), incarne un peintre à la fin du XIXe siècle, qui ne vit et ne peint que pour son épouse, Vanessa, jouée par Sondra Locke. Qui meurt écrasée à la suite d’un accident causé par un coup de tonnerre soudain.

Et voilà l’artiste incapable ni de vivre, ni de peindre, qui est bientôt sujet à d’étranges apparitions : Vanessa, qui semble reprendre vie dans les postures dans lesquelles son mari l’a peinte. Est-ce une hallucination ? Le peintre sombrerait-il dans la folie ? Ou y a-t-il de la magie là dedans… Qu’importe : c’est surtout, de nouveau et plus que jamais, une source d’inspiration sans fin pour l’artiste amoureux.

C’est un joli court métrage que signe Eastwood, dans une atmosphère un peu cotonneuse, presque évanescente, qui rappelle certaines scènes de Sudden Impact, le dernier long métrage dans lequel il dirigeait sa compagne d’alors. Pourtant, l’émotion qu’il a su faire naître dans quelques-uns de ses plus beaux films, de Breezy à Sur la route de Madison, reste très contenue, comme si ces vingt minutes étaient trop courtes pour qu’il puisse s’exprimer pleinement.

La musique y est peut-être pour quelque chose. Elle est pourtant signée par son fidèle complice Lennie Niehaus (mais avec le thème de John Williams, fidèle complice, lui, de Spielberg), mais n’a pas la délicatesse de ses meilleurs scores, comme calibrée pour donner une cohérence sonore, très datée années 80, à la série. Ça n’en reste pas moins une jolie curiosité.

Grace is gone (id.) – de James C. Strouse – 2008

Classé dans : 2000-2009,STROUSE James C. — 19 novembre, 2024 @ 8:00

Grace is gone

Très joli film que ce Grace is gone (et quel beau titre), parfait pour terminer une journée un peu éprouvante émotionnellement ! John Cusack, pas encore cantonné aux nanars direct-to-video, incarne un père un peu austère (franchement chiant, même), qui apprend que sa femme, militaire, a été tuée en Irak.

Incapable de l’annoncer à leurs filles, il décide de les emmener sur la route pour une virée inédite vers un grand parc d’attractions, pour leur apporter la joie et l’attention dont, au fond, il n’a jamais été capable jusqu’à présent.

Un sujet primesautier, donc, pour un film très délicat et très tendre, qui trouve vite son rythme après des premières minutes qui laissent dubitatifs, le jeune cinéaste James C. Strouse, dont c’est le premier long métrage, appuyant un peu lourdement sur la dimension austère du padre, campé par un Cusack très dans le ton.

Une fois sur la route, la douce petite musique s’installe, mélancolique et légère, et l’émotion retenue avec elle. En parlant de musique, Grace is gone est aussi le seul film dont Clint Eastwood a composé la bande son sans être derrière ni devant la caméra. Oui, LE Clint Eastwood, qui s’impliquait alors de plus en plus dans la musique de ses propres films.

Celle de Grace is gone, pour laquelle il a été nommé aux Golden Globes, serait d’ailleurs une sorte de prolongement de celle de Million Dollar Baby : des chutes musicales composées pour son film oscarisé, non utilisées, et développées pour l’occasion, après que Clint a été séduit par le scénario.

Difficile de dire à quel point il s’est impliqué dans ce projet, mais il a aussi cosigné la chanson qui clôt le film (sur des torrents d’émotion), et son fils Kyle a arrangé la bande son. La musique, si eastwoodienne avec ses notes de piano tout en sobriété, donne d’ailleurs au film un rythme et un ton qui ne peuvent pas ne pas évoquer les films de Clint.

The Blues : Piano Blues (id.) – de Clint Eastwood – 2003

Classé dans : 2000-2009,DOCUMENTAIRE,EASTWOOD Clint (acteur),EASTWOOD Clint (réal.) — 18 novembre, 2024 @ 8:00

Piano Blues

Le documentaire occupe une place importante dans la carrière de Martin Scorsese. Il faudra, un jour, que ce blog se penche sur ce pan méconnu de sa filmographie. Il a notamment produit une série consacrée aux racines du blues : sept films confiés à autant de cinéastes (dont lui-même) passionnés par le genre.

