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Archive pour la catégorie 'WELLMAN William A.'

Aventure dans le Grand Nord (Island in the sky) – de William A. Wellman – 1953

Posté : 14 janvier, 2018 @ 8:00 dans 1950-1959, WAYNE John, WELLMAN William A. | Pas de commentaires »

Aventure dans le Grand Nord

Un avion fait un atterrissage forcé dans le Grand Nord américain. Sans connaître leur position précise, sans pouvoir communiquer avec leur base, les aviateurs doivent organiser leur survie dans ce désert glacé, tandis que les secours se mettent en place.

Le titre français, un peu passe-partout, évoque curieusement un film d’aventures à la Raoul Walsh. Le titre original est à la fois plus beau, et plus conforme à ce qu’est réellement le film : la variante glaciale d’une histoire de naufragé des mers. L’exil forcé de ces naufragés est ainsi le double négatif d’une île perdue au milieu de l’océan : c’est sur un lac (gelé) perdu au milieu de l’immensité glacée que l’avion a fini sa course.

Wellman signe là un film forcément très personnel. Lui qui fit partie de la mythique escadrille Lafayette n’a cessé de revenir à ses amours pour l’aviation, avec des films qui, toujours, mettent en valeur l’extraordinaire camaraderie de ces hommes qui semblent tant partager. Cette camarederie est au cœur d’Island in the sky. Tout le film repose sur la profonde empathie qui rapproche tous ces pilotes.

Le naufragé Dooley (John Wayne, parfait dans un rôle passif auquel il n’est pas habitué) et ses sauveteurs McMullen, Willy ou Andy (James Arness, Andy Devine et Allyn Joslyn, radicalement différents et pourtant indissociables) ont beau ne jamais partager de scène, on sent constamment entre eux plus qu’un simple attachement : un véritable amour fraternel ou filial, qui est aussi celui de Wellman pour ces pilotes.

Mine de rien, Island in the sky est un film d’aventures assez gonflé, où Wellman ne filme quasiment que des personnages statiques. Assis derrière les commandes de leur avion ou le cul dans la neige, ils sont le plus souvent filmés face caméra. Pourtant, quel rythme durant ces presque deux heures de métrage. Dès la séquence d’ouverture, Wellman impose une tension qui ne retombe pas, cherchant à faire partager les angoisses, les peurs et les espoirs de ces personnages qui, pourtant, ne partagent pas leurs sentiments.

La voix off, très présente dans la première moitié, n’était d’ailleurs sans doute pas indispensable. La seule force du montage, et des gros plans sur les regards habités de ses acteurs, suffit à donner corps au drame qui se noue. Un grand cru pour Wellman.

L’Allée sanglante (Blood Alley) – de William Wellman – 1955

Posté : 22 août, 2017 @ 8:00 dans 1950-1959, WAYNE John, WELLMAN William A. | Pas de commentaires »

L'Allée sanglante

John Wayne a voulu ce film, tourné alors qu’Hollywood est en plein dans sa période exotique. Mais dès la scène d’ouverture, troublante et déroutante, on sent bien que l’ambition dépasse largement le simple effet de mode. On y découvre un Duke quasi-fou, se parlant à lui-même, ou plutôt à une amie imaginaire, dans une prison dont on ne sait pas comment il y est arrivé… ni même par quel miracle il finit par s’en échapper.

Etonnant John Wayne, qui joue avec son image comme il ne l’a pas si souvent fait, laissant entrevoir une faiblesse certes passagère, mais inhabituelle. Tout le début du film est magnifique, entre ces plans de solitude, puis le long voyage quasi-muet de notre héros qui a retrouvé sa liberté, et qui cohabite avec un Mike Mazurki formidable dans un rôle aussi taiseux que ceux qu’il joue d’habitude, mais pour une fois très attachant.

Tout n’est pas aussi réussi que ces dix premières minutes superbes, mais Wellman réussit un film d’aventures qui est constamment beau parce qu’il est bienveillant, et qu’il s’intéresse plus aux personnages qu’à l’action elle-même. Les plus beaux moments du film sont d’ailleurs ceux où il filme les visages au plus près, comme ce plan superbe sur les regards des villageois quittant l’endroit où ils ont toujours vécu.

