L’Horloger de Saint-Paul – de Bertrand Tavernier – 1974
Premier film de Bertrand Tavernier, qui tourne entièrement en décors réels dans sa ville de Lyon. Avec Pierre Bost et Jean Aurenche (à qui il rendra un bel hommage dans Laissez-passer, des années plus tard), Tavernier transpose dans la France de 1974 le roman américain de Simenon L’Horloger d’Everton. Simenon lui-même doutait de l’opportunité d’une telle adaptation. Mais Tavernier le passionné a su le convaincre. Avec raison : le film est une totale réussite.
Philippe Noiret, déjà tête d’affiche pour celui qui allait devenir son réalisateur de prédilection, interprète un horloger sans histoire qui mène une vie simple et sans histoire, jusqu’au jour où il apprend que son fils, qu’il a élevé seul après le départ de sa femme, est recherché pour avoir tué un patron pourri. Alors que la police enquête, lui tente de comprendre un fils qui s’est éloigné de lui au fil des années…
Noiret est bouleversant dans le rôle de ce père totalement paumé qui assiste, impuissant, à la déroute d’un fils inconnu mais qu’il aime par-dessus tout. Un fils auquel il s’ouvre de plus en plus, devenant celui que la bonne société ne comprend plus. Symbole de cet ordre établi, Jean Rochefort est lui aussi excellent, en particulier lors de ses moments de trouble, face à ce père du suspect dont il ne comprend plus les réactions paternelles. Ses face-à-face avec Noiret sont de purs plaisirs de cinéma.
La grande force du film est d’avoir su imbriquer à ce point l’intimité de cette relation père-fils pleine de non-dits, et une critique violente et sans concession d’une France embourgeoisée qui préfère ses voitures à sa jeunesse. Le dialogue final entre Noiret et son pote Antoine (excellent Julien Bertheau), émouvant et particulièrement fort, vient crever ce sentiment d’étouffement qui pèse depuis l’irruption de la police, au début du film.
L’Horloger de Saint-Paul a obtenu le prix Louis Delluc. Amplement mérité.