La série se clôt par ce Piano Blues, signé Clint Eastwood, qui s’y met en scène interrogeant de grands pianistes pour ce qui est un grand cri d’amour au genre musical très large qu’est le blues autant qu’à l’instrument et à ceux qui lui consacrent leur vie.

Le procédé, dans un premier temps, semble assez rudimentaire : dans un studio, Clint accueille et interroge quelques grands pianistes, qui évoquent leurs premières influences, et se mettent aux claviers pour une sorte de bœuf entre amis, de nombreuses images d’archives mettant en scène lesdites influences.

Très classique, et assez banal finalement. Mais Clint est là. Et en interrogeant des pointures comme Ray Charles, Dave Brubeck, et d’autres grands moins unanimement connus comme Jay McShann ou Dr. John, ce sont ses propres souvenirs qu’il invoque : ses coups de cœur fondateurs du tournant des années 1950.

Et plus le film avance, plus il donne le sentiment de nous confronter à une source d’influence majeure de son cinéma, sorte de complément précieux à Honkytonk Man ou Bird, mais aussi porte d’entrée pour toute sa filmographie. De son premier film (Un frisson dans la nuit) à son implication dans la bande son de ses films plus récents, la musique est au cœur de la filmo de Clint, jusque dans les scores très jazzy de ses polars urbains.

Piano Blues est un jalon essentiel pour appréhender la cohérence de toute son œuvre, comme une porte ouverte vers la jeunesse et les passions les plus intimes du cinéaste. Passionnant.

Ne dites jamais adieu (Never say goodbye) – de Jerry Hopper (et Douglas Sirk) – 1956

Classé dans : 1950-1959,EASTWOOD Clint (acteur),HOPPER Jerry,SIRK Douglas — 17 novembre, 2024 @ 8:00

Ne dites jamais adieu

Le décor bourgeois, l’histoire mélodramatique, Rock Hudson, et même les couleurs chaudes du film… Difficile de ne pas penser aux chefs d’œuvre de Douglas Sirk devant ce mélo méconnu signé Jerry Hopper. Le fait que ce soit une production Universal (comme les classiques de Sirk) n’explique pas tout : Sirk a effectivement travaillé sur ce film, cédant son fauteuil de réalisateur pour se consacrer à Écrit sur le vent. Il a toutefois signé lui-même quelques scènes.

Never say goodbye n’atteint pas les sommets de ses chefs d’œuvre : il n’a pas la même puissance émotionnelle, ni la même emphase. Mais la parenté est indéniable, et le mélo se révèle aussi touchant que passionnant. A vrai dire, ce pourrait bien être le plus beau film de la primo-carrière de… Clint Eastwood.

Oui, le tout jeune Clint, encore totalement inconnu mais sous contrat pour la Universal, qui enchaîne les apparitions au cinéma ou à la télé sans vraiment retenir l’attention. Ici, on le voit une poignée de secondes dans les premières minutes du film, dans un rôle de laborantin qui rappelle curieusement sa toute première panouille, dans La Revanche de la créature. C’est surtout pour lui l’occasion de donner la réplique à Rock Hudson, ce qu’il fait avec un plaisir apparent et on le comprend : sur un CV, à cette époque, c’est assez classe…

Ne dites jamais au-revoir Clint

Cette apparition est toutefois très anecdotique. Et c’est bien Rock le héros du film. Un père aimant, vivant avec sa fille dans le souvenir de sa femme disparue depuis des années. Lors d’un voyage en Europe, ce médecin reconnu tombe par le plus grand des hasards… sur cette épouse qu’il croyait morte. Choc, mystère, flash-back… Tout commence en 1945 à Vienne, dans une ville divisée par le rideau de fer. C’est là que le jeune médecin américain rencontre la belle autrichienne qu’il épouse bientôt, jouée par l’Allemande Cornell Borchers.

Un enfant naît de leur amour. Mais le bel américain est aussi un mâle à l’ancienne, jaloux et peu attentif aux envies de sa jeune épouse. Pas vraiment sympathique, en fait, et même odieux lorsqu’il se persuade que sa belle le trompe avec son vieil ami artiste, très joli rôle pour George Sanders. Crise de jalousie et d’autorité, séparation… La jeune épouse se réfugie chez son père, de l’autre côté du rideau de fer, où elle se retrouve bientôt piégée, morte aux yeux de tous.