Le film est inspiré d’une histoire vraie : dans la Chine communiste des années 50, les habitants d’un petit village tente de rejoindre Hong Kong à bord d’un bateau à aube qui va devoir remonter un fleuve jugé très dangereux. Une belle histoire, traitée avec beaucoup d’humanité, à l’image de ce beau moment où, pour économiser l’eau, les Chinois acceptent les uns après les autres de renoncer à leur sacro-saint thé, reversant le contenu de leurs minuscules tasses dans un seau qui finit par se remplir.

La charge anti-communiste, sans surprise, est un peu lourdement appuyée. Mais c’est bien l’aventure humaine qui intéresse Wellman, offrant de beaux rôles à ses acteurs. Aux hommes en tout cas, parce que la pauvre Lauren Bacall est la sacrifiée de l’histoire, réduite la plupart du temps à de la jolie figuration. A deux ou trois scènes près quand même, dont une belle course poursuite à travers les quais dévastés d’un ancien port.

Relativement économe en grandes scènes d’action, le film privilégie les moments d’intimité. Mais lorsque la violence fait irruption, elle est frappante : le meurtre de l’officier communiste est particulièrement violent, et cette bagarre dans la cabine du pilote est tout aussi brutale, mais vue uniquement à travers la fenêtre balayée par la pluie, et couverte par le bruit de la tempête en cours. L’une des très grandes scènes de violence du cinéma de Wellman.

La Ville abandonnée / Nevada (Yellow Sky) – de William A. Wellman – 1948

Posté : 9 avril, 2016 @ 8:00 dans 1940-1949, WELLMAN William A., WESTERNS | Pas de commentaires »

La Ville abandonnée

Clint Eastwood a souvent reconnu ce qu’il devait à Wellman, cinéaste qui a influencé peut-être plus qu’aucun autre sa manière de faire des films. En voyant La Ville abandonnée (rebaptisé Nevada lors d’une ressortie en France), on comprend bien sur quoi repose cette filiation : sur une manière de « dégraisser » au maximum son film, sur l’importance des moments en creux où rien ne semble se passer mais où se situe pourtant l’essentiel, et aussi sur les ellipses et le hors-champs, d’une audace folle.

C’est fou ce qu’il peut se passer dans ce simple dialogue au clair de lune entre Gregory Peck et son « frère ennemi » Richard Widmark, dialogue dont la bienveillance apparente rend paradoxalement si frappant le drame qui se noue et son issue incontournable. Fou aussi à quel point la tension est forte lors de ses longs travellings qui précèdent le duel final, duel dont on ne verra que les éclats de lumière des coups de feu, la caméra restant à l’écart, loin du lieu du dénouement.

Ce western épuré n’est pas le plus grand chef d’œuvre de Wellman. Dans le genre, L’Etrange incident ou Convoi de femmes sont plus aboutis, plus importants, avec un rythme qui ne retombe jamais. Ici, il y a certes quelques baisses de tension, et Gregory Peck est sans doute trop beau, trop propre malgré sa barbe de huit jours et son allure crasseuse pour être totalement à sa place en bandit puant et bas du front.

Il est excellent cela dit, ne cherchant jamais à s’élever par rapport à ses complices : chef contesté d’une bande de braqueurs minables qui ne s’attaquent qu’à des banques sans la moindre protection. « On a l’impression de voler une tirelire », commente l’un d’entre eux après le braquage qui ouvre le film, formidable séquence magnifiquement filmée, aussi remarquable par sa mise en scène (et Peck, désabusé, qui ne prend pas même la peine de sortir son arme) que par le cadrage et la lumière, superbe.

Il n’y peut rien, Peck : malgré tous ses efforts, il a la gueule d’un héros. Et même si Wellman ne le met jamais en avant durant toute la première moitié du film, on sent bien qu’il finira par révéler son sens de la justice. La présence d’Anne Baxter, beauté pas classique et vraie grande actrice, n’y est pas pour rien, apparition miraculeuse dans cette ville fantôme où les braqueurs se sont réfugiés après avoir traversé le terrible désert de la mort.

Dans la première partie, Yellow Sky est un film de mouvement. De mouvement lent, certes, mais de mouvement tout de même. Mais à partir du moment où cette bande de bras cassés se retrouve, physiquement, le nez dans la poussière, tout n’est plus qu’attente et observation. Wellman filme ses personnages assis, allongés, affalés. Rarement debout, sauf en cas de menace ou de tension…

Dès que les personnages se lèvent, tout peut arriver. Cela donne un plan simple et sublime, après un baiser volé par Peck : un léger travelling suivant Anne Baxter qui s’éloigne, et qui s’arrête, se retourne et braque son arme. Rien de tape-à-l’œil dans ce plan d’une sobriété absolue, mais d’une force incroyable. La même puissance se retrouve d’ailleurs dans le plan où la jeune femme s’abandonne brièvement à la passion, dans un clair-obscur d’une profondeur magnifique.

