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Archive pour la catégorie 'TAVERNIER Bertrand'

L’Horloger de Saint-Paul – de Bertrand Tavernier – 1974

Posté : 5 avril, 2014 @ 3:45 dans * Polars/noirs France, 1970-1979, d'après Simenon, TAVERNIER Bertrand | Pas de commentaires »

L’Horloger de Saint-Paul

Premier film de Bertrand Tavernier, qui tourne entièrement en décors réels dans sa ville de Lyon. Avec Pierre Bost et Jean Aurenche (à qui il rendra un bel hommage dans Laissez-passer, des années plus tard), Tavernier transpose dans la France de 1974 le roman américain de Simenon L’Horloger d’Everton. Simenon lui-même doutait de l’opportunité d’une telle adaptation. Mais Tavernier le passionné a su le convaincre. Avec raison : le film est une totale réussite.

Philippe Noiret, déjà tête d’affiche pour celui qui allait devenir son réalisateur de prédilection, interprète un horloger sans histoire qui mène une vie simple et sans histoire, jusqu’au jour où il apprend que son fils, qu’il a élevé seul après le départ de sa femme, est recherché pour avoir tué un patron pourri. Alors que la police enquête, lui tente de comprendre un fils qui s’est éloigné de lui au fil des années…

Noiret est bouleversant dans le rôle de ce père totalement paumé qui assiste, impuissant, à la déroute d’un fils inconnu mais qu’il aime par-dessus tout. Un fils auquel il s’ouvre de plus en plus, devenant celui que la bonne société ne comprend plus. Symbole de cet ordre établi, Jean Rochefort est lui aussi excellent, en particulier lors de ses moments de trouble, face à ce père du suspect dont il ne comprend plus les réactions paternelles. Ses face-à-face avec Noiret sont de purs plaisirs de cinéma.

La grande force du film est d’avoir su imbriquer à ce point l’intimité de cette relation père-fils pleine de non-dits, et une critique violente et sans concession d’une France embourgeoisée qui préfère ses voitures à sa jeunesse. Le dialogue final entre Noiret et son pote Antoine (excellent Julien Bertheau), émouvant et particulièrement fort, vient crever ce sentiment d’étouffement qui pèse depuis l’irruption de la police, au début du film.

L’Horloger de Saint-Paul a obtenu le prix Louis Delluc. Amplement mérité.

Quai d’Orsay – de Bertrand Tavernier – 2013

Posté : 28 novembre, 2013 @ 1:13 dans 2010-2019, TAVERNIER Bertrand | Pas de commentaires »

Quai d'Orsay

Thierry Lhermitte en ministre des Affaires étrangères inspiré de Villepin, personnage un peu grotesque et caricatural, vieux beau qui brasse de l’air au point de provoquer des tornades dès qu’il ouvre une porte… La première impression est pour le moins mitigée : l’humour est un peu lourd et franchement pas très drôle.

Mais rapidement, il se passe quelque chose d’assez magique : Tavernier réussit à imposer une atmosphère, une ambiance, et un ton. Au final, sa première vraie comédie (depuis Que la fête commence en tout cas) est une bulle de légèreté qui trouve l’équilibre parfait entre le comique et l’intelligence. Ses personnages sont grotesques ? Ils gagnent vraiment à être connus, et révèlent une profondeur et une aura qu’on ne leur soupçonnait pas.

Lhermitte en premier, double pour de rire mais génial de Villepin, qui trouve son meilleur rôle depuis dix ans. Et rappelle en passant que sa carrière est quand même majoritairement un vaste gâchis : bien dirigé, l’ex-Splendid est un comédien formidable, capable d’incarner le privé cynique et tragique d’Une affaire privée, aussi bien que de donner une vraie dimension à cette curieuse bête politique.

Tavernier est toujours impeccable quand il s’agit de diriger des comédiens. Autour de Lhermitte et de Raphaël Personnaz, les seconds rôles sont épatants, à commencer par Niels Arestrup, en éminence grise d’un calme absolu, qui gère les plus grandes crises, pique des micro-siestes, et s’amuse des manies de son ministre de patron.