Le drame est déjà prenant, mais c’est dans la dernière partie que le mélodrame se révèle le plus intense : les retrouvailles de la disparue avec sa fille, persuadée que sa mère est morte, qui voit cette femme qui arrive avec son père comme une intruse, à qui elle refuse de donner son amour. On imagine bien comment tout ça finira, on ne peut pas dire qu’on soit transporté par l’émotion, mais l’histoire est jolie, les acteurs parfaits, et l’atmosphère particulièrement prenante. Beau mélo.

Bird (id.) – de Clint Eastwood – 1988

Classé dans : 1980-1989,EASTWOOD Clint (réal.) — 16 novembre, 2024 @ 8:00

Bird

En 1988, quelques critiques ont eu une sorte de révélation. Quoi ? Clint Eastwood, cette star habituée aux rôles de gros bras, est aussi capable de réaliser une œuvre aussi sensible que Bird ? Le film a définitivement entériné aux yeux des derniers réfractaires qu’Eastwood était un cinéaste important. Il aura fallu du temps, et pas mal d’aveuglement : après tout, dès son troisième film derrière la caméra, le merveilleux Breezy, Clint dévoilait une immense sensibilité. Passons…

Avec Bird, Eastwood franchit, il est vrai, une nouvelle étape. Jusqu’alors, ses films tournaient autour de personnages qui lui ressemblaient, ou au moins dont ils pouvaient être l’interprète idéal. L’unique exception était justement Breezy, mais pour un rôle qu’il n’a cédé à William Holden que parce qu’il estimait être encore trop jeune lui-même. Ce n’est pas le cas de Bird, film dont la plupart des personnages sont des musiciens noirs. C’est pourtant l’un de ses films les plus personnels.

Celui, en tout cas, qui lui tenait le plus à cœur, acceptant même deux films d’action de commande (suivant sa logique de l’époque) pour pouvoir le réaliser : un cinquième Dirty Harry et le triste Pink Cadillac. Amoureux de jazz depuis toujours, Eastwood a souvent donné à ses polars notamment des airs jazzy. Pas étonnant, donc, que son premier biopic soit consacré à l’un de ses héros : Charlie Parker, saxophoniste à la trajectoire fulgurante et tragique, mort à 34 ans à l’époque, forcément fondatrice, où le jeune Clint faisait ses premiers pas à l’écran.

Eastwood a connu l’ambiance de ces clubs de jazz, qu’il reconstitue si bien à l’écran. Mieux que des reconstitutions d’ailleurs : il nous y embarque, avec une mise en scène au plus près des musiciens, fiévreuse et passionnée. Il y a beaucoup de musique dans Bird, mais les nombreuses séquences ne donnent jamais le sentiment de se répéter, la virtuosité d’Eastwood épousant la liberté des musiciens et leurs improvisations magnifiques et enflammées.

Les grands connaisseurs du jazz ont un peu tiqué, paraît-il. N’étant pas de ceux-là, la vision de Bird est une expérience sensorielle assez fascinante et enthousiasmante. Et douloureuse, tant Eastwood nous plonge aussi dans les affres du génie Charlie Parker, musicien habité mais être humain hanté par ses démons : la drogue, l’alcool, et un mal-être qu’il trimballe jusque dans le couple qu’il forme avec son épouse (Diane Venora, magnifique, qu’Eastwood dirigera de nouveau dans Jugé coupable).

Forest Whitaker est lui aussi habité, incarnant parfaitement la fièvre créatrice de Bird et ses addictions mortifères. Ces addictions qui sont au cœur du film, dont l’intrigue se concentre sur les derniers mois de la vie de Charlie Parker. Mieux qu’un biopic traditionnel, Bird est un film sur un génie en bout de course, dont le parcours n’est évoqué que par de brefs flash-backs parfaitement distillés. Son enfance, par exemple, se résume à quelques images muettes dans les premières minutes du film. Pas besoin de plus pour comprendre le milieu d’où vient Charlie.

Passionnant, déchirant, douloureux et admirablement construit, filmé et interprété (Whitaker n’a pas volé son prix d’interprétation à Cannes, Eastwood aurait fait un bien beau prix de la mise en scène), Bird reste l’un des sommets de la carrière du grand Clint. Le plus beau, peut-être, des films dont il n’est pas lui-même l’interprète.