Des moments comme ceux-là, il y en a beaucoup dans ce beau western qui, derrière la rudesse du cinéma wellmanien, dévoile aussi une touchante nostalgie. La plus belle scène ? Peut-être celle, étonnante, où Gregory Peck évoque maladroitement des anecdotes de sa jeunesse et le souvenir de ses parents pour faire comprendre que, au fond, il a un bon fond…

* Blue ray dans la collection Westerns de Légende de Sidonis/Calysta, avec une présentation par Bertrand Tavernier, et un passionnant documentaire d’une heure consacré à William « Wild Bill » Wellman.

Beau Geste (id.) – de William A. Wellman – 1939

Posté : 30 novembre, 2014 @ 4:46 dans 1930-1939, COOPER Gary, WELLMAN William A. | Pas de commentaires »

Beau Geste

Le film s’ouvre par une séquence fascinante et mystérieuse, qui hantera toute la suite : au beau milieu du désert africain, une colonne de la Légion étrangère arrive dans un fort français menacé par les Touaregs. A l’intérieur, pas un signe de vie, si ce n’est un coup de feu tiré on ne sait d’où. Sur les remparts, des cadavres en position de tir. L’un des légionnaires entre, puis disparaît. Plus tard, un incendie se déclare, ravageant le fort…

Difficile de faire plus excitant, d’autant que Wellman, réalisateur et producteur, laisse tout en plan pour revenir quinze ans en arrière. C’est l’histoire de trois frères, inséparables et soudés comme, disons trois doigts d’une main. Trois frères qui grandissent dans la grande demeure d’une grande dame qui les a recueillis enfants, et que la disparition d’un diamant poussera à partir à l’aventure… direction la Légion.

L’intrigue de départ, ce mélange de mystère, d’aventures et d’histoire de famille, évoque furieusement le fameux Quatre hommes et une prière, tourné par John Ford l’année précédente. Mais là où Ford osait un audacieux mélange des genres, passant de la comédie au drame avec un arrière plan politique très fort, Wellman préfère un pur drame familial, sombre et sublime.

Grand cinéaste de l’aventure, Wellman est aussi un merveilleux peintre des sentiments, et particulièrement des relations masculines. Si l’historiette d’amour (entre Ray Milland et Susan Hayward) n’a que peu d’importance, ce bel amour fraternel est, lui, absolument sublime. Ce que raconte le film, c’est le passage à l’âge adulte, mais chez trois frères qui refusent de perdre leurs idéaux de jeunesse. Impossible de dire ici ce qu’est cet incendie mystérieux de la scène d’ouverture, sans gâcher le plaisir immense que procure le film. Mais cette révélation est l’un des plus beaux moments de tout le cinéma de Wellman…

Confrontés à l’adversité et aux dangers de la « vraie » aventure, l’amour de ces trois frères ne faiblira jamais. Entre eux, l’alchimie est parfaite. Et même si le nom de Gary Cooper, dans le rôle du frère aîné, apparaît au générique beaucoup plus gros que celui de ses deux « petits frères » Robert Preston et Ray Milland, la star ne vole jamais la vedette, visiblement conscient qu’il n’est qu’un élément d’un magnifique triumvira.

Cooper est grand, Wellman est immense, et son film est un chef d’oeuvre.

Wild boys of the road (id.) – de William A. Wellman – 1933

Posté : 11 octobre, 2013 @ 4:38 dans 1930-1939, BOND Ward, WELLMAN William A. | Pas de commentaires »

Wild boys of the road (id.) – de William A. Wellman – 1933 dans 1930-1939 wild-boys-of-the-road

Après Heroes for sale, Wellman continue de scruter cette Amérique de la Grande Dépression, en livrant une vision terriblement sombre de cette société en déliquescence qui ne peut pas même préserver ce qu’elle a de plus précieux : ses enfants. C’est aux milliers d’enfants livrés à eux-mêmes durant ces sombres années que Wellman s’intéresse ici : à ces gosses qui ont quitté des foyers exsangues pour tenter de trouver eux-mêmes un emploi. Mais comme le dit avec une triste résignation un officiel que l’on sent écoeuré par le sort des gamins qu’il est chargé d’expulser de la ville : « On n’a déjà pas de travail pour les adultes, alors pour les enfants… »