Adapté d’une bande dessinée à succès, le film part du fameux discours de Villepin à l’ONU, sommet de sa carrière et de sa gloire dont le scénario fait le point de mire de toute cette histoire. Ce Villepin d’opérette au nom impossible (Alexandre Taillard de Worms) n’est que le symbole visible du ministère des Affaires étrangères, étrange jungle où se côtoient conseillers, directeur et chef de cabinet, et des dizaines de personnes qui se renvoient la balle à longueur de journée. Une sorte de dédale kafakaesque absurde et incompréhensible, que le héros, jeune homme plein de talent engagé pour « s’occuper du langage », découvre ce fourmillement avec un regard d’abord incrédule.

La force du film est d’adopter le point de vue de ce néophyte de l’ombre. Pas strictement en le mettant constamment au centre de l’action (le ministre interprété par Lhermitte est le vrai cœur de l’histoire), mais en variant le ton du film au fur et à mesure qu’Arthur trouve ses marques dans ce microcosme étonnant.

Le résultat est un film léger et intelligent, qui joue habilement avec l’image que l’on a de la politique et de l’incompétence présumée de ceux qui nous dirigent, avec ce que l’on sait de Villepin et de son expérience au quai d’Orsay, et avec les codes de la bande dessinée. Assez brillant, en fait.

La Princesse de Montpensier – de Bertrand Tavernier – 2010

Posté : 7 novembre, 2013 @ 10:44 dans 2010-2019, TAVERNIER Bertrand | Pas de commentaires »

La Princesse de Montpensier – de Bertrand Tavernier – 2010 dans 2010-2019 la-princesse-de-montpensier

Entre son précédent film (le sublime Dans la brume électrique), adaptation de James Lee Burke, et celui-ci, adaptation de Madame de Lafayette, Tavernier semble faire le grand écart. Mais il y a un trait commun entre ces deux films : la passion du cinéaste pour le cinéma de genre. Amoureux du cinéma américain, le Français a trouvé son Ouest sauvage à lui dans le film en costume, genre en soi auquel il revient régulièrement, l’équivalent pour le vieux continent de la conquête de l’Ouest.

Avec cette  histoire d’une jeune femme avide d’amour et de liberté, Tavernier signe l’un de ces portraits de femmes en rupture avec leur époque qui habitent sa filmographie. C’est le destin de Mlle Mézières (Mélanie Thierry, formidable), contrainte d’épouse le prince de Montpensier (Grégoire Leprince-Ringuet, émouvant et troublant) mais amoureuse du Duc de Guise (fougueux Gaspard Ulliel). Un triangle amoureux qui se déroule dans une France tiraillée par les guerres religieuses.

La reconstitution d’époque est superbe. Pourtant, le film est très intime, avec des personnages qui comptent plus que tout. Tout sonne constamment juste, les pierres ne font pas toc, la langue a des accents désuets mais est portée par de grands comédiens. Colères, jalousie, double jeu… ce sont les alcôves de la Cour que Tavernier présente avec un certain cynisme. Pas besoin de grands moyens pour faire ressentir l’esprit de l’époque. Ainsi, la séquence du massacre de la Saint-Barthélémy est étonnamment modeste. Une poignée de figurants seulement, deux ou trois ruelles, mais un sentiment de violence et d’absurdité imparables.

Aux fastes de la reconstitution, Tavernier privilégie les destins personnels, secoués par l’Histoire et par l’époque. Cette princesse de Montpensier est un personnage taillé pour le cinéaste, le pendant tragique de la fille de D’Artagnan : une féministe avant l’heure, qui tout en jouant la partition qu’on attend d’elle (elle épouse un homme qu’elle n’a pas choisit, et essaye honnêtement de tenir sa place d’épouse obéissante), ne peut accepter de brader sa liberté. Une amoureuse qui préfère se sacrifier plutôt que de se vendre…

Grand directeur d’acteurs (ce n’est pas une nouveauté), Tavernier offre aussi l’un de ses meilleurs rôles à Lambert Wilson, exceptionnel et charismatique comme jamais en « sage » hanté par la violence de l’époque, à laquelle il a lui-même participé longuement avant de prendre conscience de l’absurdité d’une guerre religieuse aveugle.