Les Sorcières (Le Streghe) – de Luchino Visconti, Mauro Bolognini, Pier Paolo Pasolini, Franco Rossi, Vittorio De Sica – 1966

Les Sorcières

Silvana Mangano en star de cinéma rêvant d’une vie de femme. Silvana Mangano en conductrice taiseuse. Sivana Mangano en apparition angélique. Silvana Mangano en vengeresse sicilienne. Silvana Mangano en épouse frustrée… La star semble être la raison d’être de ce film à sketchs produit par Dino de Laurentiis, qui était alors son mari.

C’est aussi l’une des affiches les plus excitantes de ce genre alors très en vogue en Italie : Visconti, Pasolini, De Sica, Rossi et Bologini derrière la caméra, Ennio Morricone à la partition, et quelques-unes des vedettes les plus en vue de ce côté là des Alpes devant la caméra, d’Annie Girardot à Toto en passant par… Clint Eastwood. Eh oui. Le résultat est, disons, inégal.

La sorcière brûlée vive (La strega bruciata viva) – de Luchino Visconti

Le premier sketch, le plus long, est d’une cruauté mordante. Une actrice célèbre passe la soirée dans une grande maison à la montagne, entourée « d’amis ». Les guillemets sont de rigueur, tant la star est ramenée à son statut déshumanisé, méprisée et jalousée par les femmes, convoitée par les hommes. Seule l’hôtesse jouée par Annie Girardot semble voir la femme derrière le fard.

C’est d’ailleurs lorsque la star est dépouillée de son maquillage qu’elle peut s’autoriser à laisser parler son humanité, sa volonté d’exister au-delà de ce statut figé auquel tout le monde la renvoie constamment. La cruauté de ces rapports est renforcée par l’apparente légèreté de cette soirée, où la musique et les rires sont omniprésents.

Très joliment photographié, avec une lumière chaude et tamisée propice à l’intimité, mais aussi aux comportements les plus débridés, ce segment signé Visconti est une vraie réussite, et offre à Silvana Mangano un très beau rôle.

Sens civique (Senso civico) – de Mauro Bolognini

Le deuxième segment, signé Mauro Bologni, est nettement plus léger (et le plus court de tous), pas moins ironique, mais plus anodin. Silvana Mangano est ici une automobiliste coincée à cause d’un accident, qui propose d’emmener un chauffeur blessé à l’hôpital. Elle traverse alors Rome à toute allure (des scènes qui semblent avoir été tournées en condition réelle), passant les hôpitaux les uns après les autres…

Tout repose sur le petit twist final, et sur le verbiage incessant du blessé joué par Alberto Sordi, qui se plaint d’être mourant tout en laissant transparaître sa nature profonde lors d’un bref moment de lucidité : « Mais vous êtes une femme ! Ah, si je n’étais pas blessé… » Six minutes montre en main, suffisant pour livrer une vision pas glorieuse des rapports femmes/hommes.

La Terre vue de la lune (La Terra vista dalla luna) – de Pier Paolo Pasolini

C’est une vraie farce qu’écrit et réalise Pasolini, tout au service de Toto, la star comique incontournable du cinéma italien. Affreux, bêtes et méchants… Ce pourrait être le titre de ce segment régressif dont l’humour peine à convaincre, tout comme les parti-pris esthétiques d’une laideur assumée : décors périurbains sans charme, couleurs criardes, costumes et maquillages comme sortis d’un mauvais dessin animé.

Silvana Mangano, curieusement en retrait cette fois, incarne une sorte d’apparition angélique, sourde et muette qui semble répondre aux attentes de Toto et de son fils, en quête de la femme idéale depuis qu’ils ont enterré leur femme et mère lors de la scène inaugurale, joyeusement cynique. Difficile de prendre ça au sérieux, quand même.

La Sicilienne (La Siciliana) – de Franco Rossi

La rupture de ton est radicale : Rossi filme ce très court segment d’une manière particulièrement dramatique, avec gros plans, jeux d’ombres et montage serré. Le style est presque brutal, mais la musique très présente n’y trompe pas : l’ironie est encore au cœur de cette histoire de vengeance sicilienne.