Le thème est fort, le film est bouleversant. Wellman raconte le destin de deux amis, Eddie et Tommy, qui voient leur vie voler en éclat lorsque leurs parents perdent leur emploi, et qui prennent la route, rencontrant des dizaines de jeunes comme eux. Ballottés d’une ville à l’autre, forcés de voyager clandestinement dans des trains de marchandises, les enfants sont victimes de la crise, voire d’un système. De quelques mauvaises rencontres aussi, notamment Ward Bond dans le rôle court mais mémorable d’un horrible surveillant des chemins de fer.

Le film est souvent extrêmement dur, à l’image de cette scène terrifiante au cours de laquelle Tommy perd une jambe, coupée par le passage d’un train. Wellman donne au film un rythme trépidant, et n’hésite pas à donner un ton volontiers léger dès qu’il le peut. Mais il y a toujours un drame, une larme, un simple regard… pour rappeler que les « héros » sont des enfants privés de leur foyer…

Il y a dans ce film une véritable bienveillance, qui ne ressemble en rien à de la mièvrerie. Au contraire, tout ça est filmé avec une pudeur bouleversante. L’accolade entre Eddie et son père est parfaitement retenue… elle n’en est que plus émouvante. Plus tard, c’est la tape amicale et résignée d’un officiel, ou les hésitations douloureuses d’un policier chargé d’expulser les enfants, ou encore le regard ému d’un juge qui refuse d’appliquer des règles déshumanisées…

Cette bienveillance ambiante n’enlève rien à la cruauté de la situation. Mais Wellman, grand cinéaste, et grand Américain, laisse allumée une lueur d’espoir, et affiche clairement sa foi en un avenir meilleur. Il signe au passage l’un des films les plus forts sur la Grande Dépression, et un nouveau chef d’œuvre.

• Le film figure dans le volume 3 de la collection Forbidden Hollywood, coffret DVD en zone 1entièrement consacré à Wellman, avec commentaire audio de William Wellman Jr. et de l’historien du cinéma Frank Thompson (sans sous-titres).

Héros à vendre (Heroes for sale) – de William A. Wellman – 1933

Posté : 30 septembre, 2013 @ 1:13 dans 1930-1939, BOND Ward, WELLMAN William A., YOUNG Loretta | Pas de commentaires »

Héros à vendre (Heroes for sale) – de William A. Wellman – 1933 dans 1930-1939 heros-a-vendre

Cette curiosité tournée alors que la Grande Dépression n’en finissait plus de plonger des Américains dans la misère est à la fois une merveille de mise en scène, et l’un des films les plus forts consacrés à cette période guère glorieuse pour les Etats-Unis. En à peine plus d’une heure, le grand Wellman aborde des thèmes aussi forts que le sort des vétérans de la Grande Guerre, la chasse aux « rouges », la misère galopante et la folie du capitalisme jusqu’au boutiste.

Wellman ne signe pas un documentaire sur l’Amérique. Son film est une vraie fiction, le destin d’un homme profondément courageux et honnête, symbole des symboles de l’Amérique, victime d’une société qui, dans la crise (que ce soit la guerre ou la dépression) perd ses repères. Dans le rôle central, Richard Barthelmess est parfait. Son physique solide, et son regard déterminé, traversent les épreuves avec une dignité qui colle parfaitement au film.

Les vingt premières minutes, dans les tranchées françaises, sont parmi les plus beaux moments consacrés à la première guerre mondiale. Lui-même vétéran de la mythique escadrille Lafayette, Wellman sait ce qu’est la réalité du champ de bataille, et cela se sent dans sa manière de filmer les combats, et ces hommes forcés d’affronter la violence. Devant sa caméra, l’acte d’héroïsme qui sert de base au film ressemble surtout à un immense gâchis humain. Il n’exalte pas le héros, pas plus qu’il ne condamne ou ne juge le lâche… On sent chez Wellman une compréhension, et même un amour sincère pour ces types que les circonstances ont menés sur le champ de bataille, quel qu’y soit leur comportement.