C’est la guerre en tant que principe de société que le film dénonce. Avec une force d’autant plus grande que cette guerre, les oppositions des différents clans, les logiques politiques, restent très abstraits. Les combats, magnifiquement filmés et d’une brutalité qui fait mal, soulignent un peu plus l’absurdité de la guerre.

Dans la brume électrique (In the Electric Mist) – de Bertrand Tavernier – 2008

Posté : 20 janvier, 2012 @ 10:19 dans * Thrillers US (1980-…), 2000-2009, TAVERNIER Bertrand | Pas de commentaires »

Dans la brume électrique (In the Electric Mist) – de Bertrand Tavernier – 2008 dans * Thrillers US (1980-…) dans-la-brume-electrique

Entre Bertrand Tavernier et l’Amérique, ça a toujours été une grande histoire d’amour. En tant que cinéphile, sa connaissance du cinéma américain est l’une des plus pointues qui soit (voir son blog passionnant, ou ses fascinantes rencontres avec quelques cinéastes réunies dans Amis Américains, un pavé de quelques milliers de pages à posséder absolument). Derrière la caméra, le cinéaste avait déjà rendu un bel hommage au jazz avec Autour de Minuit, et réussit une très belle adaptation d’un classique du roman noir américain avec Coup de torchon (où il transposait l’action du 1275 âmes de Jim Thompson dans l’Afrique coloniale, tout en en gardant intact l’esprit). Avec Dans la brume électrique, Tavernier va au bout de son rêve américain en adaptant de nouveau un classique du roman noir : un polar génial de James Lee Burke (Dans la brume électrique avec les soldats confédérés) mettant en scène son personnage fétiche.

Avec Tommy Lee Jones, Tavernier trouve le Dave Robichaux idéal. Ce flic humaniste, trimballant sa profonde tristesse et un regard abîmé par toutes les saloperies dont il a été témoin. Difficile d’imaginer un autre que lui incarner le héros de Burke. Jones est un grand acteur, on le sait depuis longtemps, mais ce rôle-là est l’aboutissement de tous les autres. Sa gueule cabossée fait merveille dans ce polar qui respecte toutes les règles du genre (une enquête bien menée, des fusillades, un suspense bien entretenu, de soudains accès de violence…) tout en s’en moquant allégrement.

Tavernier signe un film profondément américain, un magnifique cri d’amour à La Nouvelle Orléans de l’après-Katherina, ville envoûtante et inquiétante, havre d’une paix fragile construite sur les fantômes des horreurs passés. Robichaux est l’incarnation de cette complexité : un « faiseur de paix » hanté par le souvenir d’un lynchage de noir auquel il a assisté lorsqu’il était gamin, et dont la victime réapparaît presque par miracle quarante ans plus tard ; un homme conscient du mal et de la douleur qui servent de racine à cette ville, à ce pays.
Ce n’est pas un hasard si le film donne la part belle aux soldats confédérés qui ont disparu du titre pour l’adaptation ciné, mais qui sont bien présents à l’écran. Les « rencontres » de Dave Robichaux et de ces fantômes qui hantent les marais où ils sont morts deux siècles plus tôt, donnent à ce faux polar une profondeur mystique, et un curieux sentiment de paix profonde. A chaque spectateur d’en faire ce qu’il veut, bien sûr…

Ces fantômes représentent-ils le profond lien de Robichaux avec cette terre et son histoire ? Symbolisent-ils la folie qui le guette après des années à ramasser des cadavres ? Lui-même se pose visiblement la question. Tiraillé entre le désespoir et l’apaisement, il est bouleversant. C’est aussi ce tiraillement constant qui fait du film une œuvre aussi unique, et aussi envoûtante.

Les seconds rôles sont également absolument tous formidables (John Goodman et la trop rare Mary Steenburgen en tête). Avec ce premier vrai film américain, le plus américanophile de nos réalisateurs français signe un vrai chef d’œuvre, sans doute son plus beau film. Curieusement, il enchaînera avec un film radicalement différent et profondément français : La Princesse de Montpensier.

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