Mangano, tout en excès dramatiques, joue avec les sentiments exacerbés de l’île jusqu’à une tuerie finale et de grands cris éplorés dont l’outrance tranche radicalement avec l’intensité visuelle du film. Plutôt percutant, mais comme une simple parenthèse avant l’ultime segment, nettement plus riche.

Une soirée comme les autres (Una sera come le altre) – de Vittorio De Sica

Le film se termine en beauté avec le segment le plus original. Peut-être pas le plus intense, ni même le plus profond, mais le plus original. Et accessoirement celui pour lequel Les Sorcières a trouvé une place dans quelques livres de cinéma : parce que c’est dans ce segment, sous la direction de Vittorio De Sica, que la très jeune star Clint Eastwood a trouvé son premier rôle à contre emploi.

Parce que non, sa carrière italienne ne se limite pas aux trois westerns de Sergio Leone : avant de tourner Le Bon, la brute et le truand, Clint a joué dans ce film à sketch, apparaissant dans le générique de début portant chapeau de cowboy et revolvers à la main, mais tout sourire. Une vision très ironique, tant son personnage est aux antipodes de l’homme sans nom.

Il incarne ici le mari particulièrement ennuyeux et casanier de Silvana Mangano, épouse qui rêve de retrouver la flamme de la jeunesse, contrainte de partager le quotidien d’un mari qui ne pense qu’à se reposer, manger et boire son verre de whisky avant d’aller se coucher pour être dispo le lendemain matin pour une nouvelle journée de travail.

Sa prestation de bonnet de nuit est assez réjouissante, face aux airs joliment désespérés de Mangano, touchante et passionnée. Mais ce segment séduit surtout par les scènes très cartoonesques mettant en scène les fantasmes de l’épouse, qui imagine son mari se faire rudoyer ou retrouver une virilité éteinte, ou qui se voit en grande séductrice avec tous les hommes à ses pieds.

Les Sorcières se termine en beauté avec ce segment, qui est aussi l’une des curiosités les plus oubliées de la filmographie de Clint Eastwood. Rien que pour ça…

Longlegs (id.) – d’Osgood « Oz » Perkins – 2024

Classé dans : * Thrillers US (1980-…),2020-2029,FANTASTIQUE/SF,PERKINS Osgood "Oz" — 14 novembre, 2024 @ 8:00

Longlegs

« Le meilleur film de serial killer depuis Le Silence des Agneaux », peut-on lire sur la jaquette de Longlegs. Une phrase tirée d’un obscur média, et c’est ça qui est bien avec Internet : vue la profusion de blogs (comme le mien), il est nettement plus facile de trouver des avis dithyrambiques sur n’importe quels films. Allez savoir, peut-être Playitagain sera-t-il un jour immortalisé sur un boîtier de blu ray…

Tout ça pour dire que, non, Longlegs n’est pas « le film le plus effrayant de la décennie », ni même « inoubliable » (autres citations). Mais c’est un petit film d’horreur assez flippant (vous saisissez la nuance?), et plutôt original, qui a un défaut majeur : le malaise assez dense qu’il distille dans ses premières minutes a une sérieuse tendance à se dissiper au fil du métrage. Le choc des dernières images est alors très supportable, voire très attendu.

La référence au Silence des Agneaux, cela dit, est assez évidente (et la comparaison un peu rude pour le film de Perkins). Là aussi, l’héroïne est une jeune agent du FBI qui fait ses débuts sur le terrain, et qui est confrontée à un mystérieux tueur en série sévissant depuis trente ans. Avec un aspect surnaturel assumé d’emblée : la jeune femme a des intuitions de dingue, aussi troublantes que le mode opératoire du tueur, qui semble « téléguider » les crimes, massacres de familles sans histoire.

Dans le rôle principal, Maika Monroe est très intense. Trop, même : le trauma qu’elle trimballe est total, absolu, ne laissant la place à rien d’autre qu’une boule compacte de douleurs que tout son corps traduit constamment. Peu de places pour la nuance, ni même pour la profondeur, d’ailleurs.

Face à elle, les apparitions du tueur sont presque libératrices. Il faut dire que derrière le latex du maquillage, c’est un Nicolas Cage que l’on ne reconnaît que dans la folie de son jeu, too much et génial comme il sait l’être. Faire passer une telle intensité derrière un maquillage aussi épais relève du tour de force.