Après ces vingt premières minutes exceptionnelles, Wellman semble vouloir brasser trop de thèmes : les traumatismes des vétérans, les addictions à la drogue des blessés de guerre, la non-reconnaissance de la société américaine… Lorsqu’il met en scène un personnage de communiste caricatural et franchement ridicule, le sentiment de trop plein n’est pas loin. Mais ce n’est qu’une fausse piste. Le film, à travers le destin de ce vétéran trop attentif au destin de ses semblables, se recentre alors sur les dérives de l’Amérique. Wellman signe un grand film politique qui, quinze ans plus tard, l’aurait sans doute conduit devant la commission McCarthy : une ode à l’entraide, et une critique d’une grande force de ce capitalisme qui dévore les plus pauvres et enrichit les plus riches.

Trois ans avant Chaplin et ses Temps modernes, Wellman évoque déjà le sort des petits ouvriers victimes de la déshumanisation du travail. Avec moins d’humour, certes, mais avec la même tendresse, et la même honnêteté. Et le même cynisme du destin : dans les deux films, le héros est condamné à la prison parce qu’il est considéré, à tort, comme le meneur d’une manifestation.

Plus curieux, et plus dérangeant : son Amérique en crise, avec les comportements inhumains des dirigeants, donne le sentiment que le monde est au bord de la rupture. Une phrase d’un immigré allemand (« si j’étais au pouvoir, je tuerais tous les pauvres et les inutiles »), et la vision des sans-abris que l’on amasse sans ménagement dans un wagon sans fenêtre, évoquent des heures encore plus sombres que Wellman ne peut pas encore imaginer.

Héros à vendre est un chef d’œuvre cruel, émouvant, mais aussi curieusement dénué de tout pessimisme, qui irradie aussi de la présence (et de l’absence, dans la dernière partie) de Loretta Young, sublime comme toujours, qui donne une profondeur, et une vie tout simplement, à un personnage loin d’être le plus intéressant du film.

Il y a des idées de mise en scène absolument géniales dans Héros à vendre. Barthelmess qui retrouve son pote soldat sur le bateau qui les ramène aux Etats-Unis, qui lui serra la main et réalise que cette main tient la médaille qui lui était destinée à lui. En un échange de regard, tout est dit entre ces deux hommes : la honte et la culpabilité de l’un, et la compréhension de l’autre, suffisamment courageux pour affronter son destin, qui semble déjà écrit.

Pas d’apitoiement ici. Malgré les tragédies qui frappent Barthelmess (et il y a de quoi déprimer tout un régiment), le personnage garde toute sa foi en l’Amérique. Ce qui s’applique sans doute à Wellman lui-même : un cinéaste fier d’être américain, mais parfaitement conscient des horreurs dont son pays peut être capable.

• Le film figure dans le volume 3 de la collection Forbidden Hollywood, coffret DVD en zone 1entièrement consacré à Wellman, avec commentaire audio d’un historien du cinéma, John Gallagher (mais sans sous-titres).

Rose de minuit (Midnight Mary) – de William A. Wellman – 1933

Posté : 20 septembre, 2013 @ 10:35 dans 1930-1939, WELLMAN William A., YOUNG Loretta | Pas de commentaires »

Rose de minuit (Midnight Mary) – de William A. Wellman – 1933 dans 1930-1939 rose-de-minuit

Tourné quelques mois seulement après Frisco Jenny, ce Midnight Mary a visiblement pour objectif de capitaliser sur le succès du film de Wellman, en reprenant le même cinéaste, et un thème similaire. Comme Jenny, Mary est une jeune femme qui n’aspire qu’à mener une vie décente et honnête, mais qui est née du mauvais côté.

Orpheline très jeune, elle semble marquée par le destin, qui contrarie perpétuellement ses velléités à rentrer dans le rang, la renvoyant constamment auprès d’une bande de gangsters qui se considèrent comme sa véritable famille, et avec lesquels, malgré tous ses efforts, elle ne parvient pas à couper le cordon.

Ce Midnight Mary est toutefois très différent du précédent film de Wellman. Par la construction d’abord : le film commence dans un tribunal, alors qu’un jury se retire pour délibérer sur la culpabilité de la jeune femme dans une affaire de meurtre. Tandis qu’elle attend le verdict, Mary se remémore son passé, depuis sa misérable enfance jusqu’aux faits qui l’ont conduite dans ce tribunal.

Cet enchaînement de flash-backs donne un ton particulier au film. Certains épisodes sont abordés en quelques secondes, d’autres donnent lieu à de longues séquences admirablement construites… mais toutes participent au même mouvement tragique : celui du destin réservé à la jeune femme, amoureuse d’un homme trop bien né pour elle (Franchot Tone, parfait en fils gâté bourré de contradictions), et qui tente désespérément d’échapper au destin que sa naissance lui promet.

C’est Loretta Young, l’une des plus belles actrices oubliées. Ses grands yeux romantiques, son sourire de fillette insouciante, son profil de séductrice fatale, cette innocence et cette sexualité qui émanent d’elle en même temps… Tout ce qui fait qu’un film avec Loretta Young n’est pas un film comme les autres.

Dans ce rôle d’héroïne tragique, elle est constamment dans la note juste, n’en rajoutant jamais dans le mélo. Elle est à l’image du film, émouvant et digne à la fois. Wellman filme, mine de rien, une œuvre sans concession (malgré la fin) et assez osée, où les futurs amants parlent ouvertement de sexe dès leur première rencontre (sans consommer cependant). Un film, surtout, qui aborde sans faux-culterie le thème des origines sociales, et la prédisposition à la misère et au crime selon la naissance.

Ce pre-code est un nouveau bijou, gonflé, intelligent et passionnant, qui porte bien la marque de Wellman. Son style percutant, son talent de directeur d’acteur, son sens du dialogue, atteignent déjà des sommets avec ce magnifique Midnight Mary.

• Le film fait partie du troisième volume de la collection Forbidden Hollywood : un coffret de quatre DVD entièrement consacré aux films pre-code de William Wellman, édité en zone 1. En bonus pour ce film : un étrange court métrage, Goofy Movies, montage d’images muettes dont l’histoire est racontée par une voix off ; un dessin animé de cette année-là (Bosko’s Parlor Pranks), la bande annonce originale de Midnight Mary, et un commentaire audio du film par les historiens du cinéma Jeffrey Vance et Tony Maietta. Hélas, les sous-titres français, disponibles pour le film, sont inexistants pour les bonus.

Frisco Jenny (id.) – de William A. Wellman – 1932

Posté : 9 septembre, 2013 @ 11:22 dans 1930-1939, WELLMAN William A. | Pas de commentaires »

Frisco Jenny (id.) – de William A. Wellman – 1932 dans 1930-1939 frisco-jenny

Dès les premières scènes, dans un music-hall des bas-fonds de San Francisco, Wellman filme une ville grouillante de vie et de vices. De riches hommes mariés venus s’encanailler, des filles de petite vertue, des gros bras, des assassins… Et au milieu de ce fourmillement, un couple qui s’aime et rêve d’ailleurs : un pianiste talentueux mais sans grand avenir, et Jenny, la fille du patron. Mais ce dernier refuse le mariage, menace le gars, insulte sa fille… Et là, comme si Dieu lui-même venait le frapper, son établissement de perdition s’effondre sur lui, la terre s’ouvre et l’engouffre.

Nous sommes en 1906, l’année du grand tremblement de terre qui a ravagé Frisco et éradiquer sa vermine. Le grand nettoyage a été fait, il ne reste plus qu’à reconstruire et à espérer de meilleurs lendemains. C’est ainsi que s’achevait le San Francisco de W.S. Van Dyke. Mais ici, on n’est qu’au début du film. Et si la reconstruction a bel et bien lieu, si les temps changent incontestablement, les « meilleurs lendemains » ne sont pas tout à fait à la hauteur des espérances…

Devenue mère célibataire, Jenny réalise vite que la parole de Dieu ne suffira pas à les faire vivre, son fils et elle. Elle devient alors mère maquerelle, complice d’un meurtre, et doit accepter de se séparer de son fils pour lui offrir une chance d’avoir une belle vie. Les années passent, et Jenny doit se contenter de suivre la vie de son fils, qui ignore qui elle est, à travers les journaux…

Il y a dans ce très beau film la matière à plusieurs scénarios. Trente ans d’histoire de San Francisco, du tremblement de terre à la prohibition, que Wellman résume au portrait bouleversant d’une mère courage qui acceptera les pires sacrifices pour le bien-être de son fils. La dernière partie du film évoque bien sûr Madame X, mais avec nettement plus d’élégance et de retenue.