Original et prenant, pas révolutionnaire et plutôt attendu. Convainquant et intriguant dans sa première partie, le film finit par s’empêtrer dans un mélange des genres (le thriller virant à l’horreur et au film de possession) plus bancal que maîtrisé.

Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde (Trei kilometri până la capătul lumii) – d’Emanuel Pârvu – 2024

Classé dans : 2020-2029,PÂRVU Emanuel — 13 novembre, 2024 @ 8:00

Trois kilomètres jusqu'à la fin du monde

C’est de Roumanie que vient l’un des films les plus stimulants, les plus forts et les plus intelligents de cet automne. L’un des films, aussi, qui met le mieux en image l’homophobie quotidienne, la violence du regard, et le sentiment d’enfermement.

Etudiant dans une grande ville, le jeune Adi vient passer l’été dans son village natal, reculé de tout y compris de tout sentiment progressiste. Un village qui est presque une île, dont le principal accès se fait par bateau, à travers une épaisse végétation qui semble la couper du monde.

Adi est bien entouré : il a des parents qui l’aiment, qui se sacrifient pour lui offrir un bel avenir. Mais un jour, il rentre à la maison couvert de coups, le visage tuméfié. Le père n’a guère de doute : c’est un coup du riche notable du coin, à qui il doit justement de l’argent. Mais des bruits commencent à courir.

Et c’est le shérif local qui lâche le morceau : Adi a été vu avec un touriste de passage, un peu trop proche. Peut-être même se seraient-ils embrassé. Alors le père ferait peut-être mieux de reconsidérer la plainte qu’il a déposée : faudrait pas que ça s’ébruite. Un fils gay, dans le coin, ça risque fort de faire grincer des dents. Parce que si ça se sait, d’autres vont arriver, et les maladies avec eux…

Oui, on en est là. Et ce qui est terrible dans l’histoire d’Adi, c’est que malgré le décor de cette campagne roumaine que la modernité a oublié, cette homophobie résonne fort ici aussi, d’autant plus violente qu’elle est quotidienne, voire familiale. Et qu’elle vient de parents par ailleurs et jusque là attachants, et visiblement ouverts.

Ben pas tant que ça, non. Punitions, enfermement, et même exorcisme… Ils vont tout faire pour « guérir » leur fils et assurer son avenir. Jamais pour eux-mêmes, non : toujours en pensant à lui, à ce qui est bon pour son avenir. C’est terrible, et c’est remarquablement mis en scène, construit avec une simplicité et une efficacité impressionnantes, comme une spirale infernale dont le personnage ne pourrait pas sortir.

De ce cauchemar glaçant et intense, on sort par une séquence d’une immense puissance, comme un grand cri d’amour à la vie, muet mais d’une beauté radicale. L’image de ce bateau sortant des herbes hautes pour découvrir enfin l’horizon immense est de celles qu’on n’oublie pas.

Femme de feu (Ramrod) – d’Andre De Toth – 1947

Classé dans : 1940-1949,DE TOTH Andre,LAKE Veronica,WESTERNS — 12 novembre, 2024 @ 8:00

Femme de feu

La première chose qui frappe dans ce beau western, le premier que réalise Andre De Toth, quelques années avant sa collaboration avec Randolph Scott, c’est la manière dont les personnages sont introduits : par un pan magnifique d’un chariot qui traverse une rivière et s’enfonce dans la ville. La plupart des personnages sont là, dans leur quotidien, et le dialogue qui suit nous plonge directement dans le drame qui se noue, cette querelle entre grands éleveurs, symbolisée par l’opposition entre un riche propriétaire et sa fille déterminée.

Non, en fait, ça c’est la deuxième chose qui frappe. La toute première, dès les premières secondes, c’est l’utilisation des paysages (de l’Utah). Il y aura bien quelques transparences et quelques rares décors de studio, mais la plupart des extérieurs sont effectivement tournés en décors naturels, superbement filmés par De Toth, notamment lors d’une séquence de traque nocturne dans les montagnes absolument exceptionnelle.