L’interprétation de Ruth Chatterton est remarquable, pour ce rôle de rêve : tour à tour fiancée éplorée, mère aimante, femme d’affaire sans scrupule. Son personnage vieillit de 30 ans au cours du film, mais ce vieillissement, à peine souligné par un léger maquillage, n’est perceptible que grâce à sa prestation, toute en nuances.

Beaucoup de films de cette époque souffrent d’un montage trop serré, pour ne pas dépasser les 70 minutes et figurer en double-programme (y compris pour des films de Wellman, comme Purchase Price). Mais ici, la rapidité du métrage, volontairement ou non de la part du cinéaste et de ses scénaristes, donnent lieu à des ellipses magnifiques qui soulignent la volonté de ce personnage hors normes.

Le volume 3 de la collection « Forbidden Hollywood », édité en zone 1 chez TCM Archives, réunit six films rares de la période pre-code de William Wellman : The Purchase Price, Other men’s women, Heroes for sale, Midnight Mary, Frisco Jenny et Wild boys of the road. En bonus, des commentaires audios d’historiens, un grand documentaire consacré à Wellman, les bandes annonces des six films, une poignée de cartoons de l’époque, et quelques épisodes d’une série de courts métrages adaptés de SS Van Dine (le « père » de Philo Vance, le héros du Mystère de la chambre close), avec Donald Meek dans le rôle du Docteur Crabtree qui, comme Philo Vance, aide la police à résoudre des meurtres impossibles. Seul bémol : les sous-titres disponibles pour le film n’existent pas pour les bonus.

The Purchase Price (id.) – de William A. Wellman – 1932

Posté : 1 septembre, 2013 @ 9:21 dans 1930-1939, STANWYCK Barbara, WELLMAN William A. | Pas de commentaires »

The Purchase Price (id.) - de William A. Wellman - 1932 dans 1930-1939 the-purchase-price

Wellman tournait beaucoup en ce début des années 30. Auréolé du triomphe de Wings, le cinéaste se voyait confier des productions prestigieuses, comme L’Ennemi public, mais aussi des films plus modestes, souvent coupés à la hache pour ne pas excéder les 70 minutes.

C’est le cas de ce Purchase Price, qui permet de retrouver la déjà grande Barbara Stanwyck en nuisette (quelqu’un a-t-il déjà vu un film de cette période dans lequel l’actrice est en grande tenue de la première à la dernière image ?). Il semble bien que le monteur y est allé franchement, coupant sans grand souci de continuité. Du coup, le film perd un peu en fluidité, et les personnages en profondeur. Difficile, en effet, de comprendre pourquoi la belle s’amourache de cet ours mal léché, ou pourquoi ce dernier fait la gueule jusqu’à la dernière scène.

Mais l’histoire est originale (une danseuse de night clubs fuit New York et part dans le fin fond du Dakota épouser un rude fermier qu’elle n’avait jamais rencontré), le ton est enlevé et bien sympathique, et surtout : le film est parsemé de fulgurances de mise en scène et de beaux moments de grâce.

Les premières minutes donnent l’impression que l’on regarde une simple comédie de mœurs, comme on en voit beaucoup à l’époque. La belle a déniché un riche héritier et pense pouvoir l’épouser pour fuir sa condition, mais tout s’écroule pour elle en pleine nuit, après une discussion dans le hall de son immeuble avec son « fiancé », qu’elle voit partir pour toujours. Et là, tous les bruits de la ville s’éteignent, les éboueurs et les femmes de ménage reprennent le travail en silence, et Barbara Stanwyck reste assise près d’eux, silencieuse. C’est simple et sans fioriture, mais ce bref moment est déchirant.

Des moments comme celui-ci, il y en a beaucoup d’autres dans The Purchase Price : une petite fille qui prend un bébé dans ses bras, Barbara Stanwyck qui hurle dans la nuit après un nouveau baiser manqué avec son mari, les époux qui se retrouvent face à face avec les bruits de la fête dans la maison, une bagarre d’une brutalité presque bestiale… Il y a de la vie et de l’émotion dans ce film produit sans grande attention, mais réalisé par un immense cinéaste particulièrement inspiré.

Le volume 3 de la collection « Forbidden Hollywood », édité en zone 1 chez TCM Archives, réunit six films rares de la période pre-code de William Wellman : The Purchase Price, Other men’s women, Heroes for sale, Midnight Mary, Frisco Jenny et Wild boys of the road. En bonus, des commentaires audios d’historiens, un grand documentaire consacré à Wellman, les bandes annonces des six films, une poignée de cartoons de l’époque, et quelques épisodes d’une série de courts métrages adaptés de SS Van Dine (le « père » de Philo Vance, le héros du Mystère de la chambre close), avec Donald Meek dans le rôle du Docteur Crabtree qui, comme Philo Vance, aide la police à résoudre des meurtres impossibles. Seul bémol : les sous-titres disponibles pour le film n’existent pas pour les bonus.

Other men’s women (id.) – de William A. Wellman – 1931

Posté : 27 août, 2013 @ 2:51 dans 1930-1939, CAGNEY James, WELLMAN William A. | Pas de commentaires »

Other men's women (id.) - de William A. Wellman - 1931 dans 1930-1939 other-mens-women

Typique de la période pre-code, cette petite production Vitaphone d’à peine plus d’une heure est basée sur des éléments que l’on retrouve dans d’innombrables films de l’époque : une jeunesse insouciante et fêtarde, des relations adultères, et les drames qui mettent soudain un terme à l’innocence.

Même avant la mise en place du code Hayes, on reste relativement sobre côté sexe, ne montrant clairement pas grand-chose de licencieux. N’empêche : il est clair que le héros, interprété par l’impeccable Grand Withers, est un queutard qui couche avec toutes celles qu’il croise lors de ses journées et de ses soirées très dissolues. Quitte à leur promettre le mariage sans y penser une seconde, ou à cocufier le premier mari venu.

Mais Bill (c’est son nom) a un principe : jamais la femme d’un ami. Sauf que Jack, l’ami qui l’héberge, a une épouse à croquer : c’est Mary Astor, dix ans avant Le Faucon maltais, avec des yeux grands comme ça et une moue enfantine qui font craquer le pauvre Bill. D’abord innocemment, dans de grands jeux plein de rires et de cris. Puis comme un vrai amour d’adulte, lorsque les rires d’enfants s’éteignent et que ces deux-là ne peuvent plus jouer à faire semblant.

C’est la plus belle scène du film. Wellman, dont la caméra virevoltait jusqu’alors autour de son couple en devenir, se fait soudain plus intime, plus grave. Et c’est magnifique.

L’histoire elle-même est assez convenue, mais le grand Wellman la transcende, en particulier dans la première moitié, menée à un rythme imparable. La fin traîne un peu en longueur, mais le cinéaste utilise parfaitement le cadre de son histoire, l’univers des cheminots. A vrai dire, lui qui a décroché le premier Oscar en filmant des avions (pour Wings) semble avant tout passionné par les trains qu’il filme ici sous tous les angles, souvent en mouvement.

Un train qui défile lentement devant un restaurant pendant que son chauffeur avale quelques œufs brouillés, un train qui fonce à toute allure vers un autre convoi, un train qui avance vers un pont sur le point de s’effondrer, un train où les amis se croisent, se parlent, se fâchent… Bien plus qu’un simple décor de film.

Les acteurs sont tous parfaits (on retrouve notamment J. Farrel MacDonald, qui fut un ouvrier du rail dans Le Cheval de fer de Ford), mais il en est qui, tout en ayant un rôle bref et peu intéressant, dévore l’image : c’est James Cagney, tout jeunôt dans l’un de ses premiers rôles. En une poignée de scènes seulement, il impose sa présence et son dynamisme, et parvient même à imposer quelques pas de danse impressionnants. La même année, il retrouvera Wellman, cette fois en tête d’affiche, pour L’Ennemi public. Ce sera l’explosion, pour lui.

Other men’s women figure dans le volume 3 de la collection « Forbidden Hollywood », édité en zone 1 chez TCM Archives. Un volume indispensable, entièrement consacré à la période pre-code de William Wellman. Au menu : six films du grand Bill (dont le Night Nurse figurait déjà dans le volume 2 de la collection) : The Purchase Price, Heroes for sale, Midnight Mary, Frisco Jenny et Wild boys of the road. En bonus, des commentaires audios d’historiens, un grand documentaire consacré à Wellman, les bandes annonces des six films, une poignée de cartoons de l’époque, et quelques épisodes d’une série de courts métrages adaptés de SS Van Dine (le « père » de Philo Vance, le héros du Mystère de la chambre close), avec Donald Meek dans le rôle du Docteur Crabtree qui, comme Philo Vance, aide la police à résoudre des meurtres impossibles. Seul bémol : les sous-titres disponibles pour le film n’existent pas pour les bonus.

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