Le thème, lui, semble bien banal résumé comme ça : l’opposition de deux éleveurs, qui brasse des motifs habituels du western. Les querelles familiales, la question des open ranges, le solitaire décidé à respecter la loi (Joel McCrea, parfait comme toujours), le shérif seul contre tous (Donald Crisp, inattendu et très charismatique)…

Un personnage, surtout, change la donne : celui de la fille déterminée et forte, jouée par Véronika Lake, figure du film noir. Un choix qui ne doit rien au hasard, sans doute : Connie, qu’elle interprète, est une pure « femme fatale », manipulatrice et ambitieuse, de celles par lesquelles les drames arrivent, et qui laissent les hommes naïfs exsangues, quand ils survivent.

La violence de certaines scènes, la noirceur de l’histoire, la mise en scène tendue… Beaucoup d’éléments de ce western renvoient directement au film noir, genre que maîtrise parfaitement De Toth, qui se révèle en même temps très à l’aise avec le western. Sa filmographie à venir le confirmera.

Le rythme du film doit aussi beaucoup à ces décors naturels jusque dans les intérieurs. Un plan, pour être clair : McCrea descend de cheval, et rentre dans une cabane. La caméra le suit sans coupure, de l’extérieur baigné de soleil à l’intérieur plus tamisé, prouvant que ces intérieurs n’ont pas été filmés en studio.

Ça n’a l’air de rien, mais ces parti-pris, au-delà du déjà technique qu’ils représentent, donnent une cohérence visuelle et un rythme très particulier au film, très ancré dans un réalisme qui est loin d’être évident dans le western. C’est du grand art, apparemment dépouillé mais d’une grande richesse formelle. Et passionnant, ce qui ne gâte rien.

Juré n°2 (Juror #2) – de Clint Eastwood – 2024

Classé dans : * Thrillers US (1980-…),2020-2029,EASTWOOD Clint (réal.) — 11 novembre, 2024 @ 8:00

Juré n°2

Finir une carrière aussi exceptionnelle que celle de Clint Eastwood sur un film aussi raté que Cry Macho aurait été un vrai crève cœur. Peut-être Juré n°2 ne sera-t-il pas le dernier (mais à 94 ans, il faut quand même commencer à se préparer). Mais si c’est le cas, cela fait une porte de sortie nettement plus enthousiasmante.

Retour au film judiciaire pour le grand Clint, qui avait déjà abordé le genre avec son très beau Minuit dans le jardin du bien et du mal (et d’une manière plus anecdotique avec Jugé coupable). Retour à Savannah aussi, mais dans un style très différent du précédent, avec une sorte de drame intime, dont l’histoire rappelle curieusement le meilleur film… de Georges Lautner : Le Septième Juré.

C’est le deuxième, ici, mais l’idée centrale est la même : notre héros, joué par Nicholas Hoult (très bien), est appelé pour être juré dans un procès pour meurtre, et réalise que c’est sans doute lui l’auteur du crime. Dans le film de Lautner, le personnage joué par Bernard Blier savait qu’il était un tueur. Ici, il le découvre quand commence le procès, grâce à un scénario très malin, qui utilise habilement des flash backs révélateurs, et les ressors habituels du film de procès.

Le film commence comme Le Septième Juré, continue comme 12 hommes en colère, mais impose rapidement un ton très singulier, avec une vision acerbe de la justice et une réflexion assez complexe sur la notion de devoir et d’héroïsme, qui se défait du manichéisme attendu et de rigueur. On en est même très loin, avec un cynisme qu’Eastwood semblait avoir perdu depuis longtemps, et qui confirme que le cinéaste a encore un regard singulier, et même acéré.

Le principal défaut du film, c’est son montage (un peu trop) au cordeau, qui résume beaucoup de scènes à leur simple usage narratif, en laissant peu de place aux échanges et à l’imprévu. A l’exception, comme souvent chez Eastwood, de quelques séquences dans les bars, dont l’ambiance incite le cinéaste à prendre son temps.

Mais visuellement, c’est sa plus belle réussite depuis des années. Les scènes d’intérieur surtout (dont celles du tribunal), éclairées par une lumière diffuse où se mélangent les tâches lumineuses et les ombres, rappelant la fameuse scène du Corbeau (« où est l’ombre, où est la lumière ? »), belle manière de visualiser la lutte interne très complexe entre le bien et le mal.

Une thématique qui donne à Nicholas Hoult, mais aussi à Toni Collette dans le rôle de la procureure ambitieuse, de très beaux rôles, profonds et nuancés. En tant que cinéaste et directeur d’acteurs, Eastwood en a encore sous le pied, et ça fait plaisir